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Honfleur, terre d'estuaire
(Calvados, France)
Heure locale

 

Dimanche 25 octobre 2020

 

De passage l'été dernier dans le Calvados, Soraya et moi fîmes une incursion à Honfleur le temps d'une journée. Il est en effet très aisé de s'y rendre en autocar pour quelques euros seulement au départ de la gare de Deauville (14). La petite ville, aussi surnommée « Terre d'estuaire » n'a rien perdu de son charme légendaire avec son vieux bassin, et ses ruelles aux maisons à colombage.Ses façades recouvertes d'ardoises ont aussi, et à maintes reprises, attiré l'oeil d'artistes comme Gustave Courbet, Eugène Boudin ou Claude Monet...qui furent à l'origine de l'Ecole de Honfleur, laquelle donnera plus tard naissance au mouvement impressionniste.

 

L'autocar nous dépose à la gare routière située un peu à l'écart du centre-ville, mais le soleil radieux invite à la promenade et il ne nous faudra que quelques minutes pour atteindre l'église Saint-Léonard, après nous être arrêtés à l'office de tourisme installé Quai Lepaulmier, puis avoir traversé la place Saint-Léonard avec ses espaces verts et son superbe lavoir. L'église en question est difficile à classer car l'édifice fut très souvent remanié : de la belle église en pierre de taille de style gothique flamboyant datant du 15è siècle, ne subsiste désormais que la partie basse de la façade (le reste ayant été reconstruit aux 17è et 18è siècles) et les peintures murales intérieures du 19ème. A ne pas manquer, la voûte de bois à charpente apparente et l'orgue de tribune d' Aristide Cavaillé-Coll. A deux pas, se dresse le Jardin du Tripot, un jardin secret niché entre les bâtiments du quartier Saint-Léonard. Pourquoi ce nom ? Parce qu'autrefois d'anciennes maisons de jeux avaient élu domicile aux côtés des tanneurs et des teinturiers qui exerçaient leur art le long de la rivière La Claire.Tout simplement.

De là, nous rejoignons la rue de la République (anciennement rue d'Orléans jusqu'en 1880), principale artère de Honfleur. Cet axe fut ouvert vers 1770 sur d'anciens terrains marécageux pour relier Honfleur et Pont-l'Evêque. Treize années plus tard, on asséchera le petit étang (Le Vivier de Madame) et on canalisera la Claire, juste avant que les premières maisons ne soient construites à cet endroit deux années plus tard, toutes sur le même modèle architectural, avant de faire place à de grandes demeures bourgeoises, hôtels particuliers ou autres hôtels. La rue de la République abritera aussi au 19è siècle plusieurs écoles et une myriade de commerces (cette rue est la plus commerçante de la cité). Nous ne nous trouvons alors qu'à deux minutes du Vieux Bassin et de la Lieutenance .Véritable témoin de l'histoire honfleuraise, cette dernière est aujourd'hui l'un des derniers vestiges de l'ancienne forteresse militaire mais avant tout le plus ancien édifice de la ville. Là se dressait alors la « Porte de Caen », qui marqua l'une des entrées du quartier de l'Enclos dès le 14è siècle. Fortement remaniée trois siècles plus tard, à la suite de la destruction du rempart, la bâtisse servira de logement au Lieutenant du roi, d'où son nom actuel.


 

Soraya et moi lézarderons un moment à la terrasse de l'un des cafés se trouvant près de ce vieux bassin qui fut créé sur les instances d'Abraham Duquesne et sur ordre de Colbert, en 1681. Avant cet ouvrage, se trouvait ici un havre d'échouage (appelé « Havre du dedans », compte tenu de sa localisation à l'intérieur des remparts). En revanche, la construction du Vieux Bassin nécessitera la destruction d'une partie des murailles de la ville et s'achèvera en 1684. D'une superficie de près d'un hectare, ce bassin à flot est bordé par le quai Sainte-Catherine dont plusieurs de ses maisons (une quarantaine de demeures historiques) figurent depuis 1933 au registre des monuments historiques. Et le reflet de ces anciennes façades recouvertes d'ardoises de contribuer à la beauté de ce bassin qui séduisit de longue date de nombreux artistes peintres. La partie Est du bassin, est, elle, bordée par le quai Saint-Etienne le long duquel se dresse toujours l'église du même nom (ci-dessous) convertie depuis en musée. Enfin, le quai de la Quarantaine longe le côté nord du bassin, quai abritant l'unique bâtiment de la Lieutenance décrit plus haut.


