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Premiers pas à Saigon
(Vietnam)
Heure locale

Samedi 14 avril 2018

 

C'est ma première visite à celle que les Khmers, les premiers habitants des lieux, appelaient Prey Nokor ou »La ville de la forêt » ? nom toujours en usage chez les Cambodgiens et chez la minorité Khmer Krom qui vit dans le delta du Mékong. Mon père ayant fait la guerre d'Indochine, la cité allait devenir Saigon toute ma jeunesse durant, avant de devenir aujourd'hui Hô-Chi-Minh Ville. A l'époque, Saigon désignait le quartier de Cholon (grand marché), lieu appelé sous d'autres appellations par les Mandarins et les commerçants locaux. Cholon se caractérise par son commerce du riz et par sa très forte communauté chinoise qui s'implanta sur place à partir de la fin du XVIII ème siècle. Situé à l'écart de la ville, ce quartier fait désormais partie intégrante des 5è et 6è arrondissements. En 1778, cette communauté chinoise qui vivait à Biên Hoa sera attaquée par les Tay Son pour la punir de son soutien aux Nguyen. C'est alors qu'elle trouvera refuge à Cholon, alors à 11 kilomètres de Saigon et qui deviendra une ville en 1879.

Dès la descente de l'avion, ma première image de ce pays reste ces milliers de scooters qui circulent prudemment dans les rues de la cité. Mieut vaut prendre son courage à deux mains pour traverser les passages cloutés car il y en a toujours un qui franchit le feu, mais sans vous toucher tout en vous frôlant.

 

La ville historique de Saigon, elle, est désignée par le terme Gia Dinh, en souvenir de sa citadelle qui fut bâtie par le français Olivier de Puymanel en 1790 : notre homme sera non seulement un bâtisseur mais aussi un organisateur de l'armée vietnamienne de la dynastie Nguyen. La construction de la célèbre citadelle sera inspirée de la place forte de Brouage (France) sur des plans de Théodore Lebrun. Mr de Puymanel sera aussi formateur dans une école de Saigon afin d'enseigner les méthodes de guerre à l'européenne, tant pour l'artillerie que pour l'infanterie, et prendra même la tête d'une force armée de 600 soldats en 1790. Il sera enfin cartographe en participant à la constitution de cartes sur le Vietnam. Terrassé par le paludisme, cet homme complet mourra à Mallacca (Malaisie) en 1799, à l'âge de 31 ans.

A l'arrivée des Viets au XVII ème siècle, la ville prendra le nom usuel de Sai Gon, en référence à la rivière éponyme, alors que l'appellation officielle de l'endroit restera Gia Dinh jusqu'à la colonisation française. Depuis 1976, les Communistes imposent désormais le nom actuel, Hô-Chi-Minh-Ville, en hommage à Hô Chi Minh (puits de lumière), fondateur de l'actuel Parti communiste vietnamien et de la République démocratique du Vietnam. Un petit retour en arrière s'impose sur ce personnage aussi connu sous le pseudonyme de Nguyen Tat Thanh (grandes espérances), puis Nguyen Al Quoc (le patriote) ou encore l'oncle Hô. Elevé dans le petit village de Kim Lien, dans le nord de l'Annam, notre homme voyagera plus tard sur les cinq continents entre 1911 et 1917, débarquant à Marseille en décembre 1911 à bord de l'Amiral de Latouche-Tréville. Il militera très tôt tout en rédigeant des articles et distribuant des tracts anti-coloniaux, se ralliant à la gauche française et aux rédactions du Populaire et de Vie Ouvrière. Il se rapprochera également d'autres émigrés vietnamiens, nationalistes comme lui, et désireux de s'émanciper en France, jusqu'à former le groupe des cinq dragons dont le chef de groupe, Phan Chau Trinh, a comme idéaux les fondements de la Révolution française. Le décor est planté. En 1919, Hô Chi Minh fait parvenir aux dirigeants occidentaux une Pétition du Peuple vietnamien réclamant plus de droits et de libertés en Indochine, ainsi que l'autodétermination. Vivant à Paris, il soutiendra la guerre du Rif, guerre anti-coloniale opposant les Rifains (habitants de la région montagneuse du Maroc) aux armées espagnole puis française, de 1921 à 1926. Adhérant à la SFIO dès 1919, il fondera le Parti communiste indochinois à Hong Kong en février 1930 avec l'aide de Mao avant d'être arrêté par les Anglais. A la suite de la défaite française de 1941 face à l'Allemagne, il prend la tête d'un groupe d'hommes et gagne le Tonkin. C'est à ce moment-là qu'il prend le nom d'Hô Chi Minh et fonde la Ligue pour l'indépendance du Vietnam (future entité combattant les occupants japonais puis français). En 1945, il proclame la République démocratique du Vietnam à Hanoï, puis l'indépendance du pays le 2 septembre. Les troupes françaises, elles, se trouveront bien démunies face au désintéressement grandissant de la métropole française face à un conflit armé tenu à des milliers des kilomètres de Paris. Jusqu'au 7 mai 1954, date à laquelle le Viet-Minh obtiendra la reddition du camp retranché français à la bataille de Dien Bien Phu malgré la résistance héroïque de nos troupes et après une guerre de huit années.

