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Exposition "Native Lands: Indians and Georgia"
(Atlanta History Center, Atlanta, Géorgie, Etats-Unis)
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Mercredi 3 Janvier 2018

 

Mon premier vol de 2018 me conduit à Atlanta, capitale de l'Etat de Géorgie (Etats-Unis), endroit que j'ai déjà eu le plaisir de visiter à plusieurs reprises. Vous me connaissez, chaque escale appelle une pause culturelle et c'est pourquoi j'ai décidé de me rendre aujourd'hui à l'Atlanta History Center pour partir à la découverte de l'exposition « Native Lands : Indians and Georgia », que l'on pourrait traduire par Indiens, fils de Géorgie. Cette exposition, qui se tient ici jusqu'au 31 décembre prochain, nous apprend ce qu'il y avait en Géorgie avant l'arrivée des Européens, à travers une immersion dans le monde artistique, musical et culturel des tribus indiennes des Creek et des Cherokees avant 1830, jadis principaux occupants de cette terre. C'est l'histoire, mais aussi les anecdotes de ces peuples originels qui puisent leurs racines dans les populations du Mississipi et leurs descendants. Ces peuples originels étaient constitués par les Yamacraw, les Creek, les Cherokee, les Yuchi et d'autres groupes qui s'étaient établis des plaines jusqu'aux régions montagneuses , des terres qui formaient alors l'essentiel de leurs ressources et qui ne laissaient pas de place à la propriété individuelle. D'ou le traumatisme vécu par ces populations lors de l'arrivée des Européens, lesquels privilégiaient l'individualisme plutôt que le communautarisme. Des identités différentes qui s'affronteront, ce qui conduira les Indiens à être expulsés de leurs terres pour être poussés jusqu'au Mississippi.

 

La Géorgie possède une longue et riche histoire, qui fut témoin d'un conflit entre l'Espagne et l'Angleterre dès 1670, alors que les Britanniques fondaient la colonie de la Caroline (l'actuelle Caroline du Sud). Un siècle auparavant, les Huguenots avaient déjà tenté de créer une colonie similaire en Floride française, tandis que les Espagnols avaient fondé les provinces missionnaires de Guale et Mocama sur la littoral voisin, cette côte géorgienne alors occupée par les Amérindiens jusqu'à la Guerre des Yamasse qui ouvrira l'horizon aux Britanniques. Cette guerre qui eut lieu entre 1715 et 1717, mettra en présence les habitants de la Caroline et les indiens et débouchera sur une première émigration vers la Géorgie encore déserte. Ce conflit opposera donc les colons britanniques à différentes tribus amérindiennes dont les Yamasse, les Apalaches et les Cherokees. Et 1733 verra la construction du fort de Savannah pour plus d'une centaine de colons anglais, afin de servir de glacis entre la Caroline et les forts français et espagnols situés plus au sud.

 

Selon une tradition orale, les Cherokees seraient descendus vers le sud depuis la région des Grands Lacs, où l'on retrouvera plusieurs peuples iroquois. D'autres prétendraient au contraire que cette tribu serait originaire du sud-est des Etats-Unis. Une tribu cherokee qui appartenait aux « Cinq tribus civilisées » désignant à l'époque les cinq nations d'Amérindiens considérées comme civilisées par la société blanche, car ayant adopté de nombreuses coutumes occidentales (possession de plantations, de maisons européennes et d'esclaves noirs...) et entretenant de bonnes relations avec leurs voisins. Durant les années 1700, les Cherokee survécurent à l'effondrement des peuples mississippiens pour constituer une population de près de 10000 individus qui occupa le sud-est d'un vaste territoire formé de 59 villes et villages. Dans chaque communauté, c'est à la femme que revenait alors la tâche de cultiver le maïs et les autres céréales, pendant que les hommes chassaient et guerroyaient. Les villes étaient des lieux des gouvernance, mais aussi l'endroit où se déroulaient les cérémonies religieuses et communautaires. Au début des années 1800, de nombreux Cherokee abandonneront de force de vastes étendues de terres au profit des Européens. Et beaucoup de familles s'exileront pour bâtir plus loin de nouvelles fermes tout en perpétuant leurs traditions ancestrales. Les femmes continueront de cultiver la terre sur des surfaces plus modestes, et les hommes de chasser comme autrefois tout en se consacrant à l'élevage.

