Mardi 30 octobre 2012
A la fois ville et province, Bangkok est aussi la capitale de la Thaïlande. Il y a une dizaine d'années, j'avais pour habitude de m'y rendre pratiquement tous les mois. J'aimais le sourire ineffaçable de ses habitants et leur gentillesse légendaire. J'en profitais souvent pour ramener de mes voyages ces magnifiques orchidées qui sont emballées avec un soin tout particulier ( une petite réserve d'eau par orchidée) dans des boites en carton spécialement conçues. Cette fois, je passerai deux jours sur place, plus exactement à Silom, dans un des quartiers de celle que l'histoire surnomme la ville des anges, la grande ville, la résidence du bouddha d'émeraude, la ville imprenable du dieu Indra, la grande capitale du monde ciselée de neuf pierres précieuses, la ville heureuse, généreuse dans l'énorme Palais royal pareil à la demeure céleste, règne du dieu réincarné, ville dédiée à Indra et construite par Vishnukam.Oui, il s'agit bien du nom de Bangkok,qui fut composé à partir de deux anciennes langues indiennes, le pali et le sanskrit, et le livre Guinness des records l'a même classé en tant que nom le plus long dans la catégorie des noms de lieux. Une autre origine pourrait expliquer le nom de Bangkok, les prunes notamment : Bang Ma-Kok (lieu planté de pruniers), Bang étant souvent utilisé pour les villes se trouvant près du littoral ou aux abords d'une rivière, et Ma-Kok est une prune de Java. Il faut malgré tout savoir que les Thaïlandais n'utilisent plus le nom de Bangkok depuis la fondation de la capitale et que certains habitants ruraux n'en ont même jamais entendu parler.
Autrefois, Bangkok ( qui est de nos jours représenté par le quartier de Thonburi) n'était qu'un petit village situé sur la rive ouest du fleuve Chao Phraya. Les Birmans ayant détruit la capitale Ayutthaya en 1767, le Général Taksin, devenu roi, se replia sur ce site et décida d'y fonder la future capitale. Il perdra toutefois la raison, sera assassiné puis remplacé par le Général Chakri, sous le nom de Rama 1er (qui deviendra le premier roi de la nouvelle dynastie Chakri). En 1782 (date de la fondation de la ville), ce même roi décidera du transfert de la capitale sur l'autre rive (gauche) du fleuve et commencera à ériger des fortifications, pour des raisons de sécurité. Ces fortifications sont visibles aujourd'hui à travers le Grand Palais.Mon hôtel est situé dans le quartier de Silom : La rue Silom est l'endroit des affaires et de la finance par excellence. De jour, employés de bureaux et vendeurs se succèdent avant que touristes et noctambules ne les remplacent une fois la nuit tombée, dans les restaurants courus de Saladaeng ou dans le quartier chaud de Patpong. Féru d'histoire, c'est plutôt dans l'ancien quartier pour étrangers que je me rends. Celui-ci est localisé à l'ouest, après la rue Charoen Krung.


