Lundi 19 août 2024
L’exposition qui est présentée actuellement au Musée de la Toile de Jouy tombe à point nommé, au moment où Paris accueille les Jeux olympiques et paralympiques.. « Le Crin dans tous ses éclats » nous offre une merveilleuse occasion de découvrir la riche histoire de cette fibre remarquable qu’est le crin de cheval et les différents usages que l’on peut en faire, depuis les objets utilitaires traditionnels jusqu’à l’artisanat contemporain.
A sa manière, le Musée de la Toile de Jouy dédié à l’histoire du textile et de la Manufacture Oberkampf, a décidé de contribuer à cette grande fête que sont les Jeux olympiques et paralympiques 2024 (dont les épreuves équestres se sont tenues à Versailles, non loin d’ici) en concevant une exposition sur le crin de cheval, matériau unique qui appartient à la fois aux univers équestre et textile.
Cet événement nous fait prendre conscience de l’importance du cheval dans l’histoire locale, à travers notamment l’évocation des chasses royales qui avaient lieu à Versailles et les préférences équestres de Christophe-Philippe Oberkampf, fondateur de la manufacture de Jouy.
Intéressons-nous de plus près aux qualités remarquables offertes par le crin de cheval :utilisé depuis la Préhistoire, ce matériau est mis en avant pour sa résistance, sa durabilité, son imputrescibilité, sa brillance et sa douceur. Cette fibre protéique animale est ainsi obtenue à partir de la crinière et de la queue des chevaux. Poil léger et creux (contribuant à sa respirabilité et à sa légèreté), coriace et rigide (la robustesse du crin est idéale pour le renforcement des textiles) mais également durable et résistante à la chaleur, le crin de cheval est utilisé depuis la Préhistoire, même si sa première utilisation documentée fut enregistrée en Suisse au 9è siècle sous la forme d’un plan. D’autres prétendent que cette fibre aurait été utilisée dès le 8è siècle pour fabriquer des textiles. D’abord utilisé comme Entoilage ou raidisseur pour les vêtements sur mesure et la chapellerie, il deviendra un tissu d’ameublement et de revêtement populaire pour les meubles durant le 19è siècle.
Divisée en cinq parties, l’exposition offre d’admirer une soixantaine de pièces illustrant les nombreux usages du crin de cheval.
- La première partie explore les applications utilitaires du matériau, comme, par exemple, les ustensiles d’hygiène et de santé (confection de fils de suture), les outils agricoles (fabrication de cordes et de harnachements), les éléments militaires (garnitures d’uniformes et éléments de parade), le rembourrage d’objets d’ameublement et de matériel sportif, et les archets de violon. Mais oui, le crin de cheval demeure le matériau utilisé depuis cinq siècles pour fabriquer les archets d’instruments à cordes. Si le violon est souvent considéré comme l’instrument roi, que serait-il sans son archet ? Et si le crin est de « mèche » avec l’instrument, ce n’est pas un hasard, car le crin de cheval est bien le moteur de la vibration. Autant dire que cette fibre d’origine animale n’est prélevée que sur des chevaux de certaines espèces vivant dans des conditions climatiques bien particulières. D’où l’utilisation de chevaux issus d’élevages en Mongolie ou en Sibérie, lesquels offrent un crin épais et résistant.
Une fois cette première condition remplie, il faut savoir qu’en principe, seuls les crins des étalons sont utilisés pour produire les meilleures mèches d’archèterie. En réalité, cette règle est loin d’être systématique.
Autre condition : la couleur du crin. Moins de 5 % du crin récolté est blanc ou beige, le seul à pouvoir servir au reméchage des archets.
La seconde partie s’intéresse au tissage du crin de cheval,véritable savoir-faire traditionnel présent en Europe depuis le 17ème siècle, même si les sociétés asiatiques fabriquaient déjà à cette date des accessoires et des vêtements synonymes de pouvoir et de richesse.
