Samedi 10 mai 2014
L'équipe du Lodge Maquenque nous propose de nous emmener ce matin sur le fleuve San Carlos. Aussitôt dit, aussitôt fait. Nous embarquons à 8h30 à bord d'un bateau à fond plat d'une vingtaine de places, en compagnie de Jason, le capitaine, de Pablo notre guide et de deux autres passagers costariciens. Le temps est au beau fixe et nous appareillons bientôt en direction de la frontière nicaraguayenne, située à 1h30 de bateau. Aucun moustique ne parcourt ce fleuve et nous n'aurons pas besoin de nous enduire de crème. Quel bonheur ! Tout au long de cette promenade, Pablo restera aux aguets. Jason aussi. Ce qui nous permettra d'admirer tantôt des oiseaux, tantôt des crocodiles. Les rives du fleuve sont pleines de vie. Et c'est un spectacle continu qui s'offre à nous, à condition de rester attentif et de saisir l'instant avec son appareil-photos. Me voyant en difficulté, Pablo me propose de prendre des photos à ma place. Je le laisse faire car je m'aperçois rapidement que, bien qu'il ne possède pas d'appareil, c'est un passionné de photographie, qui connait parfaitement son sujet, et qu'il est réellement doué pour çà. Aussi, c'est à Pablo et à lui seul que revient le mérite des photographies animales que vous allez voir dans ce sujet.

Nous nous trouvons actuellement dans la province d'Alajuela, la seconde province la plus importante du Costa Rica en termes de commerce, d'agriculture et de politique. Située au nord du pays, elle a une frontière avec le Nicaragua et sa capitale porte le même nom. Cette région fut la région natale du héros national costaricien, Juan Santamaria, le plus célèbre héros militaire du pays qui vainquit les armées esclavagistes nord-américaines de William Walker, pendant la campagne de 1856-57.
Le fleuve sur lequel nous naviguons aujourd'hui est une ressource essentielle pour cette région : on pratique ici beaucoup l'élevage ainsi que l’agriculture, et les agriculteurs ont besoin d'eau pour nourrir leurs champs. 65% des ressources alimentaires proviennent de cette partie du pays, ainsi que 70% des produits agricoles. Le Costa Rica compte actuellement 8000 hectares consacrés à la culture sans produits chimiques et plus de 3000 produits certifiés, dans le commerce national mais aussi dans le commerce international. La production agricole comprend la floriculture (qui englobe la production de fougères, exportée mondialement) avec les roses, les fleurs tropicales et les feuillages. Elle comprend aussi de nombreux fruits tropicaux dont la banane et l'ananas, les agrumes, le tabac, le sucre de canne, l’huile de palme, le riz, le cacao et le café. Les principales zones de plantations agricoles se situent en Talamanca, Zarcero et Carthage pour la plupart. On y produit des fruits, des racines, tropicales, des légumes et des produits d'origine animale (tout comme ici, à Boca Tapada, où l'on peut observer de nombreux troupeaux de vaches comme ci-dessous).A noter qu'un Costaricien sur sept travaille dans le secteur agricole, et que les exportations de produits agricoles représentaient récemment 8% du produit intérieur brut du pays.
Notre petit groupe poursuit son aventure sur le fleuve San Carlos : nous rencontrons de nombreux oiseaux dont le marin pêcheur vert (ci-dessous). Cette espèce d'oiseau vit principalement depuis le Texas jusqu'en Argentine. Sur la rive, nous apercevons également l'Aningha d'Amérique, oiseau aquatique qui vit dans les parties les plus chaudes du continent américain, dont le Costa Rica. Surnommé « l'oiseau diable » par les Tupi du Brésil, cet animal peut aussi recevoir le nom d'oiseau-serpent, probablement à cause de la longueur de son cou. Ressemblant à un cormoran avec ce cou de 85 cm en moyenne, son envergure de 117 cm et un poids de 1350 grammes, l'Anhinga d'Amérique se veut imposant. Il se nourrit de poisson et nage en ne laissant souvent que le cou et le tête hors de l'eau. Contrairement au canard, il ne peut pas imperméabiliser ses plumes et celles-ci sont vite saturées d'eau, rendant l'oiseau pratiquement incapable de nager. Par contre, cela lui facilite la tâche pour plonger et attraper ses proies sous l'eau, comme les poissons ou les amphibiens. Une fois le ventre plein, il séchera ses plumes sur la rive en se tenant perché pendant de longs moments avec ses ailes déployées, tout comme le ferait un cormoran.


