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Exposition "Colorado, le Fleuve qui n'atteint plus la Mer"
(Pavillon de l'Eau, Paris, France)
Heure locale

 

Mardi 6 septembre 2016

 

Le Pavillon de l'eau (Paris 16è) invite actuellement le public à découvrir l'exposition « Le Colorado, le fleuve qui n'atteint plus la mer », présentée pour la première fois en France et centrée autour du travail photographique de Franck Vogel. A l'heure des changements climatiques et alors que les enjeux liés à la pollution et à la raréfaction de la ressource en eau sont de plus en plus prégnants dans notre pays, le fleuve Colorado fait, lui, face à d'autres problèmes : la surexploitation de ses eaux l'empêche en effet de se jeter dans la mer de Cortez (Mexique). L'exposition a pour but de sensibiliser les visiteurs sur la nécessaire préservation de l'eau, bien commum de l(humanité, essentiel à la vie, et tout particulièrement sur les dangers auxquels les Etats-Unis et le Mexique sont aujourd'hui confrontés, dangers qui pourraient bien survenir demain chez nous et concerner des fleuves comme la Seine par exemple.

 

Le fleuve Colorado s'étire sur 2330 km, depuis les montagnes Rocheuses jusqu'au Golfe de Californie, et fournit une grande partie de l'eau douce à près de trente millions de personnes aux Etats-Unis et au Mexique. Il permet également la production d'électricité couvrant les besoins de trois millions d'habitants, tout en irriguant 15% des cultures nord-américaines. Artère vitale du Sud-Ouest américain, il est aussi le seul fleuve au monde à ne plus se jeter dans la mer, puisque les barrages américains l'empêchent désormais de couler au Mexique.

L'exposition actuelle a une histoire et la série de photographies sur le Colorado qu'on peut y admirer appartient à la série intitulée Fleuves Frontières, réalisée par Franck Vogel. Ce photographe souhaite, à travers ses photos, alerter sur l'importance de l'eau sur notre planète et les dérives provoquées par l'Homme. Et Fleuves Frontières (http://www.franckvogel.com/francais/projet-fleuves.html) de se situer au cœur des enjeux, des tensions et des guerres de l'eau. Ce grand projet photographique s'articule autour de sept fleuves emblématiques qui ont chacun des problèmes bien spécifiques. Franck Vogel débuta son travail en 2012 avec le Nil et le projet du barrage du Millénaire (en Ethiopie). Puit notre homme s'e pencha sur le Brahmapoutre (Inde), puis le Colorado (Etats-Unis et le Jourdain. La suite de son parcours le mènera à s'intéresser au Mékong, à l'Amazone et au Gange. En ce qui concerne le Colorado, il est impossible de recréer l'écosystème original, mais il faut impérativement préserver ce qui peut encore l'être, tout en permettant une exploitation durable du cours d'eau. Le parallèle avec la Seine et ce grand fleuve américain réside, non à l'échelle de la taille des deux cours d'eau, mais au niveau de l'exploitation de leurs affluents par les agriculteurs et les éleveurs qui en prélèvent le précieux liquide à des fins économiques. A Paris aussi, un nombre considérable d'individus tire tout ou partie de l'eau de la Seine et y renvoie le liquide après traitement des eaux usées. Il est donc vital de surveiller et de préserver l'eau du fleuve pour la partager au mieux entres ses différents utilisateurs.

 

Le Colorado, lui, a passé plus de quarante millions d'années à creuser le Grand Canyon américain, mais il n'aura suffi que du XX ème siècle pour le mettre en péril. Ce fleuve est l'artère vitale du sud-ouest américain (avec ses 27 millions de personnes). Son bassin versant s'étend sur sept états des Etats-Unis (Colorado, Utah, Wyoming, Nouveau-Mexique, Californie, Nevada et Arizona) et un au Mexique. Ce fleuve a subi de nombreux aménagements, comme la construction de canaux menant à Los Angeles, Las Vegas et à l'Imperial Valley la majorité de son eau pour l'agriculture, et pour les activités de loisirs, sans parler de l'eau potable.Et la surexploitation des réservoirs ces dix dernières années de déboucher sur une baisse significative du niveau des lacs Mead et Powell, qui sont désormais à moitié vides. Le réchauffement climatique a de son côté provoqué la désertification de l'Arizona tandis que des vents violents transportent des poussières de sable à des centaines de kilomètres jusqu'aux montagnes San Juan et d'autres massifs dont les glaciers aliment justement le Colorado. Cette poussière donne d'ailleurs une couleur grise à la neige qui fond un à deux mois plus tôt que d'habitude, causant ainsi une augmentation soudaine de débit qui, au final, entraine une perte de 5% de l'eau du fleuve. Le Colorado est aujourd'hui le seul grand fleuve à ne plus atteindre son embouchure, à cause du pompage de toute son eau restante à la frontière mexicaine par le canal All-American qui l'achemine en direction de l'Imperial Valley dans le sud de la Californie. Conséquence : les grandes zones humides (delta du Colorado au Mexique et la mer de Salton en Californie) n'ayant reçu que très peu ou pas d'eau durant les dernières décennies, la désertification s'est accentuée et a entrainé d'importants déplacements de populations (comme les réserves indiennes d'Arizona par exemple).

Le visiteur peut