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Les Héros de la France éternelle - Philippe II
(14) (France)
Heure locale

 

Lundi 25 octobre 2021

 

Fils héritier du roi Louis VII et d'Adèle de Champagne, Philippe II dit «Auguste » succédera à son père comme le septième roi de la dynastie des Capétiens. Couronné en la cathédrale de Reims le 1er novembre 1179, ce souverain-là marquera son époque et restera comme l'un des monarques les plus admirés et les plus étudiés de la France médiévale, non seulement à cause de la longueur de son règne mais pour ses importantes victoires militaires et les progrès accomplis pour conforter le pouvoir royal et contrôler la hiérarchie féodale.

 

C'est au moine Rigord que le roi devra son surnom d''«Auguste », après que Philippe II eut ajouté les seigneuries d'Artois, du Valois, d'Amiens et une grande partie du Vermandois, au domaine royal. Nous sommes alors en 1185 et ce qualificatif fait référence aux empereurs romains qui augmentaient très significativement la surface de leurs domaines. Moine de Saint-Denis, médecin et chroniqueur, Rigord rédigera une chronique du règne de Philippe Auguste entre 1186 et 1208, en s'appuyant sur son expérience personnelle mais également sur un grand nombre de documents officiels et de lettres. Devenu souffrant au point d'être incapable de poursuivre l'écriture, Rigord laissera la place à Guillaume le Breton, chapelain et biographe de Philippe « le Magnanime ». C'est du moins comme cela qu'il surnommera le roi dans sa chronique La Philippide (rédigée de 1214 à 1224).

Phillipe Auguste sera un monarque innovateur : il sera par exemple le premier monarque à faire porter sur ses actes la mention « Rex Franciae » (roi de France) au lieu de « Rex Francorum » (roi des Francs). Devenu monarque dès l'âge de quinze ans, l'homme était bien né dans la mesure où Louis VII concevra ce fils inespéré avec sa troisième et dernière épouse, après trente ans d'attente. L'enfant sera très tôt associé au pouvoir, aux côtés de son père souffrant, avant de prendre le pouvoir le 28 juin 1180, juste quelques semaines avant le décès de son père, et de signer ce même jour son premier traité (Traité de Gisors) avec Henri II d'Angleterre. Et philippe de se retrouver du jour au lendemain seul face aux responsabilités dont la première qui consistera à renforcer le pouvoir royal.

 

Une des premières décisions qu'il va prendre à l'intérieur du domaine sera l'expulsion des Juifs et la confiscation de leurs biens, en 1182, une décision qui vient contrecarrer la politique de son père, lequel avait accordé sa protection à cette communauté. Quitte à déplaire, Philippe Auguste n'agit pas ainsi sur un coup de tête et compte bien mettre à profit cette confiscation des biens juifs pour renflouer les caisses royales. Cette mesure vexatoire ne durera que peu de temps puisque l'attitude conciliatrice adoptée par Louis VII redeviendra la norme dès 1198, malgré la pression du pape Innocent III.

C'est de Marseille que Philippe Auguste embarque à la fin de l'été 1190 pour la troisième croisade, accompagné de Richard 1er (dit « Coeur de Lion »), le fils d'Henri II et d'Aliénor d'Aquitaine. Cette croisade commence mal car le cortège est bloqué quelques mois en Sicile pour cause de mauvais temps en Méditerranée. Le roi atteint Acre (cité alors occupée par les musulmans) en avril 1191 et participe au siège de la ville. Des querelles naissent alors entre Philippe et Richard, qui souffriront simultanément de fièvres et échoueront finalement à reprendre la cité d'Acre. La croisade n'en est qu'à ses débuts mais Philippe envisage déjà de rentrer en France par prudence, en passant par Rome. C'est que la mort du comte de Flandre, lors du siège de Saint Jean d'Acre, incite Philippe Auguste à se méfier des convoitises naissantes de plusieurs prétendants. Et le monarque de rentrer au royaume de France pour mieux gérer ces affaires séance tenante.

