Vendredi 29 décembre 2017
Il y a fort longtemps que je ne suis pas retourné à Cayenne (Guyane) et je saisis l'occasion de me rendre pour l'heure au Musée des Cultures guyanaises qui présente actuellement une intéressante exposition consacrée aux migrations de l'Asie vers la Guyane qui s'étalèrent entre les XIX è et XX è siècles. «Asie-Guyane » s'attache à se demander qui sont les migrants chinois, Indiens-coolies, condamnés indochinois, Indonésiens et Hmongs, Dans quel contexte sont-ils arrivés en Guyane, et quelles traces y laissèrent-ils ? L'exposition aborde enfin le cas de la communauté libanaise qui se distingue des autres groupes asiatiques, puisque familiale, cette migration ne s'appuie ni sur des contrats et ni sur la contrainte.
Complexe et souvent mal connue, l'histoire de cette terre de France est malgré tout longue et riche : on trouve en effet les premières traces de peuplades amérindiennes vers le VI è millénaire avant J-C, puis viennent les Indiens Arawak et Palikurs à la fin du III è siècle. D'autres Indiens, caribéens ceux-ci, comme les peuplades Kali'na et Wayanas occuperont ensuite le littoral et l'est de la Guyane actuelle à la fin du VIII è siècle. C'est lors de son troisième voyage que Christophe Colomb longera pour la première fois les côtes guyanaises, avant que ne débutent des tentatives de colonisation entre 1604 et 1652, tentatives d'ailleurs souvent malheureuses. La France ne sera pas seule sur place et devra faire face à la présence anglaise puis néerlandaise, avec les conflits successifs qui se succéderont ensuite. Le cardinal de Richelieu autorisera la colonisation de la Guyane en 1626, puis Charles Poncet de Brétigny de la Compagnie de Rouen y introduira l'esclavage dès 1643, source de prospérité pour l'occupant jusqu'à son abolition le 4 novembre 1848. Cette fin de l'esclavage qui représentait à l'époque environ 13000 personnes sur les 19000 habitants de Guyane, entrainera le départ immédiat d'une grande partie d'une main d'oeuvre servile jusque là disponible, entrainant l'effondrement d'une économie locale essentiellement basée sur l'exploitation des plantations. Pour pallier à ce manque de main d'oeuvre, Napoléon III décidera en 1852 de déporter des forçats jusqu'en Guyane, et ce, avec plus ou moins de succès.
En fait, l'Etat français n'aura de cesse de poursuivre une politique de peuplement de la zone dans le but de développer économiquement une lointaine Guyane en manque de bras. Bien avant que n'arrivent les premier migrants asiatiques, les Guyanais avaient déjà découvert la Chine à travers sa porcelaine, car les colons fortunés en avaient acquis de jolies pièces, comme en témoignent les chantiers de fouille d’habitations coloniales. La Compagnie des Indes orientales jouera un rôle important dans l'acheminement de cette porcelaine produite en Chine. Les Guyanais découvriront ainsi des pièces provenant de la période de l'empereur Kangxi avec des décors blanc et bleu aux motifs variés. Sur place, on retrouvera également des fragments de faïences hollandaises, au bleu de « Delft », genre de chinoiseries constituant alors une alternative économique à la porcelaine chinoise. Plus tard, c'est tout naturellement qu'un petit nombre de travailleurs chinois posera le pied sur place, dès 1817, au sortir de l'occupation portugaise. 