Revoir le globe
Top


Le Bassin de Nagano, des Origines à nos jours
(Nagano, Japon)
Heure locale

Jeudi 31 janvier 2013

 

Si vous passez par Nagano, une visite s'impose au Musée de la ville. Le bâtiment paraît certes austère aux premiers abords mais contient une exposition passionnante sur deux niveaux. Ce musée est situé aux portes de Nagano, juste à côté de Kawanakajima. Lorsque j'arrive, des groupes scolaires accompagnés de leurs professeurs (ci-dessous) viennent aussi visiter les lieux, pour apprendre. Apprendre par exemple d'où vient leur région? Tout commence par ce bassin de Nagano, situé au nord-est de la préfecture du même nom. Entouré de montagnes à l'est et à l'ouest, ce bassin est l'un des plus larges de cette préfecture. La formation de la chaine de montagnes à l'est débuta il y a 14 millions d'années par l'éruption d'un volcan sous marin et cette formation durera...dix millions d'années! Les montagnes situées à l'ouest ont, elles, été formées il y a seulement ..700 millions d'années, les sédiments actuels sont dus à l'activité tectonique et à l'érosion naturelle des cours d'eau. Le bassin de Nagano accueille un grand nombre de rivières dont la Chikuma, la Saï, et la Susobana. Les quantités importantes de sable déposées par ces cours d'eau depuis des siècles ont donné à ce bassin sa forme actuelle. Et des terres extrêmement fertiles.


 

La formation du bassin de Nagano est complexe. L'endroit possède de nombreux volcans ( tout comme le Japon, lui-même connu pour ses volcans et ses fréquents tremblements de terre) dont le Mont Iizuna et le Mont Minakami. Les séismes se produisent souvent en pleine nature et causent des dégâts importants. Le tremblement de terre le plus remarquable fut peut être celui de 1847 (Zenkoji) et une série de séismes du côté de Matsushiro qui commença en 1965. Le 8 mai 1847, vers 22 heures, le bassin fut touché par un séisme de 7,4 sur l'échelle de Richter: 80% des habitations furent détruites et de nombreux incendies se déclarèrent en ville. Ce séisme eut lieu durant le populaire festival de Gokaicho du temple Zenkoji, ce qui eut pour conséquence de provoquer la mort de 2500 personnes. La chute de rochers des montagnes provoquée par le tremblement de terre endommagea le lit de la rivière Saï, provoquant plus tard d'importantes inondations. En plus de l'activité volcanique et des séismes, la région connait une importante activité énergétique souterraine sous la forme de sources d'eau chaude qui fournissent en eau chaude les bains onsen et japonais de Nagano. Le bassin connait aussi les glissements de terrains. Le Mont Chausu fait partie de ces montagnes prédisposées à ce genre d'évènement tout comme le démontre ce glissement de terrain qui se produisit en juillet 1980 dans le secteur nord. En résumé, le bassin de Nagano est le fruit d'éruptions volcaniques, de séismes importants, d'importantes inondations et de glissements de terrain à large échelle. Bienvenue à Nagano!


 

L'être humain apparut en Afrique il y a quatre millions d'années et se répandit un peu partout, atteignant l'Asie il y a un peu plus de trois millions d'années. Le climat des îles nippones était alors bien plus rude qu'aujourd'hui. Et l'homme paléolithique traversa sûrement le pont terrestre qui reliait alors ces (futures) îles au reste du continent asiatique. Le réchauffement climatique provoqua peu à peu la fonte des glaces et la montée des eaux, faisant du Japon un archipel d'îles. Les plus gros animaux disparurent progressivement, incitant les immigrants à utiliser arcs et flèches pour chasser des animaux plus petits comme le cerf ou l'ours sauvage. La nécessité de se nourrir entraina l'émergence de la vaisselle en faïence et la poterie fut largement utilisée au Japon durant la période Jomon ( photo ci-dessous). L'influence du continent asiatique se fit encore sentir au Japon il y a 2400 ans lorsque les peuples du nord de l'île de Kyushu adoptèrent idées, connaissances et techniques issues des pays voisins. Cela permit l'apparition de la culture Yayoi qui s'étendit ensuite d'est en ouest de l'île d'Honshu. C'est à cette époque que les Japonais commencèrent à cultiver le riz.


