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Le Plateau du Lassithi
(Ile de la Crète, Grèce)
Heure locale

Lundi 9 novembre 2015

 

Réveillé de bonne heure, je prendrai tôt la route pour attaquer le plateau du Lassithi, vaste plaine ovale de 72 km2 comme suspendue à 800 mètres d'altitude. Situé au sud de Malia, il est entouré des monts Séléna (1599 mètres) et de la chaine du Dikti.Les Crétois s'y réfugièrent pour échapper aux Vénitiens, lesquels en interdiront l'accès du XIII è au XV è siècle. L'accès difficile de ce plateau qu'on surnomme aussi « la vallée au 10000 moulins » se fait par une route sinueuse mais en bon état. Enneigé l'hiver et verdoyant l'été, ce territoire fertile était jadis mis en valeur grâce aux moulins à vent, qui servaient jadis à moudre le grain (ci-dessous), et aux éoliennes. On y cultivait fruits, pommes de terre et céréales, mais désormais, l'agriculture ayant cédé la place au tourisme, une bonne partie des terres se retrouve en friches. J'apercevrai encore, ici et là sur ma route, des pommiers chargés de fruits non cueillis. Beaucoup de chèvres et de moutons trouvent également de quoi se nourrir dans les prairies ou à flanc de montagne.

 

La promenade est attrayante lorsqu'on monte jusqu'au col (en venant d'Héraklion). Cependant, le plateau du Lassithi se trouvant en contrebas des montagnes qui l'entourent, reste une cuvette marécageuse dont la rivière a besoin d'être curée régulièrement pour éviter les inondations. L'endroit fut occupé très tôt dans l'histoire, puisque la grotte de Dikti était déjà un lieu sacré à l'époque minoenne et que la grotte de Trapéza, près de Tzermiado, semble avoir été occupée dès le Néolithique. Lors de l'invasion des Doriens, vers 1100 avant J.C, les Crétois utilisèrent probablement le plateau pour fuir l'occupant. Les Vénitiens eurent aussi maille à partir avec les habitants de la région, à tel point qu'ils durent vider purement et simplement le plateau de sa population en 1263, en déracinant les arbres et en arrachant les cultures. Décision bientôt regrettée par cet envahisseur qui dut rapidement affronter la pénurie alimentaire alors que le plateau fertile était désormais inutilisé. On se remit donc à cultiver la haute plaine et les ingénieurs vénitiens de mettre au point des éoliennes pour pomper l'eau et assurer la bonne irrigation des champs. Cela se passait il y a 650 ans ! Sous l'occupation turque, les habitants du plateau menèrent la vie dure aux Ottomans, mais subirent en retour de vives représailles. Le Grand soulèvement de 1866-1869 se terminera en effet par une défaite très lourde pour les insurgés, d'autant plus que l'un des commandants des troupes ottomanes, Ismaël Férik Pacha, était originaire du village de Psykhro. Enlevé en 1823, ce petit chrétien était entre temps devenu un militaire de haut rang en Egypte, et mourra peu de temps après avoir réprimé le fameux soulèvement.


 

Le pourtour du plateau du Lassithi est bordé de petits villages, comme Kera qui accueille le monastère de Kardiotissas (ci-dessous), haut-lieu de l'orthodoxie crétoise, qui accueille, chaque 8 septembre, un important pèlerinage. L'icône de la Vierge Kardiotissa (deuxième photo) constitue l'une des images les plus appréciées de cet événement, car elle est liée à de nombreuses apparitions et miracles. Je brûlerai ainsi un tamata (cierge) sur place, à l'église. Cette icône fut volée il y a quelques années et une apparition indiqua l'endroit où elle avait été cachée. On ne connait pas la date précise de la fondation de ce monastère mais sa mention dans un document de 1333 indique qu'il existait sans doute avant l'occupation vénitienne de la Crète. Et qu'il avait été fondé lors de la deuxième période byzantine (961-1204). L'église fut ainsi bâtie en 961, et contient de superbes fresques qu'il m'est interdit de photographier. Ici, on ne prend pas non plus les nonnes en photo. Elles sont sept à vivre dans ce monastère, et l'une d'elle, de garde à l'église, prendra à cœur de me faire une visite guidée pendant une demi-heure, tout en s'évertuant à me parler en grec, une langue dont j'ignore les secrets. Mais, le cœur y était...Nous nous servîmes donc d'un livre détaillant les œuvres du lieu de culte, et contant l'histoire du fameux monastère (voir les infos pratiques) et la magie fit le reste. Il faut savoir qu'au XVI è siècle, l'endroit accueillait soixante moines. Il est vrai qu'après les libertés accordées par les Vénitiens, la période était plutôt florissante pour les monastères crétois. La vie fut moins facile sous l'occupation ottomane, à partir du moment où bon nombre de moines participèrent à l'effort de libération de l'île. Le monastère fut alors brûlé, puis abandonné par périodes. Jamais le lieu de culte ne retrouvera sa grandeur passée, malgré le retour des religieux après le départ des Turcs.