200 Chinois embarqueront ainsi pour repeupler l'endroit mais seuls 27 d'entre eux arriveront à bon port et participeront à la culture du thé. Isolés dans les marais de Kaw, les pauvres dépériront rapidement à cause de la maladie et des conditions précaires d'hébergement. Il faudra attendre 1860 pour que cent autres Chinois débarquent en Guyane après une escale en Martinique. Ce chargement faisait partie de 476 Chinois engagés par des maisons de recrutement de Canton, et dont la Martinique ne saura que faire à l'époque, d'où leur arrivée en Guyane. Une deuxième tentative, guère plus fructueuse que la première, aura lieu quelques années plus tard, compte tenu des Guerres de l'Opium chinoises auxquelles se livraient les puissances colonisatrices européennes contre la Chine d'alors. En l’occurrence, les Chinois Hakka, originaires de la province de Guangdong (Canton), faisaient partie de ceux qui fuyait la guerre de 1860 qui faisait rage là-bas. Politiquement, ces Chinois Hakka étaient sympathisants du Kuomintang, parti politique chinois fondé en 1912 par Sun Yat-Sen. Un comité local de ce parti verra même le jour en Guyane en 1929. Au tout début, les Hakkas seront prédominants de par leur nombre, avant d'être rejoints par leurs congénères venus de la province de Zheijang, provenant majoritairement de la ville de Qingtian. Ces derniers étaient très soudés et organisés, travailleurs et avec un sens du commerce très prononcé. Cet autre foyer de recrutement pratiquait donc également le recrutement de travailleurs chinois. Les candidats au départ embarquaient alors avec femmes et enfants pour le Brésil, puis remontaient jusqu'à Cayenne. C'est à cette communauté du Zheijang que Cayenne devra le développement des bazars et des petits commerces locaux. Ces Chinois-là appartenait à un groupe arrivé par le Surinam entre 1864 et 1867 et originellement destinés à travailler dans les plantations, mais leur manque d'aptitude à pratiquer les travaux agricoles les feront devenir commerçants.C'est en effet dans le petit commerce que l'on trouvera la participation la plus évidente des Chinois. Ne dit-on pas « aller chez le Chinois » pour aller faire ses courses chez l'épicier du coin ? Cette communauté chinoise, qui représentait en 2009 1,5% de la population étrangère de Guyane (l'INSEE en recensait déjà 255 en Guyane dès 1961, dont 90% étaient établis à Cayenne même, 300 en 1974, 500 en 1980 et 800 en 1985), reste l'une des plus anciennes communautés sur place. D'abord alléchés par la promesse de bons salaires et de conditions de vie décentes, ils tenteront de refaire leur vie ici avec plus ou moins de succès. On note aussi que pour ces migrants chinois, on assistera au développement d'associations qui précéderont généralement celui le l'organisation familiale et religieuse. Ces structures servaient en réalité de groupement d'entraide aux nouveaux arrivants. A noter que les deux communautés chinoises de Guyane communiquaient entre elles en mandarin, langue officielle chinoise, en français ou dans d'autres langues (hakka, cantonais). Outre Canton et la Province de Zheijang, on notera d'autres foyers chinois de recrutement de main d'oeuvre beaucoup plus modestes à Chaozhou (Guangdong), et à Fujian (dans le nord de la Chine). Et la communauté chinoise du Guyane d'être issue de deux phases migratoires, avec, au XIX ème siècle, l'arrivée de travailleurs destinés à l'industrie sucrière, et le XX ème siècle avec des migrants devenant boutiquiers, artisans d'ameublement et commerçants. Nombreux furent les hommes chinois arrivés seuls sur place qui fondèrent par la suite une famille en se mariant avec une femme créole, donnant ainsi naissance à des enfants métissés. Des enfants métis bien particuliers surnommé « bata-chinois », puisque issus de la communauté des « Chinois-neg » (Chinois noirs). Ces enfants de première génération étaient reconnaissables à leur teint jaune, leurs cheveux raides et noirs et leurs yeux bridés. Ceux de la deuxième génération, les fameux « Chinois-neg » auront la peau noire, les cheveux crépus et aussi les yeux bridés. Bon nombre des « bata-chinois » parle le cantonnais alors que les « Chinois-neg » pratiquent plutôt le créole et le français.
