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Broome
(Australie-Occidentale, Australie)
Heure locale

 

Mercredi 25 mai 2016

 

Mon séjour se poursuit dans les meilleures conditions. Plus je grimpe vers le nord et plus il fait chaud. La distance entre Port Hedland et Broome, ma prochaine destination, est de 600 kilomètres. Ca sera ma destination la plus au nord de ce séjour car je n'aurai pas le temps de poursuivre vers Derby puis Windham, à 1300 kilomètres de là, si je veux rentrer à temps à Perth pour rendre mon camping-car. De même, il m'aurait fallu plus d'une journée pour apprécier pleinement cette petite ville de 12000 habitants, ne serait-ce que pour errer sur la magnifique plage de Cable Beach, à dos de chameau. Vous le savez maintenant, je suis très porté sur l'aspect culturel et historique des lieux que je visite et je ne tarderai pas à découvrir que les Soeurs de Saint Jean de Dieu officièrent jadis ici, au sein de ce qu'on appelle aujourd'hui l'ancien couvent (Old Convent). L'histoire de ce couvent débute en 1923, et les Soeurs y oeuvreront quinze années durant, au nombre de 24. Certains se chargeront de parcourir l'Est de l'Australie afin de rassembler les fonds nécessaires à l'édification du bâtiment, fonds alors difficiles à trouver à Broome. En dépit des conditions climatiques parfois désastreuses, comme ce cyclone de 1926 qui mettra à mal la construction en cours, le futur couvent tiendra bon. Semblable aux maisons locales, celui-ci offre une ventilation naturelle grâce à une circulation d'air facilitée par de larges baies. Le bâtiment contient une chapelle, autrefois lieu central de la vie des religieuses. On y trouvait aussi un réfectoire, une salle communautaire, un petit bureau, une salle de musique, une cuisine et un parloir. L'ensemble sera conçu et bâti par l'architecte naval japonais Hori Gorokitchi, arrivé du Japon en mai 1891. Il sera l'artisan d'un certain nombre de constructions à Broome, et construira notamment l'école Sainte Marie, rue Robinson. A chaque fois, il utilisera la méthode de construction appelée shinkabe, méthode traditionnelle nippone, plus particulièrement résistante face aux éléments naturels. Quant à la congrégation des Soeurs de Saint Jean de Dieu, elle est originaire d'Irlande et fut fondée en 1871. Dès 1895, un groupe de religieuses débarqua à Albany (Ouest australien), puis les Soeurs s'établiront à Beagle Bay pour une mission, juste avant d'arriver à Broome en juin 1908, se liant immédiatement avec la population locale, largement constituée à l'époque d'Asiatiques et d'Européens. L'exposition que je parcours aujourd'hui fut montée en 2007, afin de témoigner des missions de l'Ordre depuis l'arrivée des religieuses sur place, et pour célébrer le centenaire du travail des Soeurs : la plus grande partie de l'ancien couvent a donc été transformée en salles d'exposition. On y relate, en photos et à l'aide de très nombreux panneaux d'information, la vie de ces Soeurs durant leurs trente premières années à Broome. Une galerie est consacrée à Beagle Bay et aux relations entretenues avec les habitants locaux. On découvre également l'histoire de la congrégation, la vie spirituelle, puis la mission des Soeurs qui était d'apporter une aide médicale en ville et dans les environs. Les Soeurs enseignaient aussi sur place dans deux écoles voisines, et venaient en aide aux Aborigènes.

 

J'aime beaucoup l’histoire et il ne me faudra qu'une dizaine de minutes de marche pour rejoindre à pied le musée de Broome. La petite ville prit son essor dans les années 1880, grâce à l'industrie perlière. Les premiers Européens, arrivés sur place dans les années 1860, avaient bien remarqué que les Aborigènes locaux (peuples Yawuru, Djugan et Goolarabooloo) portaient de riches parures agrémentées de magnifiques perles. En fait, ces peuples ancestraux pêchaient, revendaient et se servaient de ces perles comme éléments décoratifs et lors de cérémonies. Pas fous, les Européens avaient été sensibles à la taille et à la qualité des fameuses perles et lancèrent le premier commerce perlier à Roebuck Bay à la fin des années 1860. Peu scrupuleux, ils forceront aussi très vite les Aborigènes à plonger pour eux afin de rapporter le précieux butin, et malgré les dangers que comportait une telle pêche (risque d’accidents pulmonaires). Certains Aborigènes seront alors kidnappés, gardés dans des fermes, puis revendus au plus offrant.


 

Au début des années 1880, de nouveaux plongeurs débarquèrent de l'étranger et commencèrent à utiliser des combinaisons de plongée (ci-dessous). Une nouvelle pêche perlière était née, et de nouvelles zones de pêche, situées plus à l'ouest furent bientôt explorées. On découvrit aussi à la même époque les colonies perlières de la côte du Kimberley. La pêche fut prolifique mais Roebuck Bay, malgré sa réputation sulfureuse, restait toujours en vogue. On voulut alors imposer aux pêcheurs étrangers le paiement de taxes, et un premier poste douanier verra le jour au port de Broome le 27 novembre 1883.


