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Tokaïdo, la Route de la Mer de l'Est- Fujisawa et Hiratsuka
(Préfecture de Kanagawa, Japon)
Heure locale


Samedi 21 février 2015

 

Sixième station du Tokaïdo, Fujisawa est ma destination d'aujourd'hui. Fondée le 1er octobre 1940, cette ville de 420 000 habitants fut pour la première fois mentionnée dans un document de la fin du XIVè siècle. La cité se développera autour du temple Yugyo-ji (en photo ci-dessous), qui fut construit en 1325. D'une surface de 60000 m2, ce lieu bouddhiste arbore en face du hall principal la statue d'Ippen Shonin, bouddhiste et prêcheur itinérant japonais mais aussi fondateur du Ji-Shu, branche du bouddhisme de la Terre pure. Né à Hogon-ji (Ile de Shikoku), Ippen fut d'abord appelé Chishin, avant d'être consacré comme disciple lors d'un pèlerinage dans les temples du Kumano. Durant son existence, il distribuera près de 250000 charmes à travers le Japon. Le terme « Yugyo » signifie itinérant et voyageur, témoignant du travail du missionnaire. Peu après sa construction, Donkai, le prêtre du temple laissera sa place au prêtre Ankoku qui y résidera. Il faudra attendre l'ère Meiji pour que ce lieu soit reconnu comme site de référence de la secte Ji. Idéalement situé près de la route Tokaïdo (qui offrait un accès en direction du sanctuaire de l'île d'Enoshima), le temple Yugyo-ji accueillait ainsi un grand nombre de visiteurs. C'est à ce temple que la ville actuelle de Fujisawa, étape du Tokaïdo, doit son existence actuelle. Le Hall principal essuya souvent batailles, incendies et tremblements de terre. L'incendie de 1513 fut particulièrement dévastateur et le temple mit un siècle à s'en remettre. Le Hall actuel date de 1937 et survécut providentiellement aux bombardements américains de la seconde guerre mondiale. L'intérieur du bâtiment abrite une statue d'Amida Nyorai (deuxième photo) ainsi que celles des prieurs Ippen, Yugyo Shonin et Donkai. La statue d'Amida Nyorai mesure 1,85 mètre et aurait, dit-on, été sculptée par le prêtre Jikaku, grand prêtre de la secte Tendai. Une autre curiosité de ce temple : la biographie picturale du prêtre Ippen, qui se présente sous la forme de rouleaux de soie imprimée avec images et textes. Tout près de l'entrée Est du temple, en face de l'ancienne route Tokaïdo, se dresse une pierre d' 1,25 mètre de haut, installée en 1418 par le prêtre Taiku, le 14è Yugyo Shonin (Shonin étant l'équivalent du Saint), pour le repos des victimes de la révolte Zenshu. Terminons cette visite avec la maison des trésors, qui offre d'admirer près de 2500 pièces, dont le portrait de l'Empereur Godaigo et de prêtre Ikko, fondateur de l'école Ikko de la secte Ji. Plusieurs cérémonies exceptionnelles (car elles ne sont visibles que dans ce temple) se tiennent chaque année : le 11 janvier se tient l'Ofudakiri, rituel des premiers charmes Nenbutsu de l'année. Ces charmes (petites plaquettes de bois) sont distribués le lendemain de cette manifestation. Le 27 février est le jour anniversaire de la mort du prêtre Shinkyo (second Saint Yugyo), poète spécialisé dans le tanka (poème à 31 syllabes). Du 21 au 24 avril, le temple célèbre l'anniversaire de la mort du prêtre Donkai (prêtre fondateur du temple). Le 15 septembre, se tient le rite Susuki-Nenbutsu-e. Cette cérémonie se tient en l'honneur des âmes des morts qui portèrent à bout de bras la secte Ji. Du 21 au 24 septembre, on fête l'anniversaire de la mort du prêtre Ippen. Enfin, du 18 au 28 novembre, se déroule la cérémonie Betsuji-Nenbutsu-e, qui consiste en des chants qui furent institués pour la première fois par la secte Jodo. Cela fait 700 ans qu'a lieu cet événement annuel. Je n'ai pas passé beaucoup de temps dans cette petite ville car il me faudra prendre le train pour atteindre l'île d'Enoshima, à quelques kilomètres de là. Que dire d'autre sur Fujisawa, sinon qu'elle a pour symboles le pin noir du Japon, la glycine et le martin-pêcheur d'Europe. A noter enfin que la cité possède tout de même 262 parcs d'une surface totale de 168 hectares.


