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Exposition "Molière en costumes"
(Centre national du costume de scène, Moulins, Allier, France)
Heure locale


 

Lundi 22 août 2022

 

Qui est ce Jean-Baptiste Poquelin, plus connu sous le nom de Molière, et baptisé à Paris le 15 janvier 1622 ? Le 400ème anniversaire de la naissance de cet homme illustre a donné l’idée au Centre national du costume de scène (Moulins) de célébrer à sa manière l’évènement en présentant au public l’exposition « Molière en costumes » jusqu’au 6 novembre 2022.

 

Issu d’une famille bourgeoise aisée, Molière est manifestement plus intéressé par la vie de saltimbanque que par l’existence toute tracée de notable. Il renonce ainsi à ses études de droit et à sa carrière juridique pour endosser les habits de comédien et se consacrer au théâtre. Âgé de seulement 21 ans, il crée l’Illustre Théâtre avec Madeleine Béjart et une dizaine de compagnons. Et de quitter Paris, lassé de l’hostilité des comédiens d’autres théâtres de la capitale, pour chercher fortune en province dès 1645.

Ces années d’itinérance formeront Molière à son métier de comédien, de chef de troupe et d’auteur composant et jouant farces et comédies. Le succès est au rendez-vous dans les provinces de France et la troupe décide de revenir à Paris en 1658 pour y tenter à nouveau sa chance.

Cette fois, l’homme est protégé par le frère du roi et remarqué par le roi Louis XIV, si bien qu’il va bientôt devenir l’auteur et le comédien favori du monarque qui le nommera ordonnateur des fêtes de cour. On imagine aisément l’attrait de ce poste qui consiste à créer de nombreux divertissements royaux pour ce jeune roi épris de ballet et de musique. Molière travaille ainsi aux côtés des plus grands musiciens et danseurs de son temps.

Parallèlement, il assouvit sa passion théâtrale en écrivant et en jouant de grandes pièces comme Le Misanthrope, L’Avare ou Le Tartuffe. Force est de constater que quatre siècles plus tard, l’oeuvre de Molière inspire toujours autant metteurs en scène, scénographes et costumiers pour le plus grand plaisir d’un public planétaire.

 

 

L’exposition « Molière en costumes » invite le public à découvrir plusieurs décennies de création théâtrale à travers 130 costumes et un ensemble de maquettes, photographies et captations audiovisuelles. On y retrouve tous les grands personnages de l’oeuvre du comédien: Alceste le misanthrope, Harpagon l’avare et Tartuffe le faux dévot, l’indécise Célimène et la naïve Agnès, le vaniteux Monsieur Jourdain et le rusé Sganarelle.

Chaque salle du parcours offre d’aborder une thématique nouvelle : vices et vertus, satire de la médecine et de la religion, raillerie du bourgeois grotesque, condition des femmes, jalousie et infidélité... Bien entendu, les costumes présentés ici sont le résultat d’une sélection préalable. Singuliers et emblématiques d’un metteur en scène ou d’un costumier, ils reflètent des tendances, qu’elles soient historiques, à la mode, ou tout bonnement le produit de l’imaginaire d’un créateur.

Une place importante est accordée à la Comédie-Française, ou « Maison de Molière », qui fut fondée en 1680, soit sept années après le décès de l’auteur dont toutes les pièces sont inscrites au répertoire. Les pièces présentées dans l’exposition proviennent majoritairement du Centre national du costume de scène, de la Comédie-Française et du département des Arts du spectacle de la BnF. Cette visite s’achève par l ‘évocation de la comédie-ballet, genre dramatique mêlant musique, chants et danses, inventé par Molière avec la complicité de Lully, et au sein duquel Le Bourgeois gentilhomme et Le Malade imaginaire constituent des chefs-d’oeuvre.

 

 

C’est accueilli par les costumes des époux Jourdain du Bourgeois gentilhomme (mis en scène en 1972) que nous pénétrons dans l’exposition. La robe de Madame Jourdain répond aux codes d’élégance de la bourgeoisie du siècle de Louis XIV, alors que le costume de Monsieur Jourdain est tout en fantaisie, sans référence historique et flirtant avec l’esthétique des seventies.

Dans la première salle, on donne le ton en traitant des vices : en observateur lucide, Molière imagine une galerie de personnages, abjects et méprisables mais humains. La liste des vices ainsi décrits est longue et certains travers reviennent même de façon récurrente, comme par exemple l’hypocrisie, un mal qui gangrène alors la noblesse au XVIIème siècle.

Le Misanthrope illustre parfaitement ce vice que l’on retrouve d’ailleurs chez la plupart des personnages de la pièce. Alceste, qualifié ici de misanthrope, ne peut certes pas être accusé d’ hypocrisie, mais souffre d’autre défauts comme la colère et l’irritabilité. Ce caractère irascible existe également chez Géronte dans Les Fourberies de Scapin, vieillard autoritaire, étroit d’esprit, pingre et mesquin.Quant à Harpagon, l’Avare le plus célèbre, il est atteint d’une avarice maladive qui le pousse à revêtir des habits démodés et à resquiller sur toutes les dépenses domestiques.

