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Un Hiver en Vaucluse
(France)
Heure locale

 

Samedi 28 novembre 2020

 

Je me souviens avoir passé de longues journées au milieu des vignes non loin de Vaison-la-Romaine, du temps où Lionel, un ami retraité gardait une propriété sur place. Nous avions le silence de la nature, et, au loin, le majestueux Mont Ventoux comme décor. Je prenais alors un malin plaisir à cueillir quelques grappes de muscat oubliées sur les ceps. C'est que le Vaucluse offre de belles journées ensoleillées durant la saison hivernale. Des journées courtes mais si lumineuses que, chaudement couvert, il est alors possible d'effectuer des promenades mémorables dans la région et apprécier pleinement et en toute quiétude ce département si généreux.

 

Le Vaucluse (84) estival ressemble bien sûr à ces champs de lavande qui embaument l'air et recouvrent les sols d'un joli mauve. On y entend aussi le chant des cigales, le souffle du mistral dans les platanes, tout en admirant la splendeur des ocres. Les premiers frimas venus, la nature vit au ralenti après la fin des vendanges. Vient alors le temps des olivades et la pression des premières huiles d'olive provençales, qui s'étaleront de novembre à décembre, grâce au dur labeur des agriculteurs et des mouliniers. Prolifique au début du siècle dernier, l'olivier a ici souffert des terribles gels (1929, 1956 et 1986) et l'aglandau (variété vauclusienne dominante) se fit alors plus rare, malgré les campagnes de plantation successives. Des 200 moulins de jadis, le département ne dispose désormais plus que de neuf moulins à huile pour traiter les récoltes des 350 producteurs locaux et des 7000 apporteurs.

Fruit sublime, l'aglandau est cueilli en novembre et offre une huile riche en arômes, avec un net goût d'artichaut et d'amande. Bénéficiant d'une A.O.C, elle provient de Beaumont de Pertuis, Grambois, Peypin d'Aigues, Mirabeau, La Bastide des Jourdans et Vitrolles en Luberon. Plus au nord, on rencontre la tanche, une olive au fruit rond et charnu qui prend une apparence ridée à maturité. Cette olive noire de Nyons A.O.C est cultivée par 18 communes du département, pour le plus grand plaisir des gastronomes qui la consomment sous la forme d'olives de table confites en noir. Enfin, 115 autres communes, regroupées autour des massifs du Ventoux et du Lubéron, produisent deux huiles A.O.C : l'huile d'olive de Provence, aux arômes fruités, végétaux et herbacés, teintés d'une certaine ardence et amertume (qualités dues aux olives récoltées précocement, donc encore vertes), et l'huile d'olive de Provence olives maturées, produite à partir d'olives fermentées selon la méthode traditionnelle, qui offre des arômes d'olive noire et de tapenade, sans ardence ni amertume.

Ah, la tapenade ! Le simple fait d'en parler m'ouvre déjà l'appétit. Recette emblématique de la cuisine provençale inventée en 1880 à Marseille, cette préparation à base d'olives noires ou vertes est obtenue en pilonnant les fruits dans un mortier avec de l'huile d'olive, des câpres, des filets d'anchois, de l'ail et des herbes de Provence. On déguste la tapenade sur canapé lors de l'apéritif, en la tartinant simplement sur du pain ou en y trempant des bâtonnets de légumes. Ici, on la surnomme « caviar » de Provence. C'est dire. De passage à l'Isle-sur-la-Sorgue (ou à Avignon), arrêtez-vous donc aux Délices du Lubéron et vous m'en direz des nouvelles! Prévoyez aussi de visiter le tout nouveau Musée de l'huile d'olive d'Oppède où une scénographie soignée vous livrera les secrets de cet art ancestral du moulinier, un savoir-faire importé en Provence par les Grecs 600 ans avant J.C. Anciens moulins et moulins en exploitation des environs sont aussi accessibles aux visiteurs. On compte plus d'une vingtaine de moulins vauclusiens ayant pignon sur rue et bien d'autres encore, de plus petite taille, qui sont uniquement dédiés à l'extraction de l'huile.


 

En ce mois de décembre, on prépare Noël et je m'arrête au Thor (et à raison!) pour en apprendre un peu plus sur les Amis du solex qui organisent régulièrement des sorties sur ce patrimoine roulant parfaitement identifié puisque le solex est une invention française, conçue en 1916 par un certain Marcel Mennesson. Au Thor, on ne fait pas d'excès de vitesse mais on parcourt tout de même ses 120 km le temps d'une journée, entre passionnés de la petite reine motorisée, c'est à dire dans la plus parfaite convivialité. Juchés sur leur engin, les participants traversent les petits villages vauclusiens d'un parcours montagneux situé au pied du Mont Ventoux. Avis aux amateurs !

Au Thor, du solex aux santons, il n'y a qu'un pas, d'autant plus que nos Amis du Solex organise chaque année en novembre un salon des artisans santonniers (l'édition de cette année a malheureusement du être annulée à cause du coronavirus). Et cet événement de rassembler une vingtaine de fidèles exposants originaires du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, du Gard et de la Drôme. Sur place, on peut admirer une crèche géante présentant les principaux monuments du village, une bien belle réalisation qui inspirera amateurs créchistes et amoureux des traditions.

