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Musée et Mémorial des Huguenots
(Franschhoek, Province du Cap-Occidental, Afrique du Sud)
Heure locale

 

Mercredi 13 novembre 2019

 

Le mot Huguenot ne m'est pas inconnu, mais une recherche plus approfondie éclairera ma lanterne. Ce mot remplacera le terme de luthérien pour la première fois en 1560 dans notre pays. Plusieurs hypothèses émergent mais il semblerait que, compte tenu de l'importante émigration de ces gens qualifiés de protestants, le terme huguenot soit connu dans le monde entier. La France catholique regardera ces gens et leur façon de penser d'un mauvais œil et les Huguenots connaitront plusieurs périodes de « refuge » dont une première vague après le massacre de la Saint-Barthélémy, une seconde sous le règne de Louis XIV avec les dragonnades et la révocation de l'édit de Nantes en 1685 et une troisième lors de la guerre de Succession d'Espagne. Ces Huguenots s'enfuirent vers des territoires voisins, ou parfois plus loin, comme en Afrique du Sud. Souvent non qualifiés, certains vivront chichement dans leur pays tandis que d'autres, artisans et commerçants, contribueront activement au développement économique. C'est l'existence de ces femmes et des hommes persécutés que nous raconte le Musée des Huguenots de Franschhoek, musée à côté duquel on élèvera un Mémorial en 1938 à l'occasion du 250è anniversaire de l'établissement de ces gens au Cap.

 

Sauve qui peur sera le mot d'ordre pour ces protestants de France dès 1560. Certains fuiront vers l'Angleterre ou vers la République hollandaise pour embarquer ensuite pour le cap de bonne Espérance. La grande majorité de ces gens (membres de congrégations wallonnes et protestants de France) atteindront l'Afrique du Sud en 1688-89. L'Oosterland entrera ainsi dans la Baie de la table (Table Mountain) le 26 avril 1688 avec, à son bord, 24 Huguenots à l'issue d'un voyage effectué en un temps record (deux mois et 22 jours). L'exposition permanente du musée relate l'histoire des Huguenots au Cap dans le contexte du phénomène mondial des réfugiés et montre l'apport positif de ces gens dans le développement de l'Afrique du sud.

La Compagnie hollandaise des Indes orientales (VOC) aura senti le vent tourner quelques jours avant la révocation de l'Edit de Nantes et enverra un certain nombre de colons au Cap afin d'y renforcer la base agricole déjà existante. Feront partie du voyage des réfugiés français de la religion réformée et des vignerons dotés d'un véritable savoir-faire. Après avoir subi un examen minutieux (pour s'assurer que le candidat était recommandable) et avoir prêté serment d'allégeance, les colons recevaient les mêmes privilèges que les Hollandais. A leur arrivée, ils trouvèrent des occupants épisodique sur leurs terres allouées, les Khoi et les San, peuple semi-nomade qui allait et venait selon les saison et qui allait à leur tour devenir malgré eux des réfugiés sur leurs propres terres, coupés des points d'eau, des pâture et des peuplements saisonniers, et dans l'incapacité de pratiquer librement la chasse et la cueillette.

L'offre de la VOC était bien tentante pour ces Huguenots parfois sans qualification. L'aide était attribuée en deux fois : la première année, on allouait une ferme à une personne, puis un ou deux ans plus tard, le fermier recevait le titre de propriété de sa ferme. On avait bien entendu pris soin d'établir les colons fermiers sur des terres riches se trouvant par exemple le long des cours d'eau.

 

La plupart des Huguenots venant au Cap étaient des jeunes hommes. Prolifiques, les femmes huguenotes mettaient au monde un enfant tous les deux ans, mais la mortalité infantile pouvait être importante. Au 18è siècle, l'espérance de vie moyenne était de 55 ans, les épidémies n'épargnant pas les réfugiés. Par ailleurs, de nombreux Huguenots arrivés au Cap étaient affiliés, c'est à dire que plusieurs familles françaises de noms différents, mais possédant entre elles des liens familiaux, avaient par exemple fait le voyage sur le même navire en direction du Cap en 1688. Et les mariages entre gens de mêmes familles de se poursuivre ensuite sur cinq générations, voire plus.

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, la Compagnie hollandaise des Indes orientales cherchera à attirer des Huguenots possédant notamment des compétences en matière de vinification et de fabrication de vinaigre et d'eau de vie. La VOC ne facilitera cependant pas la tâche de ces arrivants compte tenu des restrictions imposées (la VOC possédait alors le monopole du commerce de l'eau de vie et des vins), des sécheresses à répétition et des dures conditions de vie. Malgré tout, ces Huguenots du Drakenstein deviendront rapidement les premiers producteurs de vin de la région.

