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Exposition "Jean"
(Cité des Sciences et de l'Industrie, Paris, France)
Heure locale

 

Mardi 30 mars 2021

 

Ce vêtement qu'on appelle Jean, est l'habit le plus porté sur la planète (il s'en vend 73 par seconde...soit 2 302 128 000 pièces chaque année) et par toutes sortes de gens. Une histoire extraordinaire que nous raconte la Cité des Sciences et de l'Industrie (Paris 19è) à travers une exposition, « Jean », que l'on peut visiter au choix, sur place (dans le respect des mesures anti-Covid) ou en ligne (sur internet) jusqu'au 22 janvier 2022.

 

Le pantalon pattes d'éléphant m'a plus marqué que le jean, chaque génération ayant ses références. Depuis ce temps, j'ai bien sûr adopté ce vêtement increvable et pratique. Si la légende fait naitre le jean en Californie, à l'époque des colporteurs et des chercheurs d'or, rappelons que cette toile fut utilisée dès le 16è siècle par la marine génoise pour équiper ses navires de voiles et pour vêtir les marins. Gênes (Italie), alors connue pour cette toile de coton et de lin exportera la fameuse toile dans toute l'Europe et en France, où des tisserands nîmois tenteront vainement de reproduire le tissu. Et de développer au 17è siècle un autre tissu, une toile de laine et de soie en armure de serge bientôt appelée denim (de Nîmes). Cette toile solide (bergers et paysans cévenols en feront leurs vêtements de travail) et beige à l'origine, sera exportée à Gênes, puis teintée en bleu indigo pour en faire un vêtement bon marché et facile d'entretien. Voilà pour la toile.

L'invention du jean en lui-même serait le fruit d'une collaboration entre Levi Strauss (qui tenait un commerce de tissus et de vêtements) et Jacob Davis, un tailleur du Nevada. Installé sur la côte ouest américaine, à l'époque de la ruée vers l'or en 1853, le premier convoyait des chariots entiers de toiles de tente et des bâches en toile denim qu'il revendait aux forty-niners (les premiers immigrants débarqués en 1849 à la recherche de l'or). Le second, Jacob Davis, lui acheta ses toiles pour tailler des pantalons de travail avec renfort des points sensibles (poches, braguette) à l'aide de rivets en cuivre. Le succès du pantalon fut immédiat et Jacob Davis proposa à Levi Strauss de partager les fruits de la commercialisation de son invention en échange du débours de l'argent nécessaire au paiement du dépôt d'un brevet (qui lui sera accordé le 20 mai 1873).

Les deux compères développent leur affaire en taillant différentes toiles mais le choix du denim (tissu exclusif à partir de 1860) agrémenté d'un renforcement par rivets, et le fait d'avoir misé sur le pantalon plutôt que la salopette les mèneront au succès. Le mot « jeans », lui, finit par s'imposer et serait le résultat de la contraction « de Gênes ». Quant au bleu de Gênes (blu di Genova), il désignait à l'époque la teinture des bleus de travail rivetés en denim produits par Levis Strauss & Co.

 

En moins d'un siècle, le jean se répand dans le monde en accompagnant l'essor de l'industrie textile et de sa mondialisation. Signe de rébellion ou d'anticonformisme, on le porte pour marquer sa différence mais aussi comme un vêtement de travail ou de loisir. Et de défiler aujourd'hui sur les podiums de haute-couture.

Immersive, décalée et ludique, l'exposition invite le public à découvrir le jean sous toutes ses coutures, à partir de 9 ans et en trois langues (français, anglais et espagnol), en abordant pêle-mêle le célèbre pantalon sous ses différents aspects (mode, économie, technique, industrie, histoire, société, consommation et environnement) dans un décor de grand atelier (de 600 m2) divisé en espaces variés invitant le visiteur à vivre des expériences tout en se questionnant autour du jean.

L'exposition s'interroge d'abord sur l'origine du jean : nous l'avons vu plus haut, ce nom désigne avant tout une étoffe. Sergé de Nîmes, toile de Gênes, toile de jean, denim, manufactures du Lancashire ou d'Amoskeag aux Etats-Unis... ? D'un côté, le visiteur est interpellé par un mur de fesses (le jean n'a jamais autant mis en valeur le fessier) tandis qu'un peu plus loin, il est invité à prendre la pose dans un photomaton dont les clichés rejoignent ceux des célébrités déjà affichées. Autre panneau : l'anatomie d'un jean présente les différentes parties du pantalon en mettant en avant sa couleur, la forme globale du vêtement mais aussi rivets, boutons, poches passants surpiqures et coutures, sans oublier le dessin de poche arrière et l'étiquette de cuir de la marque. Enfin, un mur de poupées évoque l'envahissement de nos garde-robes par le jean. Et de nous montrer à échelle réduite (à l'image des poupées de mode du 18è siècle qui portaient une tenue en miniature destinée à être reproduite à taille humaine) que le denim est utilisé pour tout type de tenues.