 

L'homme moderne apparut dans le bassin de Nagano il y a environ 20 000 ans, durant la période paléolithique. Comme en attestent certains sites des montagnes et les hautes terres entourant le bassin. Par exemple, les ruines d'Ageya des marais des terres hautes d'Iizuna. On y retrouva des nombreux outils en pierre, comme des couteaux, des grattoirs ou des aiguilles. Le peuple d'Ageya utilisaient aussi des os pour en faire des outils. Les archéologues pensent que ces peuples étaient nomades, et suivaient probablement le déplacement des cerfs géants et les troupeaux d'éléphants Naumann. L'élan que l'on connait de nos jours est le descendant le plus direct de ce cerf géant chassé par l'homme paléolithique. A la fin de l'âge de glace, il y a de cela 12000 ans, la température se mit peu à peu à grimper, offrant au bassin de Nagano un climat plus humide. Noisetiers et châtaigniers se mirent à pousser tandis que cerfs, ours sauvages et autres animaux de petite taille se mirent à pulluler permettant ainsi le développement de la chasse. Les chasseurs à l'arc de la période Jomon se sédentarisèrent , construisirent des habitations, puis des camps de peuplement. On découvrit à cette époque la vaisselle en faïence, le moyen de transformer et de préserver les aliments ainsi que de nouveaux moyens de préparer la nourriture. L'adoption de nouvelles techniques pour la culture du riz, inspirées d'autres pays asiatiques, permit aux Japonais de passer de la chasse à l'agriculture en permettant des récoltes régulières. Là encore, le nord de Kyushuu fut précurseur en la matière avant que l'île de Honshu n'adopte ces nouvelles techniques à son tour. Les communautés qui vivaient aux bords des cours d'eau du bassin de Nagano débutèrent la culture du riz il y a 2100 ans. Pour ce faire,les fermiers utilisaient les basses terres irriguées par la rivière Chikuma. Et des ossements issus de peuples venus du continent asiatique furent retrouvés au sud de la ville de Nagano, dans les ruines de Shiozaki. Ce furent ces peuples qui, sans aucun doute, apportèrent dans ce bassin les nouvelles techniques de culture rizicole. Il y a 1700 ans, ces mêmes communautés agricoles de la rivière de Chikuma devinrent parfaitement intégrées socialement et formèrent une sphère culturelle distincte dans le bassin de Nagano. Sur ces terres humides de la Chikuma, le riz planté au printemps était prêt à être récolté en automne (ci-dessous). Les habitants logeaient dans des habitations en chaume ( deuxième photo ci-dessous) , en communautés qui s'entraidaient entre elles. C'est de ces ancêtres que les Japonais descendent. La maison en photo ci-dessous a une largeur de 5,5 mètres et le trou circulaire a été conçu à partir d'une ruine découverte à Tokuma (au nord de Nagano). La structure est supportée par sept piliers plantés en cercle autour de l'endroit où l'on fait le feu. Les murs sont faits en chêne du Japon recouvert de cette plante appelée noix de muscade japonaise et communément utilisée comme chaume. Le sol a été creusé et l'on y a disposé de la paille. Puis on y a posé des nattes en chaume de riz indien. Progressivement, ce type d'habitation connaitra des modifications: le nombre de piliers passera de sept à six voire quatre. Et le foyer se déplacera du centre de la pièce à un mur particulier. Longtemps, les terres riches et fertiles permirent des récoltes abondantes grâce aux nombreux alluvions de la partie sud du bassin et autorisèrent l'apparition d'une vie économique et politique dans la région il y a 1700 ans de cela. Cette région-là fut la première à nouer des liens avec la région de Kinki (l'actuelle Kyoto). Les premières sépultures apparaissent à cette époque. Au VIII ème siècle, le pouvoir se concentra entre les mains de la noblesse et le petit fermier devait s'acquitter de taxes conséquentes, à tel point que, pendant une centaine d'années, certains villages devinrent déserts à la suite de la fuite de leurs habitants, trop pressurés. Au X ème siècle, plusieurs mauvaises récoltes s'enchainèrent, créant une gigantesque famine qui asséna le coup de grâce à certains villages déjà mis à mal. Parfois, de petites groupes de fermiers semi-permanents se développaient, comme par exemple ceux dont on retrouva la trace dans les ruines de Nangu, sur la rive gauche de la rivière Chikuma. Cette communauté-là, qui comptait plus de 1200 foyers, survécut plus d'une centaine d'années jusqu'au milieu du XI ème siècle.


