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Exposition "Romy Schneider"
(La Cinémathèque française, Paris, France)
Heure locale

Lundi 4 avril 2022

 

Romy Schneider fait partie de ces artistes adulés, même après leur disparition. C’est le cas de cette jeune femme au destin tragique qui commença dès l’âge de 15 ans, en Allemagne, une carrière cinématographique qui fera date. Cette carrière qu’elle poursuivra en France fera d’elle une star de cinéma grâce à des films qui ont à jamais marqué l’histoire du 7ème art. Quarante ans après sa mort, La Cinémathèque française a choisi Romy Schneider pour consacrer sa toute première exposition à une actrice. Le parcours de visite veut ainsi redonner la parole à cette icône, à travers ses rôles, ses textes, ses interviews, son journal intime et le making-of des tournages.

 

Comme vous peut être, c’est avec Romy Schneider que j’ai découvert l’Autriche avec ses châteaux, ses aventures, et ses romances un peu comme à Versailles. C’est justement cette petite fiancée autrichienne devenue l’icône du cinéma français que cette exposition souhaite nous dévoiler. Une actrice à la fois solaire et proche, bien décidée à s’émanciper de ce fameux rôle de Sissi, en multipliant choix audacieux et collaborations avec les plus grands, comme Luchino Visconti, Orson Welles, Otto Preminger, Alain Cavalier, Henri-Georges Clouzot, Joseph Losey, Claude Sautet, Costa-Gavras, ou Claude Chabrol... C’est une Romy Schneider plus présente que jamais que je découvrirai au travers de costumes, d’affiches, de photographies, d’archives rares, et d’interviews et d’extraits de films racontant cette quête de travail et de liberté qui firent de cette dame l’actrice que l’on connait et dans laquelle on se reconnaît.

 

Romy Schneider incarne à jamais l’image de la femme moderne, libre, épanouie qui affirme sa sensualité et qui vit avec fougue à travers les films qu’elle a tournés, ceux de Claude Sautet bien sûr, comme La Piscine, ou Le Procès sans pour autant oublier la légendaire série des Sissi et tant d’autres œuvres encore. Les publics, allemand, français et italien l’adorent si bien que Romy n’a jamais cessé d’être aimée.

Pourtant, il arrivera un moment où la fin tragique de son existence prendra le pas sur le reste et laissera à d’autres le soin de parler d’elle. L’histoire se répète souvent, reflétant la tragédie d’une vie trop courte qui cache obligatoirement d’autres drames, et d’autres douleurs que ses films lui permettront d’exorciser ou de transcender. Et Romy de nous donner l’impression de devoir à tout jamais payer le prix de sa beauté, de ses amours flamboyants avec Alain Delon, de ses films, de sa jeunesse et de sa liberté. Il suffit d’écouter sa voix, ou de lire des morceaux d’interviews ou des passages de son journal d’adolescence pour découvrir une femme éprise de liberté, à la fois fougueuse et amoureuse de son métier, une profession qu’elle exerçait avec tant de virtuosité.

Lumineuse et décidée, elle passa sa vie à déjouer son destin, en vivant libre, en choisissant ses amours, ses hommes et ses pays. Ayant fait ses débuts en Allemagne,avec le triomphal tournage de Sissi, elle quittera son pays pour suivre une jeune inconnu, Alain Delon. Virevoltante, Romy aimait vivre, rire et aimer, tout en se moquant du jugement de ses pairs, préférant renoncer à une carrière hollywoodienne en 1964 pour se produire au théâtre, accoucher de son premier enfant et vivre en bonne épouse au côté de son mari allemand, Harry Meyen.

 

Indépendante financièrement dès l’adolescence, elle sera souvent la « chef de famille » qui subviendra aux besoins de ses conquêtes masculines. N’étant pas attachée, si ce n’est sentimentalement, à ces messieurs, elle repartait de zéro à l’issue de ses histoires d’amour pour poursuivre sa vie à Paris, à Berlin ou dans le sud de la France. Et c’est avec la même force, la même intelligence et la même hypersensibilité qu’elle s’investissait dans sa vie professionnelle.

