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Le Fort de Goryokaku
(Hakodate, Hokkaido, Japon)
Heure locale


Mercredi 10 avril 2013

 

Connaissez-vous le fort de Goryokaku? Cette forteresse fut érigée en 1853, lorsque la flotte américaine débarqua dans le port d'Hakodate, avec ces drôles de bateaux noirs qui représentaient à l'époque une menace dans l'esprit du shogun. Les demandes réitérées des Américains en faveur de l'ouverture du port de la ville pour commercer eurent gain de cause: Tokugawa conclut bientôt un traité de paix et d'amitié, en 1854, entre les Etats-Unis et son pays. Traité qui impliquait l'ouverture du port d'Hakodate au commerce tant désiré par les Américains. Dans le but de garder la main mise sur la ville, le shogunat de Tokugawa avait décidé de construire un bureau de magistrature chargé de bonifier les terres et d'encourager le développement industriel tout en renforçant les capacités défensives de la cité. Ce premier bureau déménagera plus tard dans un autre endroit et Ayasaburo Takeda, qui avait fait des études de recherches en Hollande, fut sollicité afin de bâtir cette nouvelle forteresse, plus sûre. Ce monsieur, déjà spécialiste des questions militaires, possédait également des connaissances sur la production d'acier, la construction navale, l'armement, et la construction de châteaux. C'est donc tout naturellement qu'il supervisa la construction des forts de Benten et de Goryokaku.


 

Takeda sera aussi instructeur au Shojutsu Shirabesho (institut dédié à la recherche technique et à la connaissance de l'Occident). Et concevra un fort ressemblant à ceux des citadelles européennes. Goryokaku apparut ainsi comme la pierre angulaire d'Ezo (ancien nom de Hokkaido) et comme une base à la fois défensive, politique et diplomatique. Sa construction s'inspira des réalisations de Monsieur Sébastien Le Prestre, alors marquis de Vauban, homme complet comme on n'en fait plus, qui fut à la fois ingénieur, architecte militaire, urbaniste, ingénieur hydraulicien, et essayiste français, au service de Sa Majesté Louis XIV. Rien d'étonnant à la forme du fort de Goryokaku, qui ressemble étrangement à la Citadelle de Lille, conçue en forme d'étoile. Dès l'entrée dans le parc, je note l'existence d'un ravelin (en photo ci-dessous) aussi appelé Umadashi avec sa structure triangulaire de style européen. Ce ravelin était là pour protéger l'entrée du fort. A l'origine, il existait cinq ravelins entre chacun des cinq bastions existants. Chaque ravelin était entouré par des murs de pierres. Le terrassement de la forteresse était fait de terre, renforcé par des pierres et construit d'après la méthode Hanchiku. Les trois bastions principaux possédaient des murailles tandis que le fort sud-ouest (où se trouvait l'entrée principale), lui, était plus élevé que les autres et prévu pour repousser les assauts de l'envahisseur. Les murailles étaient constituées d'andésites, pierres du Cap Tachimachi, ainsi que d'autres montagnes voisines du nord de Goryokaku. Chaque fort possédait sa propre entrée protégée par un gardien qui logeait sur place. Il reste encore aujourd'hui les traces de la maison de gardien du fort sud-ouest. Celle-ci disposait de deux pièces (soit l'équivalent de 5,5 tatamis), avec, au rez-de-chaussée un porche et un appentis. Le Fort de Goryokaku devint très vite le symbole d'une ère nouvelle, devenant le lieu où l'époque féodale vivra ses derniers instants.


 

L'histoire de ce fort ne se termina cependant pas avec la fin du shogunat: Ouvert au public en tant que parc en 1914, le fort servit de lieu de détente aux citoyens d'Hakodate. Avant d'être désigné, en 1952, comme site historique spécial par le gouvernement nippon. Une visite à la Tour de Goryokaku (ci-dessous) permet de remonter le temps: En son sommet, celle-ci offre au visiteur un parcours historique retraçant cette journée du 11 mai 1869, lorsque le forces de la nouvelle République d'Ezo placèrent le fort de Goryokaku en état de siège afin de préparer une attaque de grande envergure. Une troupe d'élite de ce gouvernement escalada les falaises situées derrière le Mont Hakodate et occupèrent la ville. Toshizo Hijikata (deuxième photo) lança alors une contre-attaque dans l'espoir de reprendre Hakodate mais sera tué lors de la bataille. Né à Tokyo en 1835, d'une famille de riches fermiers, Toshizoh Hijikata fut recruté en 1863 pour escorter le shogun à Kyoto. Il rejoindra rapidement la milice « Shinsengumi »(alors chargée de maintenir l'ordre à Kyoto à une époque où assassinats et terrorisme étaient monnaie courante) puis deviendra samouraï et un peu plus tard vice-commandant du Shinsengumi et enfin vice-Ministre des Armées de la République d'Ezo. Ayant rejoint Enomoto Takeaki (ancien officier de marine de Bakufu), Toshizoh occupera la forteresse de Goryokaku en octobre 1868, éliminant ainsi la résistance. Les forces impériales japonaises, elles, poursuivaient leurs attaques, sur terre et par mer. Jules Brunet, alors conseiller du shogun, fera l'éloge de ce combattant tout en reconnaissant ses qualités de leader. Toshizoh Hijikata périra en mai 1869 lors de la bataille d'Hakodate, à l'âge de 35 ans.


 

Nous l'avons vu, le shogunat d'Edo avait créé un bureau de la Magistrature (ci-dessous) à l'ouverture du port d'Hakodate au trafic étranger suite à la signature du traité de paix et d'amitié signé avec les Américains. Son rôle était de négocier avec les consulats étrangers et les Aïnous, et de négocier les frontières parfois mouvantes avec les Russes. Bâti à l'origine au pied du Mont Hakodate, ce bureau, à la merci d'attaques éventuelles, fut transféré à l'intérieur des terres. Pour le protéger, on demanda à Takeda Ayasaburo de fortifier l'endroit en érigeant une forteresse en forme d'étoile ( ce qui permettait de réduire le nombre de points fragiles qu'un canon pouvait viser). Les travaux qui débutèrent en 1857 ne s'achèveront qu'en 1864. Le nouveau bureau de la Magistrature fut alors inauguré et devint rapidement le centre névralgique du gouvernement du shogunat. On lui confia notamment la gestion des politiques des territoires du nord, et les relations diplomatiques et administratives d'Ezo (l'actuelle Hokkaido). Plus tard, les fonctions occupées par le Magistrat seront transférées au nouveau gouvernement Meiji.


 

En tant que principale forteresse de la République indépendante d'Ezo , le fort de Goryokaku sera donc le théâtre de la Guerre d'Hakodate, dernière phase de la Guerre des Boshin sous la restauration Meiji, avec d'un côté les 2000 soldats de la République d'Ezo, et de l'autre, les forces impériales japonaises. Après un conflit d'une semaine, en 1871, le nouveau gouvernement démantela de nombreux bâtiments du fort. Et l'endroit devint un parc accessible au public après la période Taisho. C'est la ville d'Hakodate qui avança l'idée de restaurer la forteresse, avec, pour objectif principal, de reconstruire intégralement le bureau de la Magistrature. Les recherches archéologiques débutèrent en 1985 et les plans furent tracés à partir d'anciennes photographies en tenant compte des résultats des fouilles entreprises. D'anciens documents démontrèrent en effet que plus d'une vingtaine de bâtiments annexes gravitaient autrefois autour de l'ancien bureau de Magistrature. La reconstruction commença en 2006 sur une surface de mille mètres carrés et s'acheva quatre ans plus tard. Le résultat est époustouflant et démontre, s'il en était besoin, l'amour du travail bien fait des charpentiers japonais, venus de tout le pays pour participer à ce chantier. La construction fut intégralement bâtie selon les traditions anciennes. Je pénètre pour ma part dans cet édifice après m'être déchaussé. Un parcours fléché permet de déambuler aisément dans le bâtiment et de comprendre le rôle de chaque pièce grâce au dépliant remis à la réception. La première pièce est le Genkan (c'est par là qu'on accède au bâtiment), une pièce qui servait autrefois aux cérémonies officielles comme par exemple la nomination des nouveaux magistrats. La pièce suivante, Shishanoma (ci-dessous en photo) servait de salle d'attente pour les personnes de rang inférieur venues rendre visite aux magistrats. L'alcôve, appelée aussi Kyutetsudoko, servait à suspendre arcs, flèches et fusils. A proximité, un lavabo appelé Yoba Shoyodokoro Kiyomedokoro (deuxième photo) servait à se laver les mains.


