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Saint-Benoit, du Monastère au Belvédère
(Saint-Benoit-sur-Loire, Loiret, France)
Heure locale

Samedi 10 octobre 2020

 

Otage de la crise du coronavirus, mais pas encore assigné à résidence, je mets à profit le temps dont je dispose entre deux couvre-feux pour découvrir à distance notre patrimoine national. Alors qu'à la seule évocation d'Orléans, je susurre « Jeanne d'Arc » qui donna sa vie pour bouter l'envahisseur anglais hors de France, des noms aussi évocateurs que Saint-Benoit-sur-Loire (45), domaine de Fleurius ou abbaye de Fleury ne pouvaient qu'attiser ma curiosité. Pourquoi aller chercher ailleurs ce qu'on a sous les yeux ? A savoir le Belvédère, un centre d'interprétation dédié à l'histoire et au patrimoine de ladite abbaye.

 

Le nouvel équipement culturel et touristique, présenté sous le nom de centre d'interprétation (concept apparu aux Etats-Unis dès les années 1950), n'est pas un musée mais transmet le savoir grâce à la scénographie, à des dispositifs interactifs et au multimédia. Ce projet trouve tout son sens au sein de l'abbaye de Fleury (aussi appelée Basilique de Saint-Benoit-sur-Loire) car ce lieu fut, dès l'an mil, l'un des principaux foyers intellectuels de l'Occident médiéval et reste encore aujourd'hui, l'un des plus beaux monuments romans du Val de Loire et patrimoine mondial de l'UNESCO.

L'abbaye abrite aussi les reliques de Saint-Benoit depuis le 7è siècle et demeure l'un des berceaux de l'ordre des moines bénédictins (dont Saint-Benoit rédigea les règles). Ce siècle est également celui de sa fondation, à une encablure du hameau de Fleury, d'où son nom. Des deux églises existantes à l'époque, Saint-Pierre et Sainte-Marie, c'est cette dernière qui s'imposera comme abbatiale (lieu où les moines célébraient l'office). L'édifice traversera les siècles au prix de plusieurs reconstructions, jusqu'à atteindre sa longueur actuelle dès le 11è siècle. Quant au bourg de Saint-Benoit-sur-Loire, il se développera autour du monastère, tandis que l'abbatiale deviendra église paroissiale après le départ des moines lors de la révolution française, puis basilique consacrée par le pape Pie XII en 1947, en raison de son importance dans la chrétienté.


 

L'abbaye, qui fut fondée au Haut Moyen-Âge en 651, est l'une des premières en Gaule à vivre selon la règle de Saint-Benoit : cette règle bénédictine sera rédigée par Benoit de Nursie vers 530 depuis le monastère du Mont-Cassin (Italie) pour guider ses disciples dans leur vie communautaire. Elle régira dans le détail la vie monastique d'inspiration bénédictine en précisant l'organisation de la communauté, la prière, la lecture, le travail, les moments de détente...Comme dans toutes les traditions monastiques, la prière occupe une place centrale et Benoit privilégiera la prière communautaire (de 6h30 à 7h10, de 8h15 à 8h40, de midi à 13h00, de 14h30 à 14h40, de 18h10 à 18h40 et de 21h00 à 22h00) qui s'exprime surtout dans la liturgie des heures (Opus Dei) et est précédée de l'office. Cette prière est aussi complétée par la prière personnelle (de 18h40 à 19h00), Benoit fixant à ses disciples comme objectif fondamental la recherche de Dieu. La fameuse règle sera peu à peu adoptée par un nombre croissant de monastères en Occident au cours des siècles. D'abord imposée à tous les monastères de l'empire carolingien en 817, elle revêtira une grande importance dans la formation de la société médiévale. Encore aujourd'hui, près de 30000 moines et moniales issus des traditions bénédictine et cistercienne suivent la règle de Saint-Benoit à travers le monde.