 

Le vieux bassin est un appel à prendre le large pour découvrir la Côte Fleurie qui commence précisément à Honfleur : la localisation de la ville, très stratégique dans l'estuaire de la Seine, fait de cette cité à la fois un port fluvial et un port maritime. Et les quais de Seine d'accueillir chaque année une soixantaine de paquebots tandis que plus de 120 paquebots fluviaux font relâche dans les bassins du « port intérieur ». C'est que l'histoire de Honfleur est marquée de l'empreinte du grand navigateur Samuel de Champlain qui (bien que non honfleurais d'origine) entreprendra la plupart de ses voyages d'exploration depuis le petit port normand. C''est véritablement d'ici que notre homme larguera les amarres pour sa première expédition vers le Canada en 1603, avant de fonder la ville de Québec cinq ans plus tard. Un buste lui rend d'ailleurs hommage à proximité de La Lieutenance.

Après cette première pause,nous nous dirigeons vers l'un des joyaux de la cité, l'église Sainte-Catherine : l'édifice a la particularité (très rare en France) d'être principalement construite en bois. Dédiée à Sainte Catherine d'Alexandrie, l'église offre à ce titre une sculpture sur bois de la sainte, au-dessus du porche du clocher séparé des deux nefs. Mais pourquoi avoir choisi le bois comme matériau principal ? Lors de son édification au 15è siècle, les charpentiers de marine qui la bâtirent manquèrent de l'argent nécessaire pour acheter de la pierre et utilisèrent à la place le bois, plus abondant et moins couteux. Autre détail, le clocher de l'église, lui aussi érigé en bois mais bâti séparément de l'église pour ne pas écraser l'édifice de son poids (le clocher abritera, selon les époques, quatre à...six cloches!). Certains avancent aussi que ce clocher aurait été bâti à l'écart du lieu de culte pour que les paroissiens ne soient pas pris au piège en cas d'incendie de la flèche (le clocher attirant la foudre en raison de son élévation et de sa position à flanc de colline). Astucieux, n'est-ce pas ?

Il faut prendre le temps d'ouvrir un œil attentif sur les particularités de l'église Sainte Catherine : l'édifice est constitué de deux nefs (dont celle de gauche, la plus ancienne, qui a été érigée après la Guerre de Cent Ans sur le modèle d'une halle de marché et en forme de coque de bateau renversée). Dans un second temps, le clocher fut élevé à bonne distance de cette première nef, avant que ne soit construite une seconde nef (à droite de la première), à partir de 1496, dont la voute à la forme arrondie est conforme aux voutes en bois des petites églises gothiques de la région. Cet ensemble architectural est le fruit des maîtres charpentiers de l'époque, les fameux maitres de hache qui réalisèrent ce joyau sans avoir recours à la scie, à l'image de leurs ancêtre normands que l'on voit en action sur la tapisserie de Bayeux, ou encore des plus lointains Vikings.

Le marché hebdomadaire s'installera sur la place Sainte Catherine à partir du 19è siècle et a encore lieu de nos jours et chaque samedi. Cet ensemble formé par la place avec son église et son clocher inspireront plusieurs artistes, dont Paul Huet et les dessinateurs des « Voyages pittoresques » dans les années 1820-1830, Eugène Boudin, Alexandre Dubourg, Johan Barthold Jongkind ou Claude Monet entre 1850 et 1870, puis Raoul Dufy vers 1901, sans parler des artistes du 20è siècle comme Paul-Elie Gernez, Henri de Saint Delis ou André Hambourg...