 

 

La salle suivante (salle 2) nous parle de religion et de libertinage : au XVIIème siècle, la vie quotidienne de la société française est rythmée par la religion. Louis XIV, soucieux de défendre l’unicité de la confession catholique et de préserver son autorité sur l’Eglise de France lutte contre les Jansénistes qui s’opposent à la religion officielle. Molière, homme de son temps, écrit en 1664 une pièce en trois actes, Le Tartuffe ou l’Hypocrite, qui sera interdite par le roi pour des raisons religieuses. La version que nous connaissons aujourd’hui sera jouée devant une salle comble, cinq ans plus tard, le 5 février 1569.

Après cette pièce, Dom Juan, ou le Festin de Pierre, qui aborde l’impiété et le dérèglement des mœurs qualifiés alors de libertinage, renforce la fureur d’une partie de l’Eglise vis à vis de l’auteur. Pourtant, Molière était croyant et respectait les conventions religieuses, et il est de toute manière peu probable d’imaginer que Louis XIV, roi très chrétien, ait pu accorder sa protection à un athée et accepter de devenir le parrain du premier fils du comédien.

 

Le thème Servantes et Valets se dévoile à nous dans la troisième salle. Le personnage de valet ou de la servante apparaît dans de nombreuses comédies de Molière, au même titre que les amoureux ou le père de famille. La domesticité reflète ici le milieu social dans lequel évoluent les personnages : laquais et suivantes sont des emplois familiers du public et témoignent de la position illustre de la maison dont ils dépendent.

Représentés dans une proximité, voire une intimité avec leurs maitres, ces valets et servantes sont indispensables à l’intrigue. Parmi ces domestiques, citons le fourbe Scapin, l’inventif Mascarille, la malicieuse Lisette, l’impertinente Toinette. Autant de personnages que Molière a su imaginer en figure comique, alliance de fantaisie t de naturel, de sincérité et de duplicité, bref des personnages pour la postérité.


Poursuivons avec la salle 4 et découvrons les Bourgeois et Ridicules : Molière brosse ainsi le portrait du bourgeois en quête d’anoblissement, et ce, dans plusieurs de ses pièces. A la suite des troubles de la Fronde (1648-1653), la Monarchie, à la fois désireuse de réduire le pouvoir de la noblesse et de remplir les caisses de l’Etat, se met à vendre des charges et des offices à des roturiers enrichis grâce au négoce. Des unions entre nobles désargentés et bourgeois prospères rend également possible l’ascension sociale pour ces derniers. On assiste alors à l’apparition d’une noblesse fondée sur la fortune.

Molière, lui, s’amuse dans ses « comédies de moeurs » que sont Les Précieuses ridicules, Monsieur de Pourceaugnac ou Le Bourgeois gentilhomme. Bons bourgeois ou simples aspirants à la noblesse, et repérables par leur outrance et leur excès, ces personnages apparaissent finalement ridicules au point de déclencher le rire des spectateurs et des lecteurs.

 

Autre trait de caractère décrit par l’illustre auteur : Pères et Filles. La cinquième salle souligne l’importance du couple père-fille voire celui du tuteur et de sa pupille présents dans une vingtaine de pièces parmi les 33 œuvres écrites par Molière. Ces duos essentiels dans l’oeuvre de l’auteur nous enseignent que les pères sont rarement des personnages estimables et dignes de respect, mais se révèlent au contraire souvent tyranniques, emportés, autoritaires et de surcroit égoïstes à travers le choix de l’époux que les pères imposent à leur enfant.

Cependant, les jeunes femmes des pièces de l’auteur osent affronter l’autorité paternelle, en affirmant leur droit à un mariage d’amour et à une certaine forme d’émancipation. En mettant en scène ces conflits générationnels, Molière se fait le témoin attentif d’une évolution de la société opposant le conservatisme des géniteurs à une soif d’affranchissement et à l’émergence d’une conscience individuelle de ces jeunes femmes.

 

Le thème Malades et Médecins est mis au devant de la scène dans la salle 6. A travers l’utilisation de récits issus de la coutume populaire, fabliaux du Moyen-Âge et commedia dell’arte, ou encore de la littérature savante (Érasme, Rabelais ou Montaigne), Molière s’inscrit dans l’observance de la satire des médecins. Un thème qui revient dans plusieurs pièces dont La Jalousie du Barbouillé, le Médecin volant, ou L’amour médecin, une critique acerbe visant les médecins de la cour présentés en praticiens incapables et vénaux qui négligent la vie de leur patient.

Ultime chef-d’oeuvre de Molière, Le Malade imaginaire cible la médecine elle-même : à l’heure où celle-ci connait des avancées sous l’impulsion de René Descartes et William Harvey, les médecins du Malade imaginaire restent enfermés dans leurs pratiques ancestrales, saignées et lavements, tout en masquant leur incompétence derrière un jargon savant et un habit. Et la pièce d’inviter chacun à réfléchir sur la mystification, la duplicité et les égarements de l’esprit.