 

A cette époque, l'huitre était pêchée pour ses perles et pour son nacre avec lequel on fabriquait des boutons (ci-dessous), mais la première vente de perles qui se tint en ville en octobre 1886 n'eut pas beaucoup de succès. Et la fréquentation des zones de pêche de fluctuer selon les saisons. De plus, à cause des mouches et des moustiques, on préférait bien souvent la baie de Roebuck. Nombreux seront les enfants de la noblesse anglaise à s'investir dans cette activité perlière, après avoir servi dans la Royal Navy, et ce, dans l'espoir de faire rapidement fortune. Ces jeunes savaient bien mener les pêcheurs, qui étaient en grande majorité asiatiques, et les convaincre d'avoir la force, l'abnégation, le courage et le talent indispensables pour rapporter les prises attendues. D'autant plus que cette pêche était à haut risque et restait mal payée. Les Asiatiques, eux, avaient très souvent délaissés leurs villages de pêcheurs pour venir tenter leur chance ici, à Broome. Ils étaient originaires des Indes hollandaises, d'Asie du Sud-Est, des Philippines, de Chine et du Japon, et remplaçaient avantageusement les Aborigènes qui étaient désormais mieux protégés que par le passé. Les cyclones étaient parfois meurtriers dans la région, comme en 1887, lorsque la flotte de bateaux perliers (pearling luggers) fut entièrement balayée et qu'on déplora la disparition de 140 plongeurs.

 

Broome se remettra de ce cyclone mais l'on construira une nouvelle jetée (ci-dessous) et un chemin de fer, destinés à aider l'industrie perlière dans son expansion. La petite ville fournissait de plus en plus de perles jusqu'à ce qu'en 1901, le Commonwealth n'émette l'idée de restreindre l’immigration ou tout au moins de la rendre plus sélective, en triant davantage les arrivants. A cette époque, on comptait en effet 1358 Asiatiques pour 132 Européens dans ce milieu de la pêche perlière. Toutefois, on dissuadera les autorités en leur rappelant que les Asiatiques étaient de meilleurs pêcheurs de perles, et que ce commerce avait déjà rapporté des gains substantiels (104 000 £). Au final, il sera simplement exigé que ces immigrés d'Asie ne vivent pas sur le littoral, exigence qui ne sera jamais respectée car tous vivaient bien entendu au plus près de leur lieu de travail, sur le bord de mer, ou au port. En 1910, le gouvernement tentera de faire à nouveau pression pour que les Asiatiques quittent le pays, en vain, car le fait que les plongeurs anglais souffraient de maux divers à force d'exercer la pêche aux perles, contrariera à nouveau ce projet. Cette tentative d'imposer des pêcheurs de perles de couleur blanche ayant échouée, la période dorée de l'industrie perlière, elle, ne se poursuivra que quelques années encore. 1914 et la Première guerre mondiale viendra mettre un terme à l'essor de cette pêche : le marché de la perle s'effondrera, les banques n'octroieront plus de prêts aux entrepreneurs, et l'Etat australien mobilisera sous les drapeaux tous les hommes en état de combattre. A la fin de la guerre, et malgré des aides gouvernementales, le marché reprendra mais restera fluctuant. Dans les années 1929, les Japonais prendront le relais en tant que plongeurs ou comme équipages sur les bateaux. Cette population s'organisera afin de maintenir des salaires élevés, à tel point que des tensions auront parfois lieu entre plongeurs japonais et les patrons des flottilles de pêche. Des révoltes sérieuses auront d'ailleurs lieu en 1920, qui feront deux morts parmi les Japonais et quatre parmi les armateurs. Parallèlement, certains Japonais plus malins que d'autres sauront s'imposer en tant que partenaires investisseurs dans cette pêche fructueuse, aux côtés des Européens de plus en plus souvent réputés pêcheurs de vérandas (à cause de leur passivité). Un puissant cyclone détruira à nouveau tout sur son passage en 1935, faisant à nouveau 140 disparus. Et les Japonais d'être plus tard incarcérés, suite à l'attaque de Pearl Harbour. La fin de la Seconde guerre mondiale restera une triste période pour l'industrie perlière. Les prix seront certes repartis à la hausse et les colonies perlières se seront régénérées mais on manquera à la fois de plongeurs expérimentés et d'embarcations. Il faudra attendre 1953 pour que soit remise sur pied une flottille de pêche et que les Japonais réapparaissent momentanément. Entre temps, la concurrence des boutons plastique aura été fatale aux boutons en nacre. Et de s'acheminer vers la disparition de cette pêche traditionnelle vers 1960. C'est une autre ère qui s'ouvrira alors avec l'apparition de la culture perlière grâce à des hommes comme James Clark, Thomas Haynes, le Capitaine Reddell ou le biologiste Saville-Kent. Broome restera malgré tout la première ville au monde à exporter ses perles naturelles et encore aujourd'hui, la culture de ce précieux sésame rapporte davantage à la petite ville que l'ancienne pêche perlière.

