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Exposition "Voyage en Terres australes-Crozet et Kerguelen
(1772-2022)" (Musée national de la Marine, Brest, Finistère, France)
Heure locale

 

Lundi 24 octobre 2022

 

Quelle date mémorable que ce 250ème anniversaire de la découverte, à quelques semaines d’intervalles, des archipels Crozet et Kerguelen par la France. Pour fêter l’évènement, le Musée national de la Marine de Brest (29) présente une exposition inédite en coproduction avec les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) jusqu’au 5 mars 2023.

 

Les îles Crozet furent découvertes par l’expédition de l’explorateur français Marc Joseph Marion du Fresne, qui fit débarquer son second, Julien Crozet sur l’île de la Possession, le 22 janvier 1772.

Moins d’un mois plus tard,Yves de Kerguelen, qui croyait alors avoir découvert un continent, abordait pour la première fois, le 12 février de la même année, sur ces confettis appelées « îles de la Désolation », désormais connus sous le nom d’archipel Kerguelen.

 

Ces deux archipels seront marqués au fil des siècles par les voyages d’exploration, la surexploitation des ressources naturelles et animales, les tentatives de colonisation, les naufrages et autres expéditions scientifiques internationales.

 

Aujourd’hui, ces territoires sont protégés au sein de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises après avoir été élevés au rang de patrimoine mondial de l’humanité en 2019 par l’UNESCO. Désormais devenus des sanctuaires de la biodiversité mondiale et des laboratoires à ciel ouvert consacrés à la recherche scientifique, les archipels Crozet et Kerguelen font partie de ces rares endroits au monde abritant encore d’importantes populations animales : manchots, éléphants de mer, otaries et oiseaux marins regroupés en colonies de dizaines de milliers d’individus selon les saisons et les espèces.

 

L’actuelle exposition rappelle les grandes étapes de la présence française dans ces territoires situés entre les eaux tumultueuses des Quarantièmes rugissants et les Cinquantièmes hurlants, tout en invitant les visiteurs à embarquer pour un voyage au cœur du patrimoine historique et naturel, mais également au cœur des enjeux de notre époque concernant les Terres australes françaises.

 

160 objets et documents inédits dont la plupart, jamais encore dévoilés au public, furent pour certains ramenés par le Marion Dufresne après avoir parcouru plus de 12000 km jusqu’à Brest.

Ces œuvres sont d’inestimables témoins historiques peu connus de ces territoires qui bénéficient ici d’une scénographie immersive avec enregistrements sonores des îles, lecture des extraits du procès des Kerguelen, extraits de films et contenus numériques interactifs sur la faune et la flore.

 

Un laboratoire scientifique a même été reconstitué par les élèves du Lycée de l’Elorn (Landerneau) tandis que des témoignages de tous ceux qui se sont rendus sur place invitent les visiteurs au dépaysement à travers les paysages grandioses des Terres australes.

 

Pour rappel, les TAAF (Terres australes et Antarctiques françaises) sont formées de cinq districts (dont l’archipel Crozet et l’archipel Kerguelen) sans population permanente ni élus. Un préfet y exerce l’intégralité de l’action publique, et une chaine logistique complexe est entre autres assurée par le navire ravitailleur Marion Dufresne et le patrouilleur polaire brise-glace L’Astrolabe pour rendre possible le maintien d’activités scientifiques en milieu extrême et isolé.

 

C’est sur l’hypothèse de l’existence d’un continent austral et de sa recherche que s’ouvre l’exposition, une hypothèse introduite dès l’Antiquité, avec cartes anciennes à l’appui.

 

En première partie d’exposition sont abordés les voyages d’exploration de la fin du XVIIIème siècle : une cabine de navire a ainsi été reconstituée et illustrée de cartes et d’instruments de navigation.

Une galerie de portraits dévoile par ailleurs les acteurs majeurs de l’exploration des mers australes, présents à l’île de France en 1771, point de départ de leurs périples.

 

Jusqu’au XVIIIème, on fantasme beaucoup sur l’existence (ou non) d’un continent austral : certains comme Marco Polo l’imagine riche d’or et d’épices, d’autres affirment l’avoir déjà aperçu (comme Magellan en 1519). Seules la mise sur pied d’expéditions permettra plus tard de lever le doute.