Plusieurs Européens se rangeront du côté des Cherokees comme par exemple l'Allemand Christian Priber qui se rendra en territoire Cherokee pour organiser la résistance autochtone face aux Anglais. John Ross, de père écossais et de mère Cherokee, restera l'un des personnages les plus importants de cette tribu amérindienne, pour avoir été le chef de la nation Cherokee créée en 1820. L'homme parlait la langue Cherokee et cela l'aidera à prendre rapidement la tête des instances de la nation indienne. Notre homme se battra vaillamment pour la défense des terres des indiens, même après la signature du malheureux traité de New Echota. A l'hiver 1835, des agents fédéraux furent convoqués pour assister à une conférence destinée à faire adopter ledit traité avec le seul soutien de 200 Cherokees présents et en l'absence de John Ross, traité qui prévoyait l'échange des terres des Indiens contre des terres de remplacement cantonnée dans une réserve indienne et 5 millions de dollars américains. Nos indiens n'échapperont toutefois pas à leur déportation depuis leurs terres ancestrales du nord de la Géorgie et des Carolines vers le territoire indien de l'Oklahoma, principalement à cause de la ruée vers l'or des années 1830, dans les environs de Dahlonega. Cette déportation du peuple Cherokee portera le nom de Piste de larmes : ce déplacement de plusieurs peuples amérindiens par les Etats-Unis entre 1831 et 1838 entrainera l'établissement de ces indiens à l'ouest du Mississippi tandis que leurs anciennes terres seront remises à des colons européens en application de l'Indian Removal Act. Et l'Etat de Géorgie de mettre en places dès 1834 des lois répressives et la mise en vente des terres indiennes. Les indigènes n'auront alors pas le droit de témoigner en justice, ni se défendre contre l'accaparement des terres par les colons géorgiens. Vers 1835, deux groupes d'indiens Cherokees naitront, l'un, majoritaire, dirigé par John Ross, chef de la nation Cherokee, qui refusera de quitter sa terre ancestrale, et l'autre, pensant que la résistance ne servirait à rien, avec à sa tête le Major Ridge, chef Cherokee. Ce deuxième groupe acceptait le déplacement sur de nouvelles terres et signera le traité de New Echota avec le gouvernement américain, traité stipulant que la totalité des terres situées à l'est du Mississippi appartenaient désormais aux Américains. Et malgré le fait qu'aucun élu officiel de la tribu des Cherokees n'ait signé ce document et que la plupart des indiens Cherokee s'opposait à ce traité, le gouvernement américain refusera d'annuler l'accord. 1827 verra pourtant la publication d'une constitution Cherokee calquée sur le modèle américain et signée par le Conseil national. Les Cherokees seront malgré cela déportés en Arkansas et en Oklahoma en 1838-39, dans des conditions de traitement très contestables, ce qui alimentera l'indignation d'une partie de l »opinion américaine, d'où ce nom de Piste des larmes. L'historien Grant Foreman affirmera que sur 18000 Cherokees déportés, 4000 mourront en cours de route. Vers 1842, on estimait à 60000 Cherokees le nombre d'expulsés de leurs terres. Près de mille autres Cherokees s'échapperont lors de leur transfert et vivront en Géorgie et dans d'autres Etats, sur des terres privées, comme en Caroline du Nord, ces 400 Cherokees qui trouveront refuge dans les Great Smoky Mountains, propriété de William Holland Thomas, un Blanc adopté par les indiens Cherokees dès l'enfance. Ces Cherokees-là formeront le clan oriental de la nation Cherokee. La Piste des larmes est généralement considérée comme l'un des plus regrettables épisodes de l'histoire des Etats-Unis. Et le Congrès américain d'avoir désigné en 1987 le Parcours historique de la Piste des larmes, d'une longueur de 3540 kilomètres, et traversant six Etats. Une autre résolution, adoptée par le Sénat américain en 2009, validera la présentation d'excuses à tous les peuples indigènes au nom du pays pour les politiques passées mal conçues à l'encontre des tribus indiennes.


