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Morioka et son artisanat
(Préfecture d'Iwate, Tohoku, Japon)
Heure locale

Samedi 21 janvier 2011

 

Je m'étais promis de me rendre à Morioka ne serait-ce que pour découvrir son savoir-faire artisanal. C'est chose faite. Morioka, ancienne capitale de la province Nambu, fut officiellement fondée en 1889. Située à deux heures seulement de Tokyo, elle est de nos jours la capitale de la préfecture d'Iwate et l'une des villes les plus actives du Tohoku. On y compte presque 300 000 habitants et son dynamisme n'a cessé de croitre depuis l'arrivée du shinkansen en 1982. J'ai retenu une chambre d'hôtel dans un établissement situé juste à côté de la gare ferroviaire, et à deux minutes à pied. Ma première soirée m'aura permis de déguster des yakitori (brochettes de viande japonaises) dans un petit restaurant au coin de la rue, entouré d'une assistance nippone pour laquelle ambiance est un mot qui est chargé de sens: Rires et discussions animées sont en effet de mise, et on salue aimablement l'étranger que je suis. Après une bonne nuit de sommeil, je me réveille ce samedi matin avec l'idée en tête de me rendre au centre artisanal de Morioka. Ce dernier est à une trentaine de minutes de la ville par bus. Je me demande parfois pourquoi les Japonais installent leurs attractions si loin de la cité mais c'est ainsi. On me répondra que Morioka ne disposait pas de l'espace suffisant pour ce genre d'établissement. Il est vrai que le Centre artisanal (Morioka Handi-Works Square) en impose: Il est formé de quatorze bâtiments qui accueillent douze différentes professions artisanales avec , pour chacun d'entre elles, des ateliers d'observation des artisans qui exercent leur talent derrière de larges fenêtres, puis des magasins où l'on peut acquérir les objets artisanaux (plus de 4000 objets disponibles).

A la descente de l'autobus, je rencontre une jeune femme qui travaille dans ce centre artisanal. Kaoru O'Hara va ainsi me faire visiter deux heures durant le centre en m'expliquant de façon très complète le fonctionnement de celui-ci et en me permettant de faire des photographies dans les meilleures conditions. Qu'elle en soit ici remerciée! Kaoru (photo ci-dessus) est un personnage peu ordinaire. Professeur de musique, chanteuse ( mais oui, elle a même sorti son propre CD de chansons enfantines), cuisinière, elle est aussi professeur de cuisine et vous enseignera mille et une façons d'accommoder les légumes et les fruits au quotidien (voir infos pratiques). Il a beaucoup neigé cette nuit sur la région et le centre a l'air un peu endormi. Il y a très peu de visiteurs et j'aurai tout le loisir de poser les questions qui me viennent à l'esprit. Je commence la visite par un atelier de pâtisserie (ci-dessous). Une dame confectionne des « Nambu Sembei ». Il s'agit de petites galettes de riz avec des noisettes à l'intérieur, dont l'origine remonte au XIV ème siècle. A l'époque, l'Empereur Chokei avait épuisé toutes ses provisions. Un de ses serviteurs trouva de la farine de blé, des graines de sésame et du sel et fabriqua dans son casque ce qui reste aujourd'hui une galette légendaire. Une tradition locale réalisée à base de fleur de riz, ou de fleur de blé. Les visiteurs peuvent s'initier à la confection de ce type de friandise, moyennant 100 Yens.

La boutique voisine de l'atelier offre une vitrine remplie de spécialités sucrées toutes fabriquées dans la région: Parmi les gâteaux de Morioka, on trouve le kinacombo, le sesami, sans oublier les mochi ( friandise très sucrée) et les dango. Le Mameginto est aussi une friandise à base de haricot. Un vrai plaisir pour les papilles des gourmands.

D'autres spécialités figurent au palmarès de Morioka, parmi lesquelles trois variétés de nouilles: Les Wanko Soba, les Ramen épicées de Morioka (apportées dans la région par des immigrés coréens) et les nouilles Jajamen (sorte de nouilles Udon, servie avec une sauce à la viande). Si vous avez encore un petit creux, je vous conseille de goûter les oeufs locaux Iwatesan Kogen, ou bien les perles magiques (Magic Pearls, nom donné à des oeufs semi-cuits) ou bien encore les haricots Hiraguro de Nambu (nom de la province), la truite arc-en-ciel Ruibe (nom d'origine aïnou signifiant sashimi à base de poisson froid) élevée dans la région de Tamayama et pour finir en beauté, des pommes de Morioka ou des fruits en gélatine ( une autre spécialité locale au goût de pomme, pêche, poire ou orange)en guise de dessert. Vous ne manquerez pas d'arroser le tout avec l 'une des bières locales ( comme la bière à la pomme ou celle à la patate douce) ou bien avec du saké (Asabiraki, Kiku no Tsukasa et Sakuragao), du Shochu (boisson similaire mais avec une durée de vie supérieure) ou encore ce délicieux vin de pomme produit à partir des pommes de la rivière Katakami.

