Dimanche 12 novembre 2017
Grimpons aujourd'hui vers les grands sommets les plus élevés de Madère. Comme nous l'avons vu lors d'un précédent article, l'île, d'origine volcanique, ne s'est pas formée du jour au lendemain. Après la formation principale initiée par les volcans, il y eut une longue période d'accalmie au cours de laquelle les torrents et les pluies ont façonné les flancs poreux du volcan puis creusé de profondes vallées pour se frayer un chemin jusqu'à la mer. Les vallées les plus anciennes de Madère se trouvent ainsi sur le versant nord de l'île. D'après les spécialistes, les dernières éruptions auraient eu lieu entre 120 000 et 6000 ans avant notre ère à Sao Vicente, sur le haut plateau de Paul da Serra et à Funchal. Quant aux collines qui ponctuent les quartiers ouest de la capitale (pics de Cruz, Sao Martinho et Barcelos), ils sont autant de cônes volcaniques remontant à cette période. Rassurons-nous : aujourd'hui, à part quelques rares échappées de gaz chauds localisées du côté de Faja da Ama (flanc nord de Paul da Serra), le volcan est inactif, mais pour combien de temps ?

On a à ce jour identifié jusqu'à dix micro-climats sur Madère. La cordillère centrale qui s'étire d'est en ouest oppose franchement les versants nord et sud de l'île. Le nord est soumis aux vents dominants, est plus humide, moins ensoleillé et plus brumeux. Des nuages se forment ainsi le matin à une altitude située entre 400 et 1600 mètres, puis finissent par franchir la cordillère pour venir rafraichir le versant sud. Sur le terrain, le climat madérien, souvent qualifié de climat subtropical océanique, varie d'un lieu à l'autre. Et dépend pour beaucoup de l'altitude, de l'exposition, de la brise (l'embate le matin, et le terral le soir) et bien sûr, du leste, ce vent en provenance du Sahara qui fait monter la température et diminue l'humidité de l'air. Côté sud, le temps est plus doux, peu pluvieux et ensoleillé, tout particulièrement sur le littoral. Bref, mieux vaut partir avec des vêtements chauds sous le bras quand on va faire un tour en montagne.
La version alpestre de Madère n'est pas une légende, et il existe bien une cordillère de pitons rocheux qui émergent des nuages et des nids d'aigle parfois enneigés, dominant d'impressionnants ravins. J'emprunterai donc ce matin la route ER 103 qui relie Funchal à Faial, pour arriver bientôt au col du Poiso (1400 mètres d'altitude) d'où part une route panoramique (la ER 102) qui me mènera au cœur de la zone des grands pics. C'est dans cette zone qu'eurent lieu les plus grandes éruptions volcaniques.
A 4,5 km du col du Poiso se trouve la Maison d'accueil du parc écologique, malheureusement fermée le weekend. La route ER 102 monte aussi à l'assaut du pico do Arieiro en laissant sur sa gauche, à 1650 mètres de haut, une sorte d'igloo en basalte (en photo ci-dessous), appelé le Poço da Neve (puits de neige), un puits de huit mètres de profondeur dans lequel on stockait autrefois (et bien avant l'arrivée du réfrigérateur!) la neige qui tombait en hiver sur le massif. D'autres glacières étaient ainsi aménagées en d'autres endroits de l'île mais celle-ci, bâtie en 1813, est la seule qui ait survécu. La glace ainsi formée était alors transportée de nuit à dos d'homme et bien emballée dans des sacs en cuir recouverts de paille, pour être livrée aux hôtels de Funchal et aux marchands de sorbets. Incroyable, non ?

Les randonneurs trouveront en contrebas de ce puits de neige deux parcours fléchés, créés par la municipalité de Funchal, au cœur du parc écologique lui-même ouvert en 1994 pour y réintroduire des arbres de la forêt primaire. Le premier parcours longe la levada do Barreiro, et le second suit le caminho do Burro.
Le Pic do Arieiro, lui, se situe à 1816 mètres d'altitude et est le troisième sommet de Madère. L'endroit est grandiose et la lande frissonne sous le vent. Les nuages se sont dispersés à temps et le soleil fait des apparitions accompagné de ciel bleu. C'est alors un panorama à 360° qui s'offre à nos yeux, avec notamment une vue plongeante sur Curral das Freiras à l'ouest. A droite du pic se profile le sommet déchiqueté des grands pics, avec le Pico das Torres, qui masque presque le Pico Ruivo (surnommé le pic Roux et situé à 1861 mètres d'altitude), point culminant de l'île. Au nord, on aperçoit le rocher de l'aigle. Il est par contre dommage que ces informations ne soient pas disponibles sur place pour les visiteurs. Un panneau existe bien mais la carte a été depuis le temps brûlée par le soleil. Seules quelques boutiques de souvenirs, des toilettes payantes (0,50€) et la station radar de l'armée de l'air portugaise occupent la place.

