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Exposition "Bons Baisers de Paris, par Léon Zeytline
(1885-1962)" (Musée Fournaise, Chatou, Yvelines, France)
Heure locale


Mardi 8 août 2017

 

Alors que j'écoutais Radio Courtoisie lors de l'un de mes nombreux déplacements à l'étranger, je notais la tenue d'une exposition passionnante sur l'oeuvre du peintre russe Léon Zeytline. Je dois vous avouer que j'ignorais jusqu'à aujourd'hui l'existence de cet artiste qui gagne pourtant à être connu.

Cette exposition a vu le jour sur l'heureuse initiative du Musée Fournaise situé à Chatou (78) et mené de main de maitre par son conservateur Anne Galloyer. Le Musée Fournaise a ainsi trouvé refuge dans le restaurant Fournaise, lui-même ayant élu domicile à l'intérieur de la maison du même nom qui fut longtemps le domicile de la famille d'Alphonse Fournaise. Ce monsieur, charpentier de son état, viendra y installer son atelier au milieu du XIX ème siècle, alors que le canotage attirait déjà les parisiens sur les rives de Chatou. Alors qu'Alphonse s’affairera très vite à l'organisation de fêtes nautiques, son épouse, elle, s'efforcera de combler ses convives à coup de mets de choix en s'activant derrière ses fourneaux. Ainsi naitra le restaurant qui existe d'ailleurs toujours aujourd'hui. De leur côté, les enfants du couple participeront activement à ce qui deviendra une entreprise familiale : Alphonse fils se chargera de la location et de l'entretien des embarcations, aidant aussi les dames de l'époque à embarquer, tandis qu'Alphonsine deviendra très vite un modèle choyé des peintres attirés par les paysages bucoliques de l'endroit. Parmi ces artistes, on trouvera Auguste Renoir, Claude Monet, Edouard Manet, Alfred Sisley, Berte Morisot, Camille Pissaro, Maupassant... qui viendront flâner sur cette ile des Impressionnistes pour y trouver l'inspiration au son des canots de la Seine. La première ligne de chemin de fer qui sera construite à Chatou en 1837 contribuera beaucoup à l'essor rapide du canotage et des promenades dans l'ile. Flairant la bonne affaire, et étant lui-même issu d'une famille de mariniers, Alphonse Fournaise fera l'acquisition d'une modeste maison vingt ans plus tard et se lancera dans les activités que l'on connait. Il procèdera aussi à plusieurs constructions annexes jusqu'en 1877, construisant des canots pour les louer ensuite.

 

La Maison Fournaise deviendra ainsi le lieu de rencontres conviviales pour gens de lettres, peintres, et personnalités du monde de la politique et de la finance. Auguste Renoir y peindra trente chefs d'oeuvres dont le célèbre déjeuner des canotiers. La mode du canotage sera supplantée par la bicyclette à la fin du XIXème et le déclin de la clientèle entrainera la fermeture du restaurant en 1905. Alphonsine, la fille de la maison décèdera en 1937 et la maison, bientôt divisée en treize appartements sera louée avant de tomber rapidement en ruine. Il faudra plusieurs décennies avant que la ville de Chatou ne se porte acquéreur de l'endroit, en 1979, et la rénove de fond en comble (entre 1984 et 1990), au point de faire inscrire ses façades à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques dès 1982. Cette restauration permit d'ailleurs de (re)mettre à jour de magnifiques fresques anonymes mettant en scène sur un ton humoristique des personnages influents de l'époque. De son côté, l'exploitation du restaurant reprit en 1990 et la partie ouest de la maison Fournaise d'abriter depuis 1992 le musée du même nom. Créer un musée était une chose, mais acquérir des collections en fut une autre. L'association des Amis de la maison Fournaise sera alors créée afin de permettre l'acquisition de toiles au fil du temps, permettant ainsi de cultiver la mémoire du lieu, en offrant au public de découvrir de très belles copies d'oeuvres de peintres peu connus mais à l'immense talent, peintres surnommés les petits maitres des bords de Seine. Une règle essentielle pour l'acquisition de tableaux : la représentation des scènes de vie de Chatou. Ainsi l'association achètera t-elle des œuvres de Gustave Maincent, dont, plus récemment, un de ses tableaux représentant deux bateaux. Pour information, une conférence sur ce peintre méconnu aura d'ailleurs lieu au musée le 13 octobre prochain.

