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Jean Giono, l'inclassable
(Manosque, Alpes-de-Haute-Provence, France)
Heure locale

 

Mardi 26 mai 2020

 

Cela fait déjà cinquante ans que Jean Giono nous a quitté. Né à Manosque (04) en 1895, le célèbre écrivain français décédait dans cette ville même qui l'avait vu naitre. Notre pays a décidé de marquer d'une pierre blanche cette année 2020 en l'honneur du cinquantenaire de la disparition de celui qui s'inspirera tant du monde paysan provençal pour rédiger ses œuvres. Et cette année Jean Giono de donner lieu à un certain nombre de rendez-vous culturels destinés à promouvoir la vie et l'oeuvre de cet écrivain, à commencer par Manosque, sa ville natale.

 

En dépit de l'actualité et de ses contraintes, 2020 sera l'année Giono ou ne sera pas. Ne serait-ce que pour mettre en exergue la vie et l'oeuvre de ce personnage littéraire qui mit tant en valeur sa Provence natale. L'homme restera profondément attaché à Manosque, sa ville natale, au point d'y passer le plus clair de son temps, dans sa maison Le Parais, une demeure noyée dans la verdure dont il fera l'acquisition en 1930. Survivance du talentueux écrivain, cette demeure, inscrite au titre des Monuments historiques et labellisée « Maison des Illustres » depuis 2011, est ouverte au public toute l'année grâce aux bons offices de l'Association des Amis de Jean Giono. Les profanes (dont je fais partie) y apprendront que cet homme, qui allait compter parmi les plus grands écrivains que la littérature ait portés était de milieu modeste, et fils d'un cordonnier et d'une repasseuse. Prolifique, il créera un Sud imaginaire de roman en roman, ne tardant pas à connaître le succès dès 1929 avec la parution de « Colline » A la fois conteur et poète, il composera avant 1939 des romans épiques et lyriques comme « Regain », « Le Chant du monde » ou « Que ma joie demeure ». N'entendant rien aux choses de la guerre et profondément traumatisé par son vécu de la Première Guerre mondiale, Jean Giono militera en faveur du pacifisme intégral et publiera plusieurs essais contre la guerre et la civilisation technicienne. L'écrivain évoluera dans le temps et adoptera un ton plus incisif et ironique après 1945 et son œuvre de devenir plus sombre et pessimiste, tout en se développant sur deux axes : d'un côté, le cycle du hussard, avec « Angelo », « Le Hussard sur le toit », « Le bonheur fou » et « Mort d'un personnage », et de l'autre, la série des « Chroniques romanesques », avec « Un roi sans divertissement », Les Âmes fortes » et « Le moulin de Pologne ». 1954 lui ouvrira bientôt l'accès à l'Académie Goncourt et l'homme se lancera dans le cinéma en tournant lui-même « Crésus ». Solitaire, inclassable et en marge des courants littéraires de son temps, il nous a légué une œuvre immense traduite à ce jour en plus de quarante langues.


 

C'est en 1992 que le Centre Jean Giono verra le jour, à l'initiative de la ville de Manosque et sur une proposition de la famille Giono. Etablissement culturel, ce centre offre un espace d'exposition, un centre de documentation (à l'Hôtel Raffin, situé dans le vieux Manosque) et le Paraïs (maison et jardins de l'écrivain au pied du Mont d'Or). Et de proposer à un large public, tout au long de l'année, expositions, promenades et randonnées littéraires, lectures-spectacles, activités pédagogiques et visites guidées de la maison de l'écrivain.

Il paraît impossible de résumer la vie de Giono en quelques lignes et cet article n'a pour objectif que d'entrouvrir quelques portes qui permettront peut être de découvrir l'auteur de manière plus vivante. L'exposition consacrée à l'écrivain par le MUCEM de Marseille l'an passé fut l'une d'entre elles et révéla les contrastes et les réalités de Giono. Observateur de son temps, l'homme s'inspirera beaucoup des paysages et des habitants de Provence pour écrire ses romans dans lesquels il retranscrira les sensations ressenties. Profondément choqué par son vécu des champs de batailles de la Première Guerre mondiale, il deviendra humaniste et pacifiste, plaçant la nature au premier plan de ses œuvres, comme dans « L'homme qui plantait des arbres » et « Un roi sans divertissement ». Plus tard, il traitera aussi des questions cruciales dans « Chroniques romanesques » et « Le Hussard sur le toit ».

Si l'auteur est solitaire, il se nourrira tout de même des rencontres qu'il aura faites tout au long de son existence, dans sa maison Le Paraïs : son grand ami Lucien Jacques, l'écrivain André Gide ou le peintre Eugène Martel compteront parmi les fidèles de toujours.

 

Jean Giono se différenciera des grandes figures littéraires du 20e siècle, se bâtissant lui-même sa culture, ne voyageant jamais à l'étranger et restant à l'écart des grandes villes, surtout de Paris. Aucun grand prix littéraire français ne lui sera d'ailleurs jamais décerné, et l'homme ne cherchera pas non plus à influer sur la littérature d'alors, ce qui le classera dans les...inclassables. La carrière de l'écrivain comporte plusieurs périodes : de 1895 à 1935, l'auteur vit le traumatisme de la « Grande Guerre » et célèbre la nature, notamment à travers la publication de « Colline » en 1929. De 1935 à 1950, place au pacifisme et aux années de guerre. L'anarchiste Giono s'engage pour la première fois de sa vie, d'abord pour la paix, puis contre la civilisation technique moderne tout en annonçant (déjà!) l'écologie. Et ses ouvrages « Que ma joie demeure » (1935) et «Les vraies richesses » (1936) d'enthousiasmer la jeunesse. La période comprise entre 1951 et 1970 sera l'occasion pour Jean Giono de découvrir le cinéma, en écrivant des scénarios et des dialogues. Dès 1951, il reprendra la place qui lui revient, en étant élu à l'Académie Goncourt trois ans plus tard.Et de voyager enfin en Europe, délaissant le roman qui l'avait tant tenu en haleine, pour se consacrer au livre de voyage et autres travaux rédactionnels.