 

Après les réjouissances, me voici dans la boutique de Monsieur Omori, artisan de son état qui fabrique des jouets en bois comme par exemple les chagu chagu (chevaux) montés en porte-clés. Il y en a de toutes les couleurs (photo ci-dessus). Le Chagu chagu tient son origine d'un cheval richement harnaché et paré de nombreuses clochettes. Une centaine de chevaux défile ainsi dans le petit village de Takizawa, situé à une quinzaine de kilomètres de Morioka, lors de la Fête du cheval Chagu Chagu. Ces clochettes ( dont celle se trouvant en-dessous du cou des chevaux) produisent un joli son, reconnu de nos jours comme bien national au Japon. Autrefois, ces clochettes étaient supposées éloigner les loups. La Fête Chagu Chagu existe depuis 200 ans , en reconnaissance du dur labeur de ces chevaux qui œuvrent à la plantation du riz. Il faut dire que le cheval est présent de très longue date dans la région d'Iwate. Et reste l'ami de l'homme (celui-ci partage encore parfois de nos jours sa maison avec l'animal).

La vache dorée, elle, surnommée Begokko (Bego signifiant vache de Morioka), est ainsi appelée à cause des dessins dorés qui l'ornent et qui en font un animal fétiche dans la région.

 

Eh oui, c'est moi, en train de m'exercer à un jeu d'enfant, les pokkuri (ci-dessus). Que dire de ces chaussures en bois ( il y en a de nombreuses dans la tradition japonaise) auxquelles on a rajouté des cordes pour en faire un jouet? Pas grand chose si ce n'est que tenir sur ces chaussures-là est avant tout une question d'habitude, et peut vous faire échapper aux flaques d'eau. Pour l'heure, je dois dire que j'y arrive sans difficulté...

 

Me voici à présent face à une commode Iwayado Tanzu (textuellement meuble du sud de la région d'Iwate)dont l'origine remonte au XII ème siècle à l'époque où l'influent lord Fujiwara no Kiyohira permit le développement de la région Iwayado ( au sud d'Iwate) depuis la ville d'Oshu. L'ère Meiji connut la modernisation de la société japonaise et ce genre de commodes Iwayado Tanzu devint très populaire parmi les classes populaires. Un meuble réalisé avec soin, peint à la laque, et orné de charnières et poignées en métal gravé (ci-dessus) qui séduisit de nombreux japonais bien au-delà des frontières du Tohoku. Les ventes exploseront même à Tokyo, la capitale. A l'origine meuble du terroir, il fallut une exposition de ce genre de commodes à Tokyo dans les années soixante pour définitivement populariser le concept et reconnaître une fois pour toutes le savoir-faire des artisans. Leur art fut d'ailleurs reconnu en 1985 comme métier traditionnel national par le gouvernement nippon. Et il est aujourd'hui de bon ton de posséder dans sa chambre à coucher une Iwayado Tanzu, qui peut tout de même se négocier une petite fortune ( la commode ci-dessus coute 450000 Yens, soit 4515 euros!)

L'une des spécialités de Morioka reste le travail de la fonte. Les théières Tetsubin sont des contenants en fonte munis d'un bec verseur et d'une poignée sur leurs parties supérieures, et destinés à faire bouillir de l'eau pour l'utiliser notamment pour la préparation du thé. Les Tetsubin sont posées à même le charbon de bois, sont souvent ornées de motifs ( entre 3000 et 10 000 poinçons pour certains modèles), possèdent toutes sortes de formes et de contenance ( de 0,5 litre à cinq litres et plus comme pour les théières géantes, plus ornementales qu'utilisables dans la vie de tous les jours!). Il y a différents types de théières: Les Tetsubin (qui tiendraient leur nom de la bouilloire tedorigama utilisée de 1522 à 1591, sous l'ère Sen no Rikyu, et seraient devenues au XIX ème siècle un symbole de statut plus qu'un objet de cuisine), mais aussi les yugama (bouilloire traditionnelle) et les théières colorées surnommées Kyusu. Au début du XVII ème siècle, la puissante famille qui régnait à l'époque sur la région de Nambu fit venir un artisan de Kyoto à qui elle demanda de fabriquer des théières. Ainsi fut créée la théière Nambu. J'ai mis en ligne une vidéo ( dans le section Médiathèque---> vidéos) qui montre la fabrication d'une théière. Depuis la conception du moule jusqu'au coulage de la théière puis de sa finition. Ces théières sont fabriquées depuis 2000 ans à partir du fer contenu dans le sable japonais. La fonte traditionnelle de Morioka est surtout connue depuis le XVI ème siècle, sous le nom de Nambu Tekki, non seulement à l'échelle du Japon mais aussi mondialement. Dès l'époque Edo, on trouvait déjà dans cette région de nombreux ustensiles en fer, et la technique de tatarafuki (enrichissement en oxygène à l'aide de gros soufflets) permit de produire un acier de très grande qualité. Et le savoir-faire de Morioka en matière de théières est indiscutable. Ainsi la maison de thé française, Mariages Frères , commanda t-elle les fameuses théières bleu marine dans les années 1970 qui firent depuis la réputation de Morioka. D'autres coloris sont apparus depuis: Rouge Ferrari pour l'Italie, et gris dauphin pour l'Allemagne. Et l'on peut désormais choisir sa théière dans différentes couleurs grâce à la création d'une nouvelle ligne, plus moderne, de théières (photo ci-dessus).

