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Le Jura, entre comté, pipes et vin jaune
(France)
Heure locale

 

Mercredi 26 août 2020

 

Prenez votre souffle car je vous emmène cette fois en « forêt de montagne », là où se trouve une ville où l'on ne pipe mot du savoir-faire artisanal sanclaudien, d'autant plus qu'on a ici son franc-parler ou son parler-vrai, c'est selon. Les secrets préservés sont souvent ceux que l'on n'ébruite pas et ce département en sait quelque chose, lui qui abrite la capitale mondiale de ce brûle-gueule qu'on porte volontiers à la bouche pour en tirer le plaisir que l'on sait. Il n'y a certes pas de fumée sans feu et le département que je m'apprête à vous révéler fait feu de tout bois avec son parc naturel régional, ses 5000 km de sentiers balisés, ses 459 monuments protégés et son fameux vin jaune. Comme dirait le maitre-pipier, « C'est toujours la queue la plus difficile à écorcher » (en parler local, cela signifie « C'est toujours la finition d'un travail qui donne le plus de peine »).Trêve de plaisanteries, fort de ces sous-entendus , aviez-vous deviné que je vous emmène dans le...Jura ?

 

Rattaché à la région Bourgogne-Franche-Comté, le Jura a pour préfecture Lons-le-Saunier, anciennement ville du sel. On peut dire que l'endroit a vu passer du monde depuis le néolithique : Séquanes (Antiquité), Romains, Alamans, Burgondes et Francs (4e et 5e siècles), Vikings et Sarrasins, et les Allemands (en 1940). Les débuts de la christianisation apparaissent au 4e et 5e siècles avec plusieurs saints, plus communément appelés les Pères du Jura, puis par la construction d'abbayes qui serviront plus tard (au 12e siècle) à accueillir les nombreuses fondations cistercienne, clunisienne et chartreuse de l'époque. Au même moment, les grands barons comtois établissent leurs fiefs et bâtissent des châteaux-forts (dont la plupart seront mis à bas lors des guerres des 16e-17e siècles). Les routes sont imposées par le relief montagneux tandis que les fondations monastiques, réalisées avec l'appui des seigneurs locaux, jouent un rôle décisif dans le développement des plateaux jurassiens.

Le Jura sera également annexé un temps au duché de Bourgogne (de 1318 à 1493). La Franche-Comté est alors découpée en baillages (circonscriptions) et son économie repose sur une agriculture de subsistance basée sur la production fromagère (le célèbre comté date de cette époque), la culture de la vigne, l'exploitation des forêts et le sel (grâce aux salines de Salins-les-Bains, Lons-le-Saunier et Montmorot). Un artisanat se développe peu à peu le long des cours d'eau (forges, moulins), et les paysans se convertissent aux métiers du bois pour affronter les longs et rudes hivers. C'est de là que naissent, dès le 17e siècle, la pipe et la taille de diamants à Saint-Claude, et la lunetterie à Morez.

L'amour ne connait pas les frontières et la province jurassienne, qui tombe dans l'escarcelle du Saint Empire romain après que Marie de Bourgogne (fille de Charles le Téméraire) se soit donnée comme épouse à l’empereur Maximilien 1er, en 1477, entraine l'entrée des armées du roi de France Louis XI. Finalement rattachée à l'Empire en 1493, la région sera épargnée par les Guerres de religion et prospèrera un siècle durant sous l'autorité des princes d'Autriche. Le roi Henri IV envahira la Franche-Comté en 1595, suivi de Louis XIV qui conquerra la province une fois pour toutes en 1674.

 

