Lundi 14 mars 2022
Le Musée des Arts Décoratifs célèbre l'histoire du design pour tous à travers deux des plus grandes enseignes de distribution d'objets du quotidien qu ont popularisé le design : Prisunic, puis Monoprix. L'exposition présentée « Le design pour tous : de Prisunic à Monoprix, une aventure française » puise 500 œuvres (mobilier, objets et affiches publicitaires) dans l'inventaire des collections permanentes du musée pour illustrer cette aventure créative et engagée résumée par le fameux slogan « Le beau au prix du laid ». Et de revenir sur les plus grands succès des collaborations initiées dans les années 1960 et poursuivies plus tard par Monoprix avec des designers comme Terence Conran, Marc Held, India Mahdavi, Constance Guisset ou Ionna Vautrin sans oublier graphistes, photographes et illustrateurs.
En mettant en avant « Le Beau pour tous », les deux grandes enseignes française Prisunic et Monoprix, spécialisées dans la distribution d'objets du quotidien ont marqué l'histoire du design populaire dans notre pays. C'est en 1931 que nait la chaine de magasins Prisunic, laquelle introduira en France, quinze années plus tard, le marketing américain sous la houlette de son nouveau directeur Jacques Gueden. Celui-ci, arrivé en 1946 à la tête de la centrale d'achat de l'enseigne, instaurera une ambitieuse politique de modernisation des magasins pour faire face à la concurrence émergente. Il engagera en 1953 Denise Fayolle en qualité de styliste à Prisunic afin de développer le secteur de la confection féminine, puis les marques propres de l'enseigne en donnant une forte identité visuelle aux objets à travers le conditionnement et la publicité. Moins d'une décennie après son arrivée, Denise Fayolle engagera en 1962 le dessinateur Jean-Pierre Bailly comme styliste des accessoires. C'est lui qui concevra dès 1965 le logo cible de Prisunic, une pomme entourée de cercles.
Prisunic démocratisera ainsi dès la fin des années 1950 un mobilier et un habillement contemporains de qualité, autour d'un slogan vendeur « Le beau au prix du laid », formule créée par Denise Fayolle, directrice du bureau du style de 1957 à 1967. Cette même enseigne impulsera les premières collaborations avec des créateurs, dont Terence Conran, qui participera à la création du premier catalogue de vente en 1968 renfermant mobilier, luminaire et vaisselle astucieusement mises en scène par Prisunic. En 1997, Prisunic fusionnera avec Monoprix, avec la volonté de rendre le design accessible à tous. Et l'enseigne Monoprix de réaffirmer depuis « le plaisir de vivre à la française ». Comme pour Prisunic, les campagnes publicitaires de Monoprix feront l'une des forces de la marque. Et Monoprix de revoir l'identité visuelle de l'alimentaire en 2009, à travers un système graphique fort appelé Bayadère (nom du produit en lettres capitales, message humoristique et bandes de couleurs).
L'exposition, à la fois thématique et chronologique, comporte deux parties : la première, consacrée à Prisunic et la seconde, à Monoprix. Présenté dans les collections modernes et contemporaines, le parcours de la visite propose un dispositif original de « ready-made » (mobilier et présentoirs de magasin utilisés comme systèmes de présentation) évoquant l'univers de la grande distribution agrémenté d'une scénographie colorée et lumineuse.
Débutons la visite au palier du niveau 3, sur des pièces emblématiques de Monoprix, exposées avec fantaisie dans des réfrigérateurs transformés en vitrines : ces objets, signés Marion Lesage, India Mahdavi ou Ionna Vautrin, sont reproduites en finition dorée, tandis que des films publicitaires et des interviews filmées animent l'espace immédiat. Dans l'enfilade de salles, on distingue deux espaces accueillant une chambre et un salon Prisunic reconstitués pour l'occasion. On y voit un mobilier simple, accessible et fonctionnel , faits de métal ou de polyester colorés. Des pièces aujourd'hui devenues des icônes du design des années 1970, une décennie au début de laquelle Prisunic organisera un concours international de design dont le but sera d'encourager la création de meubles tout en développant la recherche autour de la mousse de polyuréthane (en coopération avec Shell et le Centre de création industrielle). Une mousse résistante qui permettra de réaliser un mobilier bon marché, modulable, coloré et aux formes souples.
Filons au niveau 5 du pavillon de Marsan, où l'exposition apporte un éclairage sur l'histoire des deux enseignes en dévoilant des documents d'archives rares et de « merchandising », comme des sacs de courses, pin's et porte-clés publicitaires, ou des caddies disposés avec originalité sur des caisses enregistreuses. Une galerie d'actualités, elle, se penche sur le marketing des deux enseignes à travers une sélection d'affiches issues des collections du musée. On y découvre une image graphique forte portée par les grandes agences de publicité de l'époque.
