Dimanche 13 décembre 2020
Nous l'avons vu lors du précédent article, Charlemagne gouvernera bien ses peuples, en leur donnant de bonnes lois et en développant les moyens de s'instruire. Il civilisera les Germains qu'il fera même baptiser après les avoir vaincus. Malheureusement, son fils et successeur, Louis le Pieux, aussi appelé « le Débonnaire » (et, pire encore, ses trois fils qui s'entredéchireront pour se partager l'empire) ne fera pas aussi bien.
Fils de Charlemagne, Louis 1er nait en 778 près de Bordeaux pour certains, dans la Vienne ou le Lot-et-Garonne pour d'autres. Son règne sera marqué par de nombreuses menaces sur l'Empire carolingien : les Vikings se livreront à plusieurs raids et ses fils se révolteront contre lui à plusieurs occasions. Et le pouvoir impérial d'être de plus en plus menacé face à l'arrogance grandissante des grandes familles aristocratiques de l'époque.
Celui qu'on appellera également Louis le Pieux devra son surnom à sa politique religieuse, bien plus favorable envers l'Eglise que sous le règne de son père. Louis réformera effectivement les monastères et changera de politique à l'égard de la papauté en prenant l'engagement de respecter le patrimoine de Saint Pierre, à savoir les Etats pontificaux, et de s'abstenir d'intervenir dans les élections pontificales. Ce surnom lui aurait été valu par sa propension à s'émouvoir lorsqu'il visitait des lieux saints, comme, par exemple lorsqu'il se recueillit sur la tombe de son père à Aix-la-Chapelle. Cette politique religieuse aura somme toute pour finalité de renforcer l'unité de l'Empire carolingien hérité de Charlemagne, un empire fondamentalement chrétien.
Louis est le sixième enfant (et quatrième fils) de Charlemagne et son père le fera couronner à l'âge de trois ans, roi des Aquitains, par le pape Adrien 1er, tandis que son frère Pépin reçoit le titre de roi d'Italie au cours de la même cérémonie. Un tel couronnement, c'est très bien, mais Louis ne peut gouverner si jeune et il ne jouera un rôle dans le gouvernement de son royaume qu'après avoir atteint ses 12 ans. Et de partager son temps entre ses palais royaux aquitains et la cour, aux côtés de Charlemagne. En 792, alors qu'il entre juste dans l'adolescence, il participe à une première expédition militaire en Italie avec son frère Pépin, avant de mener le siège de Huesca (en 797), puis de Barcelone (800-801) pour en découdre face à l'occupation musulmane espagnole. Et Charlemagne de partager ses territoires en 806, entre ses trois fils légitimes : Charles, Pépin et Louis. Lors de ce partage, ce dernier recevra les régions de l'ancienne Gaule au sud du Plateau de Langres (royaume de Bourgogne et Provence), en plus de l'Aquitaine.
C'est à Doué-la-Fontaine que Louis 1er apprend la mort de son père, en février 814. De retour à Aix-la-Chapelle, il réorganise la gestion de l'Empire, en plaçant ses conseillers tout en en écartant d'autres, et en se gardant bien de s'auto-proclamer roi des Francs et des Lombards dans l'immédiat. Ce n'est que deux ans plus tard qu'il sera couronné et sacré monarque par le pape Etienne IV à Reims. Cette ville vivra ainsi le premier sacrement d'une longue série puisque tous les rois de France (ou presque) seront par la suite sacrés dans cette cité.
Sans attendre, en 817, Louis organise sa succession entre ses trois fils Lothaire, Louis et Pépin, et choisit Lothaire, son fils ainé, comme héritier, tout en attribuant des territoires aux deux autres. Et ce sera sans compter avec les remariage et repartage futurs (de 819 à 829). Par ailleurs, l'Empire connaitra une période de guerres civiles et de révoltes entre 830 à 835 : Pépin et Louis, les deux fils de Louis 1er s'emparent du palais impérial et contraignent leur père à enfermer sa nouvelle épouse Judith dans un monastère (épouse qui donnera à Louis 1er une fille, Gisèle, et un fils, Charles – dont la naissance remettra en cause le fameux partage de 817). Lothaire, une fois rentré d'Italie, maintiendra Louis 1er au pouvoir, mais sous surveillance. Quelle famille !
