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Poitiers
(Vienne, France)
Heure locale

 

Mardi 31 mai 2022

 

Soraya et moi visitons aujourd’hui Poitiers . Deux mille ans d’histoire nous tendent les bras avec pas moins de 80 monuments historiques classés qui témoignent d’un patrimoine architectural mis en valeur depuis 1985 dans le cadre du label des Villes et Pays d’Art et d’Histoire. Poitiers est non seulement une terre de passage mais également une terre des batailles dont aucune n’a eu lieu sur le promontoire mais dans les plaines alentour. C’est enfin une ville souterraine avant d’être une ville de surface.

 

Jules César évoquait déjà ces Pictons, peuple celte installé dans la région dont Limonum était alors la ville. Puis, le nom de ce peuple donnera Pictavis : Poitiers. Peu à peu, les premières rues seront tracées, puis les thermes, un édifice monumental datant de la fin du 1er siècle seront érigés. D’autres bains publics existaient aussi rue Arthur-Ranc et trois aqueducs fournissaient la cité en eau. De l’amphithéâtre, il ne reste que quelques traces des arènes depuis leur destruction en 1857. Cet ouvrage était alors le plus vaste de la région d’Aquitaine, pouvant accueillir plus de 20 000 spectateurs. Quelques vestiges sont encore visibles rue Bourcani.

Au sud de la ville, s’élevait l’arc de triomphe dont le Musée de Poitiers conserve encore des éléments de cet arc à trois arches décorées de trophées navals.

Côté temples, le quartier de la Roche abrite un sanctuaire gallo-romain dédié à Mercure, qui fut sans doute bâti sur un ancien sanctuaire gaulois. Deux autres temples du 3ème siècle ont enfin été mis à jour rue de la Marne.

Pour se protéger des invasions, les grandes villes de l’Empire érigeaient des murailles et Poitiers ne fait pas exception à la règle : son enceinte fortifiée, longue de 2,6 km était la plus grande d’Aquitaine et entourait plus de 40 hectares. Ses murs de six mètres de large (et d’une hauteur de dix mètres) étaient garnis de tours.

 

Une visite au Musée Sainte-Croix permet d’admirer le tableau du peintre François Nautré, œuvre exécutée en 1619, soit cinquante ans après la tentative de l’amiral Gaspard de Coligny d’assiéger la ville, en 1569, malgré un siège de six semaines. Cette œuvre de presque quatre mètres de long et peinte avec minutie, offre d’observer en détails murailles et monuments. On distingue aisément la trentaine de clochers qui pointaient leurs flèches vers le ciel poitevin, ce qui vaudra à Poitiers le surnom de « ville aux cents clochers ».


 

Après cette entrée en la matière, nous débutons notre promenade par le parc de Blossac : celui-ci prend forme en 1753 sous l’impulsion de Paul-Esprit-Marie de la Bourdonnaye, Intendant du Poitou. L’aménagement comporte un jardin à la française, sur le modèle de Le Nôtre, un jardin à l’anglaise, un jardin de rocaille puis un jardin contemporain.

Non loin de là, se dresse l’église Saint-Hilaire-le-Grand dont on note l’étagement des volumes de chevet en en faisant le tour. Autre détail remarquable, la qualité du décor monumental de l’édifice avec animaux fantastiques, lions, oiseaux et végétaux sculptés. La tour-porche, elle, n’a conservé que les deux niveaux inférieurs de l’église romane car les guerres de Religion sont passées par là. Son large déambulatoire ouvrant sur quatre chapelles ornées de peintures romanes vaut le coup d’oeil tout comme le nombre de colonnes (dont celles doublées des bas-côtés) et une file de supports rétrécissant la nef centrale afin de remplacer la charpente initiale par des voûtes en pierre, avec sept vaisseaux, une rareté !


 

Nous remontons en direction de l’hôtel de préfecture dont les travaux, achevés en 1868, font place à un prestigieux bâtiment de style néo-Louis XIII donnant sur la place semi-circulaire Aristide-Briand. En réponse, la municipalité construira dès 1869 un hôtel de ville digne de ce nom, avec une façade néo-Renaissance similaire à son homologue parisien. Son escalier d’honneur évoque celui de l’Opéra Garnier et accueille les toiles du peintre Pierre Pubis de Chavannes

A deux pas, se dresse l’église Saint-Porchaire surmontée d’un clocher-porche roman, sur la route que les pèlerins de la voie dite de Tours empruntaient jadis pour se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle. Il faut s’attarder sur les chapiteaux du porche, de toute beauté. Derrière l’hôtel de paroisse se trouve un retable en bois doré du 17ème siècle, dont les couleurs s’accordent avec le goût baroque du mobilier des églises après le concile de Trente. Dernière curiosité de l’endroit : la cloche Anne, toujours dans le clocher depuis 1451. Celle-ci sonnait l'heure de début des cours aux étudiants.


 

Poitiers « la savante » compte 26 000 étudiants , une proportion importante de la population. Il en était de même du temps de Rabelais où la ville comptait déjà 4000 étudiants pour une population de 15 000 âmes. Poitiers était alors la seconde ville étudiante du royaume en ce 16ème siècle. L’université fut créée par le pape Eugène IV en 1431, et comprenait cinq facultés. De nombreuses personnalités de l’époque (Joachim du Bellay, René Descartes...) y feront leurs études. Le Collège des Jésuites sera bâti par les Jésuites implantés à Poitiers en 1604. Ce collège est organisé autour d’une cour d’honneur, elle même bordée par la chapelle Saint-Louis, dont l’austérité est palpable de l’extérieur. Le lieu abrite pourtant un magnifique retable baroque de Gervais de La Barre. Au fond de la cour, se trouve le pavillon d’entrée du collège coiffé d’un toit en dôme à lanternon

Poitiers au fil des rues nous livre ses trésors : l’Hôtel Jean Beaucé (derrière l’hôtel de ville), du nom d’un riche financier calviniste, attire l’oeil avec sa façade ornée de fenêtres aux pilastres cannelés et son escalier à vis au centre. La Maison Vannier (à l’angle des rues des Cordeliers et du Marché) se remarque par sa rotonde aux toitures élevées indiquant la porte principale de ce qui fut un grand magasin sous le Second Empire. En 1910 est édifié « L’hôtel des Postes » avec sa porte monumentale décorée par Aimé Octobre, et les deux figures allégoriques (La Téléphonie et le Commerce) encadrant le fronton. Enfin, l’hôtel Fumé, édifié par la famille Fumé à la fin du 15ème siècle et désormais propriété de l’université, est le dernier hôtel construit en style flamboyant à Poitiers. Sa façade de rue est remarquable, avec ses frises, ses culots et l’exubérance de ses lucarnes.

 

Le quartier de Montierneuf nous ouvre à présent les bras : la Place de la Liberté doit ses origines au « Marché Neuf » qui se tenait à cet endroit au 12ème siècle (qui deviendra en 1307 la place du Pilori car on y exposait les condamnés). Durant la Révolution, la guillotine remplacera d’ailleurs provisoirement le pilori... Non loin de là, la rue de la Chaine abrite quelques maisons médiévales avec des façades étroites sur rue. Des façades si étroites que derrière la première demeure se cache souvent une seconde maison bâtie au fond d’une cour.

L’hôtel Berthelot, lui, est construit en 1529 par le maire de l’époque, René Berthelot, entre cour et jardin. Et dissimule un escalier à vis, modèle d’élégance de la première Renaissance dite italianisante.

Le quartier offre plusieurs édifices religieux : l’église Saint-Jean-de-Montierneuf est une ancienne abbatiale bénédictine, avec sa croisée de transept. Une autre église, l’église Saint-Germain, correspond au lieu de culte de l’ancien petit bourg monastique de Montierneuf, l’une des 24 paroisses de la ville durant la Révolution, qui fut fondée au 10ème siècle sur des thermes gallo-romains.

Situé depuis 1869 sur le boulevard Chasseigne, le jardin des plantes a déménagé à huit reprises depuis sa création en 1621. C’est l’un des plus anciens de France, et il est conçu comme un jardin d’agrément d’un hectare avec ses plantes médicinales.

 

Soraya et moi filons sur le quartier Notre-Dame-Palais, place historique par définition. Là se dresse la collégiale Notre-Dame-la-Grande, réputée pour sa façade des 11ème et 12ème siècle. Une façade qui peut être comparée à un véritable mur d’images, avec, de haut en bas, le Christ en gloire, puis, en-dessous, quatorze arcades et son cortège de douze apôtres. La frise, elle, illustre l’histoire du Salut depuis la Chute d’Adam et Eve. Une mise en lumière a été installée après la restauration du lieu, qui donne à voir un spectacle grandiose chaque été. A l’intérieur, le regard se porte immédiatement vers le sanctuaire plus lumineux, qui surmonte une crypte. Quant à la voûte en pierre, datant du 11ème siècle, c’est l’une des premières du Poitou. A ne pas manquer : les peintures romanes, d’une surface d’environ 100 m2, qui offrent une vision du Paradis. Et le vitrail de Jeanne d’Arc, par Carot, relatant le procès de la Pucelle. La jeune fille sera accueillie à l’hôtel de la Rose. Une plaque, 53 rue de la Cathédrale, indique l’emplacement de la maison où se tint le procès. Une autre statue installée dans le square voisinant le palais commémore les trois semaines passées à Poitiers en 1429.

 

Du Palais des comtes de Poitiers et ducs d’Aquitaine, on peut retenir la salle dite « des pas perdus », la plus grande jamais conservée dans un palais médiéval, laquelle symbolise le pouvoir comtal, à la fois lieu politique, lieu de justice rendue au nom du roi et lieu festif. On remarque aussi la tour Maubergeon, surmontée des statues des barons du Poitou. Reconstruite vers 1104 par le comte Guillaume le Troubadour.

De maisons de pierre en maisons de bois, nous déambulons dans la rue du Marché en admirant au passage la pharmacie Notre-Dame, demeure à pans de bois datant du 16ème siècle, avec cannelures et feuillages d’acanthe.Créée en 1663, il s’agit là probablement de la plus ancienne pharmacie de la ville. L’hôtel Pélisson (du nom de Jean Pélisson, drapier de soie et échevin) affiche la date de construction au-dessus des fenêtres de l’étage. La Grand-Rue offre aussi de splendides demeures : la Maison Claveurier, plus grande maison à pans de bois conservée à ce jour, qui fut la propriété de Maurice Claveurier, industriel avant l’heure, propriétaire de moulins et sept fois maire de Poitiers. La Maison des Trois-Clous avec sa façade entièrement en pierre de taille.Quant à la destination des clous visibles au-dessus de la lucarne, mystère ! L’hôtel de Rochefort est quant à lui cédé en 1469 par le roi Louis XI à son secrétaire Jean de Moulins, seigneur de Rochefort. La demeure comporte des lucarnes à volutes et de fortes corniches à la base de la toiture.

 


 

Le quartier épiscopal, lui, aussi, est riche en monuments. Le Baptistère Saint-Jean témoigne de l’évangélisation du Poitou au Bas-Empire romain et sa conservation a été facilitée grâce à la construction de la cathédrale, à une centaine de mètres de là. Parmi les choses remarquables, on retiendra le décor peint sur le mur oriental de l’édifice, la Scène de l’Ascension. Côté sud, sous un arc, un soldat auréolé est identifié par l’inscription : Saint Maurice. Sous la corniche, se déploient, entre des colonnes peintes, les scènes de la vie de Saint Jean-Baptiste.

Labellisée « patrimoine du XXème siècle » en 2015, le musée Sainte-Croix a trouvé refuge dans un bâtiment de béton et de verre autour d’une cour donnant de la lumière naturelle aux salles. Le visiteur est invité à découvrir plusieurs sections : outre une section archéologique, celle des Beaux-Arts embrasse une large période du 14ème siècle jusqu’à l’époque contemporaine, entre peinture et sculpture.

La cathédrale Saint-Pierre, dont la construction débuta vers 1155 s’élance vers le ciel. Ses volumes, sa clarté, les innovations techniques du voutement marquent une rupture avec l’architecture romane. Les portails de la façade ouest évoquent le style gothique parisien. Le thème du Jugement, lui, est traité au centre. Le tympan du portail nord est illustré d’un Couronnement de la Vierge au-dessus de la scène de la mort de Marie.

L’intérieur de la cathédrale est baigné de lumière, grâce aux vitraux, aux baies orientales romanes et aux larges verrières près de la façade. Le bras du transept conserve des peintures de la fin du 13ème siècle. Quant à l’orgue, le Clicquot, il doit sa réputation à sa qualité sonore. L’instrument, l’un des plus beaux d’Europe, possède 44 jeux, quatre claviers manuels et plus de 3000 tuyaux.


 

Nous achevons notre balade avec l’église Sainte-Radegonde, du nom de la patronne de la ville. Cette princesse thuringienne, capturée par le roi Clothaire, deviendra son épouse et donc reine des Francs. Radegonde fera édifier un couvent avant 557 sur un terrain que le roi lui avait offert. Refusant la dignité d’abbesse, elle mènera une vie austère en secourant les pauvres et les malades.

L’église Sainte-Radegonde est ce qu’on appelle une église de pèlerinage. De l’ancienne chapelle funéraire devenue église, il ne reste que le clocher-porche et le chevet. L’unique nef fut refaite au 13ème siècle dans le style gothique, et donne sur un choeur surélevé avec déambulatoire et trois chapelles rayonnantes. Quant aux pèlerins, ils empruntaient des escaliers latéraux pour accéder au tombeau. Plus de 3000 ex-voto témoignent de la ferveur des pèlerins venus demander des guérisons... ou la réussite aux examens que la sainte est censée favoriser.

 

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