De 1428 à 1789 (année de la funeste révolution française et des massacres qui en découlèrent), le Vietnam vécut sous la dynastie des rois Lê. La route des épices attira très vite missionnaires et commerçants européens durant le XVI ème siècle. Le pays était alors divisé entre deux principales forces seigneuriales, les Trinh au nord et les Nguyen au sud. Et cette dernière partie du Vietnam de bientôt recevoir le nom de basse Cochinchine de la part des Français, région dont la capitale sera Saigon. Le première présence vietnamienne dans celle qu'on surnomme désormais Ho Chi Minh remonte au début du XVII ème, au moment où le seigneur Nguyen établit sur place une station fiscale, en 1623. Quelques années plus tard, un officier des seigneurs Nguyen créera un poste militaire à Tan My, aux alentours de Saigon. Nous sommes alors en 1679. En 1698, le gouverneur des nouvelles terres, le général Nguyen Huu Kinh créera à son tour la préfecture de Gia Dinh. La région de Saigon deviendra alors le district de Tan Binh, épicentre de l'administration et de l'autorité des Nguyen qui régnaient à ce moment-là sur la Cochinchine.

Ce fut le philosophe et encyclopédiste Le Quy Don qui mentionna pou la première fois le nom de Saigon, en 1776, dans ses « Chroniques de la frontière ». La ville sera capturée le 17 février 1859 par une flotte franco-espagnole placée sous les ordres de l'amiral Charles Rigault de Genouilly. Peu de temps après, l'empereur Tu Durc du camp des Nguyen assiègera la cité, en vain. Notre homme se résoudra à céder la place aux Français lors de la signature du Traité de Saigon en 1862.

 

L'urbanisme de la ville sera alors repensé, avec des constructions nouvelles, de style colonial et en pierre. On y retrouve encore aujourd'hui une organisation géométrique de l'espace comme dans les villes romaines ou les villes américaines du nouveau monde. Et la cité de disposer bientôt de bâtiments marquant les avancées du progrès de l'époque, comme, par exemple, l'hôpital de la Marine dès 1873, ou encore la cathédrale Notre-Dame de Saigon, entre 1877 et 1880, la gare dès 1881 avec l'arrivée du premier train entre Mytho et Saigon, l'hôtel des Postes bâti en 1891, le théâtre municipal érigé en 1900, et l'hôtel de Ville en 1907. Au point que les Français ne tarderont pas à surnommer cette cité la Perle de l'Extrême-Orient.

Avant de devenir vietnamienne, Saigon fut le plus important port du Cambodge. Le site, qui était alors occupé par les Annamites depuis le XVII ème siècle, sera ensuite baptisé du nom de Saigon avant d'être entouré de murailles le siècle suivant, puis d'être conquis par les Français. Aux dires de nos compatriotes, l'endroit ressemblait à l'époque à un immense parc dont les plantes et les fleurs renforçaient l'élégance. De nos jours, Ho Chi Minh a perdu l'essentiel de son patrimoine culturel et de ses espaces verts. Il s'agit désormais d'une cité bruyante, dont de nombreuses rues sont encore bordées d'arbres.

 

Saigon offre toutefois de beaux restes et il suffit de se promener sur la rue Dong Kho-i (ex-rue Catinat) pour s'en rendre compte. Là se dresse encore la cathédrale Notre-Dame de Saigon, imposante construction en brique rouge importée de Toulouse, de dimensions inférieures à celle de Notre-Dame de Paris mais bâtie sur le même modèle. Cet édifice fut construit par les Français de 1877 à 1880, sur la Place de la Commune de Paris (anciennement Place Pigneau de Behaine). Après la conquête de la Cochinchine et de Saigon, nos compatriotes souhaitaient disposer de leur propre église. Un premier lieu de culte verra le jour dans l'actuelle rue Ngô Duc Ke (ex-rue N°5) sous la forme d'une ancienne pagode bientôt laissée à l'abandon par les Cochinchinois durant la guerre de conquête. L'amiral Bonard, alors gouverneur de Cochinchine, fera ériger un second édifice en bois en 1863 au bord du canal Charner, la future église de Saigon. Les termites auront malheureusement raison de ce lieu de culte et obligeront les pèlerins à tenir les offices à l'intérieur du salon des invités du palais du gouverneur de Cochinchine, palais qui sera plus tard transformé en séminaire jusqu'à ce que l'actuelle cathédrale soit complètement achevée.

