Jeudi 30 octobre 2014
Les jours se succèdent et se ressemblent. Un grand soleil brille dès le matin avec pour toile de fond un beau ciel bleu et des températures qui dépasseront vite les 25°C. Je profite pleinement de cette arrière-saison et poursuis ma visite du quartier Arenal de Séville. Auparavant je m'arrête à mon bar favori (voir infos pratiques) pour déguster un bon chocolat espagnol et une assiette de churros. Les gens ici sont très accueillants et le patron me reconnaît désormais dès mon entrée dans son établissement. Je me mets ensuite en route et déambule dans ces nombreuses petites ruelles qui forment le quartier, jusqu'à atteindre l'église de la Madeleine (en photo ci-contre). J'admire au passage les façades des maisons dont certaines sont remarquables. Car, ici, il faut souvent lever la tête pour ne rien manquer. Ce quartier, qui abritait jadis le port de la ville, accueillait aussi autrefois le quartier général de l'artillerie. Aujourd'hui, El Arenal tire son atmosphère particulière des arènes, c'est vrai, mais aussi de ses recoins et des nombreuses ruelles qui cachent souvent des trésors et dans lesquelles on aime se perdre.
Première halte, l'église de la Madeleine , qui fut achevée en 1709. Elle fut construite dans le style baroque par Leonardo de Figueroa. On doit à cet architecte plusieurs églises et couvents à Séville même, à la fin du XVII è et au début du XVIII è siècle. Né à Séville en 1650, on sait qu'à l'âge de vingt ans, il se trouvait toujours dans cette ville où il exerçait le métier de maitre maçon. Il y passera le restant de sa vie. Sa première œuvre mémorable sera l'hôpital des Vénérables, dont il dirigera la construction entre 1686 et 1696. A partir de 1691, il travaillera à l'édification de l'église et du couvent dominicains de San Pablo la Real, cette fameuse église de la Madeleine que je visite aujourd'hui. Les bâtiments conventuels ont par contre disparu depuis. L'élément le plus remarquable de cet ensemble est cette audacieuse coupole coiffant le transept (deuxième photo). Le caractère très décoratif et polychrome de son œuvre atteint un haut degré de splendeur à l'intérieur comme à l'extérieur. Au dehors, la brique de taille alterne avec les azulejos aux couleurs vives, les stucs et les peintures monumentales. A l'intérieur, on peut admirer plusieurs œuvres religieuses comme cette toile de Francisco de Zurbaran, Saint Dominique à Soria, dans la chapelle sacramentelle, ainsi que des fresques de Lucas Valdès au-dessus du sanctuaire représentant L'allégorie du triomphe de la foi. L'angle sud-ouest abrite la chapelle de la Quinta Augustia, chapelle mudéjare à trois coupoles héritée d'une église antérieure où fut jadis baptisé le peintre espagnol Murillo en 1618. Les anciens fonts baptismaux se trouvent quant à eux dans le baptistère de l'édifice actuel.

Non loin de là, le long du merveilleux Guadalquivir, se dresse toujours la Tour de l'or (Torre de oro), ci-dessous. Cette tour d'observation militaire fut construite au début du XIII è siècle, durant la domination almohade, pour contrôler l'accès à la ville depuis le fleuve. Elle faisait partie des fortifications érigées autour du centre historique sévillan et de l'Alcazar par les almoravides et les Almohades entre les XI è et XIII è siècles. Le nom de cette tour puiserait ses origines de l'or ramené d'Amérique au XVI è siècle lors de la Course des Indes (période d'exploration et de colonisation initiée après la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb en 1492). C'est là que cet or était conservé. Certains prétendent que le nom serait du au rendu de couleur dorée de la tour. Les travaux de restauration effectués en 2005 confirmeront que cet aspect brillant était du, en fait, à un mélange de chaux et de paille pressée. Les XII è et XIII è siècles virent les Almohades améliorer les fortifications construites par leurs prédécesseurs, les Almoravides, entre les XI è et XII è siècles. La construction de la Tour de l'or, en 1221, constitua la dernière étape de l'édification de l'enceinte fortifiée de la ville, à la fin du règne almorade. Cette tour albarrane ne faisait pas partie de l'enceinte principale mais se trouvait à l'extrémité d'un pan de muraille perpendiculaire à l'enceinte principale de la muraille entourant l'Alcazar. Contrairement aux autres tours, qui étaient rectangulaires, la Tour de l'or, elle, plus massive comme les tours palatines a une base dodécagonale. Durant le Moyen-âge, cette même tour servira de prison.
La légende prétend que le centre vital du port de Séville était délimité au XII è siècle par un système de madriers et de chaines qui, arrimées à la Tour de l'or, passaient sous l'eau pour atteindre une autre tour située sur l'autre rive, à Triana, sur l'actuelle rue Fortaleza. Ces chaines, une fois hissées par un treuil, interdisaient l'accès au port.
Avec le temps, les murailles perdirent de leur superbe et leur destruction fut débattue à partir de 1859, entre le conseil municipal (partisan de la démolition) et la Commission des Monuments, l'Académie des Beaux-Arts et la Société économique d'Amis du pays. Il fut finalement décidé de détruire en partie ces murailles et de supprimer plusieurs portes.Suite à la révolution de 1868, la priorité fut l'éradication de ces murailles pourtant chargées d'histoire. Toutefois, quatre portes de la ville (sur les 19 que Séville comptait autrefois) seront sauvées de la démolition, ainsi que trois tronçons de murailles et sept tours, dont la Tour de l'or.
A l'origine, cette Tour de l'or ne possédait qu'un niveau. C'est le roi Pierre Ier de Castille qui fera construire le deuxième niveau, dodécagonal comme le premier, au XIV è siècle. Le lanterneau circulaire qui forme le troisième niveau date de 1760 et est l'oeuvre de l'ingénieur militaire Sebastian Van der Borcht. La Tour fut restaurée en 1900, puis entre 1942 et 1944 pour y créer un musée maritime (appelé aujourd'hui musée naval, en photo ci-dessous), lequel présente sur environ 650 m2 gravures, photos, lettres, modèles réduits, instruments de navigation et documents historiques. Quatre cents de ces pièces proviennent du musée naval de Madrid. L'endroit souligne ainsi l'importance de l'histoire navale de Séville et l'importance du Guadalquivir pour la cité (que l'on peut admirer du haut de la tour, en troisième photo)



Je poursuis ma promenade en direction de l'hôpital de la Sainte Charité (en photo ci-dessous). Séville a une riche histoire et ce lieu en témoigne. Fondé en 1674, cet ensemble comprenant une église et un hôpital abrite désormais un hospice pour infirmes et personnes âgées. Seule une partie de l'endroit peut donc être visité : les patios et l'église. C'est au bienfaiteur Don Miguel de Manara que l'on doit cette construction, dont l'église (deuxième photo) constitue l'un des chefs-d'oeuvre de l'architecture baroque sévillane, à cause, notamment, des œuvres d'art qu'elle abrite. On y retrouve des artistes comme Pedro Roldan, Murillo et Valdés Leal. Le lieu a d'ailleurs été classé monument historique par le Ministère espagnol de la Culture en 1992. Cette église fut le premier bâtiment de cet ensemble à être bâti. Lorsque sa construction débute en 1645, la confrérie n'accueille pas encore de malades, et la nouvelle église est alors prévue pour remplacer l'ancienne chapelle Saint-Georges, devenue trop petite. C'est l'architecte Pedro Sanchez Falconete qui dessinera l'église avec une nef unique, couverte d'une voûte en berceau stuquée (troisième photo). Par manque de moyens, les travaux seront longs et laborieux et dureront 25 ans. Leonardo de Figueroa supprimera le clocher initial en 1682 pour le remplacer par une corniche couronnant la façade. Le retable (quatrième photo) fut dessiné par Bernardo Simon de Pineda et ses sculptures furent réalisées par Pedro Roldan. L'inauguration de l'édifice eut lieu en 1674. A l'origine de la construction de l'hôpital, on trouve la confrérie de la Sainte Charité fondée au milieu du XV è siècle à Séville, à des fins humanitaires. Cette confrérie avait alors pour principale fonction de recueillir les cadavres des personnes noyées dans le Guadalquivir (qui étaient souvent des marins appartenant aux navires amarrés dans le port) et d'enterrer les condamnés à mort ainsi que les indigents décédés dans les rues de la ville. C'est le prébendier de la Cathédrale de Séville qui était chargé des inhumations. Celui-ci installa une petite chapelle (chapelle des noyés) dans le cimetière de San Miguel, en centre-ville. Au fil des ans, le nombre de noyés augmentera tout comme le trafic du port. La confrérie quittera donc cette petite chapelle pour se rapprocher du fleuve. Et de s'établir dans la Chapelle Saint Georges placée au sein des anciens arsenaux bâtis à l'époque d'Alphonse X de Castille, et situés au cœur du quartier populaire de l'Arenal, tout près du fleuve. L'endroit deviendra à nouveau trop