Ses choix au cinéma pouvaient certes surprendre parfois comme par exemple jouer une jeune élève amoureuse de son professeur juste après Sissi, dans le film « Jeunes Filles en uniforme », ou bien, quelques années plus tard, choisir le réalisateur Andrzej Zulawski pour incarner une comédienne sans rôle dans « L’important, c’est d’aimer » feront d’elle une pionnière dans l’émancipation de la femme au cinéma. Elle avait aussi l’instinct de s’entourer des plus grands, auxquels elle restera remarquablement fidèle, parfaitement consciente de tout ce qu’elle leur devait.

Romy Schneider était enfin une femme engagée qui signera la tribune pour le droit à l’avortement en 1971 (quitte à devenir détestée dans son propre pays) et exprimera toujours des choix forts à l’intérieur de ses films , notamment ceux consacrés à la Seconde Guerre mondiale. Elle, la petite autrichienne qui portait le poids de l’amitié de sa mère avec le Führer, ne se ménagera pas pour réparer l’insupportable avec ses rôles dans « Le Train », « Une Femme à sa fenêtre », « Le Vieux Fusil », « Portrait de groupe avec dame » ou « La Passante du Sans-Souci ». Elle adorait son métier d’actrice et cela se voyait. Peu préoccupée par sa beauté, elle sera l’une des premières actrices à ôter tout le maquillage habituellement imposé par les studios. On la voit également nu et sans fard sur des photographies, fumant un jour comme un pompier, aimant faire la fête le lendemain comme pour conjurer les drames qui la frapperont les dernières années de sa vie. Cela ne l’empêchera pas de rester une étoile à jamais scintillante dans nos cœurs.

 

Romy Schneider compta parmi les femmes les plus photographiées de son époque, même si elle préservait son intimité. Sa longue carrière d’artiste lui fera enchainer les tournages jusqu’au terme de son existence. Trente ans sur les plateaux de cinéma à travailler, à nouer des complicités avec les réalisateurs, les acteurs ou les techniciens, en exigeant de partager le même hôtel que l’équipe de production, toute star qu’elle était.

L’objectif de l’exposition est de montrer comment cette femme est devenue une icône toujours aussi adulée quarante ans après sa disparition.

« Enfant de la balle », Romy est issue d’une famille de comédiens : c’est sur un plateau que son père, Wolf Albacht Retty rencontre sa mère, Magda Schneider. De cette union nait Rosa Maria Magdalena, dite Romy le 23 septembre 1938. Installés dans les Alpes Bavaroises, ses parents divorcent en 1945 et Romy part en pension et participe à toutes les activités théâtrales du pensionnat. Et c’est tout naturellement que l’enfant rêve à son tour de devenir actrice, jusqu’au jour où elle est choisie par Hans Deppe pour jouer la fille de sa propre mère dans « Les Lilas Blancs ». Elle n’a alors que 15 ans. Dès lors, les films s’enchaineront jusqu’à sa rencontre avec Ernst Marischka qui lui proposera de jouer dans Sissi. Ancien metteur en scène d’opérettes reconverti en réalisateur, Ernst Marischka se spécialisera dans les films historiques à l’eau de rose. Passionné par la vie d’Elizabeth de Wittelsbach, il monte en 1932 une opérette sur sa vie avec, dans le rôle de Sissi, la talentueuse Paula Wessely. Et le réalisateur de décider d’en faire un film en 1954, en faisant de cette production un récit historique et un conte de fées. Romy Schneider, en interprétant Elizabeth d’Autriche devient alors une immense vedette, même si l’actrice refuse de devenir une icône et impose des films différents comme « Montti » ou « Jeunes filles en uniforme ». Mais bientôt, en 1958, sa rencontre avec Alain Delon va faire basculer son destin. Romy Schneider choisit sur photo une jeune homme pour le film « Christine ». Ce jeune premier, quasi inconnu, s’appelle Alain Delon.