 

Le tumulus apparut pour la première fois au Japon vers la fin du III ème siècle, dans la région de Kinki (Kyoto) et sur la région côtière de Setouchi. Vint peu de temps après l'état de Yamato, dont le gouvernement domina vite tout le pays. Parallèlement, le tumulus devint aussi la sépulture à la mode. La zone située le long de la rivière Chikuma prit de l'importance économique mais aussi politique. Et devint le point central du bassin de Nagano au cours de la fin du IV ème siècle. Cet endroit fut aussi le premier à tisser des liens étroits avec l'état de Yamato ( comme le démontre la construction de tumulus en pleine campagne, au sommet d'une colline). Le musée offre de voir la réplique de la tombe de Takehara Sasazuka (ci-dessous), dont le toit est formé de grosses pierres se tenant les unes aux autres en formant une sorte de clocher. La voûte semble intégrée à l'intérieur d'un monticule de douze mètres de diamètre à l'aide d'un jalonnement de pierres autour et sur le dessus de la voûte. Ce qui fait de cette sépulture un exemple unique dans le bassin de Nagano. Sur la rive droite de la rivière Chikuma, au sud de la ville, se trouvent plus de 500 vieilles tombes: La zone est ainsi appelée zone de la tombe d'Omuro. La plupart d'entre elles sont circulaires, construites par empilement de pierres. On trouve le même style de tombes en Corée ( il se pourrait bien que les Coréens les aient introduite au Japon tout comme ils ont introduit l'élevage de chevaux!)


 

701 est l'année de la promulgation du « Taiho Ritsuryo »(le premier code de lois japonais) et signe ainsi l'aboutissement d'un mouvement tendant à la création d'un gouvernement centralisé comme en Chine. Ce premier code stipule que le pays est divisé en kuni (province), gun (comté), et ri (village). La province de Shinano, elle, fut divisée en dix comtés. Le bassin de Nagano en abrita quatre d'entre eux: Sarashina, Minochi, Takai et Hanishina. Chaque comté était divisé en 29 villages. La province était gérée par un gouvernement dont le siège semble avoir été la ville de Ueda.