petit et la confrérie envisagera de construire une nouvelle église (qui débutera en 1645). C'est là que Miguel de Manara entre en scène : descendant d'une riche famille italienne établie à Séville, il est fait chevalier de l'Ordre de Calatrava dès l'âge de huit ans. Il se distingue déjà par sa piété et le dévouement dont il fait preuve vis à vis des œuvres caritatives. Son action au sein de la confrérie sera déterminante. Miguel de Manara intègre celle-ci en 1662, suite à sa rencontre avec Diego de Mirafuentes, frère majeur, qui deviendra son mentor. Et prendra conscience du terrible dénuement des mendiants sévillans. Il propose bientôt au chapitre de fonder un hôpital pour les pauvres. Mais la confrérie manque de ressources, et Manara louera dans un premier temps une dépendance des anciens arsenaux royaux. Il s'agit là d'un hospice de nuit. En 1672, on décide de bâtir un hôpital, juste à côté de l'église qui, elle, est déjà en construction depuis 1645. Cet hôpital accueillera les malades les plus déshérités de la ville, vieillards, ou malades souffrant de maladies incurables et souvent rejetés par les autres établissements. En 1663, Miguel de Manara assumera les fonctions de frère majeur, et ce, jusqu'à sa mort, en 1679. Il financera l'hôpital avec sa propre fortune et ne demeurera frère majeur tout ce temps qu'à cause de l'insistance de l'ordre. Son action permettra non seulement de recueillir les malades mais de les soigner, d'accueillir les nécessiteux lors des crues du fleuve, de donner l'aumône aux couvents, aux hospices, aux enfants abandonnés, et aux prisonniers, de distribuer du pain, de l'argent et des vêtements aux plus démunis.




La confrérie de la Sainte Charité a aujourd'hui trois siècles de vécu derrière elle et reste fidèle aux préceptes de Don Miguel de Manara. L’établissement a toutefois abandonné l'accueil des malades et des sans-logis depuis quelques années pour accueillir quelques 80 résidents dont l'admission dans les lieux est prononcée après l'étude d'un barème prenant en compte l'état de dénuement et de solitude des demandeurs. Ces personnes sont assistées médicalement et entièrement prises en charge. L'oeuvre charitable du fondateur est ainsi préservée.
Cet hôpital s'organise autour d'un patio circulaire (première photo ci-dessous) orné de fontaines italianisantes , de colonnes de marbre soutenant des arcades en plein cintre, ainsi que de sept beaux panneaux d'azulejos (deuxième photo) bleus et blancs. De style hollandais, ces derniers furent probablement réalisés à Delft au XVII è siècle, pour le couvent des Delcalzos de Cadiz. Et furent déplacés à Séville en 1690. Ces azulejos représentent des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament.

INFOS PRATIQUES :
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Eglise de la Madeleine, Calle San Pablo, 10, à Séville. Tel :(+34) 954 22 96 03. Ouverte du lundi au samedi de 7h30 à 11h00 et de 18h30 à 21h00. Le dimanche, de 7h30 à 13h30 et de 18h30 à 21h00. Entrée libre. Prise de photos possible.
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Tour de l'Or, Paseo de Colon, à Séville. Tel:(+34) 954 22 24 19. Ouverte du lundi au vendredi de 9h30 à 18h45, les samedi et dimanche de 10h30 à 18h45. Entrée : 3€ (entrée libre le lundi).
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Hôpital de la Sainte Charité, Calle Temprado, 3, à Séville . Tel:(+34) 954 22 32 32. Ouvert du lundi au samedi de 9h00 à 13h30 et de 15h30 à 19h30. Le dimanche, de 9h00 à 13h00. Entrée : 5€ (incluant le prêt d'un audioguide en langues espagnole, anglaise, française, italienne ou allemande). Site internet : http://www.santa-caridad.es/index2.html
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Bar El Pilar, Calle Imagen, Plaza San Pedro (sous les arcades) à Séville. Ouvert tous les jours, accueil fort sympathique. Assiette de churros et chocolat chaud espagnol à 2,80€.
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Restaurant de l'école hôtelière de Séville, Calle Zaragoza, 20, à Séville. Tel:(+34) 954 50 27 21. La carte change tous les quinze jours. Deux services vous sont proposés par les élèves de l'école : un premier service de 13h00 à 16h30 (à 13,90€ du lundi au vendredi, et à 18,50€ les samedi, dimanche et jours fériés) et un deuxième service de 20h00 à 23h30 (à 19,90€). Réservation obligatoire. Site internet : http://www.tabernadelalabardero.es