 

Les Huguenots français débarquèrent au Cap avant tout pour rechercher la sécurité et la liberté religieuse. Sur place, ceux qui arrivèrent à bon port (certains périssant en cours de route) persévéreront et mettront leur dynamisme au service de leur pays d'accueil. Leur histoire représente tout simplement l'histoire humaine faite de déplacements, de fuites, et d'adaptation pour trouver la liberté personnelle, religieuse, économique et politique qu'on ne pouvait pas toujours obtenir dans son pays natal. Et ceux qui s'établirent au Cap d'avoir finalement influencé la société sud-africaine bien au-delà de leur nombre. A l'intérieur de la cellule familiale, la femme huguenote occupait une position importante dans la société en tant que propriétaire, agricultrice ou femme d'affaires. Et plusieurs d'entre elles, mariées à des non Huguenots, deviendront les mères fondatrices des futures familles d'Afrikaners.

Certes, les Huguenots de France quittèrent leur pays à cause de leur engagement pour leur liberté religieuse mais également pour la liberté tout court et l'autoritarisme des Hollandais ne plaira pas toujours. Ainsi, les pratiques monopolistiques de la VOC faisant obstacle à la prospérité économique de ces nouveaux venus entrainera la signature d'une pétition lancée par Adam Tas adressée en haut lieu, qui entrainera la fin de la gouvernance de Wilhem Adriaen Van der Stel au Cap. La moitié des signataires étaient alors des Huguenots, ces mêmes personnes qui participeront étroitement à la vie de la société, à travers les gouvernements locaux, au Conseil politique et au Comité des conseils de district, et ce, dans l'intérêt de tous les citoyens libres.

 

Un exemple de liberté religieuse sera offert par le Huguenot Pierre Simond qui parviendra à obtenir de la VOC l'autorisation de créer une congrégation française au Drakenstein, dont les deux points forts seront une volonté d'indépendance et l'application d'une discipline religieuse stricte. Pourtant, lorsque les Huguenots arrivèrent au Cap, la partie n'était pas gagnée d'avance, la VOC nommant elle-même les ministres du culte qu'elle employait et déterminant aussi la politique de l'église à travers son conseil politique. En revanche, la demande de Pierre Simond pour que le culte soit exercé en français sera rejetée par le gouverneur. Autre initiative huguenote : l'instauration de la Société des vrais Afrikaners, entité qui jouera un rôle-clef dans la reconnaissance de l'Afrikaans comme langue. Plus jeune langue officielle dans le monde, l'Afrikaans se développera à partir de la langue hollandaise du Cap des 17è et 18è siècle, utilisée dans les communications entre les responsables de la Compagnie hollandaise des Indes orientales et les diverses populations de la colonie. L'objectif consistera à développer un Afrikaans écrit, plus accessible que le Haut-Néerlandais utilisé dans la Bible. Une école en langue afrikaans, l'Ecole commémorative huguenote, sera aussi créée.

 

Petit village sud-africain, Franscchoek où se trouve le musée huguenot que je visite aujourd'hui, peut être traduit par « coin des Français ». J'y croiserai d'ailleurs un grand nombre d'appellations françaises même si l'on trouve ici très peu d'habitants qui pratiquent notre langue. L'histoire de ce village remonte au 17è siècle, lorsque le gouverneur Simon Van der Stel avait réclamé avec insistance à la Compagnie hollandaise des Indes orientales des experts-vignerons et des spécialistes de la culture de l'olivier. Et près de 277 Huguenots de débarquer ici en 1685, sur les terres que le gouverneur leur avait réservées dans la vallée d'Olifantschoek (le coin des Eléphants) devenue Franscchoek (coin des Français en afrikaans). La première ferme de la région sera allouée en 1692 à Heinrich Müller, un colon européen de Bâle. Nos ressortissants, eux, se virent d'abord allouer des fermes dotées de mauvaises terres, et les Huguenots de protester auprès du gouverneur pour en obtenir de meilleures. C'est grâce à ces terres et aux Huguenots de France que se développa la culture de la vigne dans toute la vallée du Drakenstein et à Franscchoek. Mais de nos jours, la langue de Molière n'est plus parlée, et seuls les noms de famille à consonance française demeurent (Du Toit, Marais, Du Plessis, Malan, Malherbe, Joubert...) ainsi que le souvenir d'un petit village afrikaner jusque dans les années 1980.