Les moines bouddhistes franchirent le Japon pour la première fois en venant de Chine et de Corée au VI ème siècle. Et des recherches archéologiques prouvent l'établissement de temples bouddhistes dans le bassin de Nagano peu de temps après cette date. Des tuiles, caractéristiques de ces temples furent aussi retrouvées à la fois près de Kamishiikawa et autour du site actuel du temple de Zenkoji. Aux alentours du XI ème siècle, le bouddhisme Jodo s'institutionnalise. Il prêche le soulagement des maux de la vie matérielle par la méditation et la promesse d'une vie idyllique après la mort. Le temple Zenkoji (ci-dessous) de Nagano devient un lieu de pèlerinage. Il était et reste encore aujourd'hui accessible à tous, quelque soit la race, la religion la classe ou le sexe des personnes. Cette branche du bouddhisme qui reconnut la valeur et offrit son aide aux femmes (alors que celles-ci étaient méprisées dans beaucoup d' écoles à l'époque) devint populaire partout au Japon. Des documents attestent de la présence de prêtres de haut rang parmi les pèlerins de Zenkoji. Au début du XVIII ème, le temple exposa pour la première fois en public ses reliques sacrées à travers la fête Gokaicho, avec pour objectif d'attirer les dons nécessaires à la reconstruction du grand Hall. Certaines de ces reliques firent même l'objet d'une procession. Ces évènements attirèrent les foules, augmentant encore le nombre de pèlerins venus de tout le pays. Et la ville de Nagano de se développer autour du temple. De nos jours, l'image principale du bouddha de Zenkoji reste invisible pour la majorité des gens, même si une copie de cette image leur est montrée tous les sept ans lors de la fête Gokaicho.


 

Tandis que le bouddhisme se répandait dans tout le pays, les gens exprimaient de plus en plus le besoin de statuaires. Les images de Bouddha étaient à l'origine en bronze doré, mais au VIII ème siècle, beaucoup d'artisans utilisèrent des bois japonais pour leurs reproductions. Nagano offre, de ce point de vue, de nombreux exemples de statuaires de Bouddha, de formes et de tailles variées, qu'elles datent du VII ème siècle ou d'aujourd'hui. Dans ce domaine, la statue en bois représentant Senju Kannon Ryuzo (la déesse aux mille mains) au temple Seisuiji de Matsushiro demeure la plus ancienne sculpture bouddhiste en bois connue à ce jour dans la préfecture. Kannon est l'une des manifestations de Bouddha. Et l'on dit que cette déesse peut apparaître dans notre monde sous trente trois formes différentes pour exaucer les prières des croyants.


 

Au cours du X ème siècle, les fermiers japonais défrichèrent de nombreuses terres pour les rendre cultivables. Pour éviter de payer trop d'impôts, ils offraient des parcelles de ces terres aux temples bouddhistes, aux sanctuaires shinto et à la noblesse tout en continuant à cultiver les autres. Le légendaire « bushi » (guerrier nippon) fait son apparition dans la province de Shinano à cette époque-là. Ces hommes descendaient de familles qui pratiquaient l'élevage de chevaux depuis les temps anciens. A Nagano, chaque groupe de bushi (guerriers) se composait d'une seule et même famille. Ces guerriers avaient combattu à Yokotagawara, Urushida, Oto et Kawanakajima, en s'efforçant d'accroitre sans cesse leurs propres richesses et celles des leurs. C'est à eux qu'on doit la construction des manoirs châteaux et des forteresses de montagne de la région. L'influence de ces combattants était énorme:Fermiers et marchands étaient souvent contraints de les aider. Les fermiers durent ainsi produire deux récoltes chaque année sur un même champ pour répondre à leurs besoins. Selon les fortunes de guerre, les gens déménageaient, rendant ainsi possible une plus large distribution des richesses. Ainsi, pouvait-on trouver à Nagano de l'argent chinois ou de la porcelaine, ou encore de la vaisselle venant de territoires aussi éloignés que les préfectures d'Ishikawa ou d'Aichi.

Au XVI ème siècle, aucun drapeau ne pouvait rassembler les différentes factions qui se trouvaient dans la province de Shinano. Il y eut donc des invasions avec, d'un côté, Takeda Shingen et de l'autre, Uesugi Kenshin, entre 1553 et 1564, qui donnèrent lieu aux batailles de Kawanakajima ( ci-dessous). Cette guerre somme toute « locale » fit toutefois l'objet d'un livre, »Koyo Gunkab » qui devint populaire à travers tout le pays. Hachimanpara, la zone à proximité du musée de la ville de Nagano, fut le théâtre d'au moins une des cinq batailles de Kawanakajima. Les deux protagonistes couraient aussi après leur salut, priant tour à tour dans les temples et les sanctuaires afin de quémander la victoire. Il faudra attendre la fin du XVI ème pour que la loi et l'ordre viennent à bout de ces brutalités quotidiennes dans la province de Shinano.


