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Tokaïdo, la Route de la Mer de l'Est - Ishibe et Kusatsu
(Préfecture de Shiga, Japon)
Heure locale


Mardi 8 mars 2016

 

J'ai définitivement quitté Kameyama par le train omnibus de 8h00 pour me rendre à ma prochaine escale, Kyoto. Je ne raffole pas de cette ville tant il y a de visages pâles qui transforment l'ancienne capitale impériale en piège à touristes. D'ailleurs, je le ressentirai nettement, compte tenu de la différence de comportement des Japonais sur place (amabilité,serviabilité...). De plus, la circulation y est infernale et on attend une éternité aux passages pour piétons. C'est Kusatsu que je vous emmène cette fois, non sans avoir laissé Ishibe derrière moi, sans même m'y arrêter. L'ancienne station du Tokaido, la 51 ème du nom, est reliée au chemin de fer, mais le coin est perdu dans la campagne et le temps me manquait. Ishibe (sur l'estampe ci-dessous) est désormais rattachée à la ville de Konan (où se trouve, soit dit en passant, un village de Ninjas, à découvrir si vous passez par là). Autrefois, on disait qu'il fallait une journée environ pour se rendre de Kyoto à cette station : « Lever à Kyoto et coucher à Ishibe » voulait bien dire quelque chose.

Cette petite station fut initialement créée en 1571 lorsque Oda Nobunaga créa la ville d'Ishibe par la fusion de cinq autres villages. En 1597, Toyotomi Hideyoshi fera évoluer cette station afin qu'elle puisse être utilisée pour envoyer des marchandises par des voyageurs qui se rendaient à Zenko-Ji, dans la province de Shinano. Et Ishibe—juku de devenir naturellement un relais officiel d'étape en 1601, lors de la création du Tokaido. L'intérieur de ce relais se trouvaient jadis deux honjins (auberges) ainsi que 32 autres lieux d'accueil sur les 458 bâtiments alors répertoriés sur le 1,6 kilomètre de distance que mesurait la petite cité. Tokugawa Iemochi, 14 ème shogun du pays, résidera dans l'une des deux honjin, bien que sa visite eut été précédée en 1863 par celle de Tokugawa Yoshinobu qui devait devenir plus tard le 15 ème shogun. Il ne reste plus aujourd'hui grand chose des maisons originales, bien qu'il existe un musée des archives consacré à l'ancien relais.


 

52 ème station de la route du Tokaido, Kusatsu-juku a gardé plus de relief que la cité précédente, et la portion de route du Tokaido qui la traverse offre quelques curiosités : A dix minutes de la gare ferroviaire, je rejoindrai la route shogunale par une autre route, Nakasendo, pour laquelle Kusatsu représente la 68 ème station (sur 69). Le Nakasendo, appelé aussi Kisokaido, était l'une des cinq routes d'Edo sous le règne des Tokugawa, et l'une des deux reliant Edo (l'actuelle Tokyo) à Kyoto. Elle comprenait 69 stations et traversait les provinces de Musachi, Kozuke, Shinano, Mino et Omi. Et de passer également par les préfectures actuelles de Saitama, Gunma, Nagano, Gifu et Shiga, pour comptabiliser une distance totale de 534 kilomètres. A la différence du Tokaido qui longeait la côte, le Nakasendo traversait l'intérieur du pays, d'où son nom qu'on pourrait traduire par « route à travers les montagnes centrales ». La route était sûre et de bonne qualité et beaucoup de célébrités nippones, dont le poète de haïku Basho Matsuo, l'emprunteront au moins une fois dans leur vie.

Le long du Nakasendo, je m'arrête au sanctuaire Oshoii (ci-dessous) qui vénère la déesse Tagorihime, fruit d'une promesse entre amaretsu et Susanoo. Au fond, se dresse un plus petit sanctuaire dédié à Inari, divinité shinto japonaise des céréales, puis des fonderies et du commerce, mais aussi gardien des maisons. Sans doute cela explique t-il la présence d'un renard (deuxième photo) dans chacun des sanctuaires qui lui sont consacrés.