 

Je pénètre bientôt dans une large pièce surnommée Ohiroma (en photo ci-dessous), elle-même divisée en quatre pièces séparées seulement par des portes coulissantes. Ohiroma est l'endroit le pus officiel du bureau de la Magistrature. On ne l'utilisait en effet que pour les grandes occasions comme les cérémonies annuelles et un ordre protocolaire strict était alors observé pour y pénétrer. Non loin de là, je découvre une petite pièce, Bukiokisho, qui servait à entreposer épées, lances, arcs, flèches, fusils et autres armes. Une pièce voisine , Omotezashiki, servait de bureau au magistrat. C'est là qu'il décidait des peines affligées aux criminels. Au centre du bâtiment se trouve une cour (deuxième photo ci-dessous) appelée Nakaniwa. Celle-ci fut conçu pour permettre à la lumière de pénétrer dans l'édifice. En cas de tempête, un savant système de drainage a été aussi prévu: Les eaux de pluie étaient collectées depuis les toits via des gouttières, puis stockées dans des réservoirs, avant de couler sous le plancher de Ohiroma afin d'alimenter le jardin sud. La Tour au tambour, Taikoyagura, domine l'ensemble de ses 16,65 mètres. C'est de cet endroit qu'on donnait autrefois l'heure en utilisant un tambour à cinq tons (troisième photo). La plus vaste pièce de l'ensemble s'appelle Koyagumi et mesure un peu plus de 74 m² (ce qui correspond à la surface de 45 tatamis) et deux énormes troncs de pin (d'une longueur de 10 mètres pour un diamètre de 60 centimètres) supportent le toit de tuiles. Dans cette grande pièce, les officiels et leurs subordonnés effectuaient leurs tâches. Le Joyaku ( chargé des affaires générales et de la comptabilité) officiait quant à lui dans une pièce voisine. Je termine cette visite en passant devant des grandes poteries en terre (Shigaraki) qui furent découvertes lors de fouilles effectuées en 2005. Dehors, le temps est froid et venteux.

Avant de quitter les lieux, je me rends à la Tour de Goryokaku: La nouvelle et actuelle tour fut inaugurée le 1er avril 2006 (l'ancienne tour existait depuis 1964) et domine la région de ses 107 mètres. Un observatoire permet d'admirer Hakodate, le parc de Goryokaku mais aussi le port et le Mont Hakodate.


 

 

INFOS PRATIQUES:

 


  • Fort de Goryokaku, 43-9 Goryokaku-cho à Hakodate. Tel:(0138) 51 4785. La Tour de Goryokaku est accessible du 21 avril au 20 octobre de 8h00 à 19h00 et du 21 octobre au 20 avril de 9h00 à 18h00. Prix pour accéder à l'observatoire: 840 yens. Restaurant et boutiques de souvenirs sont disponibles au rez-de-chaussée. Site internet: http://www.goryokaku-tower.co.jp/

    Le bureau de la Magistrature est ouvert du 1er avril au 31 octobre de 9h00 à 18h00 et du 1er novembre au 31 mars de 9h00 à 17h00. Droit d'entrée: 500 yens. Se déchausser avant d'entrer. Photos autorisées (même avec flash). Le bâtiment est situé à l'intérieur du parc de Goryokaku accessible par un petit pont.

    Site internet : http://www.hakodate-bugyosho.jp/

  • Site sur la milice Shinsengumi: http://shinsengumi-no-makoto.net/


 






 



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