Mercredi 23 septembre 2015
De passage dans le quartier de Balvanera-Congreso, je me mis en tête de visiter le Palais du Congrès de la nation argentine, haut-lieu de l'histoire de ce pays qui dispose d'un régime présidentiel à l'intérieur d'une république fédérale. C'est Adalberto, le guide en chef qui me reçoit personnellement et qui va très gentiment m'offrir de pénétrer dans la chambre des députés, de manière impromptue. Le Palais du Congrès est le lieu où se déroulent les activités du pouvoir législatif argentin. Siège du Congrès national argentin, il fut érigé entre 1898 et 1906 et est depuis devenu un monument historique national. Le kilomètre zéro de toutes les routes nationales du pays est d'ailleurs symbolisé par une pierre située à côté de ce bâtiment. C'est dire ce que représente ce lieu pour le pays !
C'est en 1895 que surgit l'idée de bâtit un tel Palais. Conçu par l'architecte italien Vittorio Meano, puis achevé par l'architecte argentin Julio Dormal, cette construction sera une œuvre de très longue haleine puisqu'il faudra attendre...1946 pour voir l'édifice complètement achevé, même si le Congrès prendra livraison des lieux dès 1906. Compte tenu de son coût final, le peuple argentin le surnommera même « Palais de l'or ». La bâtisse, qui abrite à la fois la chambre des députés et la chambre des sénateurs est de nos jours devenue trop exiguë pour permettre à tous de travailler et une annexe fut construite juste à côté, en 1974, afin d'abriter entre autres les bureaux des députés. A noter que, de 1976 à 1983, le Palais abrita également la commission consultative législative formée par un groupe d'officiers des trois armes du pays. La place du Congrès, qui fait face au bâtiment est quant à elle l'oeuvre de l'urbaniste français Charles Thays et est utilisée par les manifestants pour exprimer si besoin est leurs opinions.
J'entre par l'entrée située sur l'avenue Rivadavia et accède bientôt à l'escalier de style italien (photo ci-dessous) qui dessert les trois étages de la chambre des députés. A mi-chemin, dans ce même escalier se dresse un buste de bronze féminin (deuxième photo) qui symbolise la république argentine, avec l'écusson national doté d'un bonnet phrygien (qui représente la liberté, la lance (symbole de défense), les mains (symbolisant la fraternité) et le soleil naissant (représentant la naissance de la république). Pays d'Amérique du sud partageant ses frontières avec le Chili, la Bolivie, le Paraguay, le Brésil et l’Uruguay, l'Argentine proclamera son indépendance vis à vis de l'Espagne le 25 mai 1910, lors de la révolution de Mai, jusqu'à devenir aujourd'hui la troisième puissance économique d'Amérique latine (après le Brésil et le Mexique). Son drapeau, formé de bandes bleues et blanches (qui font référence aux cocardes de même couleur qui furent distribuées le 25 mai 1910 lors du début de la guerre d'indépendance) fut dessiné par le général Manuel Belgrano. Ce drapeau deviendra officiel après l'indépendance du pays, mais ce n'est qu'en 1818 que sera rajouté le soleil dit Sol de Mayo. A noter que drapeau avec soleil dit drapeau de guerre est exclusif aux institutions officielles tandis que le drapeau sans soleil fut utilisé lors des manifestations non officielles, jusqu'en 1985. Désormais, le drapeau avec soleil est utilisé partout. Au premier étage, je passe bientôt devant les drapeaux des provinces argentines (troisième photo) avant d'atteindre la Chambre des députés.