Les Indiens (ci-dessous), eux, débarquèrent aux Antilles françaises à partir de 1854, pour s'achever en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane en 1877. L'arrêt définitif aura lieu en 1884. Ceux qui arriveront en Guyane lors de la seconde moitié du XIX è siècle proviendront en majorité de deux possessions coloniales françaises en Inde, à savoir Pondichéry et Karikal et c'est en réalité par accident que les premiers Indiens arriveront en Guyane en 1856, suite à une avarie du navire qui les transportait. 589 immigrés seront ainsi débarqués sur la côte, avant d'être embauchés sur place. Ce sont au total 8472 Indiens qui seront acheminés en Guyane de 1856 à 1877. Les travailleurs indiens libres engagés sous contrat quittaient ainsi l'Inde à partir des ports de Madras, Pondichéry, Bombay et bien d'autres tout en ignorant ce qui les attendait vraiment à leur arrivée sur place. De confession hindouiste, la plupart de ces Indiens, souvent des paysans, embarqueront sur des voiliers en bois de mille tonnes jusqu'en 1880, puis sur des bateaux à vapeur en fer de 1500 à 2000 tonnes, bâtiments qui mettront deux fois moins de temps à rejoindre l'Amérique du Sud ( la distance de Pondichéry à la Guadeloupe passera par exemple de cent à...quarante jours!). Les traversées étaient souvent pénibles, compte tenu de la surpopulation à bord des navires, et des maladies contractées (grippe, dysenterie, choléra, maladies pulmonaires...). Les malades étaient alors souvent jetés par-dessus bord. Il arrivait aussi que les bateaux fassent parfois naufrage, déciment ainsi tous les individus d'un même convoi. A bord, l'organisation était différentes de celle des navires négriers venant des côtes africaines. Les hommes seuls étaient séparés des femmes seules et les couples avec enfants séparés de ceux qui n'en avaient pas. Un médecin veillait sur la santé des passagers et des membres d’équipage. 500 000 Indiens seront ainsi transportés des côtes indiennes aux Caraïbes.
En 1852, un contrat fut signé pour l'introduction de 4000 immigrés indiens en six ans dans les Antilles françaises, contrat ensuite revu à la baisse (à 1200) suite à des incidents. Un nouveau recrutement sera signé trois années plus tard pour faire venir 5000 indiens sur cinq ans, cette opération étant organisée par la société d'immigration de l'Inde française de l'époque, société qui détenait 16 maisons de commerce à Pondichéry et à Karikal (sud-est de l'Inde). Ce seront donc 50000 immigrants qui seront envoyés aux Antilles-Guyanes jusqu'à la Première guerre mondiale, sachant que les Tamouls seront majoritaires entre 1861 et 1873, tous originaires de Madras, alors que les expéditions suivantes , de 1873 à 1885, se feront à partir de Calcutta (nord de l'Inde).
Ces Indiens sous contrat n'étaient donc pas des esclaves, même si ceux qui les engageaient (les engagistes) n'hésitaient pas à las traiter comme tels, d'où le surnom de « coolies » donné à cette main d'oeuvre corvéable à merci. D'abord utilisés comme ouvriers agricoles ou domestiques, les engagés Indiens seront vite employés sur les chantiers aurifères. Pour information, le terme coolie qui était alors accolé à leur nationalité signifiait laboureur loué à la journée. De 1854 à 1889, les indiens coolies recevaient généralement une nourriture insuffisante composée de racines et de féculents, de poisson salé, mais pas de viande ni d'huile ou autres condiments, et encore moins de lait. L'indien était logé dans une pièce vide de moins de 9m2 et sans éclairage. Il débutait son travail le matin à 4h30, et jusqu'à midi, pour le reprendre de 13h30 à 18h30 . Après leur labeur, hommes et femmes devaient couper l'herbe et apporter des paquets de fourrage aux bestiaux de l'habitation. C'est alors qu'ils recevaient à leur tour leur ration alimentaire. Ces travailleurs recevaient leurs salaires avec souvent deux à trois mois de retard, et certains colons les contraignaient même à travailler la nuit. Quant aux dimanches et aux jours de fêtes, ils devaient travailler jusqu'à midi. Hors de question pour eux de protester sinon ils étaient jetés en prison. Quant aux travailleurs malades, on leur faisait exécuter des tâches de balayage et de nettoyage des écuries. Beaucoup de ces contractuels qui rompaient malgré tout leur contrat choisissaient ensuite de vivre dans l'oisiveté, marronnant (c'est à dire fuyant dans les bois) vers une petite parcelle forestière sur les hauteurs. Ils étaient très rapidement considérés comme des « marrons » indiens et