 

Le musée Fournaise présente ainsi au public une collection Beaux-arts, en alternance avec une exposition temporaire, insistant à chaque fois sur la présentation pédagogique de chaque oeuvre. Ces œuvres concernent des peintres comme André Derain, Ferdinand Heilbuth, Charles Camoin et les petits maitres des bords de Seine cités plus haut, des gravures et une sculpture d'Auguste Renoir, des lettres de Guy de Maupassant rédigées du temps du canotage et des peintres impressionnistes. On trouve également des collections d'autres gravures et de lithographies, des petits journaux, des cartes postales et des partitions de musique autour de l'histoire du canotage sur les bords de Seine, et des céramiques d'André Metthey et de Maurice de Vlaminck.

En 2011, le musée reçut aussi en donation la collection de l'association Sequana comprenant 34 bateaux dédiés à la pratique de la plaisance sur la Seine. Unique en France, cette collection comprend yoles, canoës, triplettes, périssoires, youyous, hirondelles et monotypes. Egalement visible, un bateau à vapeur. Ces embarcations sont toutes conservées à la Gare d'Eau, un lieu traditionnel de garage des bateaux au XIX ème siècle, et sont mises à l'eau lors des Journées du Patrimoine, ou pour participer à des rassemblements nautiques ou à des festivals.

 

L'exposition temporaire qui nous intéresse cette fois s'intitule « Bons Baisers de Paris » et est visible au musée Fournaise jusqu'au 5 novembre 2017. Cet événement intéressera tous les amoureux de Paris et plus généralement de la peinture, des premières automobiles et de la mode. Soixante-trois œuvres sont ainsi présentées, des œuvres ensoleillées célébrant l'élégance de la vie parisienne sur les grands boulevards et aux terrasses des cafés chics, à la Belle Epoque et durant les Années folles.

La folie de Pigalle et son Moulin Rouge, sans oublier les quartiers pittoresques et les monuments de la capitale inspirent alors Léon Zeytline, peintre post-impressionniste d'origine russe, auteur de plus de 500 scènes parisiennes. Cet homme méconnu le fut sans doute par sa vie simple et sans histoires : Né à Paris en 1882, de parents russes, Léon Zeytline perdra son père à l'âge de quatre ans. Sa mère décidera alors de retourner en Crimée et c'est là-bas que le petit garçon se découvrira un don pour le dessin, fréquentant plus tard l'école des Beaux-Arts de Moscou. Notre homme voyagera dans les Pays baltes, puis à Paris, qu'il visitera juste après l'Exposition Universelle, en 1906. Une fois sur place, il s'installera et vivra de ses illustrations et de ses peintures décrivant des scènes parisiennes. La première guerre mondiale approche à grands pas et Léon Zeytline descendra alors dans les tranchées pour y dessiner les scènes poignantes de la vie des soldats, des croquis qui paraitront dans les gazettes de l'époque. A l'issue de ce conflit, notre homme se reconvertira dans l'illustration de scènes frivoles dans la Paris d'après-guerre. Il rencontrera bientôt une certaine Mademoiselle Biche, et s'échappera avec elle en Alsace quarante ans durant, tout en continuant à peindre des scènes parisiennes et des marines.

Les peintures exposées au musée sont des huiles, des gouaches et des aquarelles, des œuvres à la fois différentes, lumineuses et joyeuses. Et de découvrir alors dans le détail de chaque tableau le Paris d'antan, à travers cinq thèmes : l'Exposition universelle, l'Opéra, les grands magasins, les terrasses de cafés et les moyens de transport. Et les pinceaux de Léon Zeytline de reconstruire les monuments parisiens, avec sa peinture épaisse et généreuse basée sur un dessin solide et précis pour, par exemple, bâtir les longues perspectives haussmanniennes. Comme les cartes postales ou les gravures de journaux, ses tableaux célèbrent la modernité du XX ème siècle balbutiant, à travers les calèches côtoyant les premiers tramways et autobus. On s'amusera au passage des premières réclames sur les colonnes Morris et des nouvelles entrées du Métropolitain dans le style Art nouveau. Les garçons de café, eux, portent déjà leur veston noir et leur tablier blanc, tandis que les hommes arborent des canotiers comme les vedettes du music-hall. Dans le même temps, les Parisiennes prennent manifestement un grand plaisir à se promener dans un souffle nouveau de liberté, et on retrouve ces dames sur des scènes des cabarets, ou bien accoudées au comptoir d'un café-concert. Le champagne pétille alors dans les flûtes et participe au Paris joyeux si bien dépeint par Léon Zeytline.