 

Hideyoshi Toyotomi rassembla le Japon tout entier sous un même drapeau, en 1590. C'est lui qui décréta que seuls les samouraïs pouvaient porter des armes, créant ainsi une classe nouvelle de guerriers, aux côtés des fermiers, artisans et marchands. Il ordonna aussi la création d'un registre officiel mentionnant qui possédait la terre cultivable. Et chaque village devait tenir un registre. Plus tard, Ieyasu Tokugawa arracha le pouvoir à Toyotomi en 1603 et mit en place son propre régime politique: Le Bakufu. Celui-ci, concentré à Edo ( l'actuelle ville de Tokyo), contrôlait à la fois la cour impériale, les temples et les sanctuaires, mais laissait en place des gouvernements régionaux dans de nombreuses provinces. Naquirent ainsi la période Edo et...260 années de paix! Le domaine de Matsushiro englobait plusieurs villages du bassin de Nagano. Le domaine, bientôt contrôlé par la famille Sanada (famille de samouraïs) sera géré par les mêmes personnes durant dix générations, de 1622 à 1867. Lorsque cette famille construisit le château de Matsushiro, un grand nombre de samouraïs, marchands, et artisans vinrent se mettre à l'abri de cette nouvelle protection qui leur était offerte. Faisant ainsi de la ville de Matsushiro et de son château une puissance dominante régionale durable. Depuis le Bakufu d'Edo, les samouraïs dirigeaient leurs peuples en ratifiant des décrets plutôt qu'en utilisant leurs armes. Le cadre de fonctionnement de la gouvernance locale était défini par le gouvernement national, mais laissait le soin aux administrations villageoises de régler les détails. Chaque village avait un chef à sa tête, eux-mêmes assistés par des adjoints. Les villages étaient aussi en groupes d'environ cinq familles supposées s'entraider pour collecter ensemble les informations relatives aux naissances, aux décès...De là vient le livret de famille! Matsushiro est une zone très montagneuse, avec ses énormes différences de température et ses chutes de pluie. De plus, il était fréquent de voir les rivières Chikuma et Saï déborder en causant de graves inondations. Les récoltes s'en retrouvaient bouleversées d'une année sur l'autre, entrainant des soulèvements de fermiers acculés. Il y a 300 ou 400 ans, durant la période Edo, les axes de circulation de Nagano se résumaient à la route principale Hokkoku, à la route Hokkoku ouest et à la vallée, ou encore à de petites haltes qui offraient le gîte et le couvert aux voyageurs de passage et à leurs chevaux. Ces routes, à l'origine construites à des fins militaires, étaient désormais utilisées par les habitants et les marchands, pour transporter biens et marchandises. La route Hokkoku était utilisée pour le transport de l'or et de l'argent depuis les mines de l'actuelle préfecture de Niigata (jusqu'à Edo). Les marchands de sel de Niigata utilisaient également les routes. Les daïmios samouraïs (vassaux du Shogun) empruntaient aussi fréquemment ces axes , pour se rendre d'un palais local au palais d'Edo , ou vice-versa. On établissait des points de contrôle aux carrefours importants afin de surveiller le trafic des biens et des personnes. La route Hokkoku passait par le temple Zenkoji et Nagano, la ville-temple possédait jusqu'à ...douze jours de marchés différents chaque mois! Et l'on y comptait déjà plus de 10000 habitants à la moitié du XIX ème.