 

Et Romy de quitter l’Allemagne pour devenir la joyeuse compagne de la future star mondiale Alain Delon. Ce départ est alors vécu comme une trahison pour les Allemands et un véritable scandale pour ses parents. Luchino Visconti sera le premier à lui faire confiance avec une pièce de théâtre, puis un film en 1961. Elle apprend le français,, travaille durement, tourne son premier film en France avec le jeune Alain Cavalier, fait des pieds et des mains pour rencontrer Orson Welles et s’envole pour Hollywood. Chaque nouveau film est une pierre de plus à l’édifice de son immense talent.

L’actrice confie alors se sentir française dans son style de vie et sa vie tout court. Et de le devoir à trois personnes : Alain Delon, Luchino Visconti et Coco Chanel. Deux ans après son arrivée à Paris, l’actrice interprète un rôle tout en français, forçant l’admiration du jeune réalisateur Alain Cavalier.

Avec Orson Welles, Romy découvre quelque chose de nouveau : en 1962, elle joue sans maquillage et a, pour la première fois, du mal à se reconnaître à l’écran. Le film « Le Procès » dans lequel elle interprète le rôle de Leni rassemble un prestigieux casting : Anthony Perkins, Jeanne Moreau, Michael Lonsdale, Suzanne Flon, Madeleine Robinson et... Romy.

En 1964, Henri Georges Clouzot propose à Romy le rôle principal de son prochain film, « L’Enfer ».L’actrice sera la seule à supporter le courroux du réalisateur, ses changements de scénario et de plans de tournage. Le tournage du film sera interrompu en août à la suite de l’hospitalisation de Serge Reggiani, vite remplacé par Jean-Louis Trintignant, lequel quittera le plateau quelques jours plus tard, lassé par les frasques d’Henri Georges Clouzot. Romy Schneider, elle, endura les humeurs du réalisateur jusqu’à ce que la crise cardiaque de ce dernier ne mette un point final au film.

1962 est l’année de signature d’un contrat entre Romy et la Columbia pour six films. L’actrice s’envole pour Hollywood, même si le tournage du premier film aura lieu à Vienne (Autriche) avec Otto Preminger, un compatriote exilé aux Etats-Unis. C’est l’occasion pour elle de déployer ses talents dans un genre nouveau, celui de la comédie populaire. Studieuse et de bonne volonté, Romy supportera mal Hollywood, le poids des studios, la course effrénée à la célébrité et l’éloignement avec ses proches.

 

Malgré leur rupture en 1964, Alain Delon parvient à imposer Romy dans « La Piscine » (1968). Romy est depuis retournée vivre à Berlin, avec toujours ce même rêve de monter sur les planches. Sa rencontre avec Harry Meyen, metteur en scène berlinois, virera en histoire d’amour et Romy donnera naissance à un petit David, le 3 décembre 1966. Et l’actrice de s’accorder pour la première fois une pause jusqu’à l’été 1968 où elle part retrouver Alain Delon sur le tournage de « La Piscine».


 

Alain Delon accepte le rôle principal du film mais exige que Romy Schneider lui donne la réplique. Le tournage a lieu dans une superbe maison en bord de mer, à Ramatuelle. Et Alain Delon, Romy Schneider, Jane Birkin, Maurice Ronet et toute l’équipe de production de vivre en vase clos durant plusieurs semaines. A sa sortie, en 1969, le film de Jacques Deray est un véritable triomphe avec plus de deux millions et demi de spectateurs et signe un nouveau départ pour l’actrice.

