Samedi 6 septembre 2014
De nouveau à Tokyo, dans ma ville favorite, je pars aujourd'hui à la découverte du jardin de Hama-rikyu, située le long de la rivière Sumida, face à la baie de Tokyo. Je descends à la station Shiodome et dois franchir un carrefour assez compliqué (avec pas moins de cinq passages pour piétons) avant d'atteindre l'entrée Otome du jardin. Ce jardin, désormais classé bien culturel important du Japon depuis 1952, est un lieu historique. L'endroit fut autrefois utilisé comme fauconnerie du temps des shoguns et jusqu'au milieu du XVII è siècle. Jardin familial, il servit d'annexe au château d'Edo, avec son étang d'eau de mer et deux terrains réservés à la chasse aux canards (kamoba) de l'époque Edo. En 1654, Tsunashige Matsudaira, petit frère du quatrième shogun Ietsuna et premier ministre de Kofu (l'actuelle préfecture de Yamanashi) assécha l'endroit, étendit artificiellement la bande de terre sur la mer par remblaiement et bâtit une seconde résidence appelée Umite Yashiki (maison de la plage de Kofu). Plus tard, Ienobu Tokugawa (le plus jeune fils de Tsunashige) deviendra le sixième shogun, car il sera le seul descendant de la lignée directe restante de Ieyasu Tokugawa. Ienobu entamera immédiatement des réformes, transformant notamment le bakufu d'une institution militaire en une institution civile, abolissant les lois et décrets controversés de Tsunayoshi. La censure sera également abandonnée. Dans le même temps, Ienobu confisquera la résidence Umite Yashiki et la rebaptisera Hama-goten (le Palais de la plage). Devenue propriété du shogunat, cette résidence sera alors utilisée comme lieu de loisirs pour la famille du shogun. L'aménagement du jardin, tel qu'on le connait aujourd'hui, est le fruit de différents travaux de modification effectués par les divers shogunats, et s'achèvera sous l'ère du onzième shogun, Ienari.
Durant la restauration Meiji, le jardin Hama-rikyu passera sous la tutelle du pouvoir impérial (juridiction de Kunaicho) devenant ainsi palais secondaire de la famille impériale et servant pour les parties royales. L'endroit prendra alors le nom de Hama-rikyu, son nom actuel. Cependant, ni le grand séisme de Kanto, ni la seconde guerre mondiale n'épargneront ce jardin qui sera gravement endommagé et subira d'importants travaux de restauration. Le Enryo-kan (dont on peut voir les restes en photo ci-dessous) avait déjà été érigé en 1869. Il constituera le premier bâtiment de pierre à l'occidentale du Japon. Celui-ci sera détruit pour vétusté vingt ans plus tard. Le 3 novembre 1945, le jardin sera offert par l'empereur à la municipalité de Tokyo et sera ouvert au public car il représentait le jardin type de la période féodale japonaise développé sous la période Edo, avec ses étangs alimentés en eau de mer.
Je pénètre dans le jardin par l'entrée Otomon et débute ma visite par une halte devant des pins tricentenaires (ci-dessous). Ceux-ci furent plantés en hommage à Ienobu, sixième shogun, qui dirigea les grands travaux de réaménagement du lieu. On peut encore aujourd'hui admirer la forme majestueuse des pins qui déploient leurs branches imposantes. A deux pas de là, se trouve l'espace Uchibori, avec son jardin fleuri. De jeunes mariés (deuxième photo) se font photographier dans ce cadre magnifique. Au printemps, un jardin de pivoines offre une des plus somptueuses floraisons aux multiples couleurs. Pruniers du Japon en fleurs, chimonanthes précoces, narcisses, magnolias, cerisiers Yoshino, glycines du Japon, pivoines arbustives, rhododendrons et azalées s'épanouissent de janvier à mai. L'été est la saison des iris, des hortensias, des bignones et des lilas d'été. On peut également observer la beauté du colza, puis celle des cosmos sulphureus. Novembre est le mois où les feuilles du toxicodendron succedaneum rougissent, tout comme celles de l'érable palmé et du ginkgo biloba.
Je rencontre sur mon chemin l'ancien sanctuaire Inabu (en photo ci-dessous). On ne connait pas la date exacte de sa construction mais l'on sait qu'un autre sanctuaire, consacré à Inari, avait été élevé dans le jardin Hama-rikyu sous la période Edo. Doit-on rappeler qu'Inari est une divinité nippone, initialement déesse shinto des céréales, des fonderies eet du commerce, mais aussi la gardienne des maisons. Le culte d'Inari rejoindra peu à peu les deux grandes traditions religieuses du pays, le shintoïsme et le bouddhisme. La précédente construction du sanctuaire Kyu-inabu sera détruite par le séisme du 20 juin 1894.. On rebâti le sanctuaire dès l 'année suivante, à la même échelle. Par contre, la maquette de ce sanctuaire, visible à l'intérieur du bâtiment date probablement de la période Edo. D'autres réparations auront lieu notamment avec des travaux majeurs de restauration en 1931 (à cause des dommages du tremblement de terre du 1er septembre 1923. Puis en 2005.