 

Les dernières années du XVIII ème virent un accroissement important de l'agriculture et de la production de marchandises. La famille Sanada qui dirigeait le domaine de Matsushiro (partie sud du bassin de Nagano) encourageait le mouvement: On développait les techniques du travail de la soie, la plantation des mûriers. Tout en détenant le monopole sur le commerce des abricots et du réglisse. La même famille développait les études et l'entrainement dans l'art de la guerre. Le « Bunku Gakko »(Ecole de Samouraïs de Matsushiro) éduquait les enfants des serviteurs des Sanada depuis 1855. Des méthodes avancées de traitement médical et de stratégie militaire, venues d'Occident, y étaient enseignées. Les autres enfants, eux, se contentaient des cours donnés dans les villages et les temples où on leur enseignait la lecture, l'écriture et le calcul. Les étudiants faisaient usage de manuels pour acquérir les caractères japonais de base. Après avoir acquis un certain niveau d'études, on leur apprenait comment rédiger des documents officiels ou comment mener une affaire. Ce système éducatif devint plus populaire à la fin du XVI ème et définitivement adopté dans la plupart des villages japonais début XVII ème.

Lorsque le gouvernement Bakufu s'effondra en 1867, la restauration Meiji projeta le Japon dans le monde moderne. La préfecture de Nagano fut créée quatre ans plus tard, puis Nagano City apparut à son tour en 1897. En 1874, un groupe d'investisseurs conduit par Chuichiro Osato finança la construction de la filature Rokkosha à Matsushiro. Celle-ci importa les machines les plus modernes qu'elle fit venir de France et confia la formation des personnels à Ei Yokota. L'exportation de la soie fit affluer l'argent dont Nagano avait tant besoin. En plus, la soie locale gagna bientôt une notoriété mondiale et remportera même le Grand Prix de l'Exposition universelle de Saint-Louis en 1904.

Nagano profitait pleinement de la modernisation du pays, mais, la crise de 1927 mit à mal l'économie nationale. Cette année-là, le gel ruina les fermiers et tout particulièrement les producteurs de soie. Et beaucoup de gens quittèrent la ville pour émigrer au nord-est de la Chine. Le gouvernement tokyoite lança alors une grande campagne militaire, plongeant ainsi le pays dans des guerres à répétition dont les pays de l'Asie du sud-est souffrirent beaucoup. Alors qu'on guettait les raids aériens de la seconde guerre mondiale dans le ciel de la capitale, la population de Nagano, elle, s'était accrue de manière impressionnante. Et l'on manquait de nourriture. Puis la guerre prit fin avec la défaite de 1945. Beaucoup d'entreprises, parmi lesquelles des sociétés d'électronique et des imprimeries, évacuèrent Tokyo à la fin de la seconde guerre mondiale. Et vinrent , pour certaines, s'implanter à Nagano, participant ainsi au développement économique local.

Le musée de Nagano permet de découvrir une ferme typique de la période Edo ( mi XIX ème). La maquette reconstituée représente les deux-tiers d'une véritable ferme, dont le propriétaire était un fermier aisé, qui tenait aussi un poste de représentant au sein de son village. La salle de séjour aménagée sur le devant de la maison , puis la chambre un peu en retrait formaient alors les pièces de base des riches fermiers de la préfecture de Nagano. La possession d'un cheval était caractéristique des habitudes et du style de vie locaux. La salle de séjour constituait la pièce principale. On y cuisinait au foyer, à même le sol, et on y prenait ses repas. Le père se tenait éloigné de la porte d'entrée avec son épouse à sa droite et ses enfants à sa gauche. La journée terminée, on réparait les outils et on profitait de l'hiver pour tresser des cordes avec la paille du riz. La ferme était à la fois le lieu de vie et le lieu de travail du fermier et de sa famille.


