Dimanche 18 mai 2014
France remarqua hier une finca (ferme) sur notre route, peu avant notre arrivée à Santa Helena. Cette ferme, spécialisée dans le café offre aux touristes de découvrir la culture du café à travers une visite d'une heure trente. Nous saisissons l'occasion de nous y rendre cet après-midi, bien que nous n'ayons pas réservé à l'avance. Nous arrivons sur place à 13h20 et l'on nous annonce qu'une visite vient de commencer il y a vingt minutes. L'agent d'accueil nous permet très gentiment de rejoindre Enervey (la guide) et un jeune couple d'Américains déjà sur place.
Que dire sur le café, sinon qu'il est originaire d'Ethiopie et qu'il fut transporté par les Arabes jusqu'au Yémen. Ceux-ci découvrirent qu'en brûlant, les fruits prenaient des arômes délicieux. C'est ainsi que le café deviendra le « vin des Musulmans ». Ce n'est que plus tard que la plante arrive en Amérique, grâce aux explorateurs européens. Et de découvrir que les plants de café poussent particulièrement bien dans le Nouveau Monde. L'Amérique (surtout le Brésil et la Colombie) est de nos jours le continent qui produit le plus de café. Le sol volcanique, le climat mais aussi les montagnes contribuent largement à cette production. Ce n'est pas par hasard qu'il est devenu le deuxième breuvage le plus consommé dans le monde après l'eau. On consomme le café à grande échelle depuis les années 1950. Et son succès grandissant s'explique par son goût et ses particularités.

Le chemin est long du fruit à la tasse. Notre guide nous montre d'abord l'endroit où poussent les semis, qui donneront plus tard les futurs plants de café. En effet, ce dernier pousse dans un arbuste (photo ci-dessus) et le grain provient d'une baie, rouge à maturité. Chaque baie possède deux grains, qui sont cachés sous quatre couches de fruit. Il sera nécessaire de peler puis de sécher ce fruit afin d'en libérer le grain de café vert qui constitue 20% du fruit. Une fois séché et vieilli, le grain vert pourra être torréfié. Le plant de café peut vivre 150 ans dans la nature, mais produira de moins en moins. Sur une plantation, les plants sont coupés tous les 5 à 6 ans et entièrement renouvelés au bout de 20 ou 30 ans.
Enervey nous explique en anglais les différentes étapes de l'épluchage des couches de la baie, mais aussi les époques successives de production du café : la floraison a lieu d'avril à juillet, puis la récolte, de novembre à février. Cette récolte est cueillie par des ouvriers venus du Nicaragua ou du Panama, qui coutent moins chers. Autrefois, les familles costariciennes elles-mêmes effectuaient cette tâche. Chaque cueilleur est rémunéré 1 à 4 dollars par « cajuela » (c'est à dire 15 kilos). Les meilleurs cafés récoltés ici, à Monteverde, sont souvent exportés non grillés à l'étranger. La ferme de Don Juan, où nous nous trouvons, se réserve la commercialisation d'une partie de sa récolte pour la vendre sur place ou sur son site en ligne. Ce sont chaque année 10 à 15000 kilos de grains qui sont ainsi collectés, puis séchés (comme sur la photo ci-dessous) et torréfiés sur place. A savoir que 2 hectares de plants fournissent 5000 kilos de café. Les fruits ne mûrissant pas tous en même temps il faut repasser plusieurs fois pour récolter les plants de café. Une fois la récolte achevée, on vide les arbustes de tous les fruits non récoltés pour qu'ils puissent concentrer leur énergie à la production de fleurs. Ces fleurs blanches, produites en grandes quantités à la fin du mois de mai sentent le jasmin.
La plupart des petits producteurs de café costariciens vendent les fruits complets à des coopératives locales. Le café Don Juan est entièrement produit ici et la machine à dépulper (ci-dessous) est la première étape de transformation. Elle va peler le fruit de la pulpe (la peau rouge). On lavera ensuite la couche de sucre collant du fruit pour éviter la fermentation. Une fois cette étape terminée, le grain est prêt pour le séchage.

Le café est un boisson noble et son prix peut considérablement varié en fonction de son cru : connaissez-vous le café le plus cher au monde ? Il s'agit du Kopi Luwak, café ultra luxueux qui est vendu à un prix exorbitant. Celui-ci doit sa qualité et son goût particulier au civet, un petit animal sauvage qui adore manger les fruits du café. Il ne choisit que les meilleurs fruits, les plus rouges et les plus sucrés. Ne digérant pas les grains, ceux-ci sont rejetés par l'animal, extraits de ses excréments puis vendus à prix d'or. Tout comme le vin, le café offre des crus différents. La zone de production, le type de plant, les méthodes de transformation, sont autant d 'éléments cruciaux tant pour le vin que pour le café. Les petits producteurs, eux, misent plutôt sur la qualité, cueillant les fruits un à un, à la main, en ne choisissant que les plus mûrs. Ces fruits-là conféreront au café un goût agréable et sucré. Après le pelage et le mucilage, on va sécher le grain pour réduire son taux d'humidité à 12%. Le grain va ainsi rapetisser au fur et à mesure du séchage naturel (celui pratiqué par Don Juan).Les grains seront séchés au soleil pendant environ une semaine, puis ils seront vieillis avant d'être torréfiés. Enervey nous explique qu'une fois séchés au soleil, les grains sont entreposés dans de grands sacs de jute (ci-dessous) pour être vieillis durant deux années. Le séchage industriel s'effectue quant à lui en 36 heures à haute température mais n'offre pas du tout le même café, car il empêche le grain d'absorber doucement les saveurs. L'altitude et le type de sol sont aussi primordiaux : le café 100% Arabica, zoné, vieilli, équitable, biologique, cultivé en altitude et en sol volcanique rassemblerait tous les éléments d'un grand cru. On dit même que le cultiver à la pleine lune lui conférerait un goût encore meilleur ! Le café Arabica se réfère au type de plant, un peu comme un cépage. Moins riche en caféine et provenant d'un plant plus difficile à cultiver, c'est le seul type de café autorisé au Costa Rica. Le Robusta pousse quant à lui plus facilement et produit une quantité plus importante de plus gros fruits, mais il est moins goûteux que le café précédent, bien que plus riche en caféine. Le Robusta est moins coûteux mais produit un café de goût moins élaboré, et sera utilisé pour en extraire la caféine et la vendre pour faire des boissons énergisantes. On le mélangera aussi parfois à de l'Arabica pour réduire les coûts. D'où l’appellation 100% Arabica, gage de qualité !

Enervey nous conduit maintenant dans l'atelier de torréfaction (ci-dessous en photo). Le café non torréfié n'a pas encore de goût ou d'odeur. Toute la saveur et les nutriments sont enfermés à l'intérieur. Pour libérer les arômes, on doit le chauffer à haute température (à 250°) pour que le grain craque et s'ouvre pour libérer ses bienfaits. On attend environ 20 minutes avant d'entendre le premier « crack ». Passée cette étape, chaque minute compte. En deux minutes, on a une torréfaction claire, puis deux minutes plus tard, une torréfaction foncée. Il est aussi très important de remuer les grains durant le processus de torréfaction afin d'obtenir un résultat uniforme. Plus on cuit le grain et plus il perd ses nutriments (dont la caféine).C'est l'occasion de parler des différents grains de café comme le grain vert : on apprend ainsi que ce grain est utilisé comme exfoliant, ou pour des massages. La capsule d'extrait de café vert, nouvelle sur le marché, est vendue comme produit miracle car le grain vert contient tous les nutriments de façon très concentrée. Les antioxydants contenus dans ce grain contiennent de l'acide chlorogénique qui modifie temporairement le métabolisme et permet à l'organisme d'accumuler moins de graisse. On dit cependant que le café peut être dangereux pour la santé. Tout dépend à quelle dose on le consomme. Des études récentes montrent qu'une consommation régulière de ce breuvage est bénéfique pour le corps comme pour le cerveau. On y retrouve des antioxydants excellents contre les cancers notamment de la prostate, du foie et du sein. D'autres maladies comme Alzheimer, Parkinson, le diabète de type 2, l'asthme, l'hépatite C et la sclérose en plaques peuvent être évitées (ou leurs effets retardés) grâce à la caféine. Le café réduit aussi le stress dû au manque de sommeil et agit sur l'humeur de la personne, prévenant ainsi la dépression. Il est donc profitable de boire du café mais quid des nouveaux cafés dont on nous parle depuis peu ? Je veux bien sûr parler du café équitable et du café bio : la certification équitable passe par un intermédiaire, Fair Trade International. Celui-ci a des standards de qualité qui, une fois respectés, permettent aux producteurs de rejoindre le cercle des producteurs vertueux. Fair Trade International jouera ainsi le rôle d'intermédiaire entre le producteur et le consommateur, en garantissant un certain nombre de standards de qualité. Et permettra entre autre aux producteurs de vendre leur café à des prix plus élevés, leur permettant à leur tour d'augmenter les salaires de leurs employés. Attention, équitable ne veut pas nécessairement dire vert. Certains standards visent une agriculture plus saine mais un café certifié équitable n'est pas synonyme d'organique.

Lors de notre visite, nous découvrons que 80% de la masse du fruit est perdue lors du processus de transformation. Quand on sait que 40 fruits sont nécessaire pour produire une tasse de café, on peut facilement imaginer l'importance des déchets. Le café biologique est non seulement cultivé sans produits chimiques mais la réutilisation des déchets produits tient une place importante. On en fait du compost pour alimenter la terre. A la ferme Don Juan, on utilise également des vers importés de Californie pour ce compost. La caféine, qui sert d'insecticide naturel, fait que le plant est peu menacé par les insectes. Le café Don Juan est quant à lui produit sur la terre familiale, selon des standards de qualité élevés. Petit producteur, tout le café est cultivé sur des terres montagneuses au sol volcanique de la région de Monteverde, à 1300 mètres d'altitude. La ferme vend directement son café au consommateur à travers sa boutique de souvenirs et sur son site internet, sans intermédiaire. Pour cette raison, Don Juan a choisi de ne pas s'inscrire aux certifications équitable ou organique. Vendu en grains ou moulu, en torréfaction légère, moyenne ou corsée, ce café est cueilli à la main chaque année, puis séché au soleil pendant une semaine avant d'être entreposé pour vieillir.
Notre visite se termine par une dégustation à volonté de deux cafés différents dans la ferme de Don Juan. Une bonne occasion de boire la tasse !

INFOS PRATIQUES :
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Coffee Tour Don juan, à Santa Helena (deux kilomètres avant d'entrer en ville, sur la droite). Tel:(506)2645 7100. Ouvert tous les jours. Visites à 8h00, 10h00, 13h00 et 15h00. Visite de nuit à 18h00. Entrée : 30 US$. La visite comporte le Coffee Tour + Chocolate Tour + démonstration de la canne à sucre. Plusieurs dégustations incluses au cours de la visite. Site internet : https://www.donjuancoffeetour.com/