La constitution argentine de 1853, qui fut révisée pour la dernière fois en 1994, déclare que le mandat présidentiel est d'une durée de quatre ans et renouvelable deux fois. Toutefois, il faut attendre quatre années avant de pouvoir être réélu. Nation profondément catholique, l'Argentine n'accepte que des président(e)s catholique et Carlos Menem, d'origine syrienne et de confession musulmane, dut par exemple se convertir au catholicisme pour pouvoir briguer le mandat. Elu au suffrage universel, le président est à la fois à la tête de l'Etat et à celle du gouvernement. Quant à la constitution, elle garantit la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire. L'exécutif étant confié au président de la république, le législatif au parlement et le judiciaire à la Cour suprême d'Argentine. Le parlement est abrité au Palais du Congrès et est composé de deux chambres : la chambre des députés (ci-dessous) et la chambre des sénateurs (composée de 72 membres, c'est à dire de trois sénateurs par province, élus pour six ans). La chambre des députés, elle, abrite 257 membres élus au suffrage universel, renouvelables par moitié tous les deux ans. Un tiers des candidats doit être féminin. Cette chambre des députés représente la chambre basse du Congrès national du parlement argentin. Elle possède par exemple les droits exclusifs de lever l'impôt, d'envoyer des troupes ou d'inculper le président de la république, mais aussi les ministres ou les membres de la cour suprême. Quant à la présence féminine au sein de l'hémicycle, il faut rappeler que ces dames eurent pour la première fois le droit de voter en 1949. Trois ans plus tard, 22 femmes devenaient parlementaires à la fois à l'assemblée et au sénat. Un bel exemple de parité. Enfin, il faut savoir que les plus petites provinces argentines, celles qui ont le moins d'habitants, se contentent de cinq députés ( un député représente 33000 habitants environ)
C'est au sein du Congrès national que sont votées toutes les lois du pays, par les députés et par les sénateurs. Ainsi, l'arsenal juridique argentin se compose t-il, au sommet, de la Constitution du pays, des lois nationales, des lois provinciales, puis des normes édictées par chaque localité. Seuls les partis politiques sont habilités à présenter des candidats lors des élections nationales et doivent préalablement se soumettre à des élections primaires appelées PASO. 1983 symbolisa la fin de la dictature en Argentine avec l'élection du président Raul Alfonsin et de députés nationaux. A côté de la chambre des députés s'élève la chambre du sénat argentin (ci-dessous). Si les députés représentent le peuple, les sénateurs, eux, sont les représentants des provinces et de la ville autonome de Buenos Aires. Chaque province dispose du même nombre d'élus au Sénat, c'est à dire trois, assurant ainsi la même représentation pour tous. Et peu importe si la province est grande ou petite, dense ou pas en population. Sur ces trois postes de sénateurs, deux reviennent légitimement au parti politique qui a obtenu le plus grand nombre de votants.
Toujours accompagné par Adalberto, mon guide, je pénètre maintenant dans le salon bleu (ci-dessous) nommé ainsi car son mobilier, ses tentures et son sol étaient jadis principalement de couleur bleue. On peut toujours aujourd'hui y admirer un lustre monumental (deuxième photo ci-dessous) avec, en son centre le soleil (représentant le pays) et une gerbe de blé qui symbolise la richesse de la nation. En son sommet, se dresse une statue qui symbolise la république argentine. Ce salon bleu se trouve au centre du palais du congrès. Devant l'entrée du salon bleu se trouve la salle des pas perdu, aussi appelé Juan Domingo Peron, lieu d'échanges entre députés et assesseurs lors des sessions parlementaires. C'est aussi à cet endroit que se rassemblent caméras et journalistes. Avant de nous rendre au Sénat, nous traverserons le salon Eva Peron, qui sert de lieu de réunion pour les sénateurs et les sénatrices. La couleur dominante de cet endroit est le rose, suite à la demande d'Evita. Dois-je rappeler que jusqu'en 1947, les femmes argentine ne pouvaient non seulement voter mais encore moins prétendre être élues comme député, sénatrice ou présidente. Et il faudra attendre 1949 pour voir apparaître les premières femmes députés et sénateurs, d'où l'idée d'Evita de créer alors ce salon rose comme lieu de rencontre pour les sénateurs, hommes et femmes. Si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur Eva Peron, un de mes précédents articles consacré au musée Evita Peron retrace l'action de cette dame en faveur du vote des femmes de ce pays.
La chambre des députés et celle du sénat, toutes deux réunies au sein du palais du congrès argentin symbolisent la liberté et la démocratie de ce pays. Il faut savoir que lors des dictatures militaires, les activités parlementaires furent suspendues. Ce fut le cas lors de la prise du pouvoir par les militaires en 1976. La vie politique fut alors interdite, et le congrès, dissous (tout comme d'ailleurs les partis politiques). Une commission, la CAL, fut alors créée en remplacement, à la tête de laquelle furent placées neuf officiers supérieurs (trois d'entre eux représentant chacune des forces armées, l'armée de terre, la marine et les forces aériennes). Le rôle de cette commission ne sera pas le vote de lois mais d'asseoir la junte militaire d'alors, tout en encadrant étroitement la vie quotidienne des salariés du palais du congrès, usant même parfois de menaces à leur encontre. Si vous passez à Buenos Aires, consacrez donc un peu de votre temps à la visite de ce palais du congrès si représentatif de la démocratie argentine !
INFOS PRATIQUES :
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Palais du Congrès argentin, Hipolito Yrigoyen, 1849, à Buenos Aires. Métro: Congreso. Tèl: +54 11 2822 3000. Site internet : http://www.congreso.gob.ar/