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Histoire florentine
(1) La Tour de la Pagliazza (Florence, Région de Toscane, Italie)
Heure locale

 

Vendredi 21 février 2020

 

Il y a des jours où l'on a envie de rester bien au chaud tout en restant curieux, et de visiter musées, palais ou autres endroits insolites. Je me rends aujourd'hui à la Tour de la Pagliazza qui abrite un petit musée unique en son genre, au sein de l'hôtel Brunelleschi.

 

Je ne savais pas que Florence avait plus d'une tour dans son (sac) en venant ici. Et moi, de me rendre tout à tour au campanile de la cathédrale, puis à la Tour d'Arnolfo afin de prendre de la hauteur pour mieux apprécier cette magnifique cité. Cette fois, il s'agit d'une plus petite tour, la Tour de la Pagliazza, isolée sur une petite place proche du Duomo. L'édifice fut construit alors que des soldats grecs défendaient la cité contre les Goths, ce qui les amena à renforcer les fortifications urbaines en érigeant ladite tour sur une ancienne piscine ou un bassin thermal romain. D'autres sources (thermales?) prétendent que la tour en question aurait été édifiée plusieurs décennies plus tard par les Lombards, sans toutefois pouvoir en rappeler les origines exactes. On sait simplement que l'endroit servira de prison pour femmes puis le mot pagliazza signifie paille (faisant référence aux paillasses des cellules). Puis, la tour deviendra clocher pour l'église de San Michele alle Trombe avant d'être incorporée dans un immeuble aménagé en entrepôt et en logements. Heureusement, l'hôtel Brunelleschi est passé par là et l'a reprise à son compte pour la restaurer somptueusement . On doit cette rénovation à Italo Gamberini, qui a su mettre l'édifice en valeur en en dégageant la vue et en en faisant ressortir la rondeur et l'architecture médiévale. Des fouilles auraient aussi permis de découvrir l'origine romaine des fondations (période des 1er au 2è siècle avant J.C). On retrouve ainsi des restes d'un bain thermal avec ses canalisations destinées au transport de la vapeur d'eau, laissant penser qu'à cette époque, Florence disposait à la fois de bains publics et privés. A proximité, on trouvait alors l'église Saint Michel de Palco, mentionnée dans une bulle papale du pape Innocent II datant de 1141. Au début du 12è siècle, cette paroisse était particulièrement vénérée à l'époque des invasions lombardes locales. Et un siècle plus tard, des documents de faire état de cette l'église comme appartenant aux 36 paroisses de la ville, jusqu'à ce que le lieu de culte ne change de nom en 1390 pour l'appellation de San Michele delle Trombe.


 

C'est avec une grande courtoisie que le concierge de l'hôtel Brunelleschi m'accueille et me confie aux bons soins d'un groom qui me conduira jusqu'à la tour. L'endroit se compose de trois pièces, dotées de vitrines offrant des restes de céramiques de Montelupo, dont certains proviennent de l'ancienne église. La restauration de l'endroit se fera en trois étapes jusqu'à offrir au public l'exposition actuelle, dont le principal élément reste sûrement les débris de céramiques des époques Renaissance et post-Renaissance, eux-mêmes classés par ordre de provenance (Montelupo ou Gubbio). Il s'avère que la production de céramique fut très importante ici durant les années 1500 et la première moitié des années 1600. La principale caractéristique de la vaisselle d'alors résidait dans un décor de plaines, agrémenté d'un animal, d'un motif floral ou d'une forme géométrique placé au centre de l'assiette. Plus rares seront les céramiques datant de la période romaine. Les restes mis à jour se référant plus largement aux périodes des débuts et haut Moyen-Âge, agrémentés de jolis dessins au trait précis et avec des reliefs. Les fragments émanant de bols et d'assiettes florentins du 15è siècle, eux, sont plus courants.

 

La tour Pagliazza reste l'une des dernières tours florentines encore debout même si sa forme semi-circulaire et ses usages passés interrogent. L'édifice relève t-il de l'ère byzantine ou de la période des invasions lombardes des 9è et 10è siècle ? Pas si sûr, eu égard aux autres exemples de tours voisines qui sembleraient pencher pour la période romaine. On peut certifier que ladite tour faisait partie d'un complexe thermal plus global datant de l'ère Impériale. Par ailleurs, un document de 1285 démontre que le tour Pagliazza servit de prison pour femmes. Ce qui n'était pas si mal car les premières prisons de Florence étaient aménagées dans les soubassements des voûtes des anciens amphithéâtres durant la plus grande partie du Moyen-Âge. Çà ne sera qu'au 13è siècle que la cité se résoudra à construire sa première véritable prison, du côtés des Vias Verdi et Ghibellina. Quant au système carcéral florentin, il était particulier : le prisonnier était condamné à purger une ou plusieurs années de geôle à l'issue de son procès. Le reste dépendait des moyens dont il disposait pour améliorer l'ordinaire. Contre une livre journalière, le captif bénéficiait d'une détention convenable, contrairement à celui qui ne disposait pas d'argent, et qui souffrait davantage. Enfin, les détenus n'étaient jamais à l'abri d'une aubaine (amnistie politique ou grâce des autorités religieuses) selon les circonstances du moment. Je me demande alors quelle apparence celle-ci pouvait t-elle bien avoir au milieu du 15è siècle. La réponse est devant moi (ci-dessous) car elle a été retapée telle qu'elle apparaissait à cette époque. L'endroit n'étant plus alors utilisé comme prison mais comme boutiques (au rez-de-chaussée) et entrepôts et appartements (à l'étage).

 

Dans la dernière (et plus grande salle) de la tour, je retrouve plusieurs restes de porcelaine majolique sur des assiettes et des bols. Le décor prédominant de ces pièces consistait ou bien à peindre un dessin en bleu clair sur un fond blanc, ou bien à utiliser le procédé « blu graffito », qui consistait à tracer des motifs rayés bleus. On est alors aux 16è et 17è siècle, et ces décors sont typiques de la céramique de Montelupo.

D'autres bols aux décorations d’arlequin datent du 17è siècle et proviennent d'un point de production particulier de Montelupo. Les autres débris retrouvés lors des excavations sont originaires de Gubbio (Ombrie). A Gubbio, on recouvrait d'abord les céramiques d'une pâte dans laquelle on incisait finement le décor. Ce procédé était à la fois plus économique et plus simple à réaliser que celui de Montelupo.

Les céramiques polychromes devant lesquelles je me trouve possèdent des motifs variés : au centre une étoile entourée de cercles, puis d'oiseaux se trouvant eux-mêmes au milieu d'autres motifs géométriques et de lettres, puis à nouveau différentes autres formes. Les plus riches exemples de ce type se rencontrent sur les blasons de grandes familles florentines.

Un petit mot sur la faiënce de Montelupo qu'un grand livre, gracieusement mis à la disposition du public, aborde à l'entrée de la première salle d'exposition : il s'agit là de la production céramique de la petite ville de Montelupo Fiorentino, non loin de Florence. Et Montelupo d'avoir été l'un des plus importants centres de production de céramique au temps de la Renaissance, tant en Italie qu'en Europe.

Quant à Gubbio, petite ville de l'Ombrie, elle connait le travail de ses maitres-potiers depuis le 14è siècle et des documents de l'époque médiévale rapportent déjà l'existence d'une majolique primaire (faïence italienne de la Renaissance inspirée à l'origine de la céramique hispano-mauresque) aux décors géométriques dans les tons vert et marron. La réputation de la ville en la matière débutera avec l'arrivée du maitre Giorgio Andreoli, en 1489, spécialiste des finitions lustrées or, argent, vert ou rouge rubis.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Tour de la Pagliazza, à l'hôtel Brunelleschi, Piazza Elisabetta 3, à Florence. Tél : +39 055 273 70. Téléphoner préalablement à l'hôtel pour demander à visiter la tour. Entrée gratuite. Courriel : info@hotelbrunelleschi.it











 



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