Revoir le globe
Top


Hommage aux Victimes du 11 mars
(Tokyo, Japon)
Heure locale

 

Mardi 11 mars 2014

 

Je n'oublierai jamais ce 11 mars. Pas celui d'aujourd'hui, mais celui d'il y a trois ans. Ce jour-là, la Terre se mit à trembler avec une telle violence que les conséquences furent terribles pour les populations littorales. A 14h46 heure locale, un séisme de magnitude 9 sur l'échelle de Richter (c'est à dire classé comme dévastateur à des milliers de kilomètres à la ronde) survint au large des côtes nord-est de l'île de Honshu. Son épicentre est alors situé à 130 kilomètres à l'est de Sendaï, chef-lieu de la Préfecture de Miyagi, dans la région du Tohoku. Il engendra plus tard un tsunami dont les vagues atteignirent, dit-on, plus de ...trente mètres de haut par endroits. Ces vagues parcoururent jusqu'à 10 kilomètres à l'intérieur des terres , en ravageant près de 600 kilomètres de côtes, détruisant au passage en partie ou totalement plusieurs villes et des zones portuaires. Si on arrête le feu, on ne peut arrêter l'eau, et vous vous souvenez encore certainement du déferlement de l'océan le long de ces côtes alors si douces à vivre. Si le séisme a été important, il n'est à l’origine que de très peu de victimes, compte tenu de la qualité des constructions parasismiques nippones. La véritable catastrophe fut provoquée par le tsunami, responsable de plus de 90% des 18079 morts et disparus mais aussi des destructions et des blessés, ainsi que du terrible accident nucléaire de Fukushima. En soirée, compte tenu de la situation, le gouvernement japonais déclarait l'état d'urgence nucléaire pour le pays et exigeait le déplacement de 215 000 personnes de la zone de la centrale de Fukushima Daiichi, dans un rayon de trente kilomètres.

 

Si la secousse principale eut lieu ce 11 mars 2011, une série d'autres répliques d'importante intensité suivit le même jour et les jours suivants, terrorisant un peu plus les pauvres japonais. D'abord une secousse de magnitude 7,2 à environ 40 kilomètres de distance de la secousse principale, suivie, le même jour, par trois autres secousses de magnitude supérieure à 6. Cette séisme fut occasionné par le glissement brutal (estimé à 10 mètres de hauteur) d'une très grande faille inverse de 400 à 500 kilomètres de long sur 30 kilomètres d'épaisseur qui est située à environ 120 kilomètres des côtes nippones. Les énormes pressions et tensions qui se seraient accumulées depuis près d'un siècle expliquerait la violence de ce séisme. Celui-ci fut ressenti jusqu'à Pékin, dura environ deux à trois minutes (elles sont longues ces minutes-là en pareille circonstance!), faisant tanguer dangereusement les tours de Tokyo. Un pareil séisme survient tous les vingt ans en moyenne mais celui-ci fait partie des plus puissants jamais enregistrés. Un séisme similaire avait eu lieu en 1900, puis en 1952 (celui du Kamtchatka), en 1960 (celui de Valdivia), celui de l'Alaska en 1964 et celui de Sumatra en 2004.

De nombreuses répliques (56 au total) se produisirent en date du 13 avril 2011. La plus importante, de magnitude 7, eut lieu le 7 avril. L'épicentre était alors situé à Shizuoka, à 120 kilomètres au sud-ouest de Tokyo. Shizuoka est d'ailleurs particulièrement menacée en cas de tsunami sur la zone. Dieu merci, il n'y eut pas, pour cette fois, d'autres tsunamis. Les conséquence immédiates de cette vague de séismes puissants furent le déplacement de l'île principale du Japon de...2,4 mètres environ vers l'Est (celle-ci se déplace en temps normal de 83 mm par an en moyenne), modifiant ainsi un changement dans la répartition des masses de la Terre autour de son axe d'inertie principal. Du coup, la vitesse de rotation de celle-ci autour de son axe en fut légèrement accélérée. Le séisme réveilla aussi plusieurs volcans comme le Mont Shinmoe ou Sakurajima (Kyushu), provoquant par la même occasion des tourbillons gigantesques au large des côtes. En pareil cas, un tsunami était inévitable : celui qui déferla ce 11 mars avait des vagues d'une hauteur moyenne de quinze mètres, vagues atteignant par endroits (comme à Miyako)...39 mètres de haut ! Ce tsunami, d'une puissance équivalant à 8000 bombes de Hiroshima, atteindra les côtes du Pacifique en dix minutes, submergeant 54 des 174 villes côtières et collectivités locales de la côte est, et détruisant 101 lieux désignés initialement comme zones de refuge. Il y avait certes un système d'alerte, composé de tsunamètres, et de sismomètres, mais celui-ci ne sembla pas fonctionner à la perfection ce jour-là.