Je rebrousse chemin pour passer de la route ER 202 à la ER 103 et me rendre jusqu'au Ribeiro Frio (le ruisseau froid). Ce cours d'eau alimente un élevage de truites (ci-dessous) et beaucoup de touristes y font une halte, d'autant plus que derrière le Victor's Bar se trouve un parcours forestier jalonné de cèdres de Madère et d'arbres à muguet. A condition d'avoir le temps nécessaire, c'est à dire une petite heure, on peut emprunter le PR 11, une piste très facile qui mène à un belvédère, Miradouro dos Balcoes (à 920 mètres d'altitude). Le terrain étant tout à fait praticable avec des chaussures normales, je me lance et mettrai une vingtaine de minutes seulement pour atteindre le belvédère. Le sentier PR 11 est longé par une levada sur une bonne partie du trajet, ce qui rend la balade encore plus rafraichissante. La vue sur place est imprenable sur les versants boisés des grands pics : de gauche à droite, on aperçoit le Pico do Arieiro, le Pico das Torres et le Pico Ruivo.


Toujours par la ER 103, je rejoins maintenant Faial, et son rocher de l'aigle (en photo ci-dessous) qui lui sert de toile de fond. Dans les années 1950, une famille vivait encore sur ce sommet rocheux. A condition d'en avoir le courage, il est possible d'emprunter le raidillon au départ de Penha de Aguia de Baixo, avec 440 mètres de dénivelé certes, mais à l'arrivée, vous profiterez d'un un panorama extraordinaire. On peut alors distinguer la vallée de Faja da Nogueira et la petite chapelle Nossa Senhora da Penha qui, à l'origine, servit de mosquée aux esclaves de Faial...tout un programme ! Je m'arrête déjeuner à la Casa de Cha do Faial (deuxième photo) Des tables sont d'ailleurs magnifiquement dressées à l'intérieur de la salle. Qu'à cela ne tienne, je m'installerai dans le jardin, et à l'abri du vent pour déguster un copieux plat chaud composé de poisson et garni de légumes.
J'arriverai trop tard pour visiter l'église de Faial, mais un monsieur me présente le prêtre de la paroisse qui passait par là. Nous discutons ensemble quelques instants, mon interlocuteur maitrisant bien la langue de Molière. Et les portes de l'église de s'ouvrir pour moi. L'édifice actuel date d'une cinquantaine d'années seulement et fut bâtie sur les restes de l'ancienne église dévastée par un incendie.



INFOS PRATIQUES :
- Prévoir des vêtements chauds pour cette sortie en montagne
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Le Puits de neige se trouve à 4,5 km du col de Poiso sur la route ER 202.
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Maison d'accueil du Parc écologique, Ribeira das Cales 259, ouverte du lundi au vendredi de 9h00 à 17h30. Tél:+351 291 784 700
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Le Pico do Arieiro se trouve à 2 km du puits de neige par la ER 202. Aucune information n'est disponible sur place concernant les pics observés. C'est regrettable !
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Le Ribeiro Frio, se trouve à 4,5 km du col de Poiso, par la ER 103. Mieux vaut se garer avant le hameau car il y a affluence surtout le weekend. Le Victor's Bar fait face à l'arrêt de bus et est ouvert de 9h00 à 18h00. Tél:+351 291 575 898.
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Faial se trouve à 11 km de Ribeiro Frio, sur la ER 103.
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L'église de Faial est ouverte le dimanche de 9h00 à midi et le vendredi de 17h30 à 19h00.
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Casa de Cha do Faial, maison rose le long de la ER 103 à Lombo de Baixo, à 1,5 km de Faial. Ouverte tous les jours de 9h00 à 21h00 (22h00 en été). Tél:+351 291 572 223. Cuisine délicieuse et généreuse. Site internet : http://www.casadechadofaial@sapo.pt