 

Passées la guerre de la Succession d’Autriche, celle de Sept Ans et les réformes de la Marine, les voyages d’exploration français seront très populaires, alors que le royaume cherche de nouveaux territoires à coloniser. Louis-Antoine de Bougainville effectuera ainsi le premier tour du monde français entre 1766 et 1769, offrant le champ libre à la recherche du mythique continent austral.

La tache est rude dans la mesure où, à cette époque, les marines européennes ne disposent pas de navires adaptés aux voyages scientifique ou d’exploration.

 

On emploie alors des navires de guerre (vaisseaux, frégates ou corvettes) ou de commerce (vaisseaux, gabares ou flûtes). Plus robustes que les autres, ces derniers peuvent embarquer plusieurs mois de vivres tout en pouvant naviguer par faible profondeur près des côtes.

L’équipage est complété par des astronomes, des botanistes et des dessinateurs...Quant au navire, il est doté d’équipements scientifiques (calcul du temps, de la latitude et de la longitude, et des relevés des côtes) dont certains prototypes seront testés en mer. Et la résistance des hommes et des matériels d’être mise à rude épreuve durant ces voyages de quelques mois à...quelques années.

 

Entre temps, l’Île Maurice qui s’est développée comme point stratégique dès le XVIème siècle, deviendra possession française en 1715 (sous le nom d’Isle de France) et offrira bientôt au royaume un grand nombre d’explorateurs dès l’été austral 1771-1772.

 

En deuxième partie, les visiteurs sont ensuite conviés à embarquer avec les expéditions menées par Marc-Joseph Marion Dufresne et Yves-Joseph de Kerguelen de Trémarec vers ces deux archipels découverts à seulement quelques jours d’intervalle. Deux découvertes illustrées par le récit des expéditions jusqu’au troisième voyage de Cook (1776-1779).

 

A trois semaines d’intervalle, deux archipels perdus dans l’immensité des mers australes et distants de près de 1500 km sont découverts par deux Français pour lesquels tous les prétextes sont bons pour larguer les amarres : Marion Dufresne est choisi pour rapatrier le Tahitien Aoutourou, amené à Paris par Bougainville en 1769.

Le malheureux Aoutourou décédant de la variole moins d’un mois après son départ de France, les priorités changent et le Marion Dufresne met alors le cap plein sud, jusqu’à atteindre des îles formant un archipel le 22 janvier 1772, et d’en prendre possession, avant de poursuivre leur route vers la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande où une vingtaine d’hommes de l’équipage seront massacrés en juin.

De retour à Port-Louis au printemps 1773, l’expédition déçoit car le continent austral n’a pas été trouvé et la disparition du Marion Dufresne jette l’effroi.

 

De son côté, Kerguelen aperçoit une terre inconnue le 12 février 1772 et en prend possession au nom du royaume de France. Persuadé d’avoir découvert le célèbre continent, il rentre en France et obtient le commandement d’une seconde expédition destinée à approfondir les premières découvertes. En fait de continent, il ne s’agit là que d’ilots glacés et désolés sur lesquels Kerguelen ne posera même pas un pied. Cela lui vaudra de passer en conseil de guerre lors de son retour en France.

A la même époque, le britannique James Cook se met lui aussi en quête du mythique continent austral. Féru d’hydrographie et d’astronomie et marin expérimenté, il se voit confier trois voyages d ‘exploration entre 1768 et 1779 par l’Amirauté britannique.

 

 

La troisième partie de l’exposition nous fait pénétrer dans ces territoires à travers l’évocation des baleiniers et des phoquiers du XIXème siècle.

 

Divers objets de la vie à bord sont exposés pour témoigner des expéditions, puis de la fabrication des produits et de la vie sur place. Et le visiteur d’être bientôt invité à poursuivre son voyage par la présentation des premières expéditions scientifiques, des risques liés aux naufrages et des rencontres entre les différents acteurs de ces territoires.

Dès la fin du XVIIIème siècle, la nouvelle des découvertes des terres australes se propage en Europe et en Amérique du Nord. On s’intéresse avant tout à l’aspect économique de ces îles lointaines, et la faune abondante décrite par les explorateurs ne tarde pas à attirer la convoitise des armateurs de navires baleiniers et phoquiers, lesquels organisent des campagnes de chasse, bientôt relayées (à partir de 1840) par les premières expéditions scientifiques.

 

Si bien qu’au XIXème siècle, ces confettis terrestres longtemps oubliés dans l’immensité maritime verront croiser au large de leurs côtes plus de 500 navires, bien sûr accompagnés de leur cortège de naufrages. Plus d’une vingtaine de bateaux périront ainsi, des bâtiments phoquiers mais aussi des navires transportant passagers et marchandises.

