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Le Mystère des Pierres Sphériques
(Palmar Sur, Province de Puntarenas, Costa Rica)
Heure locale

Lundi 26 mai 2014

Ces grosses pierres sphériques m'intriguent. Je les ai rencontré pour la première fois à Boruca, petit village indigène. Aujourd'hui, je visite la Finca 6, un site archéologique situé à quelques encablures du village de Sierpe de Osa. Un musée a vu le jour en décembre 2013, qui aborde l'origine des sociétés indigènes vivant dans la région mais aussi les fouilles archéologiques qui ont permis de mettre à jour ces étranges blocs de pierre. Ces pierres sphériques sont l'un des exemples les plus incroyables de l'art et de la technologie laissés par l'Amérique précolombienne. Cela fait des décennies que des chercheurs se penchent sur cette énigme, et parviennent enfin, à répondre à certaines questions :

 

Pourquoi ces pierres constituent-elles des représentations artistiques et technologiques ? En tant qu'objets sculpturaux, celles-ci collent parfaitement à la richesse et à l'image qu'on peut se faire de l'art précolombien. La sphère, en tant que forme abstraite prit la forme d'une pierre, des centaines de fois et en divers endroits. C'est la preuve que les ancêtres savaient à la fois tailler et polir ce matériau pour offrir des pierres sculptées presque parfaites. Et qu'ils étaient capables de s'organiser afin de réaliser ce travail difficile et précis qu'exige la sculpture, puis de les transporter jusqu'à des endroits parfois éloignés de leur lieu d'origine. Ce qui est une performance en soi car ces pierres pouvant alors peser jusqu'à 15 tonnes, étaient transportées par des hommes qui ne connaissaient ni la roue, ni les bêtes de somme.

 

Où ces pierres sphériques se trouvent-elles ?

On les rencontre sur la côte sud du Pacifique au Costa Rica, mais pas seulement dans ce pays. D'autres endroits dans le monde permettent de les observer. Par contre, la côte Pacifique du Costa Rica est le seul lieu où l'on peut en observer autant et en autant d'endroits différents et de tailles aussi diverses. Dans la région où je me trouve, et qui englobe le secteur archéologique du Gran Chririqui, on en rencontre surtout dans la bassin du Rio Terraba et dans quelques autres lieux comme à Golfito, à Uvita et sur l'île de Cano.

 

Comment, et dans quel contexte social furent-elles taillées ?

On estime que les pierres les plus anciennes furent réalisées vers 400 après J.C (il y a 1500 ans), durant l'époque surnommée « Aguas Buenas », époque durant laquelle eurent lieu des échanges économiques, sociaux et culturels importants. On en trouve en divers endroits du Pacifique sud. Mais l'on ignore quel fut l'endroit où fut installée la première pierre. On sait seulement que les première pierres étaient de grande taille et que, dans le cas du site archéologique de Bolas, elles apparaissaient monumentales (jusqu'à 1,56 mètre de diamètre). Il y a 1200 à 1300 ans, au début de l'ère Chiriqui, les échanges se développèrent, tout comme, d'ailleurs, la population. Les régions augmentèrent aussi de taille et l'usage des monticules artificielles devinrent monnaie courante en tant que structures de base dans les villages (photo ci-dessous). L'agriculture se développa, tout comme l'exploitation de l'or et du cuivre, et de nouvelles sculptures et céramiques prirent forme avec de nouvelles iconographies. C'est à partir de ce moment-là que le nombre des pierres sphériques va augmenter à la fois en nombre et en taille. Et le delta de Diquis de devenir le principal endroit pour la concentration des fameuses pierres. Elaborées sur une période de presque mille ans, celles-ci se veulent la représentation des contextes sociaux variés qui émaillèrent l’histoire des peuples durant tout ce temps, mais surtout des sociétés hiérarchisées et de leurs chefs.


 

Qui les taillèrent ?

On ne peut attribuer la taille des pierres à un seul peuple, tout comme il est difficile de leur attribuer une fonction et une signification uniques. Le Pacifique sud n'abrite que cinq ethnies indigènes et les preuves sont insuffisantes pour prétendre que ces ethnies sont à l'origine de la taille des pierres sphériques. On pense plutôt qu'on les doit aux ancêtres des Indigènes Borucas. Des ethnies plus anciennes (comme les Changuenas ou les Dorasques) qui auraient disparu après l'arrivée des Espagnols au Costa Rica, mais qui vécurent autrefois sur les mêmes territoires que les Borucas actuels.

 

Quelles sont leurs tailles et dans quelles pierres furent -elles taillées ?

On estime à plus de 300 leur nombre sur la côte Pacifique sud et leur diamètre oscillent ente 10 cm et 2,54 mètres. La taille moyenne est cependant estimée entre 60 et 120 cm. Le plus souvent elle est de 90 centimètres pour un poids de 900 kg. Les sculptures furent élaborées avec la pierre locale en utilisant souvent des pierres gabroides et à grain vert. Un petit groupe de pierres sphériques furent taillées dans de la pierre calcaire. Ces pierres-là ont la particularité d'avoir toutes été réalisées dans le delta de Diquis. D'autres pierres furent taillées dans du grès (on en découvrit onze dans la région de Pilas-Pejibaye). Un cinquième groupe rassemble six sphères qui furent faites en pierre andésite (Vallée du Rio Coto Brus).

 

Comment furent-elles réalisées ?

On a, jusqu'à présent, jamais retrouvé d'atelier de taille des pierres. L'étude de l'empreinte des sphères a cependant permis d'imaginer les outils dont se servirent les sculpteurs ainsi que leur façon de travailler. Les peuples maitrisaient déjà l'art de tailler puis de polir les sculptures avec d'autres pierres encore plus dures (ces conclusions sont basées sur la connaissance de la Nature et sur la technique qui permit aux hommes de transformer les pierres en outils ou en œuvres artistiques). On utilisa probablement des masses, des petits marteaux, des ciseaux et des poinçons. La pierre de grès fut sans doute utilisée pour polir la surface des sphères et leur donner un joli aspect. Le travail, mais aussi le nombre de sculpteurs dépendaient de la taille de chaque pierre, qu'il s'agisse du choix et de l'extraction du bloc de pierre, de son transport sur son lieu de taille, de la taille elle même et de son transfert sur son lieu final. Il fallait aussi prévoir des personnes responsables de son entretien. La sculpture de ces pierres étaient l'oeuvre d'artisans spécialisés qui élaborèrent des pièces de toutes tailles.

 

Quel était leur usage ?

Ces pierres sphériques étaient placées devant les habitations ou dans des endroits publiques. On les positionnait au sommet de monticules ou à l'extrémité des rampes d'accès de ces monticules. Sur des lieux de passage ou sur des places ou lieux populaires. Il y a aussi un lien étroit entre la taille de ces pierres et leur usage. Les sphères de taille moyenne étaient utilisées indifféremment tandis que celles de grande taille et les sphères monumentales étaient rassemblées en groupes, placées dans des espaces ouverts et devant de grandes juridictions. Elles étaient sans cesse entretenues, polies, au point même que certaines brillaient. D'autres comportaient des dessins. Elles étaient souvent associées à des monticules artificiels composés de murs pouvant mesurer jusqu'à trois mètres de haut. Ces monticules étaient circulaires, ovales ou rectangulaires. Leurs tailles variaient de 10 à 30 mètres (voire plus) de diamètre. On trouva également des pièces à vivre, des chemins empierrés et des lieux funéraires non loin de ces sphères. Peu de ces pierres sphériques furent cependant associées à des lieux funéraires, ce qui laisse penser qu'elles furent conçues, puis rassemblées dans les lieux publics à caractère cérémonial. La production de ces sphères ne fut pas un acte isolé tout au long de ces mille ans, car les pierres étaient conçues pour être exposées avec d'autres sculptures. Les grandes juridictions possédaient ainsi jusqu'à trente sphères, tandis que les juridictions plus modestes, elles, n'en possédaient que quelques unes. Ces pierres furent taillées pour être utilisées et non pour être vendues.

 

Que représentaient-elles ?

Elles étaient destinées à représenter le symbole local. Elles reflétaient la sphéricité, mais on ne peut à ce jour déterminer de façon précise ce qu'elles symbolisaient. Les peuples d'alors utilisaient habituellement des représentations animales, végétales alors que ces sphères n'avaient aucun lien avec le monde naturel. On pense plutôt à une signification cosmique ou astrologique : ces pierres auraient représenté la communauté et l'appartenance, tout en apportant à ceux qui les possédaient prestige et reconnaissance. Peut être signifièrent-elles également des différences entre les ethnies et les villages où elles se trouvaient. Ces sphères impliquaient une connaissance et une valeur symbolique dont la signification échappe à ce jour aux archéologues. Mais les recherches se poursuivent et on a bon espoir de découvrir un jour tous les secrets de ces drôles de pierres. Pour l'heure, ces pierres font partie du patrimoine costaricien et sont protégées en tant que tel. Scientifiques, communautés locales, l'Etat, mais aussi les entreprises et tous les acteurs locaux sont partie prenante dans cette tâche.

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Finca 6, zone de recherches archéologiques, à Palmar Sur. Tel : (506)2100 6000. Musée ouvert du mardi au dimanche, de 8h00 à 16h00. Droit d'entrée : 6 US$. Pour vous y rendre depuis Sierpe De Osa, franchir un petit pont étroit puis tourner immédiatement sur votre droite pour emprunter un chemin de quelques centaines de mètres.

 










 



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