dangereux sauvages souvent accusés de vol, d'actes de vengeance et d'assassinat contre ces Blancs qui les avaient si durement traités. Certains sombraient dans l'alcool et le désespoir, devenant même fou. Les ex-esclavagistes tentaient malgré tout de convaincre les indiens démissionnaires de réintégrer leur emploi, et ce, de gré ou de force. Ces immigrants avaient le droit, à l'issue de leur premier contrat, de prolonger leur séjour en Guyane en signant un nouveau contrat de cinq ans. La crise des années 1880, puis l'arrêt de l'immigration indienne, occasionnant la rareté de la main d'oeuvre rendront bientôt les es-esclavagistes encore plus exigeants. Cette pénurie de main d'oeuvre tournera cependant en faveur des Indiens qui se voyaient parfois offrir une case et un lopin de terre en échange de journées de travail. Leur intégration n'était pas pour autant aisée, certains maitres allant jusqu'à amputer volontairement une partie du nom des Indiens, lorsque ce nom portait une consonance trop indienne. Certains changeront même de nom, dans l'espoir de faciliter leur intégration sur place. Un homme d'origine indienne, Henry Sidmbarom, se battra pour l'intégration officielle des Indiens dans cette société post esclavagiste. Ces migrants seront très peu nombreux à être ramenés en Inde au terme de leur engagement faute de moyens de transport. Mais très peu resteront également en Guyane, la grande majorité partant s'établir au Guyana, au Suriname ou aux Antilles, faisant finalement de cette immigration un échec compte tenu de la forte mortalité qui l'a accompagnée et de la faible proportion de ceux qui s'établirent une fois pour toutes sur le territoire. La communauté indienne actuelle n'est pas liée à l'immigration du XIX è siècle et provient surtout du Guyana et du Suriname. Plusieurs associations militent en faveur de la reconnaissance et de la défense de la culture indienne. On relève même l'existence, depuis 2012, de l'élection de Miss India de Guyane.
Les Indochinois (ci-dessous) participeront aussi au peuplement guyanais : Ces « Annamites » étaient à l'origine des condamnés politiques ou de droit commun ressortissants de l'ex-Union indochinoise. En Guyane, une première vague arriva entre 1885 et 1922, amenant au total 997 Indochinois, plus tard à l'origine de la création des villages dits chinois de Cayenne et de Saint-Laurent. Le convoi acheminé en Guyane en 1931 se fit dans un autre contexte, puisque les migrants étaient destinés à des établissements pénitentiaires spéciaux qui seront exclusivement des bagnes d'Annamites. A l 'époque, en Indochine, l'anticolonialisme progressait et le VNQDD, parti national vietnamien créé en 1927, était responsable d'attentats anti-Français. Et notre pays de réprimer très durement ces révoltes d'étudiants et de la population locale en exilant massivement les fauteurs de troubles. Au départ, on prévoyait l'envoi en Guyane de 1500 condamnés mais seul un convoi de 538 hommes quittera finalement l'Indochine suite aux protestations de la gauche françaises contre le travail forcé des condamnés politiques. 70% des transportés du convoi de 1931 seront des Tonkinois et 2,5% d'Annamites. Le choix se portera sur des jeunes hommes robustes âgés de 18 à 40 ans et ruraux en grande majorité. Les effectifs ce ce convoi seront ensuite répartis sur deux site guyanais surveillés par des tirailleurs sénégalais. Et les bagnards de bâtir les bâtiment des camps avant d'être affectés aux travaux agricoles, à l'élevage et à la construction d'infrastructures. Entre 1931 et 1949, 150 de ces transportés mourront de maladie, d'épuisement ou par suicide. Des rapatriements en Indochine auront lieu dès 1937. Au final, le projet initial de développement de l'Inini restera un échec puisqu'aucun grand travail d'infrastructure ne sera mené à son terme et qu'il n'y aura aucun peuplement indochinois de l'arrière-pays guyanais avec des Annamites malgré les concessions octroyées aux libérés et la proposition de faire venir les familles. Ce groupe de migrants restera toutefois dans la mémoire collective pour sa contribution au développement de la pêche avec, notamment, l'utilisation de palangres. Jusqu'au début des années 1970, la Guyane comptait aussi de nombreux Annamites vendeurs ambulants de crevettes et de poissons frais. Par ailleurs, ce sont les Indochinois qui introduiront la technique de dessiccation des petites crevettes. Les mêmes assureront également longtemps l'approvisionnement du marché de Cayenne en produits maraichers.