 

Il fallait bien deux salles (7 et 8) pour traiter du thème des Amoureux. Dans les tragédies et les comédies du théâtre classique, l’amour constitue l’un des ressorts essentiels de l’intrigue. Molière, lui, a choisi le schéma traditionnel du mariage contrarié dans la plupart de ses pièces. Et l’union de deux jeunes personnes éprises l’une de l’autre d’être contrariée par l’autorité d’un tuteur ou d’un père. Les amants sont fort heureusement soutenus par les proches parents, frères, oncles et belles-mères ou plus souvent encore par des servantes ou des valets qui tentent de raisonner le despote ou trament des plans dans son dos pour que l’amour triomphe enfin.Là encore témoin de son temps, Molière exprime dans ses œuvres le droit du père à décider du sort de sa progéniture. Les unions imposées ne sont-elles pas la norme dans les milieux aristocratiques et bourgeois ? Le mariage est avant tout une affaire d’argent et de patrimoine.

 

La salle 9 s’intéresse aux Jaloux et Infidèles. Molière, là encore, a souvent placé la jalousie et l’infidélité dans la trame narrative de ses pièces (dont six d’entre elles en ont d’ailleurs fait leur sujet principal). Dans Sganarelle ou le Cocu imaginaire, Molière reste dans le registre de la farce en reprenant le thème du cocuage comme principal ressort comique.Quant au personnage du jaloux soupçonneux, il sera repris l’année suivante dans L’école des maris, puis L’école des femmes. Et l’auteur d’introduire des jeunes femmes suspectes d’amoralité dans une société où la femme mariée est juridiquement mineure et soumise à son conjoint, tout en s’en faisant le défenseur.

Salle 10, nous voici face aux Précieuses et Savantes. En effet, au XVIIème siècle, un nouveau rôle est dévolu à la femme. Celle-ci prend désormais la plume, fréquente des salons et s’implique dans la vie spirituelle en fondant des congrégations. Là encore, Molière est le témoin de ces scènes et ne tarde pas à mettre en scène les savantes, les coquettes, les dévotes, les jeunes filles innocentes, les ambitieuses et les précieuses...Dans Les Précieuses ridicules (pièce créée en 1659), l’auteur dépeint les mœurs de son époque et condamne les excès du courant littéraire et de pensée, qualifié de préciosité. Puis, dans L’école des femmes (en 1662), il s’attache au thème de l’éducation des filles, tout en lançant un plaidoyer pour l’émancipation des femmes. Dans Les femmes savantes, Molière évoque l’accès des femmes au savoir, via les ouvrages de vulgarisation et les conférences académiques.

 

Dans la salle 11, le visiteur découvre l’Antiquité, dans laquelle Molière puise certaines sources, même si les pièces dont l’intrigue se déroule dans l’Antiquité ou dans la mythologie sont plus rares. Avec Amphytrion (1668), il crée une véritable fantaisie mythologique où Jupiter et Mercure se jouent des humains. Dans Les Amants magnifiques (1670), deux princes rivaux se disputent le cœur d’une même princesse tandis que Molière en profite pour critiquer l’astrologie, une science qu’il considère aussi vaine que la médecine.Quant à Psychée, pièce qui rassemble les plus grands talents de l’époque, elle réunit plus de 340 artistes, comédiens, danseurs, chanteurs, musiciens et figurants jusqu’à devenir la production la plus couteuse du XVIIème siècle. Et de rester le plus grand succès de toute la carrière de Molière, avec 82 représentations données dans son théâtre du Palais Royal.

C’est dans la salle suivante (salle 12) que l’on découvre Molière en scène : ceux qui l’accusent d’indécence, d’user de plaisanteries faciles, d’écrire des farces en ne respectant pas les règles classiques l’entendront détailler sa conception de l’art dramatique. Force est de constater que depuis le décès de l’illustre homme, le 17 février 1673, plus d’une centaine de pièces ont été écrites le mettant en scène.

Quant au parcours de l’exposition, il s’achève à la salle 13 en rendant hommage à la comédie-ballet, une comédie d’un genre nouveau imaginé par Molière pour Louis XIV passionné de danse depuis le plus jeune âge. Une comédie délibérément associée à la musique et au ballet, comme Les Fâcheux (1661) écrite par Molière, mise en musique par Lully et chorégraphiée par Beauchamp. Un bien joli moment.

 

 

INFOS PRATIQUES :

 

  • Exposition « Molière en costumes » jusqu’au 6 novembre 2022, au Centre national du costume de scène, à Moulins (Allier)
  • Catalogue «Molière en costumes » sous la direction de Véronique Meunier. 176 pages, 140 illustrations, environ 35€.

  • Mes remerciements à Alice de Pierre Laporte Communication pour son aide.









 



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