Un concours d'architecture sera lancé pour décider de l'apparence de la future cathédrale dont l'objectif double sera de fournir aux missions coloniales un lieu de culte et de montrer à tous la force de la civilisation française à travers la nouvelle construction. C'est le projet de l'architecte Jules Bourard qui sera finalement retenu face aux 17 autres projets. Le lauréat suggérait ainsi une construction de style roman révisé, mélangé au style gothique et basé sur le modèle de Notre-Dame de Paris. Tous les matériaux de cette réalisation seront importés de France, dont les briques rouges qui formeront les murs extérieurs. Une fois la première pierre posée par Monseigneur Isidore Colombert le 7 octobre 1877, la construction de la cathédrale durera trois années avant d'être inaugurée lors de la célébration de Pâques le 11 avril 1880. L'ouvrage aura couté 2 500 000 francs français de l'époque et sera rapidement appelé cathédrale d'Etat en raison du montant important engagé pour ses travaux.

Ce n'est qu'en 1895 que deux clochers seront rajoutés à cette cathédrale, d'une hauteur de près de 58 mètres chacun et surmontés d'une croix. Des clochers qui abritent six cloches de bronze d'un poids total de 28,85 tonnes. A l'intérieur, on peut admirer 59 vitraux issus de l'atelier Lorin de Chartres, dont certains, détruits durant la guerre, seront remplacés par des vitraux modernes.


 

Toujours sur l'ancienne rue Catinat, s'élève toujours la grande poste centrale (ci-dessus) dont l'imposante charpente fut conçue pat Gustave Eiffel. Autrefois Poste centrale de Saigon, cette grande bâtisse fut érigée entre 1886 et 1891 par l'administration des Postes françaises, du temps de l'Indochine et représentait « un lien quasi organique » avec la métropole. Le lieu fut important lors de la colonisation grâce à son télégraphe qui joua un rôle déterminant dans la transmission des ordres militaires et le coordination des militaires. En 1872, cette ligne de télégraphe sera d'ailleurs prolongée par un câble sous-marin jusqu'à Singapour, après avoir relié la capitale indochinoise au Cap Saint Jacques. L'ensemble fut bâti d'après les plans des architectes Auguste Henri Vidieu et d'Alfred Foulhoux et est conforme à son environnement. L'immense charpente métallique, elle, est due à l'ingénieur Gustave Eiffel et est remarquable. Dans l'entrée de la Poste, j'admire au passage un plan de Saigon et une carte du réseau téléphonique de la Cochinchine remontant aux débuts des années 1930. Sur l'édifice, on note enfin le visage de Mercure qui célèbre les échanges entre les hommes, tout comme ces hommages aux inventeurs dans le domaine des communications avec des cartouches mentionnant des noms de savants, qui ornent la façade du bâtiment.

 

Non loin de là, se dresse encore l'hôtel Continental (en photo ci-dessus) qui fut construit en 1880 par Pierre Cazeau. C'est là que résidèrent André Malraux et son épouse entre 1924 et 1925.

Autre lieu remarquable, l'hôtel Majestic (ci-dessous) vit le jour en 1925 sur l'initiative de la compagnie Huibon-Hua dans le style colonial français.

Toujours sur la même rue, je passe devant l'Opéra de Saigon, ou « théâtre municipal » (deuxième photo) qui fut érigé en 1900 sur le modèle de l'Opéra Garnier (Paris): conçu par l'architecte Félix Olivier, cet édifice reflète un modèle d'architecture influencé par le style flamboyant de la Troisième république française. Sa façade fut également inspirée du Petit Palais (Paris), bâtiment qui fut d'ailleurs bâti la même année. Quant à l'intérieur de cet opéra, il bénéficie d'une acoustique parfaite et d'un éclairage hors norme. L'ensemble inclut un parterre et deux balcons qui peuvent offrir jusqu'à 1800 places assises. Quant aux décors, aux inscriptions et aux meubles, ils furent dessinés par un artiste français célèbre puis envoyés sur place. Suivant le modèle gothique, la façade de l'édifice sera décorée d’inscriptions et de reliefs jusqu'en 1943, date à laquelle une partie de ces ornements sera retirée. Toutefois, le gouvernement de la ville fera reconstituer une partie de ce décor de façade de l'Opéra en 1998, à l'occasion du 300 ème anniversaire de Saigon.


