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Le Musée de l'or
(Bogota, Colombie)
Heure locale


Mardi 22 mai 2012

 

L'or a toujours occupé une place importante en Colombie. Le pays possède en effet des gisements conséquents de ce métal. On attribue les premières extractions et le premier travail de l'or au peuple Tumaco, sur la côte Pacifique, en 325 avant J.C. Ce peuple, confiné entre le Pacifique et le versant occidental de la Cordillère des Andes présentait des similitudes avec certains peuples d'Amérique centrale : Habiles potiers, ils ont notamment perfectionné l'art de la reproduction de la tête humaine, symbolisant la force et la vitalité. On retrouve aussi de nombreuses statuettes érotiques représentant l'accouplement sous des formes diverses, témoignant d'un important culte de la fécondité. Le masque était enfin un élément rituel important chez les Tumaco. Les conquistadors espagnols qui arrivèrent dans cette région du globe au XVI ème siècle débarquaient avec la ferme intention de s'enrichir. Imaginez leur tête lorsque les peuples locaux les accueillirent entièrement revêtus d'or. Cet or qui était considéré comme sacré par la plupart des civilisations précolombiennes de la région. Dans la mythologie Chibcha, l'or était considéré comme un dieu et une force de la création.


 

Me voici donc au musée de l'or de Bogota. Ce musée offre de découvrir la plus importante collection d’orfèvrerie pré-hispanique du monde avec près de 35000 objets en or et en tombac (alliage de cuivre et de zinc), et environ 35000 objets en céramique, en pierre, en os, en coquillage et en textile. Les objets proviennent la plupart du temps de la Cordillère des Andes, de la côte Caraïbe et de la Sierra Nevada de Santa Marta. J'y retrouverai ainsi les styles distinctifs de plusieurs régions productrices d'or : Calima, Chibchas, Narino, Quimbaya, Sinu, Tairona, San Agustin, Tierradentro et tolima.

 

On découvre ici le mythe de El Dorado. Pour l'intronisation du nouveau zipa, roi de Bacata (l'actuelle Bogota), le puple accomplissait un acte politico-religieux consistant à respecter un temps d'abstinence avant la cérémonie. On préparait alors les plus beaux objets et les mets les plus délicieux pour la fête. Puis le nouveau souverain devait parcourir sur une barque la lagune sacrée de Guatavita (photo ci-dessous) qui abritait selon la légende la dépouille de l'épouse et de la fille de l'ancien roi de Guatavita. Cette lagune est ainsi devenue un lieu de culte et les offrandes offertes par le peuple lors de la cérémonie d’intronisation permettaient d'apaiser la douleur du roi. Cette coutume consistait à couvrir d'or le corps du futur souverain et d'offrir des trésors à la déesse Guatavita en les jetant au milieu de la lagune. Le mythe de El Dorado naquit ainsi mais la cérémonie, elle, était bien réelle car les nombreux objets retrouvée dans le lac de Guatavita en témoignent et ce sont ces objets qui sont maintenant exposés au musée de l'or.


 

Le premier étage du musée propose une introduction qui définit le lieu géographique et historique de chaque culture et explique les caractéristiques et les particularités de son art. On découvre ainsi la Cité perdue et ce à quoi elle ressemblerait si elle était habitée. Des panneaux explicatifs ( en anglais et en espagnol) sont disposés ici et là afin d'apporter l'information nécessaire aux visiteurs. On découvre que l'or fut d'abord découvert, puis travaillé pour en faire des objets. Parmi ces objets, on retrouve l'incontournable poporo: Instrument indispensable pour la cérémonie du Hayo, le poporo servait à conserver les feuilles de coca que les hommes mâchaient ( le coca était alors utilisé comme puissant analgésique) pour surmonter la douleur. Le poporo que je découvre (ci-dessous) fut acquis par la Banque de la République de Colombie en 1939 et est l'une des pièces maitresses du musée de l'or.Pesant 778 grammes, d'une hauteur de 23,5 cm, d'un diamètre de 11,4 cm, le poporo Quimbaya ( c'est son nom) est composé d'or. Couronné de quatre têtes sphériques, son corps se termine en forme de globe reposant sur un socle de filigranes. Ce poporo Quimbaya appartient à la période classique Quimbaya et fut fabriqué aux environs de l'an 300 avant J.C. Le groupe de Quimbaya vivait au milieu de la vallée du fleuve Cauca. C'était un peuple guerrier qui se dédiait à la fabrication d'armes (lances,arcs,lance-pierres,fléchettes) pour lutter contre l'ennemi. Les Espagnols les trouvaient belliqueux car ils avaient pour habitude de se parer tout le corps de décorations (deuxième photo ci-dessous) et portaient des drapeaux ornés d'étoiles d'or. Ils exploitaient aussi les mines d'or à l'aide de mécanismes en avance sur leur époque. Ce peuple méticuleux prenait le plus grand soin à fabriquer les objets en or qui devenaient de véritables œuvre d'art. Le poporo était un récipient destiné à recevoir la chaux qui était mélangée et broyée à des feuilles de coca lors des rites religieux. On obtenait ainsi l'extraction d'alcaloides.


 

L'exposition me permet aussi d’aborder le rôle du chamane, cet être complexe, tantôt guérisseur, tantôt sorcier, prêtre, magicien ou être devin. Pour communiquer avec les esprits, le chamane se met en transe grâce à ses rituels. Il prend ainsi une expression corporelle et un état psychique particuliers. Les feuilles de coca broyées respirées par le chamane contribuent à ce passage en transe. Celui-ci est pour l'occasion revêtu d'un masque (photo ci-dessous) , d'anneaux (deuxième photo), de pendentifs et d'un plastron (troisième photo). Le plastron, le casque et le cache-sexe(quatrième photo) composaient la tenue du guerrier.