 

La seconde partie du parcours de la visite insiste sur l'aspect universel du jean : né avec l'industrialisation, celui-ci accompagne les changements sociaux et culturels de l'époque. Son image s'internationalise, notamment après la seconde Guerre mondiale lorsqu'il est adopté par les icônes de cinéma et les chanteurs puis conquiert l'Europe puis le reste du monde. A l'origine simple vêtement de travail, il ne rejoindra les garde-robes féminines que dans la deuxième partie du 20è siècle. Objet de contestation, il sera porté par les rockers, les motards, les blousons noirs, les hippies, les punks, les rastas ou les rappeurs, avant de devenir l'uniforme de la jeunesse, puis d'inspirer les créateurs et la haute couture. Cet espace aborde à la fois le jean et l'histoire du 19è au 21è siècle par le biais de la musique, des mouvements contestataires ou des icônes du cinéma, du Far West à nos jours. Un film retrace cette aventure du jean, sous les aspects historique et sociologique.

A deux pas de là, sont exposés des jeans de collection de la fin du 19è siècle à 1945. On peut ainsi admirer la tenue de travail d'un mineur ou l'uniforme d'un soldat de l'US Navy, mais aussi des pièces appartenant à Eric Maggiori, un journaliste passionné de vintage. L'homme possède l'une des plus grandes collections de denim au monde, dont des pièces uniques et authentiques.

 

La troisième étape aborde le jean sous son aspect technique : s'il est simple à porter, ce pantalon, qui comporte pas moins de trente pièces, est complexe à fabriquer. Un film permet de présenter les techniques et les étapes de la production, depuis la récolte du coton, jusqu'au produit fini. Le coton est d'abord récolté, puis transformé en fil, teinté, tissé, ennobli puis vieilli pour lui donner un aspect vintage. Vient le tissage (avec l'observation d'un métier à tisser), instant où le fil devient tissu. Et de rappeler au passage qu'avant d'être un tissu, le denim est une fibre, un fil, ainsi qu'une technique de tissage : le sergé. Sur ce même espace, on explique également en quoi consiste la teinture à l'indigo. Cet extrait de plante, utilisé comme colorant naturel pour le denim, est en fait connu depuis plus de 6000 ans. Et présente l'avantage d'être résistant aux lavages successifs et de laisser l'intérieur des fibres de coton blanc, ce qui donne au jean son aspect délavé. On apprend en outre que les besoins énormes d'indigo (45000 tonnes par an) ont contraint les scientifiques à mettre au point une version synthétique de cet extrait de plante. La couture du jean est une autre étape importante, décrite dans ce même espace d'exposition : une fois le patron dessiné, le pantalon est constitué d'une dizaine de pièces à découper en plus des pièces zip, rivets, boutons et marques. Plusieurs opérations et différentes machines sont nécessaires pour l’assemblage de l'ensemble. Une fois cousu, le jean sera vieilli, lavé puis repassé. Et le visiteur d'être convié à concevoir virtuellement son propre vêtement, avant (ou après) s'être arrêté à la Tissuthèque (grande bibliothèque de denims) pour explorer la matière denim (à l'aide de vingt échantillons de tissus).

 

Le volet suivant attire notre attention sur la question de la (sur) production du jean (2,3 milliards par an) à l'heure où l'humanité tente de se mobiliser pour préserver l'environnement. Pointée du doigt pour son impact écologique et symbole de la surconsommation et d'une industrie polluante, cette pièce de vêtement est victime de son succès. Où en sont les alternatives et les recherches actuelles pour obtenir un « jean propre » ? Il existe aujourd'hui des solutions pour produire un jean de qualité tout en respectant l'environnement et les employés qui confectionnent les pantalons. »Choisissez mieux, achetez moins et faites durer » proclame la styliste Vivienne Westwood. Et pourquoi pas ? Gageons que les nouvelles générations d'entrepreneurs, de nouvelles marques éthiques, les ingénieurs, designers et citoyens réfléchissent afin de faire de ce célèbre un « jean propre ».