Autre groupe de peuplement de la Guyane, les Indonésiens, majoritairement des Javanais (ci-dessous), seront envoyés sur place suite, notamment, à l'abolition de l'esclavage de 1863, mais le manque d’hygiène et les mauvaises conditions de vie auront raison des effectifs. De confession musulmane, ceux qui sont restés en Guyane depuis se sont convertis depuis au catholicisme. D'abord engagés au Suriname, pour développer la culture du riz, un premier groupe de familles javanaises débarquera en 1952 dans le département français pour oeuvrer dans les champs de canne à sucre. Embauchés pour deux ans, ces familles repartiront au Suriname à la fin de leur contrat. Certains de ces migrants se dirigeront vers d'autres secteurs d’activité à Cayenne, comme le commerce, la restauration ou l'entretien des espaces verts. Les conditions d'embauche au Suriname étaient difficiles et en général subordonnées à des contrats d'une durée de cinq ans avec punition corporelle en cas de désertion. Ce travail était en fait censé couvrir les frais de recrutement, de transport et leur entretien sur place. Un maigre salaire venait compléter leur quotidien. Après des tractations serrées avec le gouverneur des Indes néerlandaises, ce furent 62 Javanais et 32 Javanaises qui partiront pour le Suriname, entre août et novembre 1880. Ces gens n'étaient pas informés sur le sort qui les attendait à leur arrivée. Présenté comme expérimentale, cette première vague d'immigration sera suivie par d'autres, les Javanais étant alors réputés comme dociles, travailleurs et moins velléitaires que leurs congénères indiens. A Java, les conditions de recrutement étaient douteuses : payés au nombre de personnes recrutées, les rabatteurs abusaient souvent des miséreux, et les recruteurs sans scrupules de faire miroiter terres, mariages et argent facile. Les Années 1930 apporteront des améliorations, avec entre autres, l'abolition des sanctions pénales jusque là appliquées aux travailleurs indonésiens en infraction dans les plantations. Et 1932 de voir la prise en charge intégrale des frais de transport des migrants.. On encouragea aussi la constitution de villages autonomes en « javanisant » le Suriname par le transfert de 100 000 Javanais sur une période de dix ans. Sur place, on cultivait le riz dont la colonie avait besoin. Entre 1896 et 1939, ce furent environ 33000 Javanais qui accostèrent au Suriname sont seulement un cinquième choisit de retourner au pays au terme de leur contrat. L'indépendance de l'Indonésie, déclarée en 1945, mais effective quatre ans plus tard, marquera une étape importante pour cette communauté qui qui intensifiera alors son sentiment nationaliste et créera le premier parti politique javanais en 1946, avec, pour principal objectif le retour facilité en Indonésie. Aujourd'hui, les 70000 descendants de migrants javanais sont présents dans tous les secteurs de la société surinamaise. Et occupent de nombreux postes dans la fonction publique.
En Guyane, l'Etat français décidera de développer la culture du rie entre 1953 et 1955, entrainant ainsi l'installation d'une quinzaine de familles javanaises près de Mana. Vint autres familles arriveront sur place en 1955 et un nouveau village finira par être créé près du bourg de Sinnamary. De 1955 à 1968, ce seront donc environ 300 personnes qui seront accueillies mais ce flux migratoire se tarira plus tard à la suite de la réduction des aides de l'Etat. Face aux déboires rencontrés dans le domaine de la riziculture (punaises de riz, épuisement des terres...), certaines familles choisiront alors de retourner au Suriname tandis que d'autres rejoindront celles installées à Cayenne et à Rémire pour travailler dans des secteurs économiques plus rémunérateurs. Les Javanais occuperont bientôt des emplois dans la restauration ambulante et la couture sur mesure.