Philippe Auguste traverse aussi une autre épreuve : la disparition de son épouse, Isabelle de Hainaut, en mars 1190 (quelques mois avant le départ du roi pour la troisième croisade) impose au monarque de se remarier au plus vite, car la succession dynastique n'est plus assurée (Louis, son seul fils, n'a que quatre ans et est d'une nature fragile). Le choix de la seconde épouse portera sur Ingeburge, la sœur du roi Knut VI de Danemark. La première rencontre (et le mariage) a lieu à Amiens le 14 août 1193, mais Philippe Auguste fait écourter la cérémonie du couronnement qui a lieu le lendemain et expédie Ingeburge au monastère de Saint-Maur-des-Fossés en attendant l'annulation du mariage. Quelle mouche a donc piqué le roi pour agir ainsi, nul ne le sait. En attendant, Philippe Auguste prend en 1196 une troisième épouse, Agnès de Méranie, de noblesse bavaroise, malgré la désapprobation du pape Innocent III. Ce dernier , tout juste élu en 1198, excommuniera le roi capétien dans l'espoir d'obtenir une réconciliation, ce qui sera le cas mais de manière éphémère, en septembre 1200.

 

Pendant ce temps, Richard Coeur de Lion a poursuivi la croisade, en reprenant les principaux ports palestiniens et en rétablissant le royaume latin de Jérusalem. Une trêve de cinq années est aussi négociée avec Saladin avant que Richard n'embarque en 1192 pour le voyage retour. Son navire échoue à Corfou lors d'une tempête et Richard est capturé par le duc d'Autriche Léopold V, qui le remet à l'empereur germanique Henri VI, son ennemi. Pour Philippe Auguste, la capture de Richard Coeur de Lion est une bonne nouvelle, et va lui permettre de négocier avec Jean sans Terre, le frère cadet. Richard, une fois libéré, livrera une bataille acharnée au roi capétien, mais perdra la vie en 1199. Or, la succession de Richard Coeur de Lion ne va pas de soi, et Philippe Auguste profite de la rivalité entre Jean sans Terre (frère de Richard) et le jeune Arthur de Bretagne (âgé de seulement douze ans). Combattant infatigable, Philippe Auguste livrera encore bataille ici et là pour reprendre la Normandie (qu'il reconquerra en 1204). Et le voici maintenant à la (re)conquête de la vallée de la Loire où il enchaine les succès. Toute la période allant de 1206 à 1212 sera très favorable à Philippe Auguste et à ses conquêtes territoriales. Si la Bretagne et la Champagne se plient aux désirs du roi, il en va autrement en Auvergne, dans le comté de Boulogne et en Flandre. Comme l'histoire le montre souvent, les succès d'un seul seul homme face à ses ennemis entraine une coalition rivale en signe de revanche. Ainsi, l'opposition à Philippe Auguste se cristallise t-elle en 1214 mais, une fois de plus, le courageux roi capétien s'illustrera magnifiquement contre le camp adverse lors de ce qui reste l'apogée de son règne, la bataille de Bouvines du 27 juillet 1214, malgré l'infériorité de ses troupes (1300 chevaliers et 4000 à 6000 sergents à pied face à une coalition formée de 1500 chevaliers et 7500 sergents à pied). Cette bataille est une victoire totale (avec l'empereur Otton en fuite et la capture de 130 prisonniers (dont cinq comtes français), mais aussi le début d'une longue période de paix à l'intérieur du domaine royal, et plus généralement sur l'ensemble du nord de la Loire, à la suite de la signature de la trêve de Chinon en 1215 (prolongée en 1220). Cela n'empêche pas Philippe Auguste d'étendre son influence comme en Champagne, à Issoudun, Bully, Alençon...autant de terres annexées au domaine lors de successions problématiques, si bien que la prospérité du royaume de France est assurée à la fin du règne de Philippe II.

En novembre 1221, l'excédent annuel du Trésor atteint 25210 livres, sur un total de 157036 livres en caisse à cette époque (soit plus de 80% du revenu annuel ordinaire de la monarchie). Après plus de quarante années de règne, le souverain ne survivra pas à son dernier déplacement pour se rendre à une réunion ecclésiastique destinée à la préparation de nouvelles croisades. Contre l'avis de ses médecins, Philippe Auguste entreprend ce voyage au terme duquel il décèdera à Mantes le 14 juillet 1223, à l'âge de 57 ans. Transportée à Paris, puis à Saint-Denis, sa dépouille sera pour la première fois exposée à la vénération du peuple avant sa sépulture.

