Samedi 20 février 2016
Il pleut ce matin, de façon discontinue sur la ville d'Hamamatsu, où je viens de poser mes valises pour trois jours. J'aborde ainsi la 29 ème étape de cette route de Tokaïdo qui me conduit peu à peu à Kyoto. Durant l'ère Tenpo (1830-1844), la station d'Hamamatsu était située dans la ville-château du château de la ville. L'endroit avait pris le nom de Jokamachi (ville-château) car la cité servait de centre administratif du domaine féodal correspondant sous l'ère Edo. A l'époque, il y avait six honjin (auberges) et 94 hatago à la disposition des voyageurs, ce qui faisait d'Hamamatsu la plus grande shukuba (relais) des provinces de Totomi et de Suruga. La station se trouvait alors sur la rive droite du fleuve Tenryu mais le cours de ce dernier s'était déplacé avec le temps et la station en était à présent éloignée de près de six kilomètres. L'estampe d'Hiroshige (ci-dessous) montre une scène rurale avec le château d'Hamamatsu et la ville au loin. Un groupe de paysans se réchauffe autour d'un grand feu tandis qu'un voyageur les regarde. Le fleuve Tenryu, d'une longueur de 213 kilomètres, prend sa source au lac Suwa, dans la préfecture de Nagano, traversant au passage les villes d'Ina, de Komagane et de Lida, dans la vallée d'Ina entre les monts Akaishi à l'est et les monts Kiso à l'ouest. Au sud de la vallée d'Ina, le bassin du fleuve se rétrécit et se transforme en une gorge, la gorge Tenryu, qui s'étend jusq'au lac Sakuma. Puis le fleuve traverse Hamamatsu, en passant au sud-ouest de la ville d'Iwata avant d'atteindre son embouchure, la mer d'Enshu. Du temps de l'ère Nara (710-794), ce fleuve portait le nom d'Aratama. Puis, sous l'ère Heian, on le rebaptisa le fleuve Hirose (fleuve aux larges rapides) pour enfin lui donner le nom de fleuve Amenonaka à l'époque Kamakura (1185- 1333), c'est à dire le fleuve céleste. On mentionnait déjà l'existence du cours d'eau à l'époque Nara, sous la forme de « fleuve déchainé » à cause de son courant fort et turbulent sans parler des inondations qu'il provoquait. Canaux et digues furent alors créés sous l'époque Muromachi pour tenter de dompter le monstre. D'autres canaux d'irrigation furent creusés du temps du bakufu de Ieyasu Tokugawa, pour développer la culture du riz dans l'ancienne province de Totomi. Cela n'empêchera pas les crues de 1674 de dévaster la zone, détruisant au passage bon nombre des protections qui avaient été mises en place entre temps.
Hamamatsu, qui est la ville la plus peuplée de la Préfecture de Shizuoka, fut fondée le 1er juillet 1911. Est-ce un hasard ? La ville accueillit le premier concours international de piano en 1991 et quatre ans plus, le musée des instruments de musique ouvrait ses portes (ci-dessous). Premier du genre au Japon, il contient 1300 instruments différents classés par zones géographiques (Asie, Océanie, Afrique, Amériques, et Europe). Pour ma part, je me contenterai de visiter la section consacrée aux instruments japonais (koto, jamisen, shakuhachi, taiko, biwa, so...) qui témoigne ainsi de la large place que la ville a toujours accordé à la musique. J'y découvre le gagaku, cette musique raffinée et élégante qui désigne l'ensemble des répertoires de la musique de cour du Japon. Il comprend des répertoires orchestraux, des chants et de la danse, et peut être mis en opposition avec le zokugaku (musique folklorique et populaire). Ses origines remontent à la Chine du VIIIè siècle avant J.C où poèmes de célébration et de divertissement existaient déjà et remplissaient des fonctions à la fois rituelles et profanes. Le gagaku japonais, lui, comporte quatre genres qui se rattachent à des fonctions identiques, avec une instrumentalisation et un style variables. Il sera introduit ici au V ème siècle mais deviendra officiel au VIII ème siècle avec la fondation de l'office du gagaku (Gagaku-Ryo), en 701, un bureau qui dépendait du département des affaires nobles. Un goût certain pour la musique est resté depuis dans cette ville qui fourmille d'évènements musicaux tout au long de l'année : concours international de piano, festival mondial des jeunes chorales, semaine de jazz d'Hamamatsu, concours national d'instruments à vent...