Le 18e siècle est marqué par le désenclavement avec, notamment le creusement du canal de Franche-Comté (appelé « Canal de Monsieur », en l'honneur de Monsieur le Prince, Louis Joseph de Condé) en 1784. L'ouvrage ne sera achevé qu'en 1820, pour cause de ...révolution française ! Cette même révolution qui fera du Jura un département en 1790, avec, au passage, la vente des monastères comme biens nationaux. Cette époque révolutionnaire sera aussi propice à Rouget de Lisle, figure d'origine jurassienne née le 10 mai 1760 à Lons-le-Saunier et auteur du « Chant de guerre pour l'armée du Rhin », chant qui verra le jour en 1792, et deviendra plus tard « la Marseillaise ».Outre le brillant général révolutionnaire Jean-Charles Pichegu, lui aussi jurassien, d'autres généraux du cru s'illustreront sous l'Empire napoléonien. Honneur également à Xavier Bichat (talentueux médecin surnommé le Bonaparte de la médecine) et à Louis Pasteur (scientifique, chimiste et physicien jurassien) tous deux natifs du Jura. Il y a aussi Victor Considérant, né à Salins-les-Bains en 1808, polytechnicien propageant non seulement ses idées et son modèle de cité ouvrière idéale mais défendant le droit de vote pour les femmes en 1848. Puis Auguste Pointelin, connu comme le peintre du Jura, auteur de nombreux paysages francs-comtois, des toiles évoquant la solitude, l'intériorité et la méditation. N'oublions pas Marcel Aymé, qui passera son enfance chez ses grands-parents à Villers-Rober, avant de devenir journaliste puis écrivain. Genevois de naissance, Paul-Emile Victor passera son enfance à Saint-Claude où son père possédait une usines de pipes. Pionnier des explorations polaires, ethnologue, scientifique et écrivain, Prémanon rend hommage à cet homme à travers le centre polaire Paul-Emile Victor retraçant les grands moments de la vie de ce scientifique du grand froid. Edgar Faure, lui, deviendra jurassien. Avocat de profession, il entrera à l'Académie française en 1978. Pour Bernard Clavel, Lédonien, la vie sera du « gâteau » : entré en apprentissage chez un pâtissier de Dole, il exercera plusieurs métiers, avant de se consacrer à l'écriture et à la peinture. Son talent lui vaudra de remporter une vingtaine de prix littéraires dont le Goncourt en 1968, pour une histoire se déroulant en partie dans le Jura. Citons enfin le chanteur Hubert-Félix Thiéfaine, dolois d'origine qui fut consacré à deux reprises aux victoires de la musique de 2012.

 

Que faire dans le Jura ? Outre les incontournables (Dole, ville d'art et d'histoire, Lons-le-saunier, Salins-les-Bains, la reculée de Baume-les-Messieurs, les lacs de Vouglans, Clairvaux et Chalain, les cascades du Hérisson (qui ne manquent pas de « piquant »), Champagnole, ville donnant accès au Parc naturel régional du Haut-Jura, la Haute Vallée de la Saine, les Hautes-Combes et la station des Rousses...quatre lieux ont retenu mon attention : Nozeroy, la plus petite ville de France, Arbois (cité de Pasteur et du vin jurassien), Château-Chalon, berceau du vin jaune et Saint-Claude (capitale de taille pour la pipe et le diamant).

Aussitôt qu'on s'y attache, jamais on ne s'en détache. Ce qualificatif convient parfaitement à la petite cité de caractère de Nozeroy, minuscule cité médiévale à la pierre blonde et aux nombreux trésors patrimoniaux. Jadis fief des ducs de Châlon, l'endroit a perdu son château mais pas sa tour de l'Horloge du 15e siècle, ancienne entrée principale de la ville. Autre trésor peu commun, ces devants d'autels et des chasubles de la collégiale Saint-Antoine, brodés à orfroi à la paille de froment, matière un peu fruste qui gagnera en noblesse grâce à la dextérité des petites mains des religieuses au 17e siècle. Juillet est LE mois festif de l'année avec deux évènements d'importance : « A l'assaut des Remparts » et le trail urbain. Le premier convie chaque année habitants et gens de passage à revivre comme au Moyen-Âge l'espace d'une journée. Le spectacle est partout, dans les rues et sur les places, au milieu de gens portant costumes de nobles, de bourgeois ou de serviteurs, et des artisans tenant leurs échoppes comme autrefois, tandis que, rue Saint-Antoine, des conteuses vous entrainent dans la féerie légendaire de cette contrée. A midi, un banquet médiéval rassemble mille convives autour d'un festin d'antan agrémenté par des musiciens, des jongleurs et des saltimbanques, en attendant le superbe défilé fait de chevaux, d'attelages et de comédiens en costumes d'époque. Les plus sportifs apprécieront certainement le Nozeroy Urban Trail, une course folle entre ville et nature, depuis les caves des maisons bourgeoises jusqu'aux ruines du château. Côté spécialités locales, point de vaches maigres ici puisque le bon lait jurassien coule de pis en pis pour être ensuite transformé en produits fermiers : à Nozeroy, on sait comment s'y prendre pour faire son beurre. Ce dernier est en effet produit à partir des crèmes du lait et du petit lait. Cette histoire vaut bien un fromage, et quelle pâte ! La deuxième spécialité de Nozeroy est bien sûr le Comté, fromage de lait cru (qui l'eût cru?) de vache (cela m'é « Meuh »!) à pâte pressée cuite produit dans des fruitières (fromageries villageoises). Et sans trous (contrairement à l'emmental et au gruyère).