 

Les terres du sud-est des Etats-Unis, situées au sud de l'Ohio et autour du golfe du Mexique bénéficiaient alors de conditions favorables à l'agriculture et d'une faune abondante. Les cinq tribus « civilisées », considérées comme les héritières des cultures mississippiennes, y faisaient pousser maïs, courges et pommes de terre. Le climat sub-tropical permettait de cultiver la patate douce, la banane et la canne à sucre. Les Amérindiens y cultivaient également des plantes médicinales et le tabac. Ils basaient d'ailleurs largement leur consommation sur les produits de la chasse et de la pêche, connaissaient les techniques de la poterie et de la céramique servant à confectionner les objets de la vie quotidienne. Les Amérindiens habitaient alors dans des maisons rectangulaires crépies de glaise en été, tandis que les huttes coniques à demi-enfouies dans le sol servaient aussi d'abri pour l'hiver. Les différentes tribus avaient à leur tête un système hiérarchique constitué de prêtres et de chefs, pour diriger des villages dont certains possédaient plusieurs centaines d'habitants. Dans les régions les plus méridionales, les mêmes Amérindiens vivaient quasiment nus dans des huttes légères recouvertes de palmes. L'exposition aborde l'histoire des Indiens du Mississippi dans les années 1500 : on apprend ainsi qu'entre 900 et 1500, des centaines d'habitants formèrent la fameuse culture mississippienne, des Indiens qui vivaient alors dans de grandes villes de la Virginie à l'est de l'OKlahoma et de l'Ohio au nord de la Floride. Ces groupes de populations élevèrent des monticules protégés par de grands murs. Et ces populations de développer une agriculture extensive, des rites élaborés, un art diversifié et des religions complexes. C'est plus tard, durant les années 1500, que ces hommes et femmes furent confrontés à l'arrivée des Européens sur leurs territoires.

 

Les Creek, eux, formaient un peuple amérindien originaire du sud-est des Etats-Unis et faisaient également partie des cinq tribus « civilisées ». Appelés aussi Muscogee ou Muskogee, ces Amérindiens étaient organisés en une confédération de « cinquante villes » : au centre d'une ville, se trouvait une place sur laquelle se dressait un bâtiment dédié aux affaires communes. Un conseil était présidé par un chef et chaque maison possédait un jardin cultivé par les femmes de la tribu.

On pense que les Creek sont sans doute des descendants des bâtisseurs de monticules de la civilisation du Mississippi, à savoir cette civilisation qui de développa entre les IX è et XVII è siècle, à l'est du fleuve Mississippi, probablement rattachée à la culture des Mount Builders qui érigeaient de grands tertres funéraires (tumulus). Plus qu'une tribu, ils formaient davantage une confédération souple vivant à l'époque dans des villages autonomes de la vallée fluviale des états actuels de Géorgie et de l'Alabama. Chaque année, une cérémonie était organisée pour fêter la récolte du maïs, purifier les populations et restaurer l'harmonie communautaire tout en célébrant l'an nouveau. Et le prêtre de préparer un chaudron de thé chaud, boisson purificatrice que tout le monde consommait. On pardonnait alors les péchés de l'année précédente tout en partageant la pipe rituelle. Le feu qui avait brûlé perpétuellement l'année d'avant était éteint par le même prêtre, lequel en rallumait un nouveau à l'aide de nouvelles bûches recouvertes d'herbes. Et les Indiens Creek de danser joyeusement autour de ce foyer symbolisant le renouveau. Les Creek commerceront avec les Britanniques nouvellement installés en échangeant avec les Européens diverses produits comme par exemple des peaux de daim ou...des esclaves indiens capturés en Floride. Certains de ces Amérindiens iront jusqu'à se marier aussi bien avec des commerçants britanniques qu'avec des esclaves africains en fuite durant le XVIII ème siècle. Avec le temps, des différences dues à la géographie et au mode d'interaction avec les Européens généreront une séparation grandissante des villes Creek entre les villes basses de la frontière avec la Géorgie et les villes hautes de la vallée de la rivière Alabama.

Comme les Cherokees, les Creek seront divisés sur l'attitude à adopter lors de la Guerre d'indépendance : les villes basses resteront neutres tandis que les villes hautes se rallieront aux Anglais tout en combattant les colons rebelles. Mais, en 1783, alors que la Guerre d'indépendance des Etats-Unis se terminait, les Creek s'apercevront que la Grande-Bretagne avait cédé les terres de leur tribu aux Etats-Unis naissants. L'Etat de Géorgie lui aussi empiètera sur le territoire des Creek et l'homme d'Etat Creek Alexander McGillivray, d'organiser la résistance à cette violation manifeste de territoire, avec des armes récupérées auprès des Espagnols de Floride pour combattre les Géorgiens expansionnistes. Notre homme, né dans un village Creek d'Alabama, et surnommé par certains l'Empereur des Creek, sera le chef politique et militaire du peuple Creek lors de la Révolution américaine. Il oeuvrera en faveur de l'établissement d'une identité nationale Creek, en luttant notamment contre les chefs de villages cédant leurs terres aux Etats-Unis, avant de céder lui-même une part importante de terres Creek sous la présidence de George Washington, à travers le Traité de New-York en 1790. Et la Géorgie de poursuivre sa conquête de territoire Creek après la disparition d'Alexander McGillivray en 1793.