 

Certains survivants doivent patienter plusieurs mois,, voire plusieurs années avant d’être secourus. Exposés alors au froid, à la rareté des vivres, ils souffrent également de maladies souvent dues à des carences alimentaires mais font preuve d’une détermination sans faille face à leur situation.

 

Peu à peu, les scientifiques se rendent sur place pour mener des expéditions comme l’explorateur James Clark Ross qui inaugure en 1840 la vocation scientifique de l’archipel Kerguelen en étudiant magnétisme terrestre, biologie et géologie.Des expéditions océanographiques d’envergure accosteront dès 1874 dans ces mêmes terres australes.

 

Le quatrième volet nous transporte au milieu de la faune et la flore des deux archipels, avec l’évocation du bruit du vent et des cris d’animaux emblématiques de ces îles.

 

Archives, photographies, livres et cartes, herbiers réalisés lors d’expéditions, instruments de météorologie et équipements de terrain...illustrent la réaffirmation de la souveraineté française sur ces territoires au début du XXème siècle jusqu’à l’implantation de bases permanentes.

 

Y est également abordée la prise de conscience écologique des années 1920, qui est toujours d’actualité.

 

Fin XIXème, la France, qui souhaite réaffirmer sa souveraineté en reprenant officiellement possession des archipels Kerguelen et Crozet, attire la convoitise de l’Angleterre et de l’Australie. Notre pays envoie sur place plusieurs bâtiments : « L’Eure » est dépêché en 1893 pour reprendre possession de l’archipel Kerguelen. L’archipel « Crozet » recevra quant à lui la visite de « L’Antareus », puis du «Bougainville » en 1939.

 

A chaque escale, des cérémonies ont lieu lors desquelles le pavillon français est dressé et où des bornes de prise de possession datant les passages des navires sont laissées sur site. Vient enfin la mise en concession de ces territoires : une autorisation d’exploitation commerciale est ainsi délivrée aux frères Boissière (du Havre) en 1893 afin d’y développer une station baleinière, puis dans l’élevage de moutons et l’exploitation des éléphants de mer. Mais le milieu naturel hostile aura raison de ces tentatives.

 

La première moitié du XXème siècle verra la contribution de scientifiques et d’explorateurs français en matière de recherche et de découverte dans les archipels. A l’issue de la Seconde guerre mondiale, notre pays installera des bases permanentes sur place, une façon de réaffirmer l’intérêt stratégique des îles australes et le développement de la coopération scientifique à l’échelle mondiale.

 

Toutes ces connaissances acquises par la communauté scientifique n’auront pas été vaines puisqu’elles permettront la création du premier parc national français « pour la préservation des espèces de toutes sortes qui fréquentent les Îles australes » le 30 décembre 1924.

Ce parc recouvre l’ensemble de l’archipel Crozet, des Îles Saint-Paul et Amsterdam et deux secteurs des Îles Kerguelen (la baie Larose et l’île Howe).

 

De nos jours, ces archipels contribuent plus que jamais à observer le changement climatique et la menace pesant sur la biodiversité : en 1992, est créé l’Institut Polaire Français Paul-Emile Victor à Brest pour permettre la mise en œuvre des programmes scientifiques menés dans ces terres extrêmes.

 

Le parcours s’achève par l’évocation de la constitution d’un esprit de mission, le développement de pratiques culturelles et l’inspiration suscitée par les deux archipels pour ceux qui ont eu la chance de déjà s’y rendre. Ces archipels, qui n’ont jamais laissé indifférents ses visiteurs ont donné lieu à des témoignages forts, qu’ils soient intimes ou collectifs.

Depuis l’installation des bases permanentes, une culture de « l’hivernage » s’est développée avec ses propres festivités, son langage et ses créations d’arts populaires. Source d’inspiration pour les auteurs et les artistes, les archipels Crozet et Kerguelen font plus que jamais partie de notre patrimoine national.

 

A nous de le préserver.

 

 

INFOS PRATIQUES :

 

  • Exposition « Voyage en Terres australes : Crozet et Kerguelen (1772-2022) », jusqu’au 5 mars 2023, au Musée national de la Marine – Château de Brest, Boulevard de la Marine, à Brest (29). www.musee-marine.fr
  • Catalogue « Voyage en Terres australes », 192 pages couleur, 150 images couleur et Noir & Blanc, 25€.





 



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