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Mikechi-Shinji
(Tir à l'arc) au Sumiyoshi-Taisha (Quartier de Sumiyoshi, Osaka, Japon)
Heure locale

Lundi 13 janvier 2013

 

Il m'a été signalé aujourd'hui, la tenue d'une cérémonie consacrée au tir à l'arc au Sumiyoshi-taisha, à Osaka. Je n'ai jamais encore assisté à ce type de manifestation et je suis curieux de voir à quoi cela ressemble. Le Mikechi-shinji (c'est ainsi qu'on appelle cet événement) doit se dérouler à partir de 10h00 du matin au Jinkan (à l'intérieur du sanctuaire de Sumiyoshi). Le quartier de Sumiyoshi fait partie des 24 arrondissements d'Osaka. Il est situé au sud de la ville et il me faudra vingt minutes en taxi pour m'y rendre (ce moyen de locomotion, plus couteux, me conduira aux portes du sanctuaire). J'ignore comment se déroule cette cérémonie et il me faudra trouver l'endroit exact une fois sur place. Sur mon chemin, je rencontrerai un prêtre japonais qui m'expliquera précisément où me rendre. Pour le reste, j'engagerai la conversation avec deux photographes déjà sur place à mon arrivée. Je ne dispose d'aucune information précise sur l'évènement en question. Je sais juste qu'il s'agit de tir à l'arc. En ce qui me concerne, je suivrai mes deux voisins photographes pour être sûr de pouvoir me trouver au bon endroit afin de prendre un maximum de photographies. A 10h00, le gardien des lieux ouvre la grande porte en bois et nous pouvons pénétrer à l'intérieur d'une cour où se trouve un sanctuaire. Nous sommes alors une dizaine de personnes à investir les lieux. Le long de la zone de tir, des bancs ont été installés pour le public, un peu en retrait. D'autres sièges, eux, sont réservés pour les archers. Le froid est mordant en ce lundi matin mais le soleil fait tout de même quelques apparitions. L'endroit se remplira peu à peu jusqu'à contenir une cinquantaine de personnes, à l'heure de l'arrivée du cortège (ci-dessous en photo) à 10h30. Je me trouve à côté du prêtre, commentateur de l'évènement. J'aperçois un visiteur occidental dans l'assistance, guère plus.


 

Au Japon, le tir à l'arc est un art : on utilise le nom de kyudo pour décrire cet art traditionnel, nom qui signifie « la voie de l'arc ». Ce tir à l'arc japonais (yumi) est différent du notre (qui ne recherche que précision et performance). Ici, le tireur recherche avant tout à atteindre une harmonie intérieure avant de réussir un exploit sportif. C'est peut être pour cela qu'aucun des participants n'atteindra la cible durant cette cérémonie.

Avec le temps, le kyudo a remplacé le kyu-jutsu, qui était autrefois la pratique martiale du tir à l'arc pratiquée uniquement à titre défensif. Les premières armes à feu, arrivées avec les étrangers, remplacèrent bientôt l'arc et ses flèches. Et l'archerie ne sera alors pratiquée lors de l'entrainement des guerriers que dans le cadre du budo (la voie du guerrier).

La première trace écrite révélant l'existence de l'arc dans ce pays se trouve dans les chroniques chinoises de Weishu, aux environs de l'an 250 après J.C. On décrit l'objet essentiellement comme un instrument servant à la guerre et à la chasse. Ce n'est que plus tard que l'art occupera une place cérémonielle. Après l'apparition des samouraï au Japon, et de leur prise de pouvoir, l'archerie va prendre une place importante. Cette nouvelle classe dirigeante, orientée sur les arts de la guerre, va créer une première école d'enseignement de ces disciplines. La première école s’appellera Nenmi-ryu, et sera fondée par Henmi Kiyomitsu au XII è siècle. Celle-ci fera ensuite des petits. Les guerres, nombreuses à cette époque, nécessiteront un nombre important d'archers. Cet à ce moment-là que l'archerie japonaise se développera : on enseignera l'archerie à cheval (yabusame) lors de la guerre du Genpei (1180-1185), puis l'enseignement de cette nouvelle discipline ne cessera d'évoluer, notamment lors de la guerre civile qui ravagera le Japon aux XVè et XVIè siècles. C'est le guerrier Heki Danjo Masatsugu qui instaurera une nouvelle approche du tir à l'arc en tâchant de formaliser les principes de l'archerie pour les fantassins. De son école (Heki-ryu), naitront d'autres écoles qui existent encore de nos jours.