 

Morioka est aussi réputée pour ses activités de tissage et de teinture Nambu Kodai Katazome (première photo ci-dessus) et shikonzome (deuxième photo) sans oublier les écharpes homespuns (troisième photo). Au premier étage du magasin de souvenirs, je rencontre Madame Takahashi (quatrième photo), tisseuse de son état depuis maintenant quarante ans. Cette dame nous fait une démonstration de tissage d'une pièce de tissu utilisée comme sous-tasse(sakiori) au Japon ( voir vidéo dans la section Médiathèque). La laine provient souvent de Nouvelle-Zélande, est tissée puis teintée avant de devenir des pièces de tissus ou des écharpes ( dont le savoir-faire date de plus de cent ans). C'est qu'il fallait se rendre utile durant la guerre 1945: Les hommes étant tous partis au combat, les femmes mirent leur temps à profit pour exercer ce qui est devenu aujourd'hui un artisanat à part entière. Je sacrifie à la tradition et m'offre une de ces superbes écharpes, qui me protègera du froid durant mes pérégrinations nippones.

 

Le tour d'horizon de l'artisanat de Morioka ne serait pas complet si on ne parlait pas des céramiques de Nambu Yaki. Dans les années 1970, on se mit à produire une argile dans la région, argile qui est désormais utilisée dans la fabrication de ces céramiques.

Deux autres vaisselles attirent aussi mon attention: Les laques Joboji-nuri (première photo ci-dessus) comme ce superbe service à saké ci-dessus, et les laques Hidehira-nuri (deuxième photo) constituées de différents objets (boites, bols...). Les laques Joboji tirent leur nom de la famille qui régna sur Joboji, la partie nord d'Iwate durant le Moyen âge. Les moines seraient à l'origine de la création de cette laque alors qu'ils construisaient le temple Tendaiji. La caractéristique essentielle de la vaisselle Joboji réside dans l'utilisation de matériaux de qualité. Aujourd'hui, sept entreprises (employant une trentaine de personnes) continuent de produire bols, plateaux et vases. Quant aux laques Hidehira, elles connurent leur développement sous le règne d'Ohshu Fujiwara, et que celui-ci exerça son pouvoir sur Hiraizumi, durant la période Heian (794-1185)et soutint la construction de temples et l'inventivité artistique des moines de l'époque. Au final, une production de laques apparut dans le village de Koromogawa (près de Hiraizumi).

 

 

 

INFOS PRATIQUES:

 

 


  •  Office de tourisme, Gare de Morioka. Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h30. Plan brochure disponible en anglais.

  • Morioka Handi-Works Square, 64-102 Oirino, Tsunagi, Iwate. Tel: 019 689 2201. Ouvert tous les jours de 8h40 à 17h00. Entrée libre. Pour vous y rendre, emprunter l'autobus N°10 (route de Iwateken Kotsu Tsunagi Hot Spring) à la gare routière (juste à côté de la gare ferroviaire) de Morioka et compter trente minutes de trajet. Prix: 620 Yens environ. Arrêt : Morioka Handi Works Square.

    Différents ateliers sont possibles sur place afin d'exercer vos talents artisanaux. Se renseigner sur place. Site internet: http://tezukurimura.com/main/

     

    Cafétéria disponible sur place pour prendre une boisson chaude et une part de gâteau...

    Achat possible d'objets artisanaux de Morioka par internet: http://www.rakuten.co.jp/morioka/

  • Cours de cuisine à base de fruits et de légumes: S'adresser à Kaoru O'Hara. Tel: 019 654 6255. Email: kaoru@recipee.jp . Site internet: http://www.recipe.jp/

  • Iwate Lacqueware Association, 2-10-23 Nakanohashi-tori, Morioka. Iwate. Tel 019 625 3170.

    Site internet: http://kougeihin.jp/en/facilities/iwate/3115

  • Laques Hidehira: http://kougeihin.jp/en/crafts/introduction/lacquer/2869

     






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