Je poursuis ma balade et traverse le jardin des pruniers pour atteindre quelques minutes plus tard l'embarcadère des navettes fluviales. Ces navettes, qui transportent les passagers sur la rivière Sumida, s'arrêtent au jardin Hama-rikyu, en franchissant une écluse (ci-dessous). Elles vous conduiront ainsi d'Asakusa à Ryogoku, d'Odaiba-Kaihinkoen à Kasai-Rinkaikoen en passant par Sakurabashi. Pour plus de détails, reportez-vous à un précédent reportage consacré à la croisière sur la rivière Sumida. Un peu plus loin, la petite écluse Yokobori (seconde photo) permet d'alimenter en eau de mer l'étang Koshin-do Kamoba (troisième photo). Plus loin, je repère les restes d'une ancienne maison de thé,Umite-Chaya. Celle-ci, autrefois bâtie pour servir de lieu de détente afin d'admirer bateaux et pêcheurs, à l'époque de iénobu Tokugawa, accueillait les gens de cour et les femmes du château d'Edo. Le nom Umite-Chaya provient du fait que l'endroit offrait une vue imprenable sur la mer. La maison brûla lors du séisme du 1er septembre 1923. Un pont, Umite Otsusaï bashi, permet de traverser l'étang pour se rendre sur l'autre rive. En prolongement de cet étang, on trouve l'étang Shiori no ike (quatrième photo) qui signifie la lagune de la marée montante. C'est le plus grand plan d'eau du parc, lagune artificielle dont le niveau varie en fonction de la marée. De nombreux poissons d'eau de mer y vivent comme les mulets ou les anguilles.
De nombreux oiseaux trouvent aussi refuge dans ce jardin (ci-dessous), dont des sauvagines (gibiers à plumes) qui étaient autrefois chassés par les shoguns, lesquels se dissimulaient derrière de petites collines aménagées (deuxième photo). Deux étangs étaient aménagés pour la chasse aux canards sauvages. Le Koshindo Kamoba date de 1778 et le Shinsenza-Kamoba (troisième photo), de 1791. Ces étangs étaient équipés d'étroits fossés destinés à piéger les canards qu'on attirait en répandant du millet sur le plan d'eau ou en se servant d'autres canards domestiques. Les oiseaux étaient alors capturés à l'aide de filets ou grâce à des faucons. Je croise de nombreux promeneurs en déambulant dans les allées du jardin Hama-rikyu et j'arrive bientôt sur la rive de l'étang Shiori. Des repères servant de camouflage aux chasseurs sont des raretés car il n'en existerait que dans cinq endroits sur la planète.
Je traverse maintenant le pont Otsutaï(ci-dessous) : d'une longueur de 118 mètres, cet ouvrage est entièrement construit en bois de cyprès du Japon. Il fut restauré en 2012, et relie l'étang aux îles Konoji-shima et Nakajima (là où se trouve lea maison de thé du même nom). Il existe deux maisons de thé dans le jardin Hama rikyu : le pavillon de thé Matsu no Ochaya (deuxième photo) et Ochaya de Nakajima. Le premier fut érigé sous le règne du sixième shogun Ienobu, puis fut détruit par le feu en 1724, reconstruit en 1788 par le onzième shogun Iénari, avant de servir d'annexe au palais de la famille impériale après la restauration Meiji. Il sera anéanti sous les bombardements durant la dernière guerre. Et sera reconstruit en 2010 dans un style identique à l'architecture d'origine. Le pavillon de thé Nakajima (troisième photo) fut quant à lui bâti en 1707 pour recevoir les shoguns et leurs épouses ainsi que des nobles venus se détendre dans une atmosphère relaxante grâce à la magnifique vue du jardin. Le pavillon fut détruit à plusieurs reprises, une première foisLe bâtiment actuel est une reconstruction datant de 1983. On y sert toujours aujourd'hui le maccha (thé vert) accompagné d'un petit gâteau japonais.
J'arpente une dernière fois les sentiers du jardin Hama-rikyu et traverse une longue bande de terre (ci-dessous) aménagée jadis pour l'entrainement des chevaux. Non loin de là, dissimué dans la verdure, un autre étang (Shinsenza Kamoba) a été transfrormé en réserve à canards. Sur le chemin du retour vers la porte Otomon, je m'arrête quelques instant devant la statue en bronze d'Umashite no mikoto, fils de Nigihayahi no mikoto), dieu de la guerre qui accompagna l'empereur Jinmu lors de l'expédition dans le Japon oriental. Ainsi s'achève cette visite du jardin Mama-rikyu, ilôt de verdure au milieu des tours modernes.
INFOS PRATIQUES :
-
Jardin de Hama-rikyu Onshi Teien, 1-1 Hama-rikyu Teien, Chuo-ku, Tokyo. Tel : 03 3541 0200. Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00. Droit d'entrée : 300 yens. Jours d'accès gratuit, le 4 mai (journée verte) et le 1er octobre (journée des citoyens de Tokyo). Accès par la station de métro Shiodome (ligne Yurikamome). Visites guidées gratuites les smaedi, dimanche et jours fériés (à 11h00 et 14h00, en japonais) en anglais le lundi à 10h30 et le samedi à 11h00.Audio-guide disponibles gratuitement, de 9h00 à 16h00, en plusieurs langues (français, anglais, japonais, coréen et chinois). Site internet : http://teien.tokyo-park.or.jp/en/index.html