Nous poursuivons notre promenade dans Honfleur en arpentant ses rues bordées de maisons à colombage, demeures en pans de bois si caractéristiques de la Normandie et plus particulièrement du Pays d'Auge. Il se trouve que cette région disposait autrefois des matériaux indispensables à ce genre de construction : le bois, la paille et l'argile. De plus, il s'agissait à de matières premières à la fois abondantes et bon marché. Et la future maison de ressembler d'abord à un jeu de construction, avec ses différentes pièces de bois rendues solidaires en les assemblant. L'ouvrage relevait du travail d'équipe, chacun jouant un rôle spécifique en oeuvrant par rapport aux autres pièces, en comprimant certaines d'entre elles pour éviter un fléchissement, ou en pratiquant sur elles tension ou traction pour éviter un écartement. Les portes, elles, avaient toutes un nom donné en fonction de leur rôle et de leur emplacement. Quant aux murs, ils devaient soutenir le toit. Ce puzzle formé de différentes pièces de bois peut être facilement observé dans les deux greniers à sel situés rue de la Ville, immenses bâtisses construites au 17è siècle, à l'aide des pierres récupérées des anciennes fortifications de la cité qui furent démantelées à cette époque. Et l'impressionnante charpente de bois, œuvre des charpentiers de marine, de révéler tous ses secrets pourvu qu'on lève les yeux. Ces édifices, classés monuments historiques, accueillent désormais expositions, concerts et spectacles toute l'année.


 

De retour du côté du vieux bassin après avoir fait une pause gourmande au salon de thé La Petite Chine (voir infos pratiques), Soraya et moi nous attardons dans ces ruelles formant le parcours des peintres paysagistes et impressionnistes, une initiative née de l'imagination de Michel Lamarre, maire de Honfleur, qui voulut montrer combien ce lieu avait été source d'inspiration pour de nombreux peintres, écrivains et musiciens dans le passé. Ici se dresse l'église Saint-Etienne, érigée dès 1369 puis agrandie en 1432. Désormais lieu de culte le plus ancien de la ville (depuis la destruction de l'église Notre-Dame après la révolution), l'endroit connaitra des fortunes diverses : d'abord transformée en magasin (après sa fermeture en 1793), l'église servira un temps de théâtre, puis d'entrepôt, avant d'être confiée aux bons soins de la Société du Vieux-Honfleur pour être transformée en musée à partir de 1899. De nos jours, l'édifice abrite le musée de la Marine et de l'Histoire honfleuraise.

Autre lieu chargé d'histoire : le quartier central de Honfleur, surnommé « Quartier de l'Enclos », qui correspond à l'ancienne cité militaire fortifiée. En effet, l'endroit sera ceint par des remparts de pierre du 14è au 17è siècle pour lutter contre les invasions britanniques arrivant par la Seine lors de la Guerre de Cents ans. Même si leur démantèlement initié par Colbert afin d'agrandir le port et ouvrir la cité aura fait disparaître ces fortifications, le quartier de l'Enclos reste aujourd'hui le cœur de la cité médiévale avec ses étroites ruelles, son vieux bassin, les greniers à sel, le Manoir de Roncheville et ses maisons en pans de bois traditionnelles. Ainsi la rue des petites boucheries survit-elle aux siècles passés. Apparue fin 17ème, cette rue doit son nom à la présence d'étals de boucherie (un seul étal subsiste encore près de l'entrée de la cour du Manoir). Seuls les enfants du quartier (comme Alexandre Dubourg ou Léon Leclerc) semblent s'être attardés dans ces rues pour y peindre...Terminons cette sortie iodée sur une note humoristique en nous arrêtant un instant au petit musée du grand Alphonse Allais, chroniqueur et prince du calembour (à ne pas confondre avec camembert!), l'un des personnages les plus drôles de la Belle Epoque. Inauguré par Raymond Devos en 1999, le « plus petit musée de France » (d'une superficie de 9 m2) a depuis rejoint la rue des Petites Boucheries. Les visiteurs peuvent ainsi découvrir diverses inventions comme « la machine à rendre impure l'eau potable », «  le crâne de Voltaire enfant » ou « un vrai morceau de la fausse croix du Christ ».

 

INFOS PRATIQUES :

 








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