 

Autrefois, les fermiers de Nagano participaient à de nombreuses fêtes lors desquelles on adressait des prières pour obtenir de bonnes récoltes de riz. En janvier, des dons étaient offerts aux sanctuaires. Au printemps, on attachait les talismans du sanctuaire de Togakushi ou de Hijiri Gongen aux branches des saules ou à l'herbe de bambou , et ce afin d'éviter les insectes nuisibles. L'été, on tenait une cérémonie pour demander aux esprits de préserver les récoltes des insectes. En automne, les fermiers offraient aux dieux des boulettes de pâtes en signe de gratitude pour les bonnes récoltes. De nos jours, il reste peu de cérémonies et celles-ci ont souvent été réduites à leur plus simple expression. Il y a très longtemps, les gens vivaient au milieu des esprits forts, appelés « kami ». Ils vénéraient le dieu du foyer, et priaient pour le dieu de leurs ancêtres devant un petit sanctuaire, chez eux. Chaque village avait d'ordinaire son propre dieu. Les habitants priaient aussi Dosojin afin que les mauvais esprits n'entrent pas dans leur village. Les kami protégeaient ainsi les gens au jour le jour et étaient sollicités en cas de malheurs ou de désastres. On vivait sans doute plus près de la nature qu'aujourd'hui. Chaque 7 janvier, les habitants du village d'O-ka ( à l'ouest de Nagano) se rassemblent, eux aussi, pour tisser un Dosojin géant (photo ci-dessous) dont l'originalité réside dans le côté très expressif du dieu.


 

Les enfants, eux, ne jouent plus aux mêmes jeux qu'autrefois. L'urbanisation ne permet plus de se livrer aussi librement et en pleine sécurité à des jeux d'extérieur. Et les jeux vidéos ont pris le relais. Pourtant, les enfants des temps anciens jouaient constamment dehors en profitant du bon air. L'hiver, ils allaient skier ou se livraient à des batailles de boules de neige, et chapardaient noisettes, fruits et baies l'automne venu. Le cerf-volant était alors un jeu très populaire. La vie urbaine est passée par là. La même qui se développa à Nagano grâce au Temple Zenkoji, donnant à l'endroit le rôle de plaque tournante économique pour les produits du bassin tout entier ( comme l'huile, le chanvre ou le papier). Les fêtes représentaient quant à elles des moments privilégiés qui offraient aux populations d'une même ville ou d'un même village de travailler ensemble autour d'un objectif commun. Le festival annuel du sanctuaire shinto Yakasa (près du temple Zenkoji), qui se tient en juillet, est un bon exemple. Malgré son âge canonique ( plus de 400 ans), cette fête reste encore vivace avec ses chars, malgré le fait qu'elle soit désormais un peu éclipsée par le festival Binzuru du temple Zenkoji qui se tient en août. Le char en photo ci-dessous fut construit en 1793 et est le seul qui ait survécu aux incendies provoqués par le séisme de 1847 au temple Zenkoji.


 

Terminons ce tour d'horizon avec les feux d'artifices. Ceux-ci suggèrent souvent l'été dans l'esprit collectif. Mais le festival des feux d'artifices de Nagano se tient quant à lui le 20 novembre de chaque année, et rend hommage au dieu du commerce, Ebisu ( qui est aussi le dieu de la bonne fortune). On dit qu'Ebisu quitta son foyer en janvier pour partir à la recherche de la fortune et rentra en novembre de la même année. Depuis les années 1870, le festival Ebisu, qui a lieu près du temple Zenkoji reste un événement majeur. Le festival des feux d'artifices, lui, débuta en 1899. Et un enfant de Nagano, Gisaku Aoki, remporta plusieurs récompenses lors des concours, contribuant ainsi activement à la richesse du festival. C'est à lui qu'on doit le feu d'artifice en forme de fleur de chrysanthème.


 

 

INFOS PRATIQUES:

 


  • Musée de la Ville de Nagano, Hachimanhara, Shiseki-koen (près du camp de bataille Kawanakajima à Nagano. Ouvert tous les jours ( sauf le lundi) de 9h00 à 16h30. Entrée: 300 yens. Photos autorisées. Tel: 026 284 90111

 












 



Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile