Revoir le globe
Top


La Tenture de l'Apocalypse
(Château d'Angers, Maine-et-Loire, France)
Heure locale

 

Mardi 3 novembre 2020

 

Connaissez-vous Angers ? Et son château aux dix-sept tours ceint par des remparts d'un kilomètre de long ? En galante compagnie (aux côtés de Muriel et d'Odile), je découvre aujourd'hui cette forteresse bâtie à partir de 1230 pendant la régence de Blanche de Castille. Forteresse qui servira de résidence aux ducs d'Anjou durant les 14è et 15è siècles, avant d'être enrichie d'une chapelle (sous Louis II), d'un logis royal et d'un châtelet (érigé par le roi René). Placé sous la responsabilité du Centre des monuments nationaux, le Château d'Angers est d'autant plus remarquable qu'il est agrémenté de magnifiques jardins et qu'il abrite la tenture de l'Apocalypse, plus ancien ensemble de tapisseries aussi imposant (plus de cent mètres de long) à ce jour.

 

Se garer autour du Château n'est pas aisé mais Odile trouve une place de stationnement sans difficulté. Je suis immédiatement impressionné par la taille des fortifications qui se dressent devant moi : la forteresse est édifiée sur un promontoire rocheux dominant la Maine, site occupé depuis l'Antiquité compte tenu de sa position stratégique. Gaulois et Romains occuperont la place, suivis plus tard par les comtes d'Anjou (jusqu'à la fin de l'empire Plantagenêt). C'est Louis IX qui entreprend de bâtir le château actuel au 13è siècle, un château que les ducs d'Anjou occuperont par intermittence les siècles suivants. L'endroit, qui verra naitre René d'Anjou, sera (très) partiellement détruit sur ordre du roi Henri III lors des guerres de religion. Puis abritera successivement une prison (Fouquet, arrêté à Nantes par d'Artagnan, y sera détenu en 1661), une garnison militaire et un dépôt de munitions lors de la Seconde guerre mondiale.

De jolis jardins aménagés embellissent le pied des remparts tandis que nous nous dirigeons vers l'entrée du château, matérialisée par un pont-levis. Il nous faudra deux heures pour effectuer librement la visite de ce lieu chargé d'histoire, tout en flânant sur les remparts, à la recherche des plus beaux points de vue sur la cité angevine et ses environs. Et de traverser aussi plusieurs jardins créés à l'intérieur même de l'enceinte fortifiée.


 

Munis de nos tickets d'entrée, nous partons en direction de la chapelle et du logis royal, à quelques centaines de mètres de là : c'est Yolande d'Aragon, épouse du roi Louis II d'Anjou, qui demandera la construction de la chapelle dédiée à Saint-Jean-Baptiste. Celle-ci dispose d'une nef unique rectangulaire et affiche un style architectural gothique angevin. Quant au logis royal, il ne reste plus aujourd’hui que les bâtiments contigus à la chapelle. A proximité, une galerie spécialement conçue, abrite la tenture de l'Apocalypse, œuvre unique au monde.

Cette œuvre exceptionnelle fut commandée vers 1375 par le duc Louis 1er d'Anjou, frère du roi Charles V et demanda sept années de travail pour sa réalisation, un délai somme toute rapide pour une tapisserie aussi monumentale. Les cartons seront fournis par le peintre du roi, Jean de Bruges, tandis que la tenture sera entièrement tissée en laine et constituée originellement de six panneaux de six mètres de haut sur 23 mètres de long. Chaque pièce débute par un grand personnage suivi de deux registres de sept scènes, entre une bande de ciel et une bande de terre.

L'état de conservation actuel de cette tenture relève du miracle quand on sait que l'oeuvre a vécu une histoire mouvementée au fil des siècles. En effet, celle-ci sera tendue dans la cour de l'archevêché lors du mariage de Louis II (fils du commanditaire) avec Yolande d'Aragon en 1400, avant d'être cédée à la cathédrale d'Angers en 1480 par le roi René, dernier duc d'Anjou. Le 18è siècle la jugeant trop démodée, la tapisserie subira de graves mutilations avant d'être heureusement restaurée au milieu du 19è siècle, puis de revenir au château en 1954.

 

L'oeuvre en question représente l'Apocalypse de Saint Jean ou « Livre des Révélations », dernier texte du Nouveau Testament. Rédigé à la fin du premier siècle de notre ère, ce texte décrit les visions prophétiques de Saint Jean et la lutte entre le Bien et le Mal (qui aboutira au triomphe du Christ après un cortège de catastrophes s'étant abattu sur l'humanité). Et la tenture de refléter également et avec un certain réalisme le contexte de sa création, à savoir la guerre de Cent Ans, la famine et la peste...Oeuvre de propagande, la tapisserie est marquée des armes de son commanditaire, dont elle expose l'idéologie et les ambitions de conquête (alors tournées vers l'Italie et la Terre Sainte) On pense aussi que la commande de Louis 1er de France est peut-être liée à la présence dans la forteresse, durant la décennie de 1370, d'une relique réputée provenir de la Croix du Christ que Louis 1er fera monter en orfèvrerie et qui l'encouragera à créer l'ordre de chevalerie de la croix. Et la tenture de l'Apocalypse d'initier une série de monumentales tapisseries « manifeste » militant en faveur de la représentation du pouvoir de l'époque.