 

Sur le boulevard Nguyen Huê (ex-boulevard Charner), dans le 1er arrondissement, je m'arrête quelques instants devant le magnifique Hôtel de ville (ci-dessous) de Ho Chi Minh Ville, palais construit par l'architecte français Paul Gardès, de 1902 à 1908, sur le style de l'architecture coloniale de l'époque. L'édifice est désormais mis en valeur par un éclairage conçu par les services d'éclairage de la ville de Lyon (France) qui est spécialiste dans ce domaine.

Sur le boulevard Lê Duan (ex-boulevard Norodom), j'aperçois le palais de la réunification (deuxième photo), ex-palais présidentiel érigé sur l'emplacement du palais de Norodom. Le palais original fut bâti entre 1868 et 1873 pour le roi du Cambodge, Norodom 1er, par les colons français, d'après les plans de l'architecte français Achille Antoine l'Hermitte. L'ensemble sera toutefois achevé par Eugène Codry. Le cout de cette construction fut très important puisqu'il engloutira le quart du budget des services de travaux publics de la colonie. Plus tard, cet édifice sera utilisé comme bureau du gouverneur de la Cochinchine, puis par le gouverneur général de l'Indochine française. A l'issue des accords de Genève, en 1954, et à la fin de l'Indochine française, la France transmettra ce palais au premier ministre Ngô Dinh Diêm, lequel renversera un an plus tard le chef d'Etat Bao Dai. Le bâtiment deviendra alors palais présidentiel. Le 27 février 1962, l'endroit sera bombardé par deux avions de chasse de l'armée de l'air sud-vietnamienne, avec l'intention d'abattre le président Diem et de mettre ainsi fin à sa politique impopulaire. L'attentat restera un échec mais le bâtiment souffrira de dommages importants à tel point que l'ordre sera donné d'abattre l'ensemble pour reconstruire à la place l'édifice actuel, sur les plans de l'architecte vietnamien Ngô Viet Thu. Cette nouvelle construction sera achevée en 1966 et restera résidence présidentielle jusqu'au 30 avril 1975, date de la chute de Saigon et de la fin de la Guerre du Vietnam.


Vivant avec la modernité, Ho Chi Minh Ville a aussi sa tour, longtemps restée la plus haute du Vietnam, la tour financière Bitexco (en photo ci-dessous). Ce gratte-ciel dont la construction a débuté en 2006, fut livré en 2010 et porte le nom de Bitexco, une entreprise nationale d'import-export. La tour, qui mesure 262 mètres de haut, fut bâtie par l'agence AREP avec à sa tête les ingénieurs Jean Marie Duthilleul et Etienne Tricaud pour un cout total de cent millions d'euros. L'intérieur abrite 68 étages de bureaux sur une surface totale de 95000 m2. L'ensemble offre également un centre commercial de cinq niveaux, 13 niveaux de bureaux de prestige, un restaurant panoramique et une plate forme d'hélicoptère.


 

Les édifices religieux de Ho Chi Minh Ville sont nombreux : on trouve en effet de nombreuses pagodes, dont celle de l'empereur de Jade, la pagode de Giac Làm, la pagode Vinh Nghiêm...Rue Truong Dinh (ex-rue Lareynière), se dresse également le temple hindou de Marriamman, tandis que la mosquée indienne, elle, s'élève dans la rue Dong Du (ex-rue de l'Amiral Dupré). La ville abrite aussi l'église de Cha Tàm située dans le quartier chinois de Cholon, une construction dont l'architecture intérieure mélange les styles néogothique et chinois. Sur place, le Christ est salué par des gongs. Toujours à Cholon, plus exactement dans la rue Nguyen Trai, on observe le temple dédié à la déesse Thien Hau bâi dans le style chinois. Encore de belles balades en perspective....

INFOS PRATIQUES :

  • Site officiel de Ho Chi Minh Ville (en anglais) : http://www.eng.hochiminhcity.gov.vn/Pages/default.aspx
  • La Cathédrale de Saigon étant à l'heure actuelle en réfection, il est impossible de la visiter.

  • Le Palais de la réunification est ouvert au public, tous les jours de 9h30 à 11h00 et de 13h00 à 17h00. Entrée : 40000 dongs (+ 50000 dongs pour droits photographiques si vous voulez prendre des photos à l'intérieur)

  • A l'intérieur de l'hôtel Continental, se trouve, face à la réception un couloir dans lequel des panneaux agrémentés de photographies content l'histoire de l'établissement.

 

 

 










 



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