 

On déplora un nombre très élevé de victimes lors de cet événement mais il ne faut pas confondre ce séisme avec celui de Kobé, en 1995, qui fit 6434 morts. Cette fois, ce ne sont pas les effondrements de bâtiments qui provoquèrent 90% des victimes mais bel et bien le tsunami. La ville portuaire de Minamisanriku paya un lourd tribu avec 10 000 disparus (sur les 17 000 habitants que comptait cette ville). Les victimes décédèrent la plupart du temps de noyade consécutive au passage du tsunami. A noter également que 65% des victimes avaient soixante ans ou plus tandis que 12% étaient âgés de moins de trente ans. D'autres décès furent ensuite constatés à cause de la fatigue occasionnée, du stress psychologique, et de l'apparition de maladies comme des grippes ou des gastro-entérites dans les camps d'accueil de réfugiés. Au 11 mai 2011, et selon la police japonaise, on déplorait le décès de 14981 personnes et la disparition de 9850 autres personnes. Jusqu'à ce jour, aucun décès du à l'accident nucléaire de Fukushima n'a été directement constaté, mais 1656 personnes sont mortes suite à des complications dues au stress ou au déracinement.

 

Les impacts du séisme du 11 mars 2011 seront énormes dans la durée mais illimités en ce qui concerne la contamination nucléaire suite à l'accident de la centrale de Fukushima Daiishi : cet accident, qui impliqua les réacteurs 1, 2 et 3, ainsi que la piscine de désactivation du réacteur 4, aura en effet des conséquences désastreuses pour longtemps. Le séisme déclencha d'abord un arrêt automatique des réacteurs en service, la perte accidentelle de l'alimentation électrique et le déclenchement des groupes électrogènes. Des émissions de xénon laissent supposer que le tremblement de terre avait créé des dégâts à la centrale. Vint le tsunami, avec une première vague de quinze mètres, qui déferla sur la centrale, inondant les groupes électrogènes de secours et stoppant, de fait, le refroidissement du cœur des réacteurs. C'est que cette centrale est initialement conçue pour résister à des séismes d’amplitude 8 et à des tsunamis de moins de six mètres. On connait la suite : fusion partielle des cœurs de trois réacteurs et importants rejets radioactifs.

 

L'émoi fut immense dans la communauté internationale car l'industrie nucléaire reste, pour beaucoup, une industrie aux risques non maitrisés. Il faudra une...quarantaine d'années pour démanteler entièrement la centrale dévastée, mais il y a plus grave, avec la contamination de régions entières pour des siècles. On tentera malgré tout de refroidir les réacteurs en utilisant l'eau de mer, mais celle-ci sera rejetée dans l'océan, libérant une contamination radioactive marine sans précédent. A terre, on tente jusqu'à aujourd'hui de décontaminer les sols, l'eau et les écosystèmes, touchés par les retombées de radionucléides aéroportés. La France participa pour l'occasion à cette opération, en appliquant sa solution « actiflo-rad » de coprécipitation chimique, afin d'éviter le débordement dans l'océan des effluents accumulés sur le site de Fukushima Daiishi. Bien sûr, les autorités se veulent rassurantes car il ne faut pas provoquer la panique. D'ailleurs, à quoi celle-ci servirait-elle ? Une chose est certaine, c'est que le Japon, mais aussi le monde ne vivra jamais plus comme avant. Il nous faudra désormais survivre (et non plus « vivre ») avec cette contamination nucléaire, là-bas au Japon, mais aussi chez nous en Europe après la catastrophe de Tchernobyl. Ou aux Etats-Unis après l'accident de Three-Mile Island...en priant pour que rien de grave ne se produise plus jamais. Il est évident que les milliers de tonnes d'eau de mer radioactives rejetés dans le Pacifique ont depuis contaminé les autres océans et les créatures qui y vivent. Les produits de la mer que nous consommons sont-ils vraiment sains ? J'en doute. Mais chut ! Il ne faut pas effrayer le consommateur. On apprenait peu après l'explosion du toit du réacteur N°1 de la centrale que la région immédiate se trouvait contaminée par les particules radioactives transportées par les vents et retombant sur les sols. Un laboratoire autrichien faisait le 20 mars 2011 une simulation de l'évolution de ces retombées et indiquait qu'elles atteignaient Tokyo et Sendaï, en raison cette fois d'un changement des masses d'air qui soufflaient désormais du nord vers le sud. A qui fera t-on croire que la capitale n'a rien subi ? Au lendemain de cette catastrophe, je me suis posé cette question : dois-je continuer à me rendre ou pas au Japon ? Je me rappelais alors les bons moments passés jusqu'alors dans ce pays et auprès de ce peuple accueillant, et décidais de poursuivre mes voyages sur place. Je pense aussi que nous avons tous un devoir de solidarité les uns envers les autres. Et que les problèmes que connaissent ces gens-là aujourd'hui seront peut être les nôtres demain. J'avoue ne pas me stresser particulièrement sur place lorsque je dois m'alimenter ou prendre une douche. J'étais d'ailleurs peut être déjà contaminé à la suite de la catastrophe de Tchernobyl, vous savez, la contamination dont nos « responsables » politiques prétendirent qu'elle s'arrêta à la frontière belge !

