Samedi 7 mars 2020
Loin s'en faut, mon site internet n'est pas un guide gastronomique mais privilégie les sujets culturels ciblés sur une destination donnée. Cela ne veut pas dire que je ne m'accorde pas de temps à autre des douceurs, d'ailleurs plutôt sucrées, que je me propose de vous faire partager dans cet article. Le texte élude volontairement les vins car, à ce jour, je n'ai gouté aucun vin considéré comme exceptionnel par mon palais. Une liste des vins consommés durant ce séjour florentin figurera toutefois dans le numéro spécial de La Lettre avec mon appréciation. Bonne dégustation !
Comme toutes les villes touristiques, où pullulent des commerces de bouche plus ou moins recommandables, j'ai pour ma part tenté de m'arrêter dans quelques endroits plus réputés que d'autres :
Pour déguster une bonne pâtisserie, le Caffè Scudiery, situé juste à côté du Baptistère, me paraît être une très bonne adresse. Je m'y rendrai souvent durant mon séjour, en matinée ou en milieu d'après-midi, et le service y sera toujours à la hauteur. Lors de votre venue, présentez-vous devant la vitrine des gâteaux, et dites (si c'est le cas) que vous souhaitez consommer sur place. On vous remettra alors un ticket numéroté, puis vous irez vous attabler dans la salle indiquée et un serveur viendra prendre votre commande quelques instants plus tard. Avant votre départ, vous pourrez régler en argent liquide ou en carte bancaire.
Le choix de pâtisseries est ici impressionnant et mieux vaut ne pas me laisser seul dans un tel endroit. J'ai cependant fait de ces trois gâteaux mes favoris : le Sacher, le Fedora et le Baba au rhum. La toute première fois, j'ai jeté mon dévolu sur les deux premiers gâteaux, accompagnés d'un cappucino. L'avantage de cet établissement est que les boissons chaudes sont servies très chaudes, ce qui n'est pas toujours le cas partout. Certains me diront que l'on ne met pas les pieds en Italie pour consommer un cappucino,mais les goûts et les couleurs....
Les deux premières visites, le Sacher fut servi moelleux à souhait, légèrement tiède. La troisième fois, la même pâtisserie était loin d'être identique, et le moelleux était sec par endroits. J'appelais le serveur pour lui suggérer que ce gâteau devait dater de la veille. Très courtois, il m'apporta une petite assiette de deux mini pâtisseries composée d'un chou à la crème et d'un mini baba. Dès le lendemain, j'adoptais donc le baba au rhum grand modèle, pour son moelleux et son sirop abondant et si parfumé.
C'est d'ailleurs un serveur de la maison Scudiery qui me conseilla de me rendre à Enoteca Alessi, toute proche, moi qui recherchais un caviste. Devenu désormais mon fournisseur privilégié en vin rouge et en lemoncello, je m'attardais récemment sur les spécialités sucrées florentines. On m'en conseilla deux : le gâteau au chocolat Cassatat Fiorentina (ci-dessous) fait de trois couches de gaufres friables garnies de noisettes grillées et de sucre, le tout recouvert de chocolat noir. Cette recette traditionnelle date de 1930. A découvrir. Celles et ceux qui préfèrent les bonbons opteront pour les caramels Orzo de la maison Fallani (deuxième photo). L'enseigne, qui s'enorgueillit d'exister ici depuis 1926, doit sa création à Lorenzo Fallani, dont le fils, Rodrigo, fera connaître le caramel Orzo dans toute la Toscane, un bonbon cuit selon une méthode traditionnelle.
Au risque de jeter un froid chez la concurrence, la crème glacée serait bel et bien une invention florentine. Non contente d'être à l'origine de la perspective grâce à Leon Battista Alberti, d'avoir inventé la littérature italienne grâce à Dante et le tout premier téléphone grâce à Antonio Meucci, Florence devrait l'invention de la crème glacée à un certain...Bernardo Buontalenti, ingénieur, architecte, décorateur mais également inventeur, qui trouvera la bonne recette. Avant lui, d'autres tentatives avaient eu lieu avec le Florentin Ruggeri, qui avait présenté un « sorbet » lors d'un concours gastronomique. Et le grand-duc d'ordonner un jour à Buontalenti d'imaginer « un dessert qui laisserait bouche bée ces étrangers, de surcroit Espagnols ». Buontalenti finira par créer la glace, mélange à base de jaune d'oeuf et de lait, amalgamé à du miel en guise d'édulcorant, agrémenté d'une goutte de vin pour fortifier le mélange et d'une pincée de sel pour refroidir l'ensemble. La crème glacée n'en était alors qu'à ses débuts et la formule sera sans cesse améliorée au fil des ans, même si c'est à Florence, et nulle part ailleurs, qu'on continue de fabriquer la succulente glace au lait « Buontalenti ». Sur les conseils de la maison Alessi (mais oui mais oui!), c'est chez le glacier Vivoli que je me suis rendu pour déguster ma première crème glacée locale. Sur place, j'entamerai une conversation avec la maitresse des lieux qui me conseille de goûter la glace à la crème aux œufs et la glace au riz. Je ne regretterai pas d'avoir choisi ces deux parfums : la glace à la crème aux œufs a le goût attendu, et la glace au riz contient des morceaux de riz qui me font penser à du gâteau de riz au lait. La patronne m'avouera ne pas avoir y ajouté de vanille pour n'offrir que le goût du riz. Le mélange est aussi surprenant que réussi, bravo ! Pour terminer, le personnel, très attentif, m'offrira un café « restretto » digne des meilleures tables italiennes, dans lequel je serai invité à y tremper de la crème Chantilly. Un régal ! « Reviendrez-vous ? » me demande la serveuse. Et de lui répondre avec un grand sourire : « Plutôt deux fois qu'une »(même si je n'ai pas touché le groin du Porcellino au Mercato Nuovo). Je quitterai avec regret cette vénérable enseigne fondée en 1930, à deux pas de la basilique Santa Croce, une histoire de famille qui entame sa quatrième génération.