 

L'année Jean Giono se célèbre aussi à Marseille (13). Le Mucem a déjà présenté l'exposition « Giono », sous la forme d'une grande rétrospective consacrée à l'écrivain. Le public aura apprécié l'approche suggérée, en décrivant l'oeuvre écrite et filmée de l'auteur sous l'angle de la noirceur, du nerf et de l'universalité. Giono, revenu des charniers de la Première Guerre mondiale ne mettra t-il pas un point d'honneur à décrire la profondeur du mal pour mieux en trouver les antidotes (création, travail, pacifisme, amitié des peintres, refuge dans la nature et évasion dans l'imaginaire) ? L'exposition en question aura mis en exergue manuscrits, archives familiales et administratives, reportages photographiques, presse, carnets de travail et scénarios annotés en illustration des thèmes abordés : Se retirer du mal (1895 à 1939), la projection d'extraits de films de Marcel Pagnol adaptés de livres de Jean Giono, la Paix et la Vie, puis Retour en Enfer (1940-1945).


 

Dès l'année dernière, le musée marseillais Regards de Provence, en coproduction avec le MUCEM, nous avait offert l'exposition 'Lucien Jacques. Le sourcier de Giono », qui dévoile les multiples talents de cet artiste pluridisciplinaire et ami de Jean Giono, qu’était Lucien Jacques (1891-1961). Le déroulement de cette exposition fut malheureusement interrompu à cause du coronavirus. L'évènement, dont l’ensemble des œuvres est issu de la collection de la Fondation Regards de Provence, réunissait près de soixante-dix toiles des 19e et 20e siècles et nous invitait à un voyage dans le temps à travers la campagne provençale en mettant en lumière le pays natal de Giono par la beauté et le réalisme des œuvres des peintres de l’Ecole des Paysagistes de Marseille. Rappelons qu'au 19e siècle, et malgré les progrès de l’industrialisation, la France était restée essentiellement rurale et tout particulièrement la Provence. Un grand nombre des ouvrages de Giono ont pour cadre le monde paysan provençal. Selon lui, « la nature y est belle, mais aussi cruelle, destructrice et purificatrice : l'Homme en fait partie, mais elle n'est pas l'Homme ».

 

Autre hommage à Jean Giono, à Aix-en-Provence cette fois, à travers l’immersion dans l’univers du dessinateur Jacques Ferrandez qui a réalisé l’adaptation en bande dessinée du roman de Jean Giono, Le Chant du monde: une exposition itinérante dans un format atypique et surprenant est ainsi proposée au public, sous la forme d'une grande caravane, transformée et habillée aux couleurs de la bande dessinée qui sera proposée en priorité aux médiathèques et aux lycées et qui pourra être placée sur la place d’un village ou sur les lieux d’un événement littéraire.

C'est que l'écrivain français a sa route, entre Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse et Drôme, un itinéraire de 152 km autour de la montagne de Lure, à effectuer en voiture, à moto ou à vélo. Cette « Route Jean Giono » marche dans les pas de celui qui se voulait être « le voyageur immobile » et qui arpentait inlassablement ce superbe territoire de Haute-Provence, de la Vallée de la Durance au plateau du Contadour, qu'il rebaptisera plus tard « Plateau de Grémone ».

Avant de clore cet article, rappelons que le Centre Jean Giono organise régulièrement des randonnées littéraires, certaines autour de Manosque, qui permettent aux participants d'avoir une vision générale de l’oeuvre et d'effectuer une première découverte des paysages où Jean Giono a vécu et qui l’ont inspiré, et d'autres, thématiques, qui proposent d’aborder un aspect particulier de l’oeuvre de l'écrivain. Ces différents thèmes et lieux de ces balades sont pour la plupart compilés dans les livres de Jean-Louis Carribou, créateur du concept de balade littéraire : 15 balades littéraires à la rencontre de Jean Giono et 10 balades littéraires à la rencontre de Jean Giono (disponibles à la boutique du centre) retracent en effet les différents parcours imaginés sur les pas de Jean Giono, en les accompagnant d’extraits de l’œuvre de l’écrivain et de photographies de François-Xavier Emery. De quoi s'imprégner un peu plus de cet écrivain au talent immense.

INFOS PRATIQUES :

  • Association des Amis de Jean Giono, Le Paraïs, Impasse du Paraïs, Montée des vraies richesses, Manosque (04) Tél : 04 92 87 73 03
  • Centre Jean Giono, 3 Boulevard Elémir Bourges, à Manosque (04). Tél : 04 92 70 54 54. http://www.centrejeangiono.com

  • Le Paraïs- Maison de Jean Giono, Montée des vraies richesses à Manosque (04). Tél : 04 92 87 73 03. Visite guidée et gratuite toute l'année le vendredi à 14h30 et 15h30 et de juin à septembre le mardi, aux mêmes horaires, sur rendez-vous avec réservation par téléphone (04 92 70 54 54)

  • MUCEM (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, 7 Promenade Robert Laffont à Marseille-13002) Tél:04 84 35 13 13. https://www.mucem.org/

  • Musée Regards de Provence, Allée Regards de Provence, à Marseille (13002). Tél : 04 96 17 40 40. https://www.museeregardsdeprovence.com/

  • Rencontres du 9è Art et exposition « Le Chant du Monde : Giono/Ferrandez » à Aix en Provence (13) https://www.bd-aix.com/annee-giono-caravane-bd/










 



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