L'histoire des Hmong (ci-dessous) est exceptionnelle à plus d'un titre car cette communauté est un groupe de population arrivé en Guyane en 1975, puis en 1977. Les rumeurs évoquèrent d'abord l'arrivée en Guyane de 40000 migrants dans un département qui comptait un peu plus de 55000 habitants. Fuyant le régime communiste du Laos, ceux-ci avaient d'abord trouvé refuge dans des camps de réfugiés thaïlandais, avant de bénéficier du statut de réfugiés politiques et d'être accueillis par plusieurs pays occidentaux, dont la France. Ces familles Hmong seront alors transférées en Guyane afin d'y trouver des conditions de vie similaires à celle de leur pays d'origine. Répartis dans quatre villages (Cacao et Javouhey fondés par des religieux, et Roccocoua et Corossony), ils défricheront peu à peu des centaines d'hectares mettant ainsi en pratique leurs connaissances en agriculture et en maraichage. Les sols pourtant pauvres et ingrats fourniront pourtant au fil des ans les produits agricoles qui seront ensuite vendus sur les marchés, au point de faire des Hmong les premiers producteurs de fruits et de légumes de Guyane. En effet, ce sont chaque semaine 60 tonnes de légumes qui sont écoulées sur le seul marché de Cayenne. Parfaitement intégrés, cette population hmong participent à la vie locale (Soupe du dimanche à Cacao et à Javouhey), à la fête du Ramboutan, et aux conseils agricoles régionaux.
Certains Hmong, originellement peuple des montagnes du nord Vietnam, combattirent aux côtés des Français durant la Guerre d'Indochine, puis avec les Américains lors de la Guerre du Vietnam. Plusieurs milliers d'entre eux immigrèrent en Guyane après avoir parfois vécu le traumatisme de la Guerre d'Indochine. Moins connus, les Hmong rappellent pourtant les Harkis qui soutinrent la France lors du conflit algérien. Ce peuple connaitra pourtant uns scission dès l'invasion japonaise de l'Indochine lors de la Seconde Guerre mondiale. Certaines familles hmong choisiront alors le camp français, et d'autres, le camp japonais. Notre pays choisira ainsi d'accueillir les Hmong tout en tentant une éni ème mise en valeur des terres agricoles guyanaises, territoire français devenu département en 1946. Le développement de la Guyane est étrangement lié à la présence de ces populations d'origine asiatique qui s'adaptent bien aux conditions climatiques particulières de l'endroit. Concernant les Hmong, les départs vers la Guyane seront davantage motivés par l'envie de quitter les camps de réfugiés thaïlandais plutôt que de venir cultiver la terre guyanaise, une contrée aussi lointaine qu'inconnue pour bon nombre d'entre eux. Un pays dont ils découvriront les moustiques mais aussi l'hostilité des habitants d'abord inquiets de l'arrivée de ces ressortissants d'Asie. La Guyane, qui comptait à l'époque peu d'habitants, voyait cette immigration comme une volonté de peuplement colonialiste du gouvernement français d'alors. Et l'arrivée des premiers réfugiés hmong, de septembre à décembre 1977, de se dérouler dans des camions bâchés, la nuit, depuis l'aéroport de Cayenne, pour les conduire sur leurs lieux d'affectation dont Cacao, un ancien site d'orpaillage à l'abandon. Le premier contact ne fut pas toujours enthousiasmant, avec la pluie qui tombait sans cesse sur place. La présence rassurant des militaires français sur place contribua heureusement à instaurer la confiance. Les familles bénéficièrent d'un soutien de l'Etat de 40, puis de 50 francs par jour et par personne pendant deux ans, avant de toucher plus tard des aides de la CEE et d'autres dons. Cet argent servira à bâtir des villages (comme ceux de Cacao et Javouhey), acheter des produits et des matériels agricoles puis à subsister jusqu'aux premières récoltes. A force de travail, la communauté hmong parviendra en deux ans seulement à l'auto suffisance alimentaire, tout en fournissant les marchés guyanais en produits maraichers. Entre 1977 et 1979, ce sont 1200 Hmong qui s'installent à Cacao, puis à Javouhey. Et 2000 d'entre eux de vivre aujourd'hui en Guyane.