Entre deux averses, je poursuis ma promenade et m'arrête devant la statue Yumetsuge Jizo (ci-dessous), qui veille sur les victimes du choléra de l'épidémie de 1858 et prie pour la longévité. Sous la période Meiji, on enterra l'effigie de Jizo afin de mieux lutter contre le bouddhisme, mais celui-ci apparut une nuit dans un rêve de Koyanagi Jonosuke et lui fit savoir qu'il souhaitait revenir sur terre. Les habitants d'Hamamatsu déterrèrent alors le Jizo et le conservèrent dans un petit temple.
Je me rends ensuite au pied du puits de naissance (deuxième photo ci-dessous) du deuxième shogun, Hidetada Tokugawa, fils de Ieyasu Tokugawa. Celui-ci naquit en effet à Hamamatsu le 7 mai 1579, à la villa de Tokiwa-cho, là où vivait Saigo no Tsubon, la maitresse de Ieyasu. Il règnera de 1605 à 1623, au début de l'ère Edo. Son père, Ieyasu, qui avait pris le contrôle du Japon en 1600, des mains du clan rival Toyotomi, lui remettra le titre de Seii Taishogun en 1605, deux ans après avoir lui-même établi le shogunat à Edo. En tant que Shogun, Hidetada prendra part au siège d'Osaka durant l'hiver 1614, puis à l'été 1615, siège lors duquel il défiera le dernier clan rival, celui des Toyotomi. Sous son shogunat seront établies les lois régissant les samouraïs (lois buke shohatto) et la cour impériale (kuge shohatto).
Le château d'Hamamatsu (ci-dessous) est un autre point d'intérêt de cette ville. Il est en réalité une reconstruction d'un château japonais de style hirayama. L'endroit servit jadis de siège à plusieurs daimios qui régnèrent sur le domaine d'Hamamatsu, mais ses origines restent incertaines. On l'appelle également Château de Shussei. On pense qu'une fortification fut construite sur son emplacement par Imagawa Sadatsuke, membre du clan Imagawa et 4è chef du Enshu de 1504 à 1520. Le tout premier château reçut le nom de château de Hikuma et fut confié à Lio Noritsuna, un serviteur d'Imagawa. Celui-ci, samouraï de son état, recevra ainsi ce château assorti d'un territoire attenant évalué à 10000 koku. Il mourra à la bataille d'Okehazama en 1560. A la suite de la défaite d'Imagawa Yoshimoto à cette même bataille, Lio Tsuratatsu se rebellera contre Imagawa Ujinao mais sera défait. Le clan Imagawa, alors très affaibli, ne pourra résister aux forces alliées conjuguées de Ieyasu Tokugawa (Province de Mikawa) et de Takeda Shingen (Province de Kai). Et les anciens territoires lui appartenant d'être répartis entre les Tokugawa et les Takeda en 1568. Tokugawa, lui, obtiendra Hamamatsu, et y installera son quartier général en 1570 (qu'il déplacera depuis le château d'Okazaki). Il y passera au total dix-sept années. Durant ce temps, il rénovera et agrandira le château qui prendra son nom en 1577. En 1586, Ieyasu s'installera au château de Sunpu, confiant celui d'Hamamatsu à Horio Yoshiharu,un daïmio des époques Azuchi-Momoyama et Edo. Son fils prendra ensuite sa succession. A l'origine, Yoshitaru était sous la tutelle d'Hideyoshi Toyotomi qui le prendra à son service pour sa bravoure. Après la mort de son protecteur, Yoshiharu fera allégeance à Ieyasu Tokugawa, puis transmettra la responsabilité de chef de famille à son fils, Horio Tadauji, en 1599. Un an plus tard, Yoshiharu rejoindra les forces de Ieyasu et s'illustrera sur le champ de bataille. Blessé, il ne pourra pas prendre part à la bataille de Sekigahara mais Ieyasu le récompensera tout de même en lui donnant 240000 koku à Toda (Province d'Izumo).