A dix minutes à pied de la rue Si Lom se trouve la bibliothèque Neilson-Hays ( en photo ci-dessus). A l'origine de cette initiative, plusieurs femmes dont Madame Jeanie Neilson Hays qui suivit son époux le Docteur T.Heyward, alors chef de l'hôpital royal de la Marine thaïlandaise, à Bangkok, en 1869. La même année, cette dame eut l'idée de fonder la »Bangkok Ladies Library Association », en compagnie des épouses des Docteurs Bradley et Smith, dans le but d’offrir un lieu de lecture pour les étrangers résidant dans le pays. Madame Neilson Hays en restera membre durant 25 années. De cette association naquit l'association bibliothécaire Neilson Hays qui subsiste encore de nos jours. Il faut dire qu'à l'époque, la communauté étrangère présente rassemblait de nombreux missionnaires protestants. Ces derniers ne parvinrent pas à convertir beaucoup de bouddhistes mais se rendirent utiles dans d'autres domaines (éducation et médecine). Le Docteur Bradley compta parmi ces êtres exceptionnels en introduisant par exemple la vaccination contre la variole, en réalisant la première chirurgie et en ouvrant le premier hôpital du pays. Il fut aussi à l'origine d'une première publication publique qu'il imprima grâce à une petite presse qu'il avait apporté avec lui à son arrivée au Siam. Sa fille et son épouse signeront l'acte de naissance de l'association bibliothécaire en 1869. Au début, les ouvrages trouvèrent refuge dans la résidence privée d'une paroisse baptiste avant d'être transférés, en 1871, dans une chapelle protestante ( les livres y resteront jusqu'en 1900). Madame Neilson Hays deviendra présidente de l'association en 1895 : Danoise de naissance, ayant immigré enfant aux Etats-Unis, elle arriva au Royaume de Siam en tant que missionnaire en 1881 et épousa le Docteur Heyward Hays six ans plus tard. Un bout de terrain acquis par l'association en 1914 permit l'érection d'une petite bibliothèque (à l'endroit même où elle se trouve aujourd'hui). Un autre bâtiment ( le bâtiment actuel) sera érigé par le Docteur Heyward, par amour pour sa femme qui décédera soudainement en 1920. L'architecte italien Mario Tamango ( ce monsieur était aussi l'architecte officiel du gouvernement de la Cour royale de Siam sous le règne du roi Rama V) participa à la construction de cet édifice qui ouvit ses portes le 26 juin 1922. L'entrée d'origine était la Rotonde (désormais utilisée comme galerie d'exposition). Celle-ci fait face à la rue Suriwong. Durant la seconde guerre mondiale, la bibliothèque servira de cantonnement pour les soldats nippons lors de l'occupation japonaise. Beaucoup de documents furent alors transférés et disparurent à jamais. D'autres livres qui avaient trouvé refuge à l'université de Chulalongkorn retrouvèrent la bibliothèque qui rouvrit en 1947 avec 8000 ouvrages. Aujourd 'hui, l'endroit compte plus de 25000 documents ( dont certains sont consacrés tout particulièrement aux enfants, ou abordent la Thaïlande et l'Asie du sud-est). Un jardin et un café complètent l'installation tandis que des activités sont organisées tout au long de l'année. Douze volontaires (uniquement des femmes! Comme cela était stipulé lors de la création de la bibliothèque) se relaient auprès du public.

Le quartier pour étrangers qui date du XIX è siècle rassemble aussi des églises. Je me rends dans la rue Thanon Charoen Krung qui accueille l'église de Kalawar (ci-dessus). Située tout près du fleuve et cernée par les bâtiments environnants, ce lieu de culte catholique est coiffé d'une haute flèche de style néogothique et abrite une église aux tons pastels.Un précédent édifice en bois, datant de 1787, existait au même endroit et était un cadeau du roi Rama 1er pour remercier les Portugais de leur aide pour combattre l'attaque birmane. En 1786, le roi fit en effet don d'un bout de terrain pour permettre la construction de cette première église alors appelée Kalawario. L'église actuelle remplaça cette construction à partir de 1890 et témoigne d'une longue histoire entre la Thaïlande et le Portugal, une histoire vieille de 500 ans. A l'intérieur, on peut admirer de jolis vitraux et un superbe escalier en fer forgé.