 

Revenons sur cette sixième station qu'était Fujisawa. C'est en 1601 que l'endroit devint station de la route de la mer de l'est. Elle ne deviendra toutefois la sixième station du Tokaido qu'après l'installation ultérieure de Totsuka-juku. Nous l'avons vu plus haut, avant cela, Fujisawa était une ville prospère, qui avait grandi autour du temple principal de la secte Ji du bouddhisme japonais. La cité était placée sur l'embranchement croisant la grand'route conduisant à Odawara (axe reliant le château d'Odawara aux châteaux d'Edo et d'Hachioji durant la période de règne du clan Go-Hojo). La porte de la station de Fujisawa se trouvait à l'est de Yugyo-ji (en direction d'Edo) tandis que la porte en direction de Kyoto était placée sur le côté occidental de l'actuelle ligne ferroviaire Odakyu Enoshima.

Même s'il ne reste désormais aucun vestige des bâtiments de l'époque (la dernière auberge aurait disparu en 1955), il semble que la ville aurait compté plus de mille constructions dont des honjins et des hatago (logements offerts par les shubukas, c'est à dire les relais, durant l'époque Edo, sur les grandes routes du pays, dont la route de la mer de l'est). Le hatago offrait le gite et le couvert, mais permettait aussi au voyageur de se procurer des vivres. Dans ce cas,l'endroit s'appelait alors hatagoya (ya, en japonais signifiant boutique).

Le Palais Fujisawa fut, quant à lui, érigé dans cette station au début du shogunat Tokugawa. Et les trois premiers shoguns, Tokugawa Ieyasu, Tokugawa Hidetada et Tokugawa Iemitsu, d'y séjourner une trentaine de fois au total. Des archives indiquent qu'il s'agissait d'un grand bâtiment ceint d'une large douve. Il était situé près du daikansho (bureau du magistrat, sous l'époque Edo), qui est aujourd'hui localisable entre l'actuelle mairie et l'hôpital. Le Palais sera démonté puis déplacé à Edo après le grand incendie de Meireki de 1657. Ses matériaux seront utilisés pour rebâtir une partie du Palais shogunal situé au château d'Edo.

L'estampe ukiyo-e d'Andi Hiroshige (en photo ci-dessous) montre un village avec un pont. En arrière-plan, on aperçoit le temple de Yugyo-ji sur une colline, puis en premier plan, un torii (portail) avec un chemin conduisant à Enoshima. Ce pont est encombré de pèlerins et de quatre aveugles qui sont apparemment en route pour le sanctuaire d'Enoshima Benten. Tout ce petit monde suivent le ruisseau.


 

Depuis la gare de Fujisawa, j'emprunte la ligne de train privée Odakyu, qui va me conduire jusqu'au terminus, Katase-Enoshima. De là, je me rendrai à pied sur l'île d'Enoshima, en empruntant un pont de 600 mètres de long. Il me faudra un quart d'heure de marche pour atteindre ma destination qui fait partie du Shonan, c'est à dire la partie côtière de la Préfecture de Kanagawa autour de la baie de Sagami, également appelée zone balnéaire. Enoshima est la destination touristique locale par excellence et l'endroit est très fréquenté en ce samedi. Le sanctuaire Enoshima, principal lieu de culte de l'île, est dédié à la déesse Benten, et consiste en trois bâtiments : Hetsunomiya (fondé en 1206 par Sanetomo Minamoto), Nakatsunomiya (fondé en 853 par le prêtre En-nin, et ci-dessous en photo) et Okutsunomiya (reconstruit en 1842). Une légende prétend qu'une grotte fut dédiée par le 29è empereur Kinmei pour l'installation d'un petit sanctuaire consacré aux trois divinités Tagitsuhime, Ichikishimahime et Tagarihime en 552. Benzaiten, l'une des sept divinités du bonheur, serait à l'origine de la naissance de la petite île si l'on en croit la légende du Dragon d'Enoshima : il y a de cela 1500 ans, se trouvait une grotte habitée par un dragon. Celle-ci était nichée au fond de la mer, près des côtes nippones. Ce dragon était le plus plus terrifiant de tous, et possédait des dents acérées dont il se servait pour attraper les petits enfants qui se baignaient ou jouaient au bord de l'eau. La déesse Benten voulut mettre fin aux souffrances de ces familles qui avaient perdu leurs progénitures, souhaitant le bonheur de tous, y compris celui du dragon, car, pour elle, seul un dragon malheureux pouvait se livrer à de telles atrocités. La déesse se dirigea donc vers la grotte, et la fit émerger du fonds de l'océan. Et le Terre tout autour, de se couvrir de forêts. L'île d'Enoshima était née. Le dragon, stupéfait par ce qui venait de se passer, vit la déesse Benten descendre vers lui avec un sourire enjôleur et lui adresser ces mots : « Vous vivez en solitaire dans votre grotte. Ne vous y ennuyez-vous point ? Aucun être ne peut vivre sans affection. Voulez-vous que nous nous mariions ? Nous serons heureux ensemble, nous aurons des enfants que vous aimerez, j'en suis sûre. Alors… alors vous cesserez de manger les enfants des autres… ».Le dragon acquiesça et le calme revint sur les abord d'Enoshima. Depuis cette date, les Japonais rendent hommage à cette magnifique déesse, divinité bienfaitrice et dispensatrice de joies.