 

Au cours de la visite j'aperçois un sarcophage en bois (photo ci-dessous) dans lequel on enterrait les chefs avec tous leurs apparats. Les bébés décédés étaient momifiés puis assis sur des petits bancs (deuxième photo) pour leur rendre leur voyage vers l'au-delà moins fatigant. A l'époque, seul le premier bébé était important et on laissait mourir les suivants d'un même accouchement.


 

Les pendentifs portaient parfois l'effigie d'un aigle (ci-dessous) et la grenouille (deuxième photo) était considérée comme le symbole de la fertilité. Il arrivait souvent aux peuples précolombiens de créer des objets en or en forme de petits animaux (poisson volants, chauve souris, insectes...) ou de jaguar car ces peuples vivaient très proches de la nature.


 

L'exposition permanente du musée de l'Or est organisée en cinq salles avec des artefacts et une salle encourageant l'interaction des visiteurs.Il existe aussi d'autres musées similaires dans d'autres villes de Colombie (huit au total en plus de celui-ci), répartis dans les différentes régions aurifères où l'on a retrouvé des trésors enfouis. Des collections permanentes sont ainsi présentées, avec des objets uniques. L'accès au musée ethnographique de Laeticia n'est pas ouvert à tous mais les échanges d'objets qui ont lieu permet aux visiteurs de les retrouver ailleurs. Deplus, le musée de l'Or collabore depuis 1945 avec d'autres musées, en organisant des expositions temporaires dans des musées du monde entier, mettant en avant une bonne partie de la richesse culturelle des civilisations précolombiennes.


 

Parmi les pièces importantes du Musée de l'Or de Bogota figure le Radeau de l'offrande (Balsa de la ofrenda) (en photo ci-dessus). Cet or sacré, récepteur de l'énergie du soleil (cette étoile qui donne la vie et est source de fertilité dans les sociétés précolombiennes) incarne une signification profonde. L'or ne signifie pas chez ces peuples une richesse matérielle mais symbolise le prestige et sert lors des cérémonies religieuses.Le radeau de l'offrande est une pièce magnifique de 19 cm de long sur 10 cm de large et 10 cm de haut. Elle fut produite à la fin de la période culturelle Muisca, c'est à dire entre 1200 et 1500 ans après J.C. On repère aisément au centre du radeau un personnage proéminent qui représente le chef. Celui-ci est entouré de douze autres personnages secondaires. Certains portent des sceptres, d'autres des masques de jaguar. On distingue dans leurs mains petites des hochets de chamanes. On aperçoit aussi des rameurs sur les bords du radeau.

Cette pièce unique fut retrouvée par trois paysans, dans une grotte de la municipalité de Pasca, au sud de Bogota, en 1856. Elle se trouvait là, parmi d'autres objets en or, à l'intérieur d'un vase en céramique qui avait la forme d'un chamane assis en position de méditation, la main sur le menton. Le musée de l'Or en fit immédiatement l'acquisition. Cette pièce n'a jamais quitté le pays même pour l'une des nombreuses expositions organisées à l'étranger. Elle est trop symbolique et représente la fameuse cérémonie de El Dorado sur le lac Guatavita expliquée au début de cet article. La légende prétend qu'à la mort du chef Muisca, son neveu fut reconnu par son peuple en tant que successeur et jata dans la lagune pièces d'or et émeraudes. Les principaux chefs se trouvaient à bord de ce radeau, ornés de plumes, de couronnes, bracelets, pendentifs,boucles d'oreilles en or et chacun d'entre eux portait une offrande. Avant de prendre ses fonctions , le jeune chef était enfermé dans une grotte. Le jour de la cérémonie, sur le bord du lac, on allumait quatre braseros qui brûlaient de l'encens indien, des résines diverses et d'autres parfums au point de dégager une telle fumée que celle-ci assombrissait le ciel. Le jeune chef se déshabillait alors et était recouvert d'un mélange de terre et de poussière d'or, puis il montait à bord du radeau avec, à ses pieds, de grosses quantités d'or et d'émeraudes. Une fois la radeau sur le lac, on jouait de la musique à l'aide de sifflets, de trompettes, de flûtes et l'on chantait jusqu'à ce que le radeau atteigne le centre du lac de Guatavita. On soulevait alors un drapeau en signe de recueillement. Le nouveau chef se jetait alors à l'eau, plongeant dans la lagune avec toutes les richesses embarquées.

 

 

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Musée de l'Or de Bogota, Carrera 6 15-82, Bogota. Ouvert du mardi au samedi de 9h00 à 18h00 et le dimanche et jours fériés de 10h00 à 16h00. Fermé le lundi. Droit d'entrée : 3000 pesos. Entrée libre le dimanche. Visites guidées en espagnol à 9h30, 12h00 et 14h30. En anglais à 11h00 et 16h00. Audioguides disponibles à la location au prix de 6000 pesos.

    Site internet : http://www.banrepcultural.org/museo-del-oro

  • Deux livres sont disponibles à la librairie du musée de l'or : Le Musée de l'or (en langue française)(photo ci-dessous) au prix de 34000 pesos, et un autre livre, The Gold Museum (en anglais et en espagnol, au prix de 27 000 pesos.

 

 










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