Le complexe monastique est construit sur les pentes sud du mont Dikti et se développe sur trois niveaux. Les destructions successives contraignirent les moines à rebâtir une bonne partie de l'ensemble au XX è siècle, mais c'est l'aile nord qui reste la partie la plus ancienne du monastère. Le katholikon est le résultats d'ajouts successifs à une petite église à nef unique, avec trois agrandissements datant du XIV è siècle. Le décor mural est très riche mais aussi très ancien, ce qui explique l'absence d'éclairage lors de ma visite et une certaine détérioration des fresques. Seule la lumière de l'extérieur me permettra de distinguer les œuvres présentées par la nonne. L'église principale fut peinte peu à peu, et la peinture la plus ancienne (qui se trouve dans les nefs centrale et sud) date de la seconde moitié du XIV è siècle. Revenons quelques instants sur le trésor du monastère, l'icône ancienne de la Vierge Kardiotissa (différente de l'icône ci-dessous) : elle serait l'oeuvre de Lazaros, moine ayant vécu et connu le martyr en Crète, à l'époque des Byzantins. L'icône, bien qu'appelée Kardiotissa, appartient au type de la Vierge de la Passion, établie au XV è siècle par les peintres crétois d'alors. Après un thé et des gâteaux gracieusement offerts par mes hôtes, je reprendrai la route, en direction d'un autre monastère, celui de Vidianis.


 

A mon arrivée sur les lieux, je ne vois personne. Tout est ouvert et je pénètre aisément dans le monastère déserté. Je distingue très vite le petit musée consacrée à l'écosystème du plateau du Lassithi mais ne pourrai le visiter faute d'éclairage. L'église (ci-dessous) m'ouvre ses portes et je détecte aussitôt une très forte odeur d'encens. Non loin de là se dresse aussi une petite chapelle dédiée à Saint Nicolas. Il s'agit ici d'un lieu de culte habituellement très fréquenté, puisque le monastère de Vidianis est l'unique site monumental du plateau. Il date du XIX è siècle est fut bâti sur un petit contrefort orienté plein sud.


 

L'autre curiosité du jour est la grotte du mont Dikti, qui se trouve à un kilomètre du petit village de Psykhro, toujours sur le plateau du Lassithi. L'endroit est aussi appelé l'antre du Dikté. Selon le poète archaïque Hésiode, Rhéa aurait mis au monde Zeus dans une caverne du Mont Egée, près de Lyttos. Lors de fouilles, à la fin du XIX è siècle, ce site fut identifié comme celui décrit par la poète. Dans la mythologie grecque, la grotte du Dikté est connue comme le lieu où la chèvre Amalthée nourrit Zeus, cachée dans cette grotte par sa mère Rhéa (sœur et femme du Titan Cronos) pour éviter que son père Chronos ne le dévore. La grotte (ci-dessous) fut découverte en 1886 par des paysans, puis sera fouillée la même année. En 1894, Arthur Evans se procurera auprès d'eux de nombreux objets votifs, des figurines humaines et animales et des armes en bronze provenant peut être d'une grotte. Un an plus tard, il se rend dans la grotte en question et y découvre des objets similaires, ainsi qu'une tablette en bronze avec des inscriptions. Puis, au printemps 1896, un autre paysan découvre un fragment de table à libations en stéatite, dont on retrouvera à nouveau un autre fragment à un an d'intervalle. Finalement, la British School se déplacera à l'été 1900 pour fouiller elle-même l'endroit. La grotte du Dikté est formée de deux parties, la première glissant vers la seconde, plus profonde. Et fut sans doute très fréquentée au Minoen moyen. En effet, des poteries retrouvées dans sa partie haute confirment cette hypothèse. Mieux vaut avoir du souffle pour gravir le sentier empierré qui conduit à la grotte, perchée à 1025 mètres d'altitude. Cette ascension me prendra un bon quart d'heure à pied. Dommage que nous soyons en période creuse, car l'été, l'ascension peut se faire à dos de mulet. C'est plus reposant. Tout haletant à mon arrivée au sommet, je me consolerai de cette souffrance passagère en apprenant que les deux dames qui tiennent la billetterie du site font ce même parcours tous les jours de la semaine...


 

INFOS PRATIQUES :

  • Monastère de Kardiotissas, à Kéra. Ouvert de 7h30 à 19h00 en été et de 8h30 à 16h00 en hiver. L'achat d'un coupon (don pour l'église) de 2€ est demandé. Interdiction de prendre des photos dans tous les endroits intérieurs (église comprise). Deux petits musées présentent des objets liturgiques et des peintures. Boutique. L'ouvrage « Proskynétarion du Monastère de Kera Kardiotissis » (photo ci-dessous) retrace l'histoire du monastère et est en vente sur place au prix de 5€
  • Monastère de Vidianis, avec sa petite église du XVIII è siècle et son musée sur l'écosystème du plateau (entrée : 1€)

  • Grotte du Dikté, à Psykhro. Tél : 2841 022462. Ouvert tous les jours d'avril à octobre, de 8h30 à 17h00 et de novembre à mars de 8h30 à 14h30 . Entrée : 4€. Mieux vaut avoir de bonnes chaussures de marche pour grimper le sentier empierré (durée : 20 minutes de marche) qui sépare le parking du site archéologique de la grotte, à 1025 mètres d'altitude. D'en haut, la vue est imprenable sur le plateau du Lassithi. La visite de la grotte prend une quinzaine de minutes. Prise de photo sans flash à l'intérieur de la grotte. Près du parking, une taverne fait du jus d'orange pressé avec les oranges locales. Ne manquez pas non plus de goûter au fromage blanc fait avec le lait des chèvres locales et sucré de miel.


 









 



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