Non loin de là, je me rends à la Cathédrale de l'Assomption (ci-dessus). Cette superbe construction de style Renaissance a une longue histoire et est considérée comme un lieu important pour la communauté catholique de Thaïlande. C'est aussi le siège de l'archevêché de Bangkok. L'histoire de l'édifice remonte à 1820, sous le règne de l'évêque Florens qui se trouvait alors à la tête de la »Mission du Siam ». On fit l'acquisition d'un terrain et on y construisit une église en l'honneur de la Vierge Marie avec les dons de fidèles. Cette petite église de style thaï fut achevée en 1821 et on lui donna le nom d'église de l'Assomption. Tout près de l'église, on bâtit la demeure de l'évêque et un an plus tard, l'église prit le statut de cathédrale, et devint depuis le siège du diocèse de Bangkok. En 1909, la petite église, devenue trop petite nécessita l'érection du bâtiment actuel, avec le concours d'un architecte français : On utilisa les matériaux locaux disponibles mais le marbre des décorations intérieures fut importé d'Italie et les vitraux, de France. Après neuf années de travaux, la cathédrale allait être baptisée le 15 août 1919 par l'évêque René Perros. On retrouve le style Romanesque à l'extérieur de l'édifice : Les deux tours d'une hauteur de 32 mètres sont parfaitement symétrique tandis que le toit culmine à 25,6 mètres.



Le temple bouddhiste Wat Yannawa (en photo ci-dessus), lui, est situé dans le district de Sathon sur la rue Charoen Krung. C'est un temple ancien datant de la période Ayutthaya (signifiant « qui ne peut être conquis »). Ayuthhaya est avant tout la capitale de la province du même nom. La ville fut fondée en 1350 par le roi U-Thong et devint la capitale de son royaume (connu également sous le nom d'Ayutthaya). Elle fut pillée par les armées birmanes en 1569 puis détruite par les mêmes armées en 1767. Les ruines constituent aujourd'hui le parc d'Ayutthaya où on retrouve d'anciens temples similaires (wat) sur une quinzaine de sites. Revenons sur l'originalité du temple Wat Yannawa qui réside dans sa jonque : Celle-ci fut érigée pour symboliser les bateaux à voile étrangers venus dans le pays. La Thaïlande commerçait autrefois beaucoup avec les étrangers, dont les Portugais.Le temple fut érigé par le roi Rama III il a environ 470 ans afin de rendre hommage à ces bateaux étrangers ayant apporté la prospérité à son pays. La jonque seule mesure 43 mètres de long. Deux stupas se hissent en lieu et place des mâts, tandis que deux énormes yeux figurent sur la proue et sont supposés éloigner les esprits malfaisants. 220 moines de tous âges résident dans le temple et accueillent chaque jour un grand nombre de visiteurs qui viennent ici pour prier, méditer et chanter. Lors des cérémonies on peut compter entre mille et deux mille visiteurs par jour.


Un autre temple, tout proche, retient mon attention : Le temple Wat Suan Phu (ci-dessus). A l'ombre de deux grands hôtels modernes, celui-ci s'élève depuis la fin du XVIIIè siècle, très coloré. Il abrite en son enceinte un ravissant bot , une école, un autel chinois en bois sculpté dédié au bodhisattva Kuan-Im, ainsi que de pimpantes résidences monastiques (dernière photo) ressemblant étrangement à des chalets !Il n'y a sur place aucune information pour le visiteur étranger que je suis.



Le dernier temple de ma promenade s'appelle Temple Sri Maha Mariamman. Je suis d'abord attiré par les sculptures des lieux (ci-dessus) qui me font penser à l'Inde. Or, ce lieu est un petit morceau du continent indien : Bâti par les Tamouls du quartier en 1879, ce temple hindou est dédié à la déesse Uma Devi et rendait presque austères les temples bouddhistes face à ce dette richesse de sculptures colorées. En guise de portails se dressent deux gopura de six mètres, qui arborent les effigies de divinités polychromes. Dans l'architecture des temples hindouistes, le gopura est en effet une construction par laquelle on pénètre dans les enceintes successives d'un temple et ressemble à une tour monumentale très richement colorée. Dans la rue, de simples étals débordent d'offrandes (troisième photo ci-dessus).