A la suite de la bataille de Sekigahara, le château d'Hamamatsu sera brièvement gouverné par Yorinobu Tokugawa (10è fils de Ieyasu Tokugawa). Lors de l'avènement du gouvernement Meiji, les structures militaires restantes de la forteresse seront détruites, les douves comblées et les mottes castrales externes bradées. La partie centrale du château restera en la possession de la ville qui en fera un parc. On construisit en 1958 un faux donjon d'après l'alignement original des pierres (norzura-zumi, ou technique particulière d'alignement des pierres) du temps de Ieyasu Tokugawa. La structure actuelle comporte trois étages et un observatoire en son sommet, offrant ainsi une jolie vue sur l'océan Pacifique. A l'intérieur, je peux observer un petit musée qui abrite armures et autres objets ayant appartenu au clan des Tokugawa. Autour du château, un parc, remarquable au moment de la floraison des cerisiers, accueille une statue de Ieyasu Tokugawa.
Non loin de là se dresse le sanctuaire Gosho (ci-dessous), né de l'idée d'Hidetada Tokugawa. En effet, un sanctuaire similaire existait déjà à l'intérieur du château en 1580 sur décision de Ieyasu. Ce premier sanctuaire avait alors pour tâche de veiller sur sa progéniture, c'est à dire sur Hidetada. L'actuel sanctuaire abrite cinq déités : Futodama-no-mikoto, Takeikazuchi-no-mikoto, Iwainushi-no-mikoto, Amanokoyane-no-mikoto et Hime-no-Okami. L'endroit sera incendié durant la guerre mais sera reconstruite en 1982.
Plus loin, un autre sanctuaire, minuscule celui-là, le sanctuaire Matsuo (deuxième photo), survit au temps. Jadis surnommé sanctuaire d'Hamamatsu, de 708 à 715, son dieu principal est Shirahige-Okami. Le petit sanctuaire changera de nom en 1577, et accueillera successivement plusieurs lords du château.
Le temple Kamoeji, lui, célèbre le bouddhisme Shingon, issu d'une école bouddhiste japonaise ésotérique qui fut fondée au IX ème siècle par le moine Kukai. Le mot Shingon signifie « parole vraie » et constitue, avec ses douze millions de fidèles, l'un des courants majeurs du bouddhisme dans ce pays, et l'une des plus anciennes lignées du bouddhisme tantrique, le vajrayana.
INFOS PRATIQUES :
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Musée des instruments de musique, 3-9-1 Chu-o, Naka-ku, à Hamamatsu. Tél : 53 451 1127. Ouvert tous les jours (sauf les deuxième et quatrième mercredi du mois)de 9h30 à 17h00. Entrée : 400 yens. Prise de photos autorisée. Audioguide disponibles gratuitement en japonais et en anglais. Boutique et restaurant. Accès H. Site internet :http://www.gakkihaku.jp/
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Office de tourisme d'Hamamatsu, 265-16 Sunayama-cho, Naka-hu, à Hamamatsu (à l'intérieur de la gare JR). Tél: 053 452 1634. Ouvert tous les jours de 9h00 à 19h00. Site internet: http://www.hamamatsu-daisuki.net/lan/en/
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Château d'Hamamatsu, 100-2 Motoshiro-cho,Naka-ku, à Hamamatsu. Tél : 053 453 3872. Ouvert tous les jours de 8h30 à 16h30. Entrée : 200 yens. Présence de guides volontaires qui parlent anglais. Photos autorisées.
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Ne repartez pas d'Hamamatsu sans ses gâteaux à l'anguille (biscuit sucré en forme d'anguille), en photo ci-dessous Une spécialité locale.