Dans le détail, la tapisserie révèle trois séries de sept fléaux. On observe d'abord l'ouverture des sept sceaux du Livre des Révélations, et pour chaque sceau brisé apparaît un fléau. Les premiers sont les chevaliers de l'Apocalypse, suivis du déchainement des éléments naturels (alors que sonnent les trompettes), puis des sept flacons versés sur la Terre par les anges, tableau marquant la fin des fléaux. En s'attardant sur la troisième pièce de la tenture, on peut distinguer l'histoire des deux Témoins et celle de la Femme qui échappe à Satan. Dépeint par un dragon entouré de deux acolytes, celui-ci séduit les hommes sur le tableau suivant. Suivront l'élimination de Satan, la destruction de Babylone, l'arrivée sur terre de la Jérusalem Céleste symbolisant le Paradis annonçant l'issue heureuse des Révélations de Saint-Jean.

L'autre histoire heureuse est bel et bien l'idée qu'eut Louis 1er de commander une telle œuvre. Certes, notre homme est alors grand amateur d'oeuvres d'art, mais la tenture se révèle être une merveille artisanale réalisée en un temps record. Un chef d'oeuvre artistique et technique, tissé sans envers (son endroit et son envers étant tout aussi soignés, sans nœud ni fil apparent) et sur ...140 mètres de long. L'incroyable qualité technique de cette tapisserie sans envers atteste l'implication d'un atelier hautement qualifié et de très importants moyens financiers. Une œuvre si impressionnante qu'elle frappera les esprits, stimulera la rivalité entre les princes au point d'entrainer une politique de commandes de plus en plus ambitieuse, pour la plus grande joie des artistes. Toute aussi étonnante sera la conservation de la tenture au fil des siècles : objet de luxe ostentatoire, celle-ci deviendra le fleuron du trésor de la cathédrale angevine, en magnifiant notamment l'édifice lors des plus importantes fêtes religieuses. Le 18è siècle demeurera indifférent aux beautés dégagées par l'oeuvre qui sera démembrée, manquant alors de disparaître purement et simplement. Grâce au ciel, le chanoine Joubert entreprendra de sauver la tapisserie le siècle suivant, offrant ainsi l'occasion de perpétuer cette œuvre pour les futures générations. Je suis admiratif de l'immense labeur requis par une telle œuvre et des différentes étapes à franchir avant la consécration de la tenture : au départ, on trouve les commanditaires, puis les artistes, les cartonniers (et leurs croquis), la préparation de la laine, la teinturerie (à l'aide de plantes tinctoriales), la composition des tapisseries, le tissage en haute lisse et en basse lisse...

 

La suite de notre visite nous conduit à arpenter la cour d'honneur , puis à faire le tour des remparts en admirant d'une part les jolis points de vue qui s'offrent à nous et d'autre part, les jardins du domaine national du château d'Angers. La Maine coule quant à elle au pied de la forteresse, une rivière française affluent de la Loire qui ne mesure que 11,5 km de long et qui n'a pas de source. En effet, la Maine nait du confluent de la Mayenne et de la Sarthe, puis grossit en volume jusqu'à se jeter dans la Loire d'où le fait qu'elle soit souvent considérée comme le prolongement de la Mayenne.

 

Quant aux jardins, il y en a plusieurs. Muriel, Odile et moi empruntons un escalier d'accès qui nous mènera aux remparts. Bien que bâti par Blanche de Castille et Saint Louis, le Château d'Angers est encore marqué de nos jours par les aménagements réalisés durant le règne des ducs d'Anjou (dont celui du roi René, dernier de la lignée). Ce bon roi René que l'on considère ici comme le précurseur de l'horticulture en Anjou, lui qui se passionna tant pour les plantes et les jardins. On lui doit entre autres la culture de la vigne sur les « coteaux de la Maine » près de ses manoirs, l'introduction de la rose de Provins, de l'abricotier ou du muscat...Le souverain fera aussi installer des tonnelles et des jardins au cœur même du château d'Angers qui le verra naitre et qu'il occupera par intermittence.

La forteresse abrite différents jardins dont le jardin potager composé de plates-bandes et de plessis et planté d'espèces légumières et fruitières. On y trouve également des petits fruits et une prairie fleurie médiévale. Mieux vaut ouvrir l'oeil lors de sa promenade car les plantes sont omniprésentes comme par exemple sur certaines façades et culots de voûtes de bâtiments (châtelet, logis royal, tours) où l'on retrouve des végétaux sculptés dans la pierre. Enfin, en observant avec soin la tapisserie de l'Apocalypse, on découvrira de la même manière des végétaux tissés.

 

Les remparts abritent même un jardin suspendu (formé de plates-bandes de formes géométriques) le refuge d'espèces médicinales, aromatiques, condimentaires, tinctoriales, maléfiques et mélifères. Des plantes dont la plupart était connue au Moyen-Âge et dont certaines d'entre elles sont représentées sur la tenture de l'Apocalypse. Au passage, j'aperçois une parcelle de vignes et son cépage Chenin (raisin blanc). Un peu plus loin, se trouve aussi un jardin de genêts et une roseraie tandis que le Logis royal possède lui aussi son jardin planté de plusieurs espèces et variétés d'Hydrangea, dont l'Hydrangea Macrophylla, hortensia originaire du Japon. Notre visite s'achèvera avec le jardin régulier, composé d'ifs, pelouses et buis situé dans la cour principale.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Domaine national du château d'Angers, 2 Promenade du Bout du Monde à Angers (49). Tél : 02 41 86 48 77. http://www.chateau-angers.fr/
  • Une application de visite « La face cachée de la tapisserie de l'Apocalypse » permet de découvrir la célèbre tenture. Cette application est disponible gratuitement sur Google Play et Appstore.

  • Autres liens : Facebook : www.facebook.com/chateau.angers/ Instagram:www.instagram.com/chateau_angers/

  • J'adresse mes vifs remerciements aux personnels du Château d'Angers pour leur charmant accueil et aux équipes du Centre des Monuments nationaux (https://www.monuments-nationaux.fr/) pour leur aide précieuse.








 



Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile