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Exposition "Miroir du Monde, chefs-d'oeuvre du cabinet d'art de Dresde"
(Musée du Luxembourg, Paris, France)
Heure locale

 

Lundi 3 octobre 2022

 

 

Depuis le 14 septembre dernier, le Musée du Luxembourg nous convie à contempler les chefs-d’oeuvre du Cabinet d’Art de Dresde (Allemagne). Ce célèbre cabinet d’art et de curiosités des princes électeurs de Saxe est à l’origine des quinze musées des Collections nationales d’art de Dresde qui retracent plus de 450 ans d’histoire. A l’époque de sa création (au milieu du XVIème siècle), les souverains cherchaient à rassembler des œuvres d’art, des appareils scientifiques et des livres, mais aussi des produits rares de la nature et des objets qui ne provenaient pas d’Europe.

 

Le Cabinet d’art de Dresde fut l’un des premiers d’Europe à ouvrir ses portes au grand public. Largement accessible, étudiants, artistes et chercheurs mais aussi simples artisans, commerçants et familles y eurent accès pour y étudier les objets exposés, les admirer et s’en inspirer.

Considéré comme un lieu de savoir, cette fonction lui valut le nom de « cabinet des curiosités ».

Les collections d’art de Dresde assuraient à la ville une renommée internationale, à la réputation toujours intacte de nos jours grâce aux trésors uniques exposés dans la capitale de la Saxe (à l’intérieur des quinze musées qui ont vu le jour au fil du temps) dans ce qui sera d’abord un duché avant d’acquérir le statut d’électorat, puis de royaume, pour être ensuite gouverné par une même lignée de souverains de la maison de Wettin entre 1089 et 1918.

Ces collections d’art témoignent ainsi d’une grande richesse de relations et d’échanges que Dresde connut avec le reste du monde.

Si la Saxe ne possédait alors aucun accès maritime direct, l’Elbe représentait plus qu’une simple voie navigable pour le transport des marchandises (sel, vin, grès, argent des monts Métallifères, verre de Bohême, porcelaine de Meissen ou Damas de Grosschönau). Ce n’est pas en revanche ce qui marquait les visiteurs étrangers qui se rendaient sur place, lesquels s’intéressaient avant tout aux trésors inattendus que renfermait la Résidence. 

Curieux de tout, le prince électeur se livrait également à des travaux de jardinage, plantant avec son épouse des milliers d’arbres fruitiers sur lesquels il expérimentera des greffes, dont les résultats donnèrent lieu à la publication d’ouvrages sur la culture potagère et la recherche botanique.

Soucieux de la mise en valeur de son pays, le prince rassemblera de nombreuses inventions utiles à l’innovation et au perfectionnement technique. Horloges, instruments de mesure, tableaux objets d’histoire naturelle et autres œuvres créées par l’homme trouveront ainsi leur place dans son Cabinet de curiosités.

Bien que ne représentant qu’une part minime de l’ensemble des collections, les pièces d’origine extra-européenne jouissait d’un immense prestige et leur influence sur la culture des souverains sera considérable ainsi que sur certaines modes et tentatives d’imitation (comme l’invention de la porcelaine européenne à Meissen en 1710 ou la construction du Palais turc et du Palais japonais).

 

 

L’exposition présente des œuvres exceptionnelles du XVIème au XVIIIème siècle provenant de la Voûte Verte (Grünen Gewolbe), du Musée de la Porcelaine (Porzellansammlung) du Musée d’Armes (Rüstkammer), du Salon de Mathématiques (Mathematisch-Physikalischer Salon) de la Galerie des Maîtres-Anciens (Gemäldegalerie Alte Meister) et du Musée d’ethnologie GRASSI de Leipzig (Museum für Völkerkunde Leipzig).

Ce sont des œuvres qui reflètent parfaitement les multiples facettes mondiales et les procédures d’échange culturel.

Et les visiteurs d’être invités à réfléchir à la fascination pour le rare et l’inconnu qu’exerçaient les collections de Dresde, mais aussi aux conditions géopolitiques et économiques sur lesquelles les acquisitions se basaient, aux visions du monde qu’elles véhiculaient et aux buts politiques qu’elles servaient.
L’exposition présente enfin des travaux d’artistes contemporains pour établir un lien avec notre époque. Elle s’empare de l’idée originelle du cabinet d’art : la quête de réponses aux questions contemporaines relatives à la compréhension du monde.

 

Sept sections composent le parcours sur l’histoire des collections de Dresde :

 

Visions du monde : L’échange transculturel a été favorisé par les recherches et les conquêtes pendant l’époque moderne. Des mesures précises et des recensements cartographiques ont permis d’explorer le monde par voie fluviale et voie terrestre. Des cartes et des globes documentent la connaissance croissante des différentes régions du monde. Les instruments scientifiques astucieusement conçus font partie de l’inventaire du cabinet d’art, que le prince électeur utilisait lui-même pour ses activités de recherches.

En Europe, les idées du savant grec antique Ptolémée ont prévalu pendant plus d’un millénaire. Celui-ci plaçait la Terre au centre de l’univers et divisait le monde habité en trois continents (Afrique, Asie, Europe). Cette théorie a été remise en cause par la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492 et par la thèse de l’héliocentrisme défendue par Copernic. Et ces bouleversements d’avoir élargi la vision européenne du monde.

Les globes et les cartes sont des outils qui concourent à la compréhension spatiale du monde. La collection d’instruments scientifiques et d’horloges du Cabinet de curiosités (Kunstkammer) de Dresde reflète les efforts continus déployés pour mieux connaître la Terre et le Cosmos.

Ces instruments ne servaient pas seulement à étudier le monde, ils étaient également considérés comme des symboles de domination et témoignaient de l’érudition des princes électeurs de Saxe. Cette volonté de représentation du monde s’est poursuivie au siècle des Lumières avec la création en 1728, par Auguste le Fort, du Salon de mathématiques et de physique (Mathematisch-Physikalischer Salon).



« Kunstkammer » – Le début de la collection : La « Kunstkammer » fut construite de différentes manières. De nombreux matériaux naturels furent acquis lors des expéditions avant d’être revendus dans des foires commerciales européennes.

D’autres vinrent parer les collections des cours alliées en qualité de cadeaux diplomatiques ou furent ramenés par des voyageurs. La valeur particulière de ces objets tient avant tout à leur provenance lointaine. Plus ils étaient rares en Europe, plus ils avaient une valeur marchande importante. C’est le cas de certaines œuvres en ivoire d’Afrique, les noix de coco des Maldives, les nautiles du Pacifique, la porcelaine de Chine, la nacre d’Inde, ainsi que les ethnografica d’Amérique du Sud et d’Afrique. On attribuait souvent des pouvoirs magiques aux ressources naturelles non européennes.

À partir du milieu du XVIème siècle, de nombreuses cours européennes se dotent de cabinets de curiosités. L’intérêt des collectionneurs ne se porte pas seulement sur les oeuvres d’art (artificialia), il s’étend aussi aux instruments et aux livres scientifiques (scientifica), ainsi qu’aux curiosités de la nature (naturalia), en particulier la nacre, le corail, le jade ou l’ivoire.

Acheminés vers l’Europe par les grandes routes commerciales, ces matériaux naturels y sont transformés en précieuses oeuvres d’art, ce qui a souvent pour effet de faire perdre de vue leur origine et leur fonction initiale.

Les cabinets de curiosités permettent à leurs propriétaires, grâce à la rareté des pièces exposées, d’affirmer leur pouvoir. Ils sont en même temps des lieux d’étude et d’activité artistique. Au début du XVIIème siècle, le Cabinet de curiosités de Dresde est l’une des premières collections à ouvrir ses portes au public.



L’ivoire : un phénomène mondial : Une sélection de sculptures en ivoire et de statues en bois d’Afrique occidentale, d’Inde et de l’Empire ottoman montre que le traitement artistique de l’ivoire était une pratique courante dans de nombreuses contrées du monde. Compte tenu des scènes représentées, certains objets montrent qu’ils ont été spécialement conçus pour le commerce avec l’Europe. D’autres ont été faits par des artistes de la cour de Saxe et le prince électeur lui-même s’est révélé être un artiste.

L’ivoire a toujours été très apprécié en raison de sa rareté, de ses propriétés et de sa couleur. À partir du XVIème siècle, la mondialisation accrue des échanges s’est traduite par une augmentation de la demande. Les artisans africains ne se contentent plus de fabriquer des objets pour un marché local et produisent de plus en plus pour l’exportation.

Le commerce mondial de l’ivoire est étroitement lié au commerce des esclaves entretenu par les puissances coloniales européennes en Afrique de l’Ouest. En Asie, où il est de plus en plus prisé, l’ivoire est importé d’Afrique pour la fabrication d’articles de luxe.

Dans les cours européennes, les artisans ont une longue tradition de tournage de l’ivoire, en particulier à Dresde, où l’une des plus importantes collections d’objets dans ce matériau a été conservée jusqu’à aujourd’hui dans la Voûte verte (Grünes Gewölbe). Les boules d’ivoire ajourées à plusieurs couches font partie des pièces les plus recherchées. Cette forme d’art est également populaire en Chine depuis le XVIIIème siècle, et la livraison à cette époque, à la cour impériale chinoise, de machines européennes pour le tournage de l’ivoire a probablement contribué à un transfert de connaissance et de techniques.



Entre art et nature : Une collection de précieux travaux d’orfèvrerie travaillés avec virtuosité montre comment les artistes ont pu être inspirés par les ressources naturelles comme le corail, la nacre ou les coquilles de nautile. De cette manière naquirent de petits trésors d’art des plus originaux qui furent vraiment considérés comme objets de collection dans les cours d’Europe.

Les coquilles de bivalves et d’escargots des océans Indien et Pacifique font partie des objets naturels particulièrement prisés des collections princières. À partir de 1500, les coquillages sont importés en grand nombre en Europe. 

Nuremberg, ville marchande renommée pour son orfèvrerie, ainsi que Leipzig, ville de foire, sont reconnues comme d’importants centres de ce commerce. C’est là que les princes électeurs de Saxe acquièrent de très nombreuses pièces pour leur Cabinet de curiosités et pour la Voûte verte (Grünes Gewölbe), aménagée entre 1723 et 1729, et qui constitue le tout premier musée d’art du trésor d’Auguste le Fort, ouvert au public.

Les escargots turbans et les coquilles des nautiles transformés en récipients somptueux sont particulièrement appréciés. Ils arrivent souvent en Europe pourvus de décors gravés. La ville commerciale de Guangzhou, au sud de la Chine, est une étape reconnue pour ce type de décoration, dont les artisans européens aiment à s’inspirer. Les objets ornés de plaquettes de nacre proviennent principalement d’Inde. Nombre d’entre eux sont sertis de métal précieux dans des ateliers européens pour être adaptés au goût local.

On retrouve également dans les peintures de natures mortes de nombreux coquillages qui témoignent du goût pour ces objets et pour ce qu’ils représentent : la mondialisation des échanges et le raffinement esthétique.



Images du monde et stéréotypes : Les artistes prirent fréquemment part aux voyages de découverte et de conquête, par exemple en Amérique du Sud, en Afrique ou aux Indes. Leurs esquisses, dessins et comptes-rendus constituèrent les prémices de la reproduction imagée des lointaines régions du monde. 

D’une part, les représentations artistiques étaient motivées par un intérêt scientifique, renforcé par l’étude de la nature. D’autre part, elles ouvraient la voie à la culture des stéréotypes que les hommes d’autres cultures traitaient souvent avec dédain.

Avec l'émergence et le rayonnement des Pays-Bas comme première puissance maritime et commerciale, les pays lointains occupent une place sans précédent dans le quotidien européen. À partir du milieu du XVIIème siècle, les représentations de régions non européennes deviennent de plus en plus populaires dans la peinture. Les images de ports maritimes orientaux, de marchandises luxueuses, d’architectures étrangères et de personnages magnifiquement vêtus se retrouvent dans un grand nombre de tableaux et reflètent les aspirations du public européen.

L’expansion européenne entraîne une augmentation considérable des connaissances sur les espaces naturels et culturels d’Asie, d’Afrique et d’Amérique.