 

Benoit de Nursie, né en Ombrie (Italie) vers 480 fondera l'ordre des Bénédictins et sera considéré comme le patriarche des moines d'Occident par les catholiques et les orthodoxes. Etudiant à Rome, il quitte sa vie confortable en l'an 500 pour s'isoler du monde et partir à la recherche de Dieu. Rome est alors une ville pacifique de 450 000 âmes qui favorise l'activité des artistes et des administrateurs romains. C'est dans une localité située à une cinquantaine de kilomètres de là, à Enfide (actuellement Affile), que Benoit effectuera son premier miracle : sa servante ayant maladroitement cassé en deux un crible emprunté à une voisine, notre homme priera et l'ustensile retrouvera aussitôt son apparence initiale. Devenu (un peu trop) populaire, Benoit se rend alors dans le désert dans la localité voisine de Subiaco afin d'y mener une vie érémitique (vie d'ermite) mais, sur son chemin, et alors qu'il est seul, Benoit est envahi par la pensée d'une femme très belle rencontrée lors de son séjour à Rome. Et de se rouler nu dans un buisson d'épines et d'orties pour s'immuniser contre toute nouvelle tentation. A Subiaco, il rencontrera un moine qui lui indiquera une grotte dont Benoit fera son refuge. Une amitié réelle naitra entre ces deux hommes et Benoit vivra ainsi en ermite trois ans durant.

Devenu abbé en 510, Benoit tente de restaurer l'ordre en rétablissant l'autorité et les pénitences au sein de cette communauté de Vicavaro qui l'avait après tout choisi comme supérieur. Déçus, les moines tenteront d'abord de l'empoisonner en mélangeant au vin de messe des substances vénéneuses, mais, lors du bénédicité, et alors que Benoit fait un signe de croix, la coupe de vin se brise toute seule. Et Benoit de regagner seul sa grotte d'ermite. D'autres disciples le solliciteront à nouveau et notre homme s'installera avec eux au bord d'un lac, à Subiaco, durant deux ou trois décennies. Un premier monastère sera bientôt fondé depuis le concile de Chalcédoine, un ensemble de douze maisons, chacune d'entre elles étant confiée au patronage d'un saint. Devant sa popularité grandissante, Benoit devra une nouvelle fois déjouer une tentative d'empoisonnement émanant de Florentius, un prêtre local. Et de quitter cet endroit pour en gagner à nouveau un autre : le lieu-dit Cassino, où s'élève le Mont-Cassin, un ancien camp de légionnaires romains. Benoit y rencontrera le moine ermite Martin, lequel vit attaché à un arbre pour fuir les tentations. Et de convaincre l'ermite de détacher ses liens et de le rejoindre dans la quête de Dieu. Une communauté prend forme, et, avec elle, une chapelle dédiée à Saint-Martin de Tours et un oratoire. Bientôt, un homme pieux demandera à Benoit d'envoyer des moines pour ériger un monastère près de la ville de Terracine, dans le Latium (Italie). Ce monastère sera le dernier à la construction duquel Benoit participera puisque celui-ci décèdera le 21 mars 547 (après avoir fondé le monastère du Mont-Cassin en 529).


 

Revenons à l'abbaye de Fleury, devenue un haut-lieu spirituel de l'Occident médiéval grâce aux reliques de Saint-Benoit, et l'un des centres culturels d'Occident grâce à son importante bibliothèque et son scriptorium (et ses 400 manuscrits conservés à Orléans et en Europe). L'édifice, construit en quatre parties, recouvre tout l'art roman et son pavement géométrique en marbre de plusieurs couleurs importé d'Italie, est particulièrement remarquable. De l'ancienne abbaye, ne subsiste plus aujourd'hui que l'Abbatiale Notre-Dame, classée au titre des monuments historiques de France.