Quoi de mieux qu'un film choc montrant les coulisses de la création d'un jean, et informant sur les conséquences de sa confection et de sa consommation ? Le visiteur suit ici le cycle de vie d'un jean et découvre les problématiques liées à la consommation d'eau, aux pesticides, au transport, à la fast fashion (renouvellement rapide des vêtements proposés à la vente), à la mondialisation, aux conditions de travail et au recyclage. Les conditions de travail désastreuses imposées à l'être humain (travail des enfants, ouvriers sous-payés) et les conditions de sécurité non respectées doivent interpeller les consommateurs que nous sommes.

L'espace dédié nous offre de découvrir un film qui explore avec humour des alternatives pour créer un jean plus respectueux de l'environnement sans retirer son côté glamour et tendance. Il est urgent d'agir car ce sont plus de 248000 tonnes de textiles et chaussures usagés qui furent collectées en 2019 (soit l'équivalent du poids de 23 Tour Eiffel ou l'équivalent de 10 kg par an et par personne. Heureusement, le « upcycling » (surcyclage, ou récupération de matériaux) permet désormais de fabriquer un produit à haute valeur ajoutée à partir de déchets textiles. Sur place, le visiteur peut assister à un atelier de couture pratiquant justement l'upcycling. Recycler est sans doute notre planche de salut car la production de coton est grande consommatrice d'eau et de pesticides. Peut-être la production de jeans en coton bio ou en d'autres fibres naturelles (lin, chanvre, ortie, lyocell) serait-elle envisageable ? Pour l'instant, certains essais restent à l'échelle de prototype.

 

Le parcours de cette exposition s'achève sur la mode qui s'est peu à peu tournée vers le jean dans les années 1980.Toujours réinventé, le jean est revisité par de jeunes créateurs qui s'en approprient l'image iconique et universelle pour l'intégrer dans leurs collections. A la sortie de l'exposition, un dispositif propose aux visiteurs des conseils et des pistes de réflexion pour des achats et une consommation plus raisonnable. L'avenir de notre planète en dépend.

 

Vous l'ignoriez peut-être mais un jeans parcourt jusqu'à 65000 km lors de sa fabrication, alors que 1083 km (seulement) séparent les deux villes les plus éloignées de notre hexagone (Porspoder, petit village breton au nord de Brest et Menton au sud-est). Et l'entreprise française 1083 d'avoir symboliquement choisi ce chiffre lors de sa création en 2013. Saluons au passage cette PME française qui crée de la valeur ajoutée pour la maison France tout en fabriquant de la qualité depuis lors. Partenaire de l'exposition « Jean », 1083 a créé 150 emplois (dont 70 emplois directs) depuis la création de l'entreprise à l'aide d'un financement participatif Ulule.com. 2015 lui permit de décrocher une première labellisation Origine France Garantie sur un jean, sans parler des autres innovations. Non dénuée d'humour, l'entreprise avait chevauché un an avant la petite reine pour partir à la rencontre du client, de Menton à Porspoder. Avouez tout de même que cette histoire ne manque pas de...selle! Jamais à court d'idées, 1083 abordera l'année 2017 avec entrain en utilisant un métier à tisser à navette pour tisser son jean selvedge, en lançant des jeans couleurs pour femme, une chemise en jean, un système de location de jeans pour enfant (il fallait y penser) et en investissant dans le recyclage du jean. Ou comment être à la fois entreprise citoyenne et respectueuse de l'environnement !

 

Avec sa gamme étoffée de jeans, 1083 n'a pas à rougir des plus grands : ses denims se déclinent désormais en une douzaine de modèles et le jeans selvedge (décliné en Superdenim) témoigne d'un savoir-faire ancestral en matière de tissage que 1083 a été le premier à remettre au goût du jour dans notre pays. Côté innovation, l'entreprise est à la pointe avec la mise au point, dès 2016, d'une machine laser capable de délaver 200 jeans par jour, en économisant jusqu'à 95% d'eau et 75% d'énergie (par rapport au procédé traditionnel). L'entreprise est présente aux quatre coins de l'hexagone, puisque tous ses jeans sont teints et tissés dans les Vosges ou dans la Loire, avant d'être confectionnés à Marseille, Bobigny, Montceau-les-Mines, Paulhac, Romans-sur-Isère et bientôt à Rupt-sur-Moselle dans l'entreprise Tissage de France (entreprise jadis en redressement judiciaire jusqu'à ce que 1083 n'accompagne sa reprise en 2018 pour conserver les emplois et le savoir-faire). Les autres productions de 1083 (chaussures, t-shirts, ceintures...) sont elles aussi entièrement fabriquées en France. Cocorico !

 

 

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