Dans le même temps, la façon dont l’homme et la nature sont représentés dans les objets d’art est souvent déformée par rapport à la réalité, ce qui donne lieu à toute une série de stéréotypes et de clichés dès lors qu’il s’agit de caractériser le monde extra-européen. Présentes jusqu’à nos jours dans la décoration des résidences et des collections européennes, ces oeuvres d’art continuent d’influencer l’imaginaire collectif.


La porcelaine : exemple des relations commerciales globales : Il n’existe pratiquement aucune technique mieux adaptée que la porcelaine pour analyser la complexité des relations commerciales mondiales, à savoir un des premiers produits à avoir été commercialisé à l’échelle mondiale. Le prince électeur de Saxe et roi de Pologne, Auguste le Fort, était un grand amateur d’« or blanc » et rassembla à Dresde la plus grande collection européenne de porcelaine asiatique. En créant la manufacture de Meissen en 1710, il se montra en même temps le précurseur de la concurrence artistique du modèle asiatique.

La porcelaine fait partie des premiers produits à circuler à l’échelle mondiale. Le commerce de porcelaines chinoises et japonaises à travers les continents donne naissance à des processus d’échanges que reflète bien la collection d’Auguste le Fort (1697–1733). Très appréciées, les marchandises importées d’Extrême-Orient sont à la fois une référence et une source d’inspiration permanente pour la première manufacture de porcelaine européenne, fondée par la volonté du souverain en 1710 à Meissen, près de Dresde.

Dès le début du XVIIIème siècle, Auguste le Fort rassemble à Dresde la plus grande collection spécialisée d’Europe pour en équiper tout un château d’agrément, le Palais japonais, transformé dans les années 1720. Il profite alors de la présentation de sa collection pour mettre en scène d’une façon avantageuse les sensationnelles porcelaines d’un genre nouveau qui proviennent de la manufacture royale. Auguste le Fort fait ainsi du Palais japonais le lieu symbolique de son triomphe sur l’artisanat chinois, qui suscitait l’admiration et l’envie et avait remis en question la conviction qu’avaient les Européens de leur supériorité culturelle.



Formes de représentation : L’art ottoman constitua un autre centre d’intérêt en matière de collections à la cour de Dresde. Grâce aux dons ciblés et aux achats, Auguste le Fort réussit à recueillir des tentes, des armes, des brides et autres équipements, qui encouragèrent également la production d’art locale. Lors des fêtes et défilés, Auguste le Fort, qui aimait se prendre pour un sultan, utilisait sa collection pour impressionner à des fins de représentation politique.

Le Cabinet turc (Türckische Cammer) de Dresde renferme l’une des plus importantes collections d’art ottoman au monde en dehors du territoire de la Turquie. Ses racines remontent au XVIème siècle. 

La plupart des objets qui constituent cette collection sont des cadeaux diplomatiques, des achats ciblés et des oeuvres de commande. Seule une petite partie des objets est parvenue à la cour de Saxe au titre de butin de guerre.

Auguste le Fort (1697–1733) a une prédilection particulière pour l’art de l’Empire ottoman. En tant que prince électeur de Saxe puis roi de Pologne, il se met lui-même en scène dans les atours d’un sultan. Il envoie des émissaires à Constantinople pour y effectuer des achats et n’hésite pas à faire venir à Dresde, pour ses fêtes baroques, des chameaux et des chevaux arabes harnachés de grandioses selleries d’apparat.

La raison d’être du Cabinet turc n’est pas seulement de rappeler les triomphes militaires des princes électeurs de Saxe dans les guerres contre l’Empire ottoman. Ses collections sont aussi mises à contribution lorsqu’il s’agit de créer des décors pour les fêtes de cour, les parades et les mises en scène d’opéras. Les défilés avec des participants déguisés font partie du phénomène de la « mode turque », qui se répand dans toute l’Europe et qui prend une forme particulière en Saxe.

Cette exposition incontournable de la rentrée offre au visiteur une scénographie contemporaine au service des contenus.

L’idée est en effet de laisser tout un chacun déambuler à sa guise et d’aller de surprise en surprise tout en ayant placé les ensembles-clés dans des axes visuels forts, et de provoquer en lui une interrogation au fil de la visite. L’espace a quant à lui été conçu pour raconter une vision du monde qui s’élargit tout en ramenant le regard du visiteur sur les œuvres.

 

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