 

Dix minutes de marche plus tard, et après être passé sous la vieille rivière de Kusatsu, j'atteins le croisement des deux routes Nakasendo et Tokaido, symbolisé par la présence d'une lanterne (ci-dessous) de 3,92 mètres de haut. Celle-ci fut installée en 1816, durant la période Edo, et porte depuis l'inscription « prenez à droite pour franchir le Tokaido en direction d'Isemichi, et à gauche pour vous rendre à Minoji par le Nakasendo ». De nos jours, Kusatsu est devenue une ville active de quelques 130 000 habitants, qui fut fondée en 1954. Une superbe honjin, Kusatsujuku-honjin (deuxième photo), se dresse encore sur la route du Tokaido, à une centaine de mètres seulement du fameux croisement. Je m'y arrête et suis surpris par la surface de l’établissement. Celui-ci est la seule auberge (sur les deux qui existaient jadis) encore existante. On dit que les Tanaka auraient tenu cette auberge pendant plus de deux siècles, de 1636 à ...1870. L'endroit portait aussi le nom de Kiya-honjin. Bientôt, l'auberge sera réquisitionnée pour héberger les officiels de passage dans la ville, et servira même de bureau de poste après l'abolition du système de station postale instauré précédemment. Le bâtiment fut bien sûr reconstruit à plusieurs reprises, comme la plupart des bâtiments de la période Edo qui seront entretenus durant l'ère Showa. Et notre auberge de rester à ce jour l'une des plus vastes encore en état au Japon.

A l'intérieur, existe un certain nombre de pièces, comme par exemple le tatami-rouka qui était le lieu de passage permettant aux hôtes de se rendre du hall d'entrée de la honjin au Jyodannoma (troisième photo ci-dessous), la pièce la plus prestigieuse de l'établissement. Une autre pièce, petite celle-là, servait à la préparation du thé qui était ensuite servi au daïmio, et portait le nom de Daisunoma.


 

La seconde plus belle pièce de l'auberge était la Mukai-Jyodan (ci-dessous), qui ne se trouvait pas si loin des toilettes (Jyodan-Settin) exclusivement réservées au daïmio. A l'autre bout du bâtiment principal se trouvait la cuisine (deuxième photo), appelée aussi Daidokoro-doma. C'est là qu'étaient préparés tous les repas. Pour la toilette, il fallait passer du bâtiment principal à un autre petit local surnommé Yudono (salle de bains, ci-dessous sur la deuxième photo), à l'usage exclusif du daïmio. Cette même pièce servait à la fois au maitre pour se déshabiller et se rhabiller et pour se laver. Depuis la petite passerelle, les hôtes pouvaient admirer un jardin japonais typique.


 

C'est au musée relatant l'histoire de l'ancienne station de Kusatsu (en estampe ci-dessous) que je réaliserai ma propre ukiyo-e (deuxième photo ci-dessous), un exercice enfantin, à condition de bien s'y prendre. Il me sera interdit de prendre des photos et toutes les explications sont, là encore, rédigées, en langue japonaise. J'apprendrai cependant que ce musée ouvrit ses portes en 1999, afin de présenter au public un certain nombre d'objets utilisés par les pèlerins notamment, des livres et des documents d'époque. On peut aussi y voir une grande maquette de la ville. On distille ici (à condition de lire la japonais couramment et dans le texte), l'histoire des routes shogunales (kaido) depuis le début du XVII ème siècle jusqu'à la fin du XIX ème. Je vous l'ai dit, on y aborde aussi l'ukiyo-e, ou image du monde flottant, mouvement artistique japonais de l'époque Edo comprenant les estampes japonaises gravées sur bois. On y apprend qu'une telle image était conçue par trois personnes : celle qui dessinait la scène, celle gravait le dessin dans le bois, et la troisième qui l'imprimait à l'encre. Le musée permet aussi de se pencher sur le mode de vie des voyageurs et des pèlerins, et sur leurs lieux de repos, comme les honjin par exemple. Et, bien sûr, les repas qui y étaient servis. J'y apprendrai que la ville-étape de Kusatsu, outre deux honjin, possédait aussi deux waki-honjin (auberges secondaires) et 72 ryokan (autres établissements hôteliers). On y parle de la rivière de Kusatsu, une rivière aérienne, puisque son lit est situé au-dessus du niveau du sol, d'où son nom « rivière de plafond ». Non, non, je vous assure, je n'ai pas insisté sur le saké ! Le cours d'eau n'était d'ordinaire pas profond et il était courant pour les habitants de le franchir à pied. Lorsque le niveau de l'eau était plus élevé, on franchissait la rivière à dos d'homme, et il en coûtait alors 120 yens pour la traversée (pour une hauteur d'eau de trente centimètres environ).