Parmi les coutumes ancestrales de Provence, on trouve le 4 décembre, jour de la Saint Barbe, qui fait date puisqu'il est de tradition de planter le blé ce jour-là. Nos aïeux craignaient tant le déclin de la luminosité suite à la diminution de la durée du jour qu'ils redoutaient aussi que la terre nourricière n'en oublie de germer à nouveau. Ayant observé que les jours recommençaient à augmenter dès la mi-décembre, nos anciens se résolvaient alors à mettre des grains de blé de plusieurs variétés à germer dans des jattes, lesquels, une fois levés, étaient disposés à l'entrée des champs histoire de se rappeler au bon souvenir de Dame Nature qui aura le dernier mot : Des grains bien germés signifiaient que la récolte serait bonne. Dans le cas contraire, il fallait s'attendre à de tristes moissons !


 

Dès lors, le mois de décembre s'annonce chargé dans ce département du Vaucluse : se déplacer jusqu'au marché de Noël de la cave de Rasteau ou celui de la Mirande (Avignon), honorer de sa présence le salon des Santonniers et des Créchistes de Pernes les Fontaines, parcourir le chemin des trente crèches du village de Castellet en Luberon, assister à l'aubade de Noël (Pertuis), retenir ses places pour la Picholo Pastouralo dou Luberoun (à Pertuis), ne pas oublier de ramasser de la mousse pour la crèche, préparer le gros souper de Noël et les treize desserts (nougat blanc et noir, fougasse, fruits confits, dattes, mandarines, mendiants, noix ou noisettes, amandes, figues sèches, raisins secs, raisin, pommes et pruneaux) et rentrer la bûche pour le Cacho Fio avant de monter au village pour assister à la messe de minuit.

Cette bûche de Cacho Fio a une histoire : cette cérémonie, l'une des plus anciennes en Provence, a lieu devant la cheminée du séjour, juste avant le gros souper du réveillon de Noël. Le plus âgé de la famille emmène le caganis (le plus jeune) choisir, dans la réserve à bois, la plus grosse bûche, celle qui sera la plus à même de se consumer le plus longtemps possible la nuit de Noël. Cette bûche doit provenir d'un arbre fruitier (olivier, amandier, cerisier...) et devra pouvoir brûler trois jours et trois nuits. Toute l'assemblée doit ensuite faire trois fois (symbole de la Trinité) le tour de la table, table elle-même recouverte de trois nappes. Et le le plus jeune (caganis) d'arroser de vin la bûche à l'aide d'un rameau trempé dans un verre de vin cuit, pendant que l'aïeul prononce des paroles de bénédiction, en langue provençale. Et d'observer alors comment la bûche s'enflamme: celle-ci devait durer jusqu'au jour des Rois (Epiphanie) et le fait de déposer ensuite un fragment de bûche sous le lit était supposé protéger la maison contre le tonnerre et les incendies.


 

En Vaucluse, le prix de l'excellence passe aussi par la Tuber Melanosporum, principale variété de la truffe noire de Périgord. La récolte du précieux fruit débute en novembre pour parfois se prolonger jusqu' à la mi-mars. Outre cette variété, le département abrite deux autres sortes de truffes : la truffe musquée (Tuber Brumale), fréquentant les mêmes terrains que la Tuber Melanosporum, à l'odeur très forte mais moins onéreuse, et la truffe d'été, ou de la Saint Jean (Tuber Aestivum) , d'aspect extérieur presque identique à la truffe noire mais de couleur beige marbré de blanc à l'intérieur. Contrairement aux idées reçues, la truffe dite de Périgord est une appellation botanique et pas géographique. D'autre part, celle-ci prolifère surtout dans le Sud-Est de la France, d'où provient l'essentiel de la production. En effet, les marchés vauclusiens commercialisent à eux seuls 92% des truffes vendues sur les marchés de France. Et le Sud-Est de représenter 74,3% de la production nationale (contre 12% pour le Périgord).

La récolte de la truffe, qui est tout un art, est pratiquée par le rabassier (cueilleur de truffes) ou caveur, qui cave (part à la recherche de) la rabasse (truffe), aidé de son chien. Ce dernier, après avoir senti le parfum de la truffe, s'emploie alors à marquer (gratter le gite de la truffe) pour permettre au rabassier de terminer le travail de fouille à l'aide de son picouloun (petite pioche). La truffe noire dite Provence a besoin de trois facteurs pour se développer : l'arbre, le sol et le climat. Une fois planté, il faut entre 7 et 10 ans pour que les premières truffes apparaissent. Quant aux truffières du Vaucluse, elles sont principalement situées dans le Haut Vaucluse, le Mont Ventoux et le Luberon. La production, qui atteignait 1534 tonnes au début du siècle dernier, provenait alors uniquement de truffières naturelles. Deux guerres mondiales et l'exode rural des années 1950 auront eu raison de son effondrement (de 451 tonnes en 1968, la production passa à 30 tonnes en 2015/16). Seul le Ventoux abrite désormais des truffières naturelles tandis que les truffières domestiques fournissent 92% du marché.