A travers le centre d'interprétation « Belvédère », la Communauté de communes du Val de Sully a tenu à offrir aux visiteurs et aux habitants du territoire une expérience de visite digne du site abbatial de Saint-Benoit-sur-Loire. Ouvert toute l'année, et accessible au plus grand nombre, le Belvédère offre un espace de plus de 500 m2 sur trois étages, dont une salle d'exposition permanente (premier étage) qui offre un parcours en neuf étapes : on y aborde les principaux jalons des 1400 ans d'histoire de l'abbaye de Fleury avant d'assister à la projection du film « Fleury, l'oeuvre des siècles » (8 minutes) qui relate les grandes étapes du développement de l'abbaye. On accède ensuite au belvédère (3è étage) qui offre une vue imprenable sur l'abbatiale, et notamment sur son chevet. Un espace est également consacré à « Saint-Benoit dans ses murs », afin d'aborder la vie de Benoit de Nursie, auteur de la règle de Saint-Benoit. L'endroit, qui abrite en outre une cimaise dotée de cylindres (permettant de comparer des extraits de la règle avec les coutumes de l'abbaye en l'an mil) et une table (situant les emplacements successifs des reliques du saint dans l'abbatiale) offre aussi deux films d'animations consacrés à la vie de Saint-Benoit et à la translation de ses reliques à Fleury au 7è siècle. Autre salle (la plus vaste du parcours), « Trois chantiers pour une abbatiale » détaille les trois principales phases de construction de l'abbatiale actuelle, tandis qu'un autre espace, plus intimiste, aborde les différents aspects du rayonnement intellectuel de l'abbaye à son apogée, du 9è au 12è siècle. Le parcours s'intéresse enfin à des épisodes importants de la vie de l'abbaye (passage en commende de l'édifice au 15è siècle, introduction de la réforme mauriste et nationalisation de l'abbaye...) et à son devenir aux 19è et 20è siècles (classement de l'église abbatiale, campagnes de restauration, refondation de la communauté en 1944, séjours de Max Jacob à Saint-Benoit-sur-Loire...)


 

De passage au Belvédère, l'immanquable du moment est cette exposition temporaire « Des tapis de marbre pour Saint Benoît, le pavement en opus sectile de Saint-Benoît-sur-Loire», visible jusqu'au 7 mars 2021, dont l' objet consiste à replacer l'histoire du pavement dans celle de l'aménagement du sanctuaire et des reliques de saint Benoit. Sur place, le visiteur admirera une photo du pavement actuel réalisée à partir de clichés aériens pris à l'aide d'un drone, mais aussi des reconstitutions historiques, des morceaux de pavement et de mortier et un film de 12 minutes. L'exposition traite ainsi des différentes périodes historiques en illustrant ses propos avec dessins et photos qui permettent d'imaginer ce que fut le pavement originel.

Le pavement en opus sectile qu'il nous est donné d'admirer à l'abbatiale de Saint Benoit est le plus somptueux de France. Il doit ses origines à l'abbé Gauzlin, présumé demi-frère du roi Robert Le Pieu : l'homme mit en œuvre au 11è siècle un programme monumental pour glorifier les reliques de saint Benoit dont les faits les plus marquants demeurent la tour Porche et le pavement opus sectile. Importé de la région de Ravenne (Italie), ce dernier est constitué de quinze roches différentes tandis que l'opus sectile, technique héritée de l'Antiquité, vise à créer des pavements ou des décors muraux par découpe puis assemblage de fragments de marbre et de pierres de couleurs. Les décors sont ainsi constitués de motifs géométriques (triangles, disques, quadrilatères) et reposent sur des effets d'opposition de couleurs et même de perspective. Histoire, quand tu nous tiens...


 

 

INFOS PRATIQUES :

 

  • Saint-Benoit-sur-Loire : https://saint-benoit-sur-loire.fr
  • Abbaye de Fleury, Place de l'abbaye à Saint-Benoit-sur-Loire. http://www.abbaye-fleury.com

  • Centre d'interprétation Le Belvédère, 55 rue Orléanaise, Saint-Benoit-sur-Loire. Tél: 02 34 52 02 45 https://www.belvedere-valdesully.fr

  • Exposition temporaire « Des Tapis pour Saint-Benoit, le pavement en opus sectile de Saint-Benoit-sur-Loire » jusqu'au 7 mars 2021, au Belvédère, 55 rue Orléanaise à Saint-Benoit-sur-Loire. Ouverte du mardi au dimanche de 14h00 à 17h00. Catalogue de l'exposition disponible au prix de 7 €. https://www.belvedere-valdesully.fr/evenement/exposition-pavement/

  • Visites guidées du Belvédère, à 15h30 les samedi 16 et 23, dimanche 24, et samedi 30 novembre, les dimanche 1er, samedi 7, dimanche 8, samedi 14, samedi 21 et dimanche 22 décembre 2020 (durée : 1h). Visite incluse dans le billet d'entrée du Belvédère.

  • Conférence « Le bestiaire médiéval » (par Jacqueline Leclercq-Marx) le jeudi 21 novembre à 18h00 (tarif : 3€)

  • Mes vifs remerciements à Vanessa de Broucker, attachée de presse du Belvédère de Saint-Benoit-sur-Loire, pour son aide précieuse.



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