Des tractations suivront, qui aboutiront à la confiscation de l'Aquitaine (en 832), la révolte de 833, la destitution de l'empereur et au «Champ du mensonge » en juin de cette même année : depuis l'Italie, Lothaire et son armée franchit les Alpes, rejoint ses frères et tout ce beau monde se met en marche contre leur père. L'entrevue entre les protagonistes a lieu fin juin en Alsace en un endroit plus tard surnommé « Champ du mensonge ». Durant les négociations, Louis 1er sera lâché par ses partisans, avant de se voir imposé une pénitence publique (Pénitence de Soissons) par Lothaire (soutenu par les évêques de Gaule) à l'abbaye Saint-Médard et devant une assemblée de clercs et de laïcs. Et Louis le Pieux de devoir confesser ses nombreux « crimes » puis d'abdiquer en tant qu'empereur. On n'est jamais trahi que par les siens...
L'histoire ne s'arrêtera pas là, puisque les résultats obtenus par Lothaire ne satisfaisant pas ses frères Louis et Pépin, ces derniers reprendront les armes pour batailler à nouveau. Et une coalition de se former entre Louis 1er (le père), Louis de Bavière et Pépin (les fils) contre Lothaire (le fils ainé). Une armée se rassembla bientôt à Langres, et des combats s'engagèrent au cours desquels Lothaire s'emparera de Chalons avant d'être contraint de repartir sur ses terres italiennes. Quant à Louis 1er, il retrouvera son titre d'empereur en 835 lors du concile de Thionville : ce concile avait pour objet de réintégrer solennellement Louis le Pieux comme empereur et de juger les évêques qui s'étaient placés du côté de Lothaire en novembre 833.
Après de tels rebondissements, la fin du règne de Louis 1er connaitra tout de même une certaine accalmie (de 835 à 840): finalement, Louis 1er attribuera à Charles un royaume constitué de territoires de la vallée de la Meuse, puis de l'Aquitaine (qui lui reviendra après la disparition de Pépin, en 838). De son côté, Judith (qui n'était pas une enfant de choeur!) fomentera un rapprochement entre Charles et Lothaire. Et Louis de Bavière de devenir alors l'ennemi principal.
Probablement épuisé et rendu malheureux par ces intrigues familiales, Louis le Pieux s'éteindra peu après le 20 juin 840 alors qu'il se préparait à partir en campagne contre...son fils. Et d'être inhumé auprès de sa mère, à l'abbaye Saint-Arnould de Metz. Sa mort ne mettra pas fin aux rivalités entre ses fils puisque ces derniers reprendront peu de temps après les hostilités, jusqu'à aboutir à un nouveau partage de l'Empire lors du traité de Verdun de 843 : ce traité est souvent considéré comme le début de la dissolution de l'Empire unitaire de Charlemagne, mais aussi comme l'un des principaux actes fondateurs de ce qui deviendra la France. Après le décès de Pépin, il reste trois fils en course : Charles (dit le Chauve), Lothaire et Louis. Le 29 juin 840, Lothaire, en position de force, s'arroge la succession de son père en vertu de l'accord de 817. Charles, qui a récupéré l'Aquitaine, n'est pas apprécié des grands de ce royaume et Lothaire tente alors, et avec succès, de faire des anciens partisans de Pépin ses alliés. Les trois frères aboutissent à un accord qui partagera l'Empire (photo ci-dessous) entre Charles le Chauve (Francie occidentale, appelée France vers 1200), Lothaire 1er (lequel reçoit le titre impérial, la Francie médiane, du centre de l'Italie à la Frise) et Louis le Germanique (Francie orientale, ou Germanie, noyau du futur Saint Empire romain germanique). En clair, la Francie occidentale de Charles le Chauve est à l'époque formée des régions de Neustrie et d'Aquitaine, de la partie ouest de l'Austrasie et du nord de la Bourgogne. La Francie médiane de Lothaire 1er comprend une zone allant de la côte frisonne (Mer du Nord) à la mer Méditerranée, en passant par les Pays-Bas, la Rhénanie (avec Aix la Chapelle), une grande partie de la Bourgogne, la Provence, l'Italie du Nord et la ville de Rome. Enfin, la Francie orientale de Louis inclut le nord-est de la France actuelle, les bassins de la Meuse et de la Moselle, y compris les bassins moyen et inférieur du Rhin, la Saxe, l'Alémanie et la Bavière.