La deuxième partie de l'exposition s'attarde sur les collaborations qui ont marqué ces deux dernières décennies. Et la visite de se poursuivre toujours au niveau 5 à travers le prisme du rêve et de la fantaisie, illustré par des créations uniques comme la robe de mariée du couturier Alexis Mabille qui dialogue avec un mur d'assiettes signées G by Gien, ou encore la collection d'assiettes Dominoté par Antoinette Poisson qui met en avant techniques ancestrales et savoir-faire artisanal. Le parcours permet ensuite de découvrir la reconstitution d'un espace historique présentant une sélection d'objets du quotidien pour manger, sortir ou se vêtir. On y trouve également des monographies telles que Maison Château Rouge et sa collection 2018 (marque de prêt-à-porter et d'objets de décoration créée en 2015) ou celles de créatrices parmi les plus emblématiques de Monoprix, tandis que les collections artisanales réalisées en Inde et en Afrique se mêlent aux collections permanentes en évoquant la scène internationale. La coopérative indienne Creative Handicrafts sera mise à contribution pour fabriquer certains vêtements, accessoires et objets de l'enseigne Monoprix tandis que la seconde collection de Maison Château Rouge pour Monoprix résultera d'une rencontre avec les savoir-faire de différents ateliers de création de Madagascar, du Congo, de Guinée, de Tunisie et d'Algérie.
Dans cette même salle, l'occasion nous est alors offerte de replonger dans l'enfance avec des vêtements d'enfants et des jouets sortis des collections du musée d'une part, puis de contempler la chambre de Jean Prouvé pour la Cité Universitaire d'Antony ou la cuisine de Le Corbusier conçue pour la Cité radieuse de Marseille avec ses objets du quotidien d'autre part. Et la visite de s'achever avec la présentation de l'ensemble des catalogues Prisunic qui ont marqué les générations, ensemble complété par des lithographies vendues en libre-service entre 1967 et 1973 à l'initiative de Jacques Putman : la bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs présente ainsi la totalité des catalogues que Prisunic lancera au printemps 1968. De format carré, au graphisme clair et aux couleurs vitaminées, certains d'entre eux ont été réalisés par des graphistes comme Friedemann Hauss ou le photographe Marcel Duffas. Quant aux lithographies, c'est sous l'impulsion du critique d'art, éditeur d'estampes et collectionneur Jacques Putman que Prisunic lancera, à la fin de l'année 1967, le concept de l'estampe originale d'artistes, produite à 300 exemplaires et vendue 100 francs dans une soixantaine de magasins Prisunic.
Quelques dates clés pour achever cet article :
-
1931, ouverture, par Le Printemps, d'un magasin de vente à prix unique à Paris : le premier Prisunic
-
1932, création de Monoprix par le groupe Galeries Lafayette et Maxx Heilbronn. Premier magasin Noma rebaptisé Monoprix à Rouen
-
1936, quatre magasins portent le nom de Prisunic
-
1946, Jacques Gueden prend la direction de la centrale d'achat de Prisunic
-
1949, nomination d'Etienne Moulin à la tête de Monoprix
-
1953, Denise Fayolle intègre Prisunic, pour améliorer le secteur de la confection femme, puis homme et enfant
-
1957, Denise Fayolle dirige le « Bureau du style et de la publicité ». Elle lance le slogan « Le beau au prix du laid »
-
1960, première présentation publique des collections du bureau du style et de la publicité Prisunic au Théâtre en rond à Montmartre
-
1961, Maïmé Arnodin dessine les collections de prêt-à-porter pour Prisunic jusqu'en 1970
-
1964, Terence Conran fonde Habitat à Londres
-
1967, Denise Fayolle quitte Prisunic et lancement des Suites Prisunic, estampes originales d'artistes
-
1968, lancement du premier catalogue de meubles Prisunic
-
1988, Exposition « Prisunic, une expo des produits nouveaux » au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou
-
1997, fusion des enseignes Prisunic et Monoprix
-
1998, Exposition « Prisunic » à la Biennale de Saint-Etienne
-
2000, première collaboration à Monoprix : Terence Conran
-
2008, Exposition « Prisunic et le design, une aventure unique » à la galerie VIA à Paris
-
2012, cession de Monoprix par les Galeries Lafayette au groupe Casino et développement des collaborations de créateurs.
INFOS PRATIQUES :