 

L'écoulement de la récolte s'effectue sur les marchés aux truffes du Vaucluse : les caveurs (ou ramasseurs) se retrouvent sur le « carreau » et présentent aux négociants, courtiers ou conserveurs venus de toute la France, leurs fameuses « rabasses » (truffes). Pour les marchés de gros, c'est à Carpentras, dans la cour d'honneur de l'ancien hôpital Dieu, qu'a lieu l'essentiel de la transaction. Le négoce se fait de gré à gré, et majoritairement au comptant. A noter que le marché de Carpentras (qui est le premier de la semaine) sert de référence aux autres places, même si le marché de Richerenches reste celui qui écoule le plus gros volume (soit 700 kg par marché en pleine saison).

Les amateurs de truffe se rendront à Ménerbes pour y visiter la Maison de la Truffe et du Vin (voir infos pratiques). Située au sommet du village, à l'intérieur d'un superbe hôtel particulier du 17è siècle, celle-ci vous invite à parcourir une passionnante exposition permanente consacrée à la trufficulture. Quoi de plus naturel puisque Ménerbes, est devenu, depuis 2008, le premier village à posséder sa truffière municipale, avec 150 chênes verts sur 2000m2. A Richerenches, c'est le Musée de la Truffe et du Vin qui accueille les visiteurs en accès libre et gratuit toute l'année pour livrer les secrets de ce fruit magique, à travers des bornes interactives (vidéos, recettes de cuisine, formation de la truffe...). Enfin,, le Musée de la Truffe du Ventoux de Monieux vous convie à découvrir l'histoire du diamant noir, autour d'une table polysensorielle, de panneaux didactiques, de projections de films et autres objets liés à la trufficulture.

Des sorties truffes sont également disponibles, de février à mars, dans le Ventoux (se renseigner à l'Office de Tourisme ci-dessous) ainsi que des démonstrations de cavage dans les chênes truffiers, avec un trufficulteur et son chien, de la mi-novembre à début mars, à Richerenches (04.90.28.05.34)(04 90 28 01 66), à Gordes (04 90 72.11.60) et à Monteux (04 90 66 82 21). J'ai même trouvé une guide conférencière (voir infos pratiques) qui propose aux amateurs une découverte de la truffe, à votre domicile ou sur votre lieu local de villégiature. Et plusieurs villages du département de proposer enfin des dégustations-ateliers truffes.

 

 

INFOS PRATIQUES :

  • Les Délices du Lubéron, 1 Avenue du Partage des eaux, à L'Isle sur la Sorgue (84). Tél : 04 90 20 77 37. Egalement au 20, Place du Change, à Avignon. Tél : 04 90 84 03 58. https://www.delices-du-luberon.fr/
  • Musée de l'huile d'olive, 375, Route de la Senancole, à Oppède (84). Tél : 04 90 76 87 76. https://www.museehuiledolive.com/

  • Les Amis du solex, au Thor (84). Tél : 04 90 33 83 15 (renseignements, informations et adhésions auprès de Nicole).http://lesamisdusolex.unblog.fr

  • La Maison du fruit Confit, Quartier Salignan, RD 900 à Apt (84) . Tél : 04 90 76 31 43. https://www.lesfleurons-apt.com/fr/

  • La Maison de la Truffe et du Vin, 20 Place de l'Horloge, à Ménerbes (84). Tél : 04 90 72 38 37.

    https://www.vintruffeluberon.com

  • Le Musée de la Truffe et du Vin, Commanderie templière, 5 Cours du Levant à Richerenches (84). Tél : 04 90 28 05 34. https://www.richerenches.fr/musee-de-la-truffe-et-du-vin-richerenches.html

  • Musée de la Truffe du Ventoux, Place Jean Gabert à Monieux (84). Tél : 04 90 64 14 14.

    https://musee-de-la-truffe-du-ventoux-monieux.business.site

  • Françoise Richez, guide conférencière, au 06 40 29 58 07. A partir du 15 décembre, et sur réservation, découvrez le « Voyage au Pays de l'olivier ». Au programme, balades dans les oliveraies avec votre guide qui vous révèlera les gestes ancestraux transformant l'olivier et son huile en une source de bienfaits. Cette conférence sera suivie d'une dégustation d'huiles d'olive, d'olives et de tapenade, autour d'un verre. Accueil au Domaine Ferme des Arnaud à Villedieu (84). Dix personnes maxi. Balade de 2h + dégustation : 25€. Courriel : richez.francoise@orange.fr

  • Office de Tourisme intercommunal Ventoux-Provence, 374 Avenue Jean-Jaurès, à Carpentras (84). Tél : 04 90 63 00 78. http://www.ventouxprovence.fr/accueil.html

  • Mes vifs remerciement à Magali Ripert du Pôle Presse de Vaucluse-Provence (https://www.provenceguide.com/) pour son aide précieuse.



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