 

Du règne de ce roi capétien, on retiendra un exercice du pouvoir qui permit l'invention de la nation et de l'Etat : à sa mort, Philippe Auguste transmet à son fils, Louis VIII un domaine royal considérablement agrandi grâce à une politique de conquêtes multiples. Ces conquêtes furent rendues possibles par la création de l'ost royal, une armée qui comptait en 1202 (en temps de paix) 3043 hommes, auxquels étaient rajoutés plus de 8000 hommes supplémentaires en temps de guerre. Dès la deuxième moitié du 12è siècle, le roi dotera également les armées royales de mercenaires. Autant d'initiatives qui font de Philippe Auguste un roi rassembleur.

Conquérir c'est bien mais encore faut-il tenir durablement ses positions. Le roi s'efforcera donc de raffermir le pouvoir royal sur ces nouveaux territoires en y installant de nouveaux modes d'administration et en développant une politique de fortifications et de châteaux. Un inventaire est dressé, puis Philippe Auguste fait ériger à ses frais les moyens de défense nécessaires sur le domaine royal, en remplaçant les mottes castrales par des donjons en pierre.

Autour de lui, se trouve une équipe dirigeante, cohérente, capable et efficace dont les membres sont choisis par le roi lui-même : les Grands du royaume sont ainsi écartés pour laisser la place à des hommes de moins haute naissance dès lors qu'ils possèdent les compétences requises pour le poste occupé. Guérin (qui finira chancelier de France) sera ainsi issu des petites gens.

Pour contourner les défauts du système féodal, comme par exemple le morcellement, Philippe Auguste organise une nouvelle structure administrative et procède à de grandes réformes. Il promeut les baillis (représentants du roi se déplaçant dans les provinces) qui sont chargés de rendre la justice puis d'établir la comptabilité du royaume. La douzaine de baillis oeuvrant au service du roi sont assistés par les prévôts (agents royaux rattachés à une zone précise) chargés de juger les affaires courantes et de dresser les comptes locaux. Dans certaines régions conquises en cours de règne, le souverain confiera même les fonctions administratives à des sénéchaux.

Sous son règne, le roi apparaît également comme le bienfaiteur de Paris : en 1181, Philippe Auguste transfère la foire Saint-Lazare au centre de l'actuelle capitale (à l'emplacement des Halles) et réglemente les commerces des denrées essentielles (pain, viande et vin). Sous son règne, les rues principales de Paris sont aussi pavées et le cimetière des Saints-Innocents est assaini, drainé, nivelé et entouré d'un mur. En 1190, avant son départ en croisade, il lance la construction d'un mur d'enceinte sur la rive droite, puis, quatre ans plus tard, fait reconstituer les archives royales volées par Richard Coeur de Lion lors de la bataille de Fréteval. En 1202, il signe la charte de la création de l'université de Paris (laquelle permettra plus tard l'essor rapide des écoles parisiennes), puis achève la construction de la tour neuve et du château du Louvre. En 1209-10, il fait rénover le Petit Châtelet (avec l'ajout d'une prison...) et fait ériger la partie rive gauche de l'enceinte de Paris. Notre-Dame de Paris, dont les travaux ont débuté en 1163, avancent bien et la galerie des rois est achevée dans les années 1220. Oui, on peut véritablement parler d'un essor de Paris, chiffres à l'appui (doublement de la population de 25000 à 50000 âmes en 1220, ce qui fait de Paris la ville française la plus grande d'Europe à l'exception de l'Italie.

Dans l'histoire de notre pays, le roi Philippe Auguste reste avant tout le grand vainqueur de la bataille de Bouvines grâce aux Grandes Chroniques de France. Quant à l'enceinte de Paris, elle a pratiquement disparu, ne subsistant ici et là qu'à l'état de vestiges. Le Louvre médiéval, lui, fut intégré au musée dans les années 1990. Heureusement, l'ancien souverain possède encore de nos jours une avenue et une station de métro à son nom. L'homme, jamais inféodé ni soumis aux évènements, n'a jamais capitulé et a toujours su réparer les dommages pour le bien d'un royaume, dont l'accroissement constituera sa préoccupation majeure tout au long de sa vie. On le dépeint comme un suzerain loyal et honnête.

 

INFOS PRATIQUES :

 

  • « Philippe Auguste : le bâtisseur du royaume » de Bruno Galland (Belin)
  • « Paris en 1200 », de Denis Hayot (CNRS)









 



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