 

Après l'arrivée des archers, vêtus de costumes traditionnels et portant avec eux leurs arcs, j'assiste à leur présentation aux prêtres du sanctuaire (ci-dessus). Cette présentation est silencieuse et consiste en un salut entre les protagonistes. Puis, chacun rejoint ensuite sa place respective. Dans quelques instants, la cérémonie de tir pourra débuter. Nous sommes loin de l'arrivée des Portugais dans le pays, en 1543. Ce sont eux qui introduisirent les premiers mousquets. Pendant une période assez courte, arcs et armes à feu cohabiteront, car les arcs ont alors l'avantage d'avoir une cadence de tir plus rapide. Les armes à feu, elles, ne requièrent aucun entrainement pour pouvoir s'en servir, alors que le tir à l'arc demande une certaine dextérité. Je le verrai lors de cette cérémonie. C'est la victoire d' Oda Nobunaga, en 1575, victoire à l'origine de l'unification du pays tel qu'on le connait aujourd'hui, qui enterrera définitivement l'arc en tant qu'arme de guerre. Au XVIIè siècle, le Japon est pacifié. Et l'arc n'est plus utilisé que lors des cérémonies et des compétitions. Cet art n'est plus réservé aux guerriers mais aux gens de la cour et à une classe moyenne aisée. Sa pratique est observée dans le bouddhisme Zen, et sert à la maitrise de soi. C'est à ce moment-là que le terme « kyudo »apparait et remplace le mot « kyu-jutsu ». Il faudra attendre 1868, et l'abolition de la classe des samouraï avec l'arrivée de la restauration Meiji. Pour qu'une certaine résistance s'organise afin de perpétuer cet art du tir à l'arc : en 1896, un groupe de maitres en kyudo se mobilise afin de sauver son enseignement. La pratique du kyudo s'exerce alors dans l'enceinte du dojo (tout comme les arts martiaux). Le shajo, la salle de tir, a un haut plafond et son sol est recouvert d'un plancher de bois verni. C'est là que se rassemblent les archers, accompagnés de leur maitre. Le matoba représente la salle des cibles et est située à 28 mètres de la salle de tir. Il existe deux sortes de cibles : les makiwara et les mato. Les premières, rudimentaires, sont faites de ballots de paille et servent à l'entrainement quotidien des archers. Les secondes sont utilisées pour les compétitions et consistent en un cercle de bois recouvert d'une cible en papier, et sont placées à 10 centimètres du sol.

Pour l'heure, les participants à la cérémonie sont installés et j'aperçois un premier archer, âgé, qui prend place face à la cible. Il est seul et se prépare en déboutonnant son vêtement une fois agenouillé (première photo ci-dessous). Puis, il se relève et dégage son épaule (deuxième photo) pour lui permettre plus d'aisance dans son mouvement de tir. Il se positionne ensuite en plaçant la flèche sur son arc puis vise la cible. Tous ces gestes se font sans précipitation, comme si l'archer cherchait à se préparer intérieurement. Dans l'assistance, il n'y a pas un bruit. Seuls le cliquetis des appareils-photos sont perceptibles. L'arrivée du cortège s'est, elle aussi, faite dans le silence. Aucune musique ne l'accompagnait. Juste avant que ce premier archer se positionne pour le tir, tous les tireurs, hommes et femmes, ont bandé leurs mains droites pour se préparer au tir (troisième photo ci-dessous).


 

Notre archer manque sa cible une première fois et le public laisse échapper un « OOhhh » de surprise. Sans se démonter, l'archer replace une seconde flèche sur son arc, se prépare et procède à un deuxième tir. Même résultat. Sans un mot, il se rhabille, puis regagne son siège. Les autres archers tireront en couple : des couples de deux archers masculins puis deux archers féminins. A chaque fois, les mêmes règles sont respectées, si ce n'est que chaque archer se salue au départ, et que le deuxième tireur regarde son voisin procéder aux tirs (première photo ci-dessous). Chaque archer procède à deux tirs. Une autre différence est perceptible entre archers masculins et féminins : Les archers féminins ne découvrent pas leur épaule comme les hommes. Est-ce par décence ? Je l'ignore. Les femmes se contentent de retirer leur vêtement pour dégager leur épaule gauche (deuxième photo). Contrairement aux hommes, elles portent un sous-vêtement sous ce costume protocolaire, lequel, à lui seul, vaut le déplacement. En retrait , on remarque aussi l'assistant de chaque archer, qui se tient à deux mètres environ du tireur (troisième photo).


 

Chaque archer dispose de deux tirs. A l'issue de la séance de tir, les flèches sont retirées de la cible pendant que les archers réajustent leurs vêtements et retournent à leurs sièges. L'assistant de chaque archer glisse les deux flèches dans le costume de l'archer déjà assis. La cérémonie durera une heure en tout. A la fin des tirs, les protagonistes du cortège s'en retourneront comme ils sont arrivés, sans oublier de saluer les prêtres du sanctuaire (ci-dessous). Le prêtre qui commente l'évènement (deuxième photo) prendra lui aussi congé de l'assistance, sous les applaudissements des visiteurs. Ainsi s'achève ce spectacle d'archerie japonaise, à la fois bon enfant et instructif. A découvrir !

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Cérémonie Mikechi-Shinji (tir à l'arc), au Sumiyoshi-taisha d'Osaka. Début janvier.

  • Site internet du sanctuaire : http://www.sumiyoshitaisha.net/

  • La manifestation se tient au Jinkan, à partir de 10h30 (durée : une heure). Ouverture des portes dès 10h00. Entrée gratuite.

     

 












 

 



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