 

Durant la période Meiji, un certain Mr Cocking entreprit de créer un jardin privé sur l'île. Sur mon chemin, j'aperçois la « chandelle de la mer » (sorte de phare d'observation) qui se dresse en hauteur, en plein milieu du parc dédié au célèbre jardinier. Du haut de cette tour le visiteur peut jouir d'un panorama à 360° sur les environs, à près de 120 mètres au-dessus du niveau de la mer. Tout près du Hetsunomiya, se dresse le Hoanden (ci-dessous), construction octogonale abritant les statues de la déesse Benten. Souvenons-nous que cette divinité doit aussi sa popularité au fait qu'elle est la seule femme parmi les sept dieux de la bonne fortune. Sur ma route, j'observe deux jeunes filles en train de picorer un ébisembe, une grande et fine galette salée faite à partir de crustacées. Je redescends la rue principale par laquelle j'ai accédé à cette petit île qui servit aussi de site de nautisme lors des Jeux Olympiques d'été de 1964 à Tokyo. Je ne verrai pas cette fois les caves d'Iwaya, érodées par les éléments marins depuis des lustres. Celles-ci sont composées de deux cavernes, l'une mesurant 152 mètres de long et la seconde, 56 mètres. L'intérieur des caves offrent de découvrir l'histoire et la culture de l'île, grâce à un spectacle son et lumière. Avant de rentrer à Hiratsuka, je m'attarde un peu sur la grande plage de Kugenuma, où évoluent des groupes de surfeurs.

 

Peu de choses à dire sur Hiratsuka, la septième station du Tokaïdo, sinon que cette ville a commencé à se développer pendant la période Edo, grâce au chemin de fer. C'est d'ailleurs par le train que j'y ai accédé pour la première fois, il y a quelques jours. De la période Heian à la période Kamakura, la région était divisée en shoen (parcelles) sur lesquelles régnaient des clans de samouraï. La période Sengoku vit s'y dérouler plusieurs batailles (dont celle d'Odawara). Puis Tokugawa Ieyasu prit le contrôle de la région et se fit bâtir un palais d'été en 1596, à l'endroit même où se dressent désormais les écoles primaire et élémentaire d'Hiratsuka. Lors de la restauration Meiji, la ville fut fondée le 1er avril 1889 et faisait alors partie du district de Naka, à l'intérieur de la Préfecture de Kanagawa. Le 1er avril 1932 marquera la naissance de la ville actuelle, Hiratsuka City. Avant la seconde guerre mondiale, Hiratsuka accueillit l'arsenal de munitions de la Marine impériale japonaise, ainsi qu'une usine de construction d'avions du groupe Nissan. Mais le 16 juillet 1945, Hiratsuka fut gravement bombardée, à cause de ses industries stratégiques et du plan américain d'invasion du pays dont la ville faisait partie. Pour cette raison, il ne reste plus de trace de la route de la mer de l'est et de ses constructions d'antan. Depuis, Hiratsuka possède de nouveau de nombreuses industries, dont le groupe Nissan, qui offre la majeure partie des emplois locaux. Elle est aussi une ville-dortoir pour les agglomérations de Tokyo et de Yokohama, car sa qualité de vie de son littoral séduit.

Quant à la ville étape du Tokaïdo, elle fut établie en 1601 sur l'ordre de Tokugawa Ieyasu. Puis fut annexée, cinquante ans plus tard, au village voisin de Yawata et fut, pour l'occasion, rebaptisée Shin Hiratsuka-juku, en 1655. En 1843, la station comptait 2114 résidents et 443 foyers. Elle possédait une honjin, une honjin secondaire et 54 hatago. L'estampe d'Ando Hiroshige ne représente pas du tout la station mais montre une route zigzaguant au-dessus de champs marécageux avec le Mont-Fuji qui apparaît en arrière-plan. Un des voyageurs est un coureur professionnel du service postal qui était proposé le long du Tokaïdo. Ainsi, des relais de coureurs pouvaient-ils transmettre un message d'Edo à Kyoto en...90 heures !

 

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