Les Huguenots connaissaient bien généralement la viticulture dont ils faisaient d'ailleurs leur cœur de métier. Grâce à eux, Le Cap sera bientôt réputée pour ses vins secs et doux, son brandy, ses vinaigres et ses raisins secs. Les premiers cépages furent le Sémillon (raisins blancs), le Stein, le Muscat d'Alexandrie (Hanepoot), le Pontac et le Muscat de Frontignan (Muscadel blanc et rouge), sans oublier les raisins français, Lacryma Christi, et les raisins de Cristal en 1886. Mais bientôt le phylloxéra décimera les vignes et les fermiers choisiront de se reconvertir en plantant un grand nombre d'arbres fruitiers pour éviter la faillite. Cette maladie aura fichu un sale coup à la viticulture locale qui ne se remettra d'aplomb qu'avec l'arrivée de nouveaux plants dotés de racines plus résistantes et importés d'Amérique.

 

Lors de l'installation des Huguenots à Franscchoek, les fermes avaient généralement une superficie de 50 hectares sur les rives de la rivière locale. La plupart d'entre elles portaient le nom de provinces natales des nouveaux arrivés. Coincé entre rivière et montagnes, Franschhoeh ne fut pas toujours d'accès facile. La première piste suivie par les voyageurs pour franchir la passe avait été tracée par les éléphants qui se réfugiaient depuis fort longtemps dans cette région calme et isolée afin d'y élever leurs progénitures. Il s'agissait là d'une chemin primitif et impraticable pour les chars-à-boeufs. L'ambitieux gouverneur Simon Van der Stel imaginait pourtant que des esclaves en nombre suffisant pourraient rendre cette piste carrossable en trois mois. Il faudra 125 ans pour y parvenir, vers 1819. Et encore cette route trop étroite n'autorisait que le passage d'un char à bœufs, d'où son nom de Cat's Pad (Chemin des chats). Cette route sera malgré cela utilisée jusqu'en 1825, année durant laquelle Lord Charles Somerset profita du passage des 150 soldats du « Royal Africa Corps » en transit vers le Sierra Leone pour tracer une nouvelle chaussée. La chose la plus remarquable dans cet ouvrage étant le pont de pierre jeté par dessus le gué, plus ancien pont d'Afrique du Sud toujours en service aujourd'hui. La chaussée, elle, sera utilisée jusqu'en 1933, date d'ouverture de la route actuelle, goudronnée en 1960.

 

Les bâtiments du musée des Huguenots sont dispersés sur une surface assez grande et des deux côtés de la route. Une fois garé, j'achèterai mon billet (qui consiste en un simple bracelet de papier qu'on vous colle au poignet) et serait lâché dans l'édifice, sans plan ni autre explication. Un peu court pour un site comme celui-ci qui accueille chaque année des dizaines de milliers de visiteurs. En fait, il faut être curieux car en parcourant du regard les nombreux panneaux d'information, je m'apercevrai que les textes sont en quatre langues (Anglais, hollandais, français et Kosa). Je n'aurai aucune difficulté à prendre des photographies sur place et pourrai filmer à volonté. Pour rappel, le bâtiment dans lequel vous achetez votre billet d'entrée offre une partie de l'exposition. Il faut ensuite ressortir, traverser la chaussée et pénétrer dans le parc où se trouvent les autres édifices : sur votre droite l'exposition consacrée aux Huguenots, et sur votre gauche, le musée du parfum. Le Mémorial Huguenot est quant à lui en retrait, à 400 mètres du musée Huguenot. Il fut érigé en 1938 à l'occasion du 250è anniversaire de l'établissement de la communauté au Cap et exprime l'hommage des descendants à leur héritage protestant. Le monument lui-même est formé de la Croix de la foi chrétienne, du soleil de la Justice (en son sommet), tandis que les trois arches symbolisent la Sainte Trinité et le bassin et la colonnade en arrière-plan, la sérénité et la paix spirituelle après la lutte. Ma vidéo retrace en images le parcours effectué lors de ma visite.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Musée Huguenot et Mémorial huguenot, Lambrechts Street, à Franschhoek. Tél:+27 21 876 2532. Entrée adulte : 80 rands. Ouvert du lundi au samedi de 9h00 à 17h00 et le dimanche de 14h00 à 17h00. http://www.museum.co.za/

 

 

 









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