 

Le parcours de l'exposition débute par un tableau représentant une Tour Eiffel tronquée, avec gros plan sur sa partie basse. On observe ainsi une foule de promeneurs étonnamment en mouvement, fort élégants, et passant à proximité près des pavillons de l'Exposition universelle. Un peu loin loin, on découvre une superbe peinture de l'Opéra montrant le célèbre bâtiment cerné par l'avenue et formant une scène de théâtre. Le peintre a manifestement posé son chevalet en hauteur et domine l'endroit, ce qui ne l'empêchera pas de reconstituer les personnages avec force détails. Le visiteur découvre ensuite quatre œuvres consacrées aux terrasses de cafés, des peintures non datées mais dont on peut dire qu'elles ont été peintes à des époques différentes, avec d'un côté, des terrasses de café de jour affichant ses femmes élégantes et ses garçons aux canotiers, et de l'autre, les cafés-concerts et les salles de spectacles. Les grands magasins ne sont pas en reste avec, entre autres, une représentation du grand magasin Le Printemps à l'architecture si impressionnante. Il faut dire que la chose était alors nouvelle et que les architectes rivalisaient d'ingéniosité dans le choix des escaliers ou des vitraux de ces nouveaux temples de la consommation devenus très vite des sites touristiques. Les moyens de transport forment une autre facette de l'exposition avec des œuvres montrant un tramway électrique ou les taxis Renault au bois de Boulogne. Léon Zeytline se veut alors l'ambassadeur d'une ère nouvelle avec ses tramways à vapeur, l'arrivée du métro et les premiers trottoirs roulants. Les peintures consacrées à ce thème fourmillent de détails étonnants.

Pour terminer ce tour d'horizon, arrêtons-nous quelques instants devant l'oeuvre du Moulin Rouge, tableau rare et précieux, qui représente le lieu mythique à son ouverture en 1889, avec ses façades de style Art nouveau depuis disparues dans le gigantesque incendie de 1915. Cette peinture, là encore, surprend par la magnificence des décors et le sens du détail de l'artiste. Autre peinture remarquable : Billet doux, qui dépeint une scène de cabaret durant les Années folles, avec un cadrage resserré sur les danseuses aux paillettes. Tout un programme !

 

INFOS PRATIQUES :

  • Musée Fournaise, Ile des Impressionnistes, 3 rue du Bac à Chatou(78). Tél : 01 34 80 63 22 (réservations). Pour s'y rendre: RER A, descendre à la gare de Rueil-Malmaison, puis marcher 10 mn. En voiture, programmer « Rue du Bac » sur son GPS. Ouvert du mercredi au vendredi de 10h00 à 12h30 et de 14h00 à 18h00 (17h30, de janvier à mars), et le samedi et dimanche de 11h00 à 18h00. Musée fermé en avril, novembre et décembre. Visite guidée tous les dimanches à 15h00 (tarif : 6€) Site internet: http://www.musee-fournaise.com/
  • Association des Amis de la maison Fournaise, 1 avenue Ernest Bousson, à Chatou (78). Tél : 06 85 11 85 59. Site internet :http://www.amisfournaisechatou.com/

  • Maison Fournaise, Ile des Impressionnistes, 3 rue du Bac, à Chatou (78). Tél : 01 30 71 41 91. Restaurant ouvert toute l'année, sept jours sur sept, midi et soir (fermeture le dimanche soir en période d'hiver). Menu du jour à 33,50€ et autres formules disponibles. Site internet : http://www.restaurant-fournaise.fr/



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