 

Je suis de ceux qui pensent qu'il faut parler avec son cœur et non avec ses craintes. Pourquoi se stresser à l'avance sur des probabilités si « improbables »? Je regardais il y a quelques jours un reportage à la télévision concernant cette catastrophe de Fukushima, dans lequel des spécialistes conseillaient aux habitants de tout mesurer, leur propre taux de contamination, mais aussi de chacun des aliments ingérés. Est-ce encore cela « survivre » ? On parla beaucoup lors de cette catastrophe du césium 137 (et de sa durée de vie de trente ans) mais pas forcément des autres isotopes. Et puis (pour ceux qui veulent se faire peur!) il y a aussi les résidus de fission (131I, 134Cs 135Cs, 136Cs, 137Cs, 110mAg 109Ag, 132Te, 132I, 140Ba, 140La, 90Sr, 91Sr, 90Y, 91Y, 95Zr et 95Nb) et j'en passe. Il y a le strontium (qui peut se retrouver logé dans le système osseux ou le tissu conjonctif), le lanthane, ou le neptunium (qui possède 20 radio-isotopes dont le plus stable a une durée de vie de... 2,14 millions d'années). Non, croyez-moi, mieux vaut survivre sans se poser trop de questions. Et puis, on peut mourir de tellement de façons... Pour ma part, j'ai décidé de profiter de l'instant présent.


 

Pour l'heure, je me suis rendu ce mardi au parc Hibiya où un rassemblement était organisé afin de se souvenir du triste séisme de mars 2011. J'arrive sur place un peu avant midi et observe la mise en place de la manifestation qui rassemblera près de deux cents personnes deux heures plus tard. A mon arrivée quelques dizaines de promeneurs sont déjà là, s'dressant pour certains d'entre eux au point d'information de cette journée intitulée « Paix sur Terre » (en photo ci-dessus). La Nature nous a pour l'occasion gratifié d'une superbe journée : un soleil radieux brille sur fond de ciel azur. Il fait froid mais l'air sent déjà le printemps. D'ailleurs, les premières fleurs de cerisiers sont déjà apparues dans le parc (ci-dessous). Non loin de là, le drapeau national est en berne, sur le fronton des bâtiments. Je décide de déjeuner à proximité du parc, et choisis de m'arrêter au café « A la Tienne », un établissement au parfum français, mais bel et bien japonais à l'intérieur. De retour au parc, je découvre des artistes sur scène, qui célèbrent à leur façon la triste journée. Autour de moi, j'aperçois des Japonais, jeunes ou vieux, des fleurs à la main (ci-dessous).

 

Comme tout le monde, j'attends 14h46, heure de la survenance du terrible séisme il y a trois ans. Pour tuer le temps, je m'assois au bord de la grande fontaine qui se trouve là et engage la conversation avec une jeune fille japonaise qui promène son petit chien (en photo ci-dessous). Je lui parle de mes voyages et de mon site internet. Nous parlons également du séisme et du Japon en général. Et de la terrible fatalité de ce pays qui doit se battre régulièrement avec les éléments naturels. A l’heure dite, nos nous recueillons tous, en silence et l'on fait le « mokuto » (minute de silence en japonais).


 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Café A La Tienne, près du parc Hibiya, Tokyo. Tel : 03 3595 0565. Ouvert de 10h00 à 21h00. Accès Wifi gratuit. Paiement par CB accepté. Personnel très agréable et bonne qualité des mets. Site internet : http://www.shunju.com









Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile