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L'observation des Tortues
(Tamarindo, Province du Guanacaste,Costa Rica)
Heure locale


Vendredi 16 mai 2014

La journée d'aujourd'hui me conduit de désillusions et désillusions. Après la piètre visite des grottes du parc national Borra Honda, je me rends ce soir avec un groupe d'autres personnes dans le but d'observer la tortue verte du Pacifique, une tortue de moyenne taille qui vient pondre sur les plages aux alentours de Tamarindo. J'ai, pour ce faire, contacter une agence spécialisée. Il m'en coûtera 30 US$ pour participer à l'opération mais on vient me prendre au B&B où nous séjournons. Un court briefing nous est fait par l'un des trois guides qui se chargeront des repérages nécessaires pour trouver le fameux animal. Nous n'avons aucune garantie d'apercevoir une ou plusieurs tortues ce soir. Là encore, c'est la nature qui commande. Jairo, le responsable de l'agence, m'avait précisé que la prise de photos était possible, mais, sans flash. On nous dépose d'abord sur la plage Real. Nous marchons dans l'obscurité puis nous attendons les consignes du guide qui nous accompagne.Les trois guides communiquent par talkie-walkie afin de s'informer mutuellement de leurs découvertes respectives. Bientôt, on nous demande de nous rendre un peu plus loin le long de la plage car il semble qu'une tortue ait été repérée dans le secteur. Tout le monde a apporté son appareil-photos, car, quoi de plus naturel que de tenter de rapporter un souvenir de ce qui devait être un moment inoubliable. Nous marchons toujours dans l'obscurité totale puis traversons en groupe une portion de forêt pour nous rendre sur une autre plage.


 

Gerardo, un des guides, a repéré une tortue venue pondre dans le sable en haut de la plage. Des traces de son passage sont encore visibles sur le sable et nous les suivons pour nous diriger vers elle. La pauvre bête, déjà épuisée, tente de creuser le trou dans lequel elle pondra ses œufs, mais, en vain : des racines d'arbres voisins contrarient son projet et elle décide de trouver un endroit plus accueillant. Nous la suivons vers un autre lieu où elle parvient à creuser un trou suffisamment grand. Notre guide utilise une lampe à lumière rouge, supposée de pas déranger l'animal. Je tenterai de prendre quelques photos, mais sans résultat. Il semblerait que, devant les contraintes imposées, les autres membres de notre sortie nocturne n'aient pas non plus réussi à prendre un cliché. Je m'en émeus auprès du guide mais celui-ci me répond que nous étions prévenus. Têtu, je persiste et maintiens qu'il n'y a aucun intérêt à protéger les tortues si on n'est pas capable de partager son expérience avec ses proches, ses amis, ou tout simplement avec d'autres internautes (ce qui est mon objectif). Je rencontre sur place deux jeunes biologistes qui travaillent sur l'étude des tortues et leur fait part de mes regrets. Je leur dis que je comprends la gêne que la lumière trop forte peut occasionner à l'animal mais regrette qu'on lèse les clients que nous sommes en interdisant une prise de photos convenable. Ils sont surpris de la somme demandée par l'agence. C'est là que je comprends que, comme les autres, je me suis fais flouer. La seule photo que je parviendrai à prendre est celle de la ponte des œufs (ci-dessous) car le guide éclairera l'arrière train de l'animal avec une lumière suffisante. Piètre résultat pour une sortie qui durera au total trois heures et durant laquelle on ne verra....qu'une seule tortue.


 

Cette tortue verte, appelée aussi tortue franche, parlons-en. Il s'agit d'une tortue marine qui fréquente les eaux tropicales de tous les océans, mais est plus ou moins visible selon les régions. Elle affectionne les eaux peu profondes et riches en zostères (plantes aquatiques) sans pour autant ne se nourrir que de cela. Les adultes parcourent de très longues distances entre les herbiers et les zones de nidification. Contrairement aux autres tortues marines, on a déjà observé que la tortue verte prenait parfois des bains de soleil sur les plages, tout comme d'autres reptiles.

Cette tortue marine-là est la plus grande dans sa catégorie, et possède une carapace de 110 cm en moyenne pour un poids pouvant aller de 80 à 130 kg. Celle-ci est de forme aplatie et ovale, pour une meilleure hydrodynamique (sa largeur correspond à près de 90% de sa longueur). Sa tête est petite en proportion de sa carapace (pour information, nous ne verrons qu'une fois, sur une heure d'observation de notre tortue, la tête de celle-ci, le guide s'évertuant à uniquement éclairer le derrière de l'animal (à ce stade, c'est du voyeurisme !). La tortue avait pourtant bien sortie sa tête. Je ne pourrai donc pas vous la décrire plus que çà et je le regrette car, il y a une vingtaine d'années, je me souviens m'être rendu avec un équipage dans une petite ville de la Guyane française pour observer la ponte des tortues et nous avions pu prendre toutes les photos possibles, y compris l'expression de souffrance de l'animal qui semblait peiner à pondre ses œufs (en général entre 60 et 80) avant de les recouvrir dans un ultime effort, puis de retourner vers la mer.


 

Lorsque la tortue verte a atteint sa majorité sexuelle, la femelle vient pondre tous les trois à six ans sur la plage où elle est née, puis retourne dans l'océan. Elle s'accouple près des plages et les femelles viennent y pondre jusqu'à six fois (sur un mois et demi). La plage ne devra pas être trop large ni trop étroite, ne pas être bordée de végétation, et offrir la sécurité nécessaire. Une fois arrivée en haut de celle-ci, la tortue commence à creuser sa cavité corporelle, c'est à dire un trou d'une fois et demie son épaisseur, première phase qui durera vingt minutes. Puis, pendant encore une vingtaine de minutes, elle creuse avec ses pattes arrières le puits de ponte, un trou peu large mais profond d'environ 70 cm. Cette opération terminée, elle se met alors à pondre une centaine d'oeufs mous, de la taille d'une balle de golf (soit entre 5 et 6 kg d'oeufs au total). Elle rebouche ensuite le trou après avoir pondu pendant vingt minutes environ, puis avance sur trois mètres dans toutes les directions possibles afin de laisser des traces qui brouilleront les pistes, pour ne pas permettre à des prédateurs éventuels de retrouver l'endroit où elle a pondu. Les trous restants sur la plage ne sont en fait qu'un leurre. Une fois sa tâche réalisée, notre tortue retourne à l'océan, environ 1h30 après la ponte. Une tortue verte peut nager 1000 km entre sa zone de ponte et celle où elle se nourrit. En ce qui concerne les œufs, la durée d'incubation est de 45 à 70 jours suivant la température.


 

Sur tous les œufs pondus, une très infime partie des bébés éclos survivront. Les prédateurs sont nombreux et agissent surtout lors de l'éclosion des œufs. Il y a d'abord les crabes, puis les oiseaux et les mammifères qui s'aventurent sur les plages. Les insectes, eux aussi, peuvent agir en prédateurs. Une fois arrivées à l'eau, leur sort n'est pas pour autant garanti car les jeunes tortues vertes deviennent très souvent les proies des poulpes, calmars et gros poissons. Les oiseaux marins ne font souvent qu'une bouchée des petites tortues qui se dirigent instinctivement vers l'océan dès leur sortie du nid. Plus tard, les requins et les crocodiles marins (notamment au large de l'Australie) deviendront aussi des prédateurs. Sans parler de l'homme, le plus grand d'entre eux, qui pêche la tortue verte pour sa chair, mange ses œufs réputés aphrodisiaques, ou la chasse pour sa carapace avec laquelle on fabrique parfois des objets en écaille de tortue. Autre menace : la pollution. Mais aussi des maladies comme la fibropapillomatose (maladie de peau des tortues marines, occasionnée par un virus).

Mais au fait, pourquoi l'appelle t-on tortue verte ? Il semblerait que l'animal doive son nom à la couleur de sa graisse, légèrement verdâtre, du fait des algues qu'elle consomme.

Désormais, la tortue verte est enfin protégée et plusieurs pays ont adopté des mesures allant de la protection partielle à la protection totale des œufs et des femelles adultes. Notre guide nous confie que consommer des œufs de tortue au Costa Rica peut coûter très cher au contrevenant.

Quant à moi, je reste sur ma faim. Oh, pas sur celle des œufs de tortues (il ne me viendrait jamais à l'idée de manger ce genre de bestiole) mais sur cette envie de photos que j'espérais vous montrer sur le site. Heureusement que l'un des biologistes rencontrés sur la plage m'adressera le lendemain quelques photos pour étayer cet article. A vrai dire, la ponte des tortues s'avère une bonne affaire pour les guides locaux. Chaque soir, ceux-ci organisent une balade pour un groupe d'environ 6 personnes, s'organisent à trois pour se rendre sur les lieux de repérage, et de toute façon, ne garantissent jamais de rencontrer l'animal puisque dans la nature, rien n'est jamais sûr. L'argent des clients, lui, est encaissé. Un système pour l'instant toujours rémunérateur mais qui pourrait bien s'appauvrir avec le temps, face à l'accumulation des clients déçus.

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Merci à Karol Cano Camacho, biologiste de la Fondation Kuemar pour les photos de tortues

 

 










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