 

Je me rends au cimetière japonais (en photo ci-dessous) où reposent, aux côtés d'autres cimetières d'autres pays, un grand nombre de victimes de cette pêche perlière. La création de ce cimetière remonte à 1896, c'est à dire aux toutes premières années de la pêche. On y trouve certes les victimes des cyclones de 1887, 1908 et 1935, celles décédées suite aux maladies occasionnées par la pêche en eau trop profonde, puis également les 33 victimes de paralysie pulmonaire de 1914. 919 personnes y reposent (dans 707 tombes).

 

En dehors de la ville, sur la route en direction de Derby, je m'arrête à Mango Place, qui s'avère être un restaurant entièrement consacré à la mangue. La cuisine y est inspirée de celle qu'on trouve ici, avec cependant quelques plats fétiches comme la pizza au poulet et à la mangue (élue meilleure pizza en 2013), ou le bœuf avec son vol au vent au vin de mangue. L'entreprise a ainsi remporté plusieurs prix dans le Queensland, en Tasmanie et à Perth grâce à la qualité de ses produits. L'endroit est accueillant, ombragé (au milieu des manguiers) et reposant. Une promenade dans le jardin et à la ferme des mangues invite à la découverte, ou à siroter un mojito à la mangue (avec ou sans alcool). A l'issue de votre visite, je découvrirai les produits locaux, tous à base de mangue, comme cette bouteille de vin de mangue de 375 ml (produite à partie d'1,5 kg de fruits), les confitures, le chutney, ou le savon à la mangue. Je ferai enfin la connaissance d'Adrien, un jeune breton débarqué à Broome il y a quelques mois pour travailler sur place. Une jeune japonaise, venue tout droit de Kumamoto (Ile de Kyushu) fait aussi partie de l'équipe et me permettra d'échanger quelques mots en langue nippone.

Non loin de là, se trouve le parc sauvage de Malcolm Douglas, où on peut assister chaque jour à 15h00 au repas des crocodiles. Malcolm Douglas, depuis décédé dans un accident de la route, avait créé le parc aux crocodiles en 1983, en tant que centre de recherches. Cet endroit propose de découvrir quel type d'animal est le crocodile et de mieux comprendre son mode de vie. A voir !

 

INFOS PRATIQUES :


  • Office de tourisme, Male Oval, 1 Hamersley Street à Broome. Tél:08 9195 2200. Ouvert de 8h30 à 16h00 en semaine et de 9h00 à 15h00 les fins de semaine. Renseignez-vous au préalable car les horaires varient en fonction des mois. Je devrai pour la première fois faire la queue sur place pendant dix minutes avant d'être pris en charge, en dépit de la présence de quatre réceptionnistes. Site internet : http://www.visitbroome.com.au

  • The Old Convent, 9 Barker Street à Broome. Tél:08 9192 3950. Ouvert du lundi au vendredi de 9h00 à 13h00 et le samedi de 10h00 à 13h00. Entrée libre (les dons sont toutefois les bienvenus). Prise de photographies interdite à l'intérieur.

  • Musée d'histoire, 67 Robinson Street, à Broome. Tél:08 9192 2075. Ouvert de 10h00 à 16h00 (du lundi au vendredi) et de 10h00 à 13h00 (les samedi et dimanche), de mai à septembre, puis tous les jours de 10h00 à 13h00, d'octobre à avril. Entrée adulte : 6AUD. Prise de photographies autorisée sans flash. Site internet : http://www.broomemuseum.org.au

  • A côté du musée, un arrêt de bus vous permettra de rentrer rapidement vers le centre-ville et l'office de tourisme. Passage à 25 et à 55 minutes. Prix du ticket : 4AUD.

  • Une salle d'exposition de la perle jouxte l'office du tourisme de Broome.

  • Mango Place, 120 Kanagae Drive, 12 Mile, à Broome. Tél:08 9192 5462. Ouvert tous les jours de 10h00 à 16h00. Restaurant et boutique de produits, tous réalisés à base de mangue. Dégustation du vin à la mangue. Site internet : http://www.mangowine.com.au

  • Malcolm Douglas Wildless Park, sur la route en direction de Derby (en venant de Broome), à environ 16 km. Repérer un panneau de couleur marron. Tél:08 9193 6580. Ouvert tous les jours de 14h00 à 17h00. Repas des crocodiles à 15h00. Entrée adulte : 35AUD, et enfant: 20AUD. Site internet : http://www.malcolmdouglas.com.au











 



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