Romy Schneider tournera cinq films avec Claude Sautet, entre 1970 et 1978 : « Les Choses de la vie », « Max et les ferrailleurs », « César et Rosalie », « Mado » et « Une histoire simple ». Au fil de ses rôles, Romy devient l’incarnation de la femme française.Dans « Les Choses de la vie », Claude Sautet et Romy trouvent un accord parfait sur le plan professionnel et une complicité évidente face à leurs responsabilités de réalisateur et de comédienne. Pour « Max et les ferrailleurs », Romy accepte le personnage de prostituée en proposant des idées pour enrichir son personnage. Ce film est pour elle l’opportunité de connaitre autre chose que l’univers petit bourgeois de ses précédents films. « César et Rosalie » connaitra un grand succès lors de sa sortie en 1972, grâce au caractère passionnel de l’actrice et à sa formidable énergie intérieure. Dans « Mado », en 1976, Claude Sautet n’offre qu’un tout petit rôle à Romy Schneider, celui d’une femme qui accepte le temps qui passe et n’a pas peur de s’abimer. Quant au film « Une histoire simple», Romy a presque commandé l’histoire au réalisateur, un film chorale sur les femmes avec, autour de Romy Schneider, Sophie Daumier, Francine Bergé, Eva Darlan et Arlette Bonnard.

 

Romy Schneider est un être hyper sensible , qui a horreur de la facilité et s’investit totalement dans ses rôles. Au début des années 1970, elle enchaine les films mais reste consciencieuse, perfectionniste, anxieuse jusqu’à l’angoisse, et minutieuse jusqu’à l’excès. Elle choisit le cinéma pour exorciser sa culpabilité, cette maison familiale à Mariengrund, à seulement quelques kilomètres du Nid D’Aigle du Führer et les liens de sa famille avec le 3ème Reich. Et d’interpréter des rôles de femmes fortes ayant pris part à la tragédie pour dénoncer, alerter et ne jamais oublier cette période noire, dans les cinq films traitant de la Seconde guerre mondiale tournés entre 1973 et 1982.

Romy n’aura de cesse de changer de peau, de registre, d’un film à l’autre, infidèle à l’image que les autres se faisaient d’elle, tout en demeurant fidèle à elle-même. Jamais satisfaite, elle ne triche pas. L’actrice ne craindra pas davantage les ruptures ou les changements de cap et se tiendra toujours prête pour affronter de nouvelles aventures. Travaillant avec de jeunes réalisateurs, elle cherchera à incarner des femmes fortes, libres et pionnières à l’image de Marthe Hanau dans « La Banquière ». Aimant la provocation et d’une photogénie inégalée, elle n’aura jamais peur de dévoiler sa sensualité à l’écran. Depuis « La Piscine » où elle a révélé toute sa sensualité, Romy est l’une des premières actrices à se dévoiler et à mettre en scène sa nudité. Très photographiée, elle décidera toutefois d’organiser elle-même des séances photos avec des photographes complices.

L’actrice passera sa vie à déjouer les règles, à reprendre en main son destin et à sortir des clichés. Au fil des ans, les rides apparaitront mais l’actrice les acceptera pour donner l’intensité et la noirceur aux derniers personnages qu’elle interprètera. Dans ses derniers films, Romy Schneider ne jouera que des personnages qui meurent : « La Mort en Direct », « La Banquière », « Fantôme d’amour », « Garde à vue » et « La Passante du sans-souci ». Il y a bien ce projet de film avec Alain Delon, et puis « Cocaïn » avec Rainer Werner Fassbinder qui rêve alors de tourner avec elle. Mais le destin a pris le pas et Romy est retrouvée morte dans son lit, au petit matin du 29 mai 1982. Elle n’avait que 43 ans.

 

INFOS PRATIQUES :

 

  • Exposition « Romy Schneider » , jusqu’au 31 juillet 2022, à la Cinémathèque française, Musée du Cinéma, 51 rue de Bercy à Paris (12ème). Tél : 01 71 19 33 33. https://www.cinematheque.fr
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    Visites guidées les samedis et dimanches à 16h30 (réservation en ligne obligatoire) pour partir à la rencontre d’une actrice au travail avec les plus grands cinéastes de son époque. Durée : 1h30. Tarif : 14€.

     

  • Catalogue « Romy Schneider » en vente à la librairie de La Cinémathèque. 256 pages, 250 illustrations environ. 35€.








 



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