 

Sur mon chemin pour le sanctuaire Tachiki (ci-dessous) qui se consacre au dieu du tonnerre, Takemikazuchi, déité de la mythologie japonaise, je passe devant un établissement qui produit du saké, DohkanGura (deuxième photo). Un jour, lors d'une partie de chasse, le samouraï Dohkan Ohta se retrouva sous une pluie battante et dut s'arrêter dans une ferme à proximité pour demander un manteau de pluie. Et la jeune fermière d'offrir au samouraï une rose de montagne tout en lui récitant un poème : « Alors que les roses de montagne poussent ici à profusion, nous ne pouvons même pas vous offrir un manteau de pluie ». Le samouraï en question était aussi le bâtisseur du château d'Edo et cette histoire perdurera pendant cinq siècles. Sur l’ordre du troisième shogunat des Tokugawa, lui et sa famille viendront s'installer à Kusatsu pour sécuriser la route du Tokaido. Et de se mettre plus tard à produire un saké qui portera bien entendu son nom. Cet alcool a depuis gagné en renommée mondiale et après avoir installé des brasseries à Nada, et Kobé, la famille Ohta continue à produire son propre breuvage.

Le toit du bâtiment principal du sanctuaire Tachiki, lui, ressemble étrangement à un toit de maison normande. C'est ce que je confie au moine présent sur place. Quant au dieu Takemikazuchi, il aurait livré le premier combat de sumo à jamais enregistré dans la mythologie nippone. Il est aussi le dieu de l'épée et on le voit d'ailleurs sur une image en train de combattre un gigantesque poisson chat, celui qui serait responsable des tremblements de terre.


 

INFOS PRATIQUES :


  • Un office de tourisme est situé en gare de Kusatsu (en sortant des bornes de contrôle de tickets, légèrement sur votre droite, à côté de Manneken). Documentation uniquement en japonais.

  • Auberge Kusatsyjuku-honjin, sur la route du Tokaido, à cent mètres environ du point de croisement situé près de la rivière (aérienne) : ouverte tous les jours (sauf le lundi) de 9h00 à 17h00. Entrée : 240 yens (ou 350 yens, avec la visite du musée Koryukan, tout proche). Photos autorisées sous conditions. Tél : 077 561 6636

  • Musée Koryukan, sur la route du Tokaido, à environ 200 mètres de la honjin. Tél : 077 567 0030. Ouverte tous les jours (sauf le lundi), de 9h00 à 17h00. Entrée : 200 yens (ou avec le billet combiné avec la honjin, à 350 yens). Le musée se trouve au premier étage (le rez-de-chaussée étant une boutique).

  • Dohkangura, sur la route du Tokaido, vend du saké (qu'il produit) et d'autres alcools. Site internet : http://www.ohta-shuzou.co.jp/

  • Sanctuaire Tachiki, Kusatsu 4.1.3, à Kusatsu. Ouvert tous les jours de 8h30 à 17h00.











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