Un échassier, l'aigrette tricolore (en photo ci-dessous), fréquente aussi le fleuve San Carlos. Tout comme ses autres congénères, il peut devenir une proie pour le crocodile qui lézarde pour l'instant sur les rives, plongeant de temps à autre, histoire de prendre le frais (deuxième photo). Vivant dans les régions chaudes, ils fréquentent les eaux douces et vivent immergés dans des cours d'eau stagnantes, passant leurs journées à guetter leurs proies. Très agiles dans l'eau, ils sont plus maladroits sur la terre ferme. Aussi ne vaut-il mieux pas laisser trainer sa main dans l'eau du fleuve lors d'une promenade en bateau.


Le but de notre croisière, outre la découverte de la faune et de la flore, est d'atteindre le dernier petit village costaricien dans cette zone avant le Nicaragua. Boca de San Carlos ne possède qu'un peu plus de 200 habitants et on n'y trouve aucune voiture. De toute façon, la rue principale (ci-dessous) ne serait pas assez large pour accueillir des véhicules et puis, on vit si bien sans...Nous sommes chaleureusement accueillis par les deux policiers qui sont affectés dans ce village pour occuper le poste de police local. 90% des habitants de Boca de San Carlos sont de nationalité nicaraguayenne et sont répartis sur les deux rives du fleuve (tout comme le village). Pablo nous explique que certains sont entrés clandestinement au Costa Rica mais sont tolérés car ils viennent souvent effectuer des travaux ingrats. Le coin est tranquille puisqu'on compte un policier pour...100 habitants (cela ferait rêver bien des Français!) et que la nature aide à vivre harmonieusement. Lors de notre visite, nous rencontrerons une vieille dame, une amie de Pablo, âgée de 75 ans et a déjà passé cinquante années de son existence à Boca de San Carlos. Elle a encore plein de projets dans la tête dont celui d'ouvrir un restaurant le long d'une route que l'état costaricien projette de construire dans cet îlot perdu du bout du monde (sa maison longerait cette nouvelle route). Quelle énergie!


Je rencontre un petit garçon qui monte une bicyclette manifestement trop grande pour lui (ci-dessous) car aujourd'hui, c'est samedi et il n'y a pas école dans le village. L'endroit est bien équipé : une maternelle accueille seize petits, l'école primaire, 76 enfants, et le collège, 35 élèves. Des cours de différents niveaux sont organisés, par demi-journées, permettant même aux plus faibles d'acquérir les connaissances nécessaires à la vie. Une grosse parabole permet aussi d'être relié au monde par internet. J'ai d'ailleurs distribué sur place quelques cartes de mon site internet. 55% des habitants du village sont ainsi étudiants et c'est toute une expédition lorsqu'ils doivent se rendre en ville pour passer des examens. Le maire (ici, on parle plutôt de chef) est le patron du seul café existant dans le village. Le sourire éternel aux lèvres, il nous accueille sans un mot ainsi que d'autres convives du cru. Les enfants sont sagement installés dans deux fauteuils à bascule, et regardent un programme pour enfants à la télévision. Le jardin de ce café donne sur le fleuve San Carlos. La rive d'en face est déjà le Nicaragua. Nous n'y rentrerons pas cette fois car le temps presse et nous devons bientôt repartir. Entre deux grains, je profite de la gentillesse d'un des policiers qui m'offre une pipa fria (il s'agit d'une noix de coco que le policier est allé me décrocher d'un arbre et dont je bois maintenant le contenu). Un policier me dit que les plantes de la montagne sont pour la plupart curatives. Il n'empêche que Boca de San Carlos possède sa propre clinique (ci-dessous). Les habitants doivent tout de même s'acquitter de 24 dollars par mois pour pouvoir bénéficier d'une assurance maladie, alors que la majorité de la population ne travaille pas ou ne dispose que de revenus sociaux. Et lorsqu'on meurt ici, on va désormais se faire enterrer à Pital, la ville la plus proche. C'est un autre monde.

INFOS PRATIQUES :
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Croisière sur le fleuve San Carlos, au départ du Lodge Maquenque à Boca Tapada. Tel :(506) 2479 8200. 43 € par personne (bouteilles d'eau fournies durant la croisière).Départ à 8h30, retour à 13h30 au lodge. Durée totale : 3h00.