Il faudra finalement attendre le 18è siècle pour que se développe vraiment le tissage du crin et qu’un brevet soit déposé en 1787.Le tissage du crin de cheval offre des étoffes d’une remarquable qualité, qui sont principalement utilisées comme revêtement de sièges et de tentures murale mais aussi pour la confection de vêtements, d’accessoire de mode et d’objets luxueux.
Matériau relativement commun, le crin va gagner en valeur lors de cette opération de tissage grâce à sa rareté et à la complexité du processus de fabrication d’une étoffe réputée pour sa brillance, sa durabilité, sa résistance et sa douceur.Techniquement, les fibres de crin, qui proviennent majoritairement de la queue du cheval, sont travaillées sur des métiers à tisser Jacquard. Un seul atelier, celui de la Manufacture du crin à Chales, pratique à ce jour ce savoir-faire en France pour produire des tissus d’ameublement et de décoration intérieure.
En troisième partie, l’exposition revient sur l’utilisation historique du crin de cheval dans l’habillement et son évolution dans l’industrie de la mode au fil des siècles.
On apprend ici comment le crin fut employé afin de structurer les costumes masculins et féminin aux 15è et 16è siècles,puis dans quelle mesure ce même crin, une fois tissé, parvint-il à renforcer les jupons au siècle suivant avant de devenir incontournable au 19è siècle pour les jupons et les bas de jupe, à la suite de l’apparition de la crinoline.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, des maisons de maroquinerie de luxe comme Hermès utiliseront le tissage de crin en remplacement du cuir.De nos jours, on observe une moindre utilisation du crin compte tenu de sa rareté et de son manque de malléabilité, ce qui explique que seules les grandes maison de couture en font un matériau privilégié en raison de sa qualité et de ses propriétés uniques.
Le crin de cheval tissé est aussi utilisé dans l’ameublement et fait l’objet de cette quatrième partie. Ainsi le crin tissé sert-il à recouvrir les sièges mais fait aussi office d’éléments de décoration : ces tissus façonnés à partir de la fibre animale attirent par leur matière exceptionnelle, à la fois douce, solide et inusable.
L’utilisation de ce précieux matériau n’est pas récente puisque cela fait des siècles que le crin de cheval est largement utilisé dans l’ameublement et la décoration intérieure. Matériau rare et noble, le crin de cheval séduit les grands décorateurs depuis le 18è siècle, avant d’être utilisé pour le garnissage des assises au siècle suivant, puis de rentrer aujourd‘hui dans la composition de tentures murales destinées à une clientèle aisée.
Précisons enfin que les étoffes de crin produites à partir de fibres de queue de cheval sont limitées en largeur et requièrent donc un tissage au savoir-faire exigeant. Non seulement durable et résistant, ce matériau est également facile d’entretien.
La cinquième et dernière partie de l’exposition est consacrée aux créations contemporaines.
En y regardant de plus près, le crin de cheval est plus que jamais d’actualité à travers de nombreuses créations contemporaines, fruit de l’inspiration des artistes. Rien d’étonnant à cela compte tenu de ses caractéristiques flatteuses : légère, souple,lumineuse et colorée, cette matière première a tout pour séduire artistes et créateurs. Utilisée brute ou tissée, on peut également l’associer à d’autres matériaux et élargir ainsi la gamme d’objets et d’oeuvres d’art offerte (bijoux, tissus d’ameublement, vêtements et sculptures). On ne compte plus désormais les créations originales et uniques sorties de l’imagination fertile d’artisans d’art.Ce résultat requiert un travail manuel et traditionnel impliquant un processus rigoureux de sélection pour chaque fibre.
L’exposition présente sur place plusieurs portraits d’artistes (Zoë Montagu, Charlotte Thomas, Christel Sadde ou Anaïs Duplan) illustrant comment le crin de cheval est au cœur de la démarche artistique par sa beauté et son caractère unique.
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