 

A la fois cité de Pasteur et du vin jurassien (Fais comme ton médecin, Bois du vin!), Arbois est nichée au cœur d'un vignoble prometteur. Il convient d'abord de déambuler dans cette charmante ville, en traversant ses places conviviales au détour desquelles on admirera de superbes maisons vigneronnes, des hôtels particuliers, des jardins romantiques, des arcades et des ruelles parfois traversées par la Cuisance, l'eau vive du pays. Levez les yeux et observez les jolies façades, allez jusqu'à l'église Saint-Just, puis poursuivez en direction de la maison natale de Louis Pasteur (celle-ci est ouverte au public) et visitez le musée de la Vigne et du vin du Jura (Château Pécauld). Outre la gastronomie, Arbois possède son appellation « vin d'Arbois », première AOC du territoire créée en 1936, et toujours la première appellation des Vins du Jura. Ici ou ailleurs, les vignerons du Jura, labellisés Vignobles & Découvertes vous ouvriront leurs portes pour vous faire découvrir leurs nectars.Il y a de quoi faire avec autant d'appellations : sept AOC Vins du Jura vous attendent (Crémant du Jura, Macvin, Côtes du Jura, l'Etoile, Arbois et Marc du Jura) sans oublier bien entendu Château-Chalon, berceau du vin jaune.

 

Ce vin jaune, produit sur quatre terroirs (Arbois, Château-Chalon, Côtes du Jura et l'Etoile) est un vin rare, issu d'un cépage unique appelé Savagnin. « Roi des vins et vin des Rois », il aime prendre son temps (séjour minimum de six années et trois mois en cave dans des fûts de chêne) avant de se livrer aux palais délicats, en bouteille de 62 cl répondant au nom de Clavelin. Pourquoi 62cl ? C'est le vin restant après ces années de travail de maturation et d'évaporation (aussi appelée la part des anges). Et pourquoi vin jaune ? Son nom est tout simplement tiré de son intense couleur jaune dorée. Ce vin est aussi surnommé l'Or du Jura et est considéré comme l'un des plus grands vins blancs secs au monde. Pour vous oxygéner le corps après avoir usé (sans abuser) du vin jaune, vous effectuerez quelques pas dans Château-Chalon, l'un des plus beaux villages de France, et considéré comme le « phare » du vignoble du Jura, car posé en sentinelle au bord du Revermont.

 

A Saint-Claude, on taille chic et utile, à savoir le diamant et la pipe de bruyère. Blottie au creux des montagnes jurassiennes et labellisée « Villes et Métiers d'Art », la protégée de Voltaire cultive savoir-faire millénaire et monuments historiques. Héritière de longues traditions artisanales, la petite ville s'est au fil du temps forgée une réputation dans la tournerie et la taille du diamant et des pierres précieuses. Histoire de prendre l'air, on se rendra à l'ancienne cathédrale du diocèse, la cathédrale Saint-Pierre, Saint- Paul et Saint-André, qui fut érigée aux 14e et 15e siècles avec des murs pouvant atteindre jusqu'à trois mètres d'épaisseur. Son choeur, orné de très belles stalles historiées du 15e siècle, est l'oeuvre de Jehan de Vitry. Quant au musée de l'Abbaye, il est aujourd'hui devenu.... le temple de l'art moderne.

En matière de tradition, rien ne vaut une bonne pipe, surtout taillée dans du bois de bruyère, un matériau inconnu de cette région. Il faut revenir sur l'histoire de l'endroit pour mieux comprendre ce qui a fait la réputation de la cité : fondée au 5e siècle par des moines, celle-ci deviendra un lieu de pèlerinage deux siècles plus tard, et développera à la même époque un commerce d'objets de piété tournés en bois. Et les artisans locaux de se mettre à fabriquer les fameuses pipes suite à l'apparition du tabac, dont l'usage se répandra au 18e siècle. Un coup fumant assurément !

Quant à l'utilisation du bois de bruyère, la légende prétend qu'un Sanclaudien ayant eu vent des propriétés et de la résistance de ce matériau en aurait importé. Et c'est ainsi que plusieurs entreprises et de nombreuses boutiques artisanales de Saint-Claude produisent toujours et encore cet article tendance qui fait un tabac au rayon souvenirs.

 

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