 

Bientôt, le guerre Creek (1813-1814), connue aussi sous le nom de Guerre des Bâtons Rouges, deviendra inévitable entre les Creek des villes hautes (surnommés également Bâtons Rouges) et les Blancs. Le chef des Creek des villes hautes, Aigle Rouge, s'opposera avec force à ses congénères des villes basses menés par William McIntosh et alliés aux Américains. Tout commença le 30 août 1813, avec l'attaque du Fort Mims (Alabama) par Aigle Rouge et ses troupes qui massacrèrent tous les occupants du fort, y compris femmes et enfants, soit 250 personnes au total. En retour, plusieurs Etats américains, dont la Géorgie dépêcheront des troupes en territoire Creek pour écraser cette résistance amérindienne qui durera plusieurs mois en massacrant à terme près de 3000 Creek des villes hautes. Les survivants de la tribu des villes hautes Creek seront contraints de ratifier le Traité de Fort Jackson le 9 août 1814, traité qui marquera la fin de la guerre. Les Creek des villes basses, eux, pourtant alliés aux Blancs, devront céder des territoires car Jackson les jugera aussi responsables que leurs frères de sang dans cette rébellion des Red Sticks.

 

Certains chefs Creek comme Willian McIntosh signeront ainsi plusieurs traités prévoyant la cession de plus en plus de territoires à la Géorgie, dont celui d'Indian Springs, signé le 12 février 1825, et prévoyant l'abandon de la plupart des terres restantes à l'Etat de Géorgie. Mc Intosh était un cousin du gouverneur de la Géorgie, George Troup, ce dernier considérant les Creek comme un obstacle à l'expansion blanche dans la région. George Troup avait d'ailleurs été élu par le Parti démocrate sur un projet électoral prévoyant à terme la déportation des Indiens. Certains prétendront que McIntosh avait été corrompu pour vendre son peuple tandis que d'autres estimaient que se sentant dupé, il avait tenté malgré tout de sauver les meubles. Quoiqu'il en soit, McIntosh finira par être assassiné le 31 mai 1825 par des Creek menés par Menawa, alors élu au Conseil national des Creek. Et ce même Conseil national de protester plus tard auprès des Etats-Unis contre le Traité d'Indian Springs, traité qui sera par la suite annulé pour être remplacé par le Traité de Washington en 1826. Cette annulation de traité par une nation indienne sera la seule du genre dans l'histoire de la nation américaine. De son côté, George Troup ne faiblissait pas et continua à déporter les Creek en vertu de l'ancien traité. Au final, beaucoup de Creek des villes basses se déplacèrent dans les Territoires indiens, alors qu'environ 20000 Creek des villes hautes demeurèrent en Alabama (sur une population estimée à 24000 individus en 1834). Dans la foulée, les gouvernements tribaux seront abolis et les lois fédérales étendues aux Creek. Les Indiens pouvaient vendre leurs terres et utiliser leurs fonds pour migrer vers l'ouest ou rester en Alabama à condition de se soumettre aux lois fédérales. Mais nombre de spéculateurs et squatters expulseront les Creek hors de leurs terres et la violence éclata, conduisant à la Guerre Creek de 1836. Les troupes américaines du général Winfield Scott déportant les Creek vers les Territoires indiens situés à l'ouest du Mississippi et mettra ainsi fin au conflit.


INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Native Lands : Indians and Georgia », jusqu'au 31 décembre 2018, à l'Atlanta History Center, 130 West Paces Ferry Road, à Atlanta. Tèl : 404 814 4000. Ouvert du lundi au samedi, de 10h00 à 17h30, et le dimanche de midi à 17h30. Entrée : 16,50US$. Audioguides en anglais. Site internet : http://www.atlantahistorycenter.com/explore/exhibitions/native-lands-indians-and-georgia
  • Merci à l'équipe du centre d'histoire pour son charmant accueil

     

 

 

 







 



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