L'immigration libanaise en Guyane remonte quant à elle à la fin du XIX ème siècle : pour la plupart originaires de la région montagneuse de Bazoun, voire de Zghorta, ces Libanais immigreront de façon régulière tout en entretenant des échanges suivis avec leurs familles restées au Liban. Et s'imposeront sur place par leur rôle actif dans l'économie locale.
Les évènements de 1860, à savoir le massacre des maronites par les Druzes au Liban, déclencheront la première vague de départ, c'est à dire 100000 Chrétiens en majorité maronites. Suivront la crise de la mono-production de la soie, la baisse des revenus des transits liés à la création du Canal de Suez et une importante croissance de la population libanaise qui entraineront une nouvelle vague de départs principalement de paysans et de propriétaires terriens. Une autre vague,entre les deux guerres, toucheront des citoyens libanais plus instruits dont certains se rendront également en Amérique du Sud. Une immigration libanaise qui s'est amoindrie depuis mais dure toujours de façon plus modeste. Lors de la première vague migratoire, des familles se cotiseront ainsi pendant plusieurs années pour permettre aux hommes de partir pour la Guyane, y faire fortune puis rentrer au Liban. Une douzaine de pionniers débarquent ainsi sur place vers 1895, puis de 1905 à 1910. Plus tard, il s'agira davantage d'une immigration individuelle et ponctuelle. Ces migrants sont tous des chrétiens maronites, agriculteurs de leur état. Suivront plus tard des Musulmans lors de la guerre libanaise de 1975. Le voyage sera long et parfois laborieux mais certains opteront pour la nationalité française dès leur arrivée en Guyane. Ces pionniers ont souvent la trentaine et sont frères dans la majorité des cas, travaillant pour un oncle possédant déjà une boutique. Ils feront venir leurs épouses dès que les conditions économiques seront réunies. Spécialisés dans le commerce de proximité, les Libanais vendent des produits domestiques, d'autres seront même colporteurs avec des charrettes. Certains saisiront aussi l'opportunité de la ruée vers l'or en installant leurs magasins à proximité des zones aurifères comme par exemple à Mana. Ces entreprises sont strictement familiales. Aux yeux des Guyanais, ces ressortissants libanais forment un groupe à part, sauf en période de carnaval, temps festif durant lequel les frontières disparaissent car tout le monde participe à la fête. Les relations sociales sont limitées au réseau familial élargi, bien que les Libanais ne se fréquentent entre eux que lors d'évènements familiaux et l'on condamne ceux qui ont épousé des non-libanais. Par contre, les réseaux commerciaux, eux, ne sont pas tissés exclusivement sur une appartenance libanaise. L'intérêt économique prime sur le reste. Et ce réseau économique de se déployer dans un monde mondialisé entre l'Asie, l'Amérique du Sud, la Caraïbe et l'Europe. Les Libanais partagent enfin un système d'appartenances multiples : l'appartenance guyanaise (et donc française) est administrativement important tandis que l'appartenance libanaise, fondatrice, est d'ordre culturel. Un sentiment culturel maintenu notamment par la pratique de la langue d'origine en famille. Et l’immigration libanaise en Guyane de démontrer qu'il est possible de se positionner sur plusieurs registres d'appartenance, fonctionnant à des niveaux différents, avec des fonctions différentes, tout en jouant un rôle structurant. En fin de compte, la migration libanaise en Guyane concernera une quarantaine de familles seulement, ces dernières formant une communauté discrète et parfaitement intégrée au tissu économique et social local.
INFOS PRATIQUES :
- Exposition « Asie-Guyane, Histoires et Patrimoines », au Musée des Cultures guyanaises, 78, rue Madame Payé, à Cayenne (97), jusqu'au 22 septembre 2018. Tél : 0594 31 41 72. Ouvert les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 8h00 à 13h00 et de 15h00 à 17h45, le mercredi de 8h00 à 13h00 et le samedi de 8h00 à 11h45. Entrée : 2 €.
- Merci au musée et à son équipe pour son charmant accueil.