Une autre curiosité vaut la peine d'être vistée dans le quartier de Silom : La ferme aux serpents (ci-dessus). Celui qu'on appelle ici l'Institut de la Reine Saovabha s'est en effet spécialisé dans l'élevage de serpents venimeux et l'extraction de venin de ces serpents, attraction devenue depuis très populaire auprès du public ( deuxième photo ci-dessus). Cet institut fut créé en 1912, lorsque le roi Rama VI accorda l'autorisation de mettre au point puis de distribuer un vaccin contre la rage, sur une idée du Prince Damrong ( sa fille, la Princesse Banlusirisarn, était morte de la rage). Inauguré officiellement le 26 octobre 1913, puis rebaptisé en 1917 sous le nom d'Institut Pasteur ( en hommage à celui qui avait découvert en premier le vaccin contre cette maladie). L'institut produisit aussi le vaccin contre la variole par la suite. Dans les années 1920, le roi offrit une de ses propriétés située sur la rue Rama IV afin d'y bâtir de nouveaux immeubles qui seront inaugurés en décembre 1922 et baptisés du nom de la Reine Saovabha (la mère du roi). Puis, le Docteur Léopold Robert sollicita les étrangers vivant en Thaïlande afin de collecter des fonds pour ouvrir une ferme de serpents et permettre ainsi à l'institut de fabriquer un sérum antivenimeux permettant de lutter contre les morsures de serpents. Deuxième ferme de ce genre au monde (après celle de Sao Paulo au Brésil), celle-ci ouvrit ses portes le 22 novembre 1923 en présence de la reine Savang Vadhana, alors présidente de la Croix Rouge thaïlandaise. Développer la recherche sur le venin de serpent était important car de nombreuses personnes sont mordues par ces animaux en Thaïlande. Cette ferme offre de voir 190 sortes de serpents ( dont 61 sont venimeux) tant dans les jardins que dans le serpentarium. Ce dernier permet d'observer 35 espèces de serpents ( principalement des espèces thaïlandaises) dont des animaux très venimeux et d'autres non venimeux. C'est dans ce bâtiment qu'a lieu, deux fois par jour, l'extraction de venin en présence du public. Au premier étage, le visiteur découvrir l'histoire de cet animal, sa reproduction, son anatomie, les effets des venins et leurs traitements. Une exposition qui ne manque pas de piquant !

INFOS PRATIQUES :
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Site sur Bangkok : http://www.bangkok-infoguide.com/
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Site officiel du tourisme à Bangkok : http://www.bangkoktourist.com/
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Bibliothèque Neilson Hays, 195, Surawong Road à Bangkok. Tel:02 233 1731. Ouverte tous les jours (sauf le lundi et les jours fériés) de 9h30 à 17h00. Accessible H. Entrée libre. Site internet : http://www.neilsonhayslibrary.com/
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Cathédrale de l'Assomption, Soi Charoen Krung 40, à Bangkok. Tel:(66) 2 234 4592. Bureaux ouverts de 8h30 à 17h00 du lundi au vendredi, de 8h30 à 12h00 les samedi et dimanche et fermé les jours fériés. Accessible H. Messes en langues thaï et en anglais. Site internet : http://www.assumption-cathedral.com/
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Temple Wat Yannawa, 1648 Thanon Charoen Krung à Bangkok. Ouvert tous les jours de 8h00 à 20h00. Entrée libre. Accessible H.
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Temple Wat Suan Phu, Soi Charoen Krung 42, à Bangkok. Accessible H.
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Temple Sri Maha Mariamman, à l'angle des rues Thanon Silom et Thanon Pan. Photos interdites dans le temple. Se déchausser avant de pénétrer à l'intérieur.
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La Ferme aux serpents, entrée par la rue Thanon Rama IV ou par la rue Thanon Henri Dunan, à Bangkok. Tel : 662 252 01614. Droit d'entrée: 200 baht. Un petit dépliant (en langue anglaise) vous est remis. Il vous explique comment réagir en cas de morsure par un serpent. Ouvert au public en semaine de 9h30 à 15h30 et les weekends de 9h30 à 13h00. Démonstration d'extraction du venin à 11h00 ( + 14h30 les weekends). Accessible H. Site internet : http://www.saovabha.com/en/default.asp
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D'autres photos de cette sortie sont disponibles sur la Médiathèque-->Album Asie.