Avant de clore ce chapitre gourmand, je voudrais aborder cette préparation culinaire italienne qu'est le sabayon. C'est dit-on, Catherine de Médicis qui aurait introduit ce mets délicieux à la cour de France en 1533. A Florence, l'église de Santa Margherita, qui est aussi le siège de la confrérie des maitres queux, est partie prenante dans l'affaire. C'est en effet le saint patron de cette confrérie, San Pasquale Baylon, qui aurait conçu la recette du sabayon d'après la formule suivante : un jaune d'oeuf, deux verres de Marsala, deux cuillerées de sucre et un verre d'eau. Et San Pasquale Baylon de prescrire cette recette à ses paroissiennes, qui, à confesse, se plaignaient de la « langueur » de leur mari. Une sorte de Viagra avant l'heure en quelque sorte....
L'Italie n'attendit pas Graham Bell pour inventer le téléphone, ou du moins le télectrophone, premier appareil téléphonique au monde réalisé par Antonio Meucci alors qu'il travaillait comme technicien au théâtre de la Pergola de Florence. Meucci créa ce système pour converser à voix basse depuis la scène avec les machinistes qui se trouvaient sur le haut plancher du théâtre. Lorsque notre homme partit travailler aux Etats-Unis, il se construisit une ligne téléphonique privée identique pour pouvoir converser avec sa femme malade, entre le théâtre new-yorkais et son domicile. Jusqu'en 1989, personne n'aurait douté que Graham Bell était l'inventeur du téléphone, mais cette même année, Basilio Catania, directeur général du centre d'études et du laboratoire de télécommunications de Turin (Italie) découvrit l'invention d'Antonio Meucci, le télectrophone (ci-dessus en photo) créé en 1850. En 1860, notre inventeur fit part de son invention à un de ses amis et l'expérimentation fera alors l'objet d'un article dans L'Eco d'Italia, journal new-yorkais de langue italienne. En 1874, Antonio Meucci contactera la Western Union Telegraph Company pour faire une démonstration de son invention. Silence radio jusqu'en 1876, où Meucci perdit les droits sur son brevet. Et Graham Bell, qui aurait travaillé dans l'atelier où Meucci entreposait tous ses instruments, de déposer son propre brevet de téléphone en ...mars 1876. Se sentant grugé, Meucci intentera un procès à Graham Bell, procès qui se prolongera jusqu'au décès de l'inventeur florentin, en 1889. Et notre directeur Basilio Catana dans tout çà ? Ses investigations permirent l'ouverture d'une enquête qui révélera une relation secrète entre les employés du Bureau des brevets et la société Bell, laquelle s'était engagée à transférer à la Western Union 20% des profits générés par l'invention. Money, money....
INFOS PRATIQUES :
- Caffè Scudiery, Piazza di San Giovanni, 19R, à Florence. Tél:+39 055 210 733. Accès internet gratuit sur place. Ouvert tous les jours de 7h00 à 23h00. Site internet : http://www.scudieri.it
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Enoteca Alessi, Via delle Oche, 27 R, à Florence . Tél : +39 055 214 966. Boutique de spécialités locales, et vaste cave à vins au sous-sol. Ouvert tous les jours, sauf le dimanche, de 9h30 à 19h30. Très bonne adresse pour choisir un vin ou des idées de gourmandises à rapporter avec soi. Site internet: http://www.enotecaalessi.it
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Caramels Fallani : https://www.caramellefallani.it/it/
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Gelateria Vivoli, Via Isola delle Stinche, 7R, à Florence. Tél : +39 055 292 334. Le personnel parle le français. Site internet : http://www.vivoli.it Ce glacier est aussi présent à New-York (Etats-Unis), au Macy's Herald Square, 151W et 34th St (au 6è étage), à l'entrée de 35th Broadway, et à Orlando (Etats-Unis) au Parc Walt Disney, 1600W Buena Vista Dr.
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On peut encore voir le télectrophone au Théâtre de la Pergola, Via della Pergola 12-32, à Florence. Tél:+39 055 226 4364. Des visites guidées sont organisées à cet effet, en italien et en anglais. Site internet : http://www.teatrodellapergola.com