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Exposition "Saint-Etienne, 1780-1856 R/Evolutions"
(Pôle muséal, Saint-Etienne, Loire, France)
Heure locale

 

Lundi 6 février 2023

 

Nous nous rendons aujourd’hui au pôle muséal de Saint-Etienne (42) qui est composé de Couriot - Musée de la mine et du musée d’Art et d’Industrie, deux entités qui présentent jusqu’au 11 juin prochain une exposition conjointe intitulée « Saint-Etienne 1780-1856 R/Evolutions ».

 

Durant cette période, la France vit dans un climat d’instabilité qui débouche sur la fin de l’Ancien Régime, la Révolution française, le Premier Empire, la Restauration, la R/évolution de 1830, la Révolution de 1848 puis l’institution du Second Empire. Et c’est dans ce climat incertain que notre nation va entamer une série de mutations entre un « avant » (époque allant de la fin de l’Ancien Régime à l’Empire) et un « après » (de la Restauration au tout début du Second Empire).

 

L’exposition illustre à cet égard les permanences et les nouveauté de cette période, des évènements qui, mis bout à bout, ressemblent plus à des évolutions qu’à une révolution. Chaque musée traite trois thématiques tout en reflétant la ville de Saint-Etienne comme le lieu de tous les possibles. En effet, la région est alors un véritable Far-west français et donc le creuset de cette mutation qui va faire entrer la France dans la modernité grâce, entre autres, au grand capital parisien venu investir dans la sidérurgie, la mine ou le chemin de fer.

 

La période, pleine de promesses, marque un véritable tournant dans la société que l’exposition développe pour nous avec force détails : c’est le moment où l’ouvrier fait son apparition, où les biens commencent à circuler et où naissent les premiers équipements culturels dans une société embourgeoisée.

 

On assiste également à la naissance de grands concepts (toujours d’actualité aujourd’hui) comme l’idée d’un progrès positif, le capitalisme, les régulations de l’État ou la conscience de l’individu et sa construction sociale.

Et c’est en évoluant sur les deux sites muséaux que le public pourra appréhender la Révolution industrielle à l’aide de cartes évolutives et immersives et d’une chronologie à plusieurs échelles dont la fonction est de repositionner les différents évènements évoqués dans les textes et par les objets (médailles, échantillons techniques,maquettes de locomotives, tableaux de fleurs et portraits...) dans l’histoire du territoire et de la nation. En chiffres, cela donne 104 objets spécialement sortis des réserves à l’occasion de cet évènement, trente et un tableaux et bustes exposés, 240 objets présentés, sept objets restaurés pour l’exposition et 120 emprunts réalisés uniquement pour cette exposition.

 

Cette exposition à deux musées invite à la découverte de nombreux sujets. Chez Couriot – Musée de la mine, le parcours du visiteur aborde en premier lieu le far-west français.

En fait de far-west, Saint-Etienne connaît une si forte phase d’expansion au 19ème siècle (1820 à 1850) qu’elle devient la préfecture du département de la Loire, détrônant au passage Montbrison, cité historique du Forez.Tous les éléments sont alors réunis dès la fin du 18ème même si la révolution française et l’Empire entraineront un retard à l’allumage. Qu’à cela ne tienne, le charbon restera le principal ingrédient du futur développement économique, grâce à la houille dont l’énergie dégagée sert non seulement à mettre en mouvement les machines à vapeur mais aussi de terreau aux inventeurs et aux capitaux. Grâce à elle, prendront forme les aventures nationales de l’acier et du chemin de fer sur Saint-Etienne. Et les importants gisements de houille contenus dans le sous-sol de cristalliser capitaux, dynamiques, échecs, inventions et envies. On vient ici parce qu’on a tout à gagner...ou à perdre, qu’on soit banquier ou ouvrier !

 

Après la Révolution française, il faut relancer l’économie du pays : l’adoption des étalons de poids et mesures uniformes sur tout le territoire facilitera les choses, tandis que l’institution de chambres de commerce, des Prud’hommes, des tribunaux de commerce, du Banc d’épreuve (qui contrôle les armes) et de la Condition des soies (destinée à vérifier le poids de la soie), deux entités spécifiquement stéphanoises, donnera le dernier coup de pouce à ce nouvel essor.

 

Alors qu’après l’Empire, la France dépend de l’Angleterre et de la Suède pour se fournir en acier, l’Etat va inciter l’Anglais James Jackson à venir développer une industrie de l’acier chez nous. L’homme choisira Saint-Etienne pour ses ressources en charbon et en fer, et pour son ingénierie.

L’État est alors un acteur de poids dans cette relance : prêteur de capitaux, il attribue et contrôle les concessions des mines et des chemins de fer à des conditions très proches de celles appliquées aujourd’hui (le concessionnaire verse une rente à l’État, qui est indexée sur le volume extrait ou transporté). Les concessions sont aussi contrôlées par les ingénieurs des mines, et le prix du transport en chemin de fer est fixé par l’État.

 

Le parcours de l’exposition débute par le développement des machines : depuis déjà le XVIème siècle, le bassin stéphanois produit rubans, armes et articles divers de quincaillerie, depuis les clous jusqu’aux fers à repasser, rôtissoires et moulins à épices.

Deux siècles plus tard, les maitres-verriers franc-comtois s’installaient dans la vallée du Gier, après avoir épuisé le bois disponible, leur principale ressource énergétique. Ces activités connaissent un certain succès comme le montre ces millions de couteaux stéphanois exportés dans le comptoirs des Amériques et d’Afrique. Dans le même temps, l’armement militaire se standardise, initiant les prémices du travail en série. Plusieurs inventions techniques contribuent aussi à la modernisation de ces productions historiques.

 

Le thème de la machine à vapeur est imparablement évoqué, tant à travers son implantation que son développement, deux facteurs qui coïncident avec l’avènement de la Révolution industrielle. L’engin fait merveille sur le bassin stéphanois en facilitant l’extraction de la houille, laquelle, disponible en quantités importantes, autorise une hausse de production de l’acier.Bientôt arrive l’aventure du chemin de fer grâce à l’arrivée de la locomotive.

 

Une autre partie du parcours aborde le capital et l’ouvrier, face à la machine : la mine, l’acier ou le chemin de fer nécessitent d’énormes capitaux dont les rendements ne sont pas assurés. Essentiellement parisiens, ces capitaux proviennent de la haute finance avec des montages complexes. Ainsi les investisseurs permettent-ils aux grosses industries de se développer sur le territoire, même si l’on déplore la rareté des ingénieurs « capitaines d’industrie ».

 

Lors de la Première Révolution industrielle, c’est l’apprentissage de l’économie qui est mis en place. La banque apparaît, puis l’emprunt (qui se pratiquait jusque-là auprès de particuliers fortunés ou d’usuriers à travers des lettres de change). La Banque de France, elle, s’installe à Saint-Etienne dans les années 1820, comme la Caisse d’Epargne qui incite les ouvriers à faire des économies et à les placer. A certains endroits, certaines craintes ouvrières se transforment en révolte contre la machine. Les canonniers ne briseront-ils pas les machines qui servaient à usiner en série les canons de peur de perdre leur travail ? Il est vrai que la machine impose à l’ouvrier un rapport différent avec le métier puisque les savoir-faire sont remplacés par des gestes n’exigeant aucune compétence initiale, tout en imposant une organisation du travail.

 

Cette figure de l’ouvrier conduira à l’apparition du prolétariat dans la seconde moitié du 19ème siècle, alors que l’organisation du travail en usine ou la place du travail des enfants illustrent les conditions sociales auxquelles les ouvriers sont confrontés.

L’exposition représente la pénibilité au travail par une pioche de mineur à manipuler tandis que les différences sociales, elles, sont évoquées par des portraits de femmes et des chapeaux à essayer.

 

Du côté du Musée d’Art et d’Industrie, le parcours montre comment la Nation va s’engager dans une série de mutations ressemblant davantage à une évolution qu’à une révolution !

 

La circulation des biens et des personnes sera en effet la clé de la réussite de la Première Révolution industrielle. Et Saint-Etienne (et son bassin) d’être au centre des évolutions en transformant le territoire en plateforme d’expérimentations à l’échelle nationale.

 

Ces changements ne se sont pas faits sans mal puisqu’il est évidemment plus difficile de transporter du charbon en grande quantité en utilisant depuis le milieu du 18ème siècle des routes peu praticables une fois l’hiver venu. On se tourne donc vers le transport fluvial sur la Loire d’une part et le canal de Givors vers le Rhône d’autre part pour acheminer les grosses cargaisons, des solutions d’acheminement qui disparaitront progressivement avec l’avènement du rail et l’apparition du premier chemin de fer du continent avec la ligne Saint-Etienne / Landrézieux en 1827. Cependant, c’est une autre voie ferrée, entre Saint-Etienne et Lyon, construite en 1833, qui permettra de développer les transports modernes pour marchandises et voyageurs, grâce à une conception technique et économique innovante.

 

Penchons-nous maintenant sur la croissance urbaine, à travers la démographie et les aménagements réalisés. Saint-Etienne est le cas typique d’un développement lié à une très forte croissance démographique à la suite de l’essor exponentiel des industries. De 28 000 âmes, la ville atteint bientôt les 100 000 habitants, ce qui a pour conséquence d’impacter durablement les aménagements urbains (percement d’un axe nord-sud dans la vieille ville, mise en place d’un plan en damier). Les administrations sortent aussi de terre dont l’hôtel de ville, l’hôpital (qui subit des travaux d’agrandissement) et autres lieux de culte (églises et temples). Quant aux usines, elle surgissent au milieu des habitations, à l’exception des puits de mine qui restent en périphérie de la cité car la loi n’autorise pas de creuser sous la ville.

On assiste alors à la construction d’immeubles particuliers, appelés « recettes ». Organisés autour des places principales, ceux-ci sont en grès houiller et d’apparence sobre, sans ornement si ce n’est quelques ferrures aux balcons. Ces habitations servent de lieux de résidence aux patrons rubaniers et parfois à certains ouvriers. D’autres locaux abritent enfin les bureaux de dessinateurs, des points de collecte de la soie ou des cartons jacquard pour les passementiers.

 

L’eau de la rivière locale, Furan (un torrent très capricieux) devient un enjeu crucial car il faut se la partager. L’été, le manque d’eau se fait cruellement ressentir d’autant plus qu’à cette époque la force motrice des moulins reste encore prépondérante. Les usines, mais également les fontaine accessibles à la population ont besoin d’eau. Le restant de l’année, les crues mortelles et dévastatrices infligent des dégâts importants dans les années 1830-1840, d’où l’idée de bâtir des barrages régulateurs de débit comme celui du Gouffre d’Enfer, mis en service en 1866.

 

L’essor économique passe aussi par le développement des esprits : il ne suffit pas d’élever un hôtel de ville et des églises pour « faire ville ». La cité fonde bientôt une culture municipale en finançant des structures. Après tout, Saint-Etienne n’est pas si éloignée de l’esprit parisien puisque certains de ses enfants (comme le graveur et orfèvre Jean-Claude Tissot) se sont installés dans la capitale. De la même manière, l’accès au savoir est plus facile. Et la culture de prendre racine avec le théâtre, l’opéra et les vaudevilles. La ville se dote d’un musée, puis ouvre une bibliothèque, tandis que la presse se développe et que les premières sociétés savantes publient leurs premiers bulletins. Le nombre d’écoles, collèges, lycées et centres de formation professionnelle, en constante augmentation, facilite l’accès au savoir. Dès 1804, la municipalité inaugure une école communale de dessin dont l’accès est gratuit, dans l’intention de former les ouvriers graveurs sur armes et médailleurs. Quant à l’école des mines, créée en 1816, elle répondra bientôt aux besoins des entreprises en matière de savoir technique de pointe.

 

 

INFOS PRATIQUES :

 

  • Exposition « Saint-Etienne 1780-1856 R/Evolutions », jusqu’au 11 juin 2023, au Couriot – Musée de la mine et au Musée d’Art et d’Industrie, à Saint-Etienne (42)
  •   Le pass « r/Evolutions » permet de visiter les deux musées sur toute la durée de l’exposition, sans obligation de réaliser les deux visites le même jour. On peut en revanche ne visiter qu’un seul des deux musées.

  • Ces musées sont gratuits pour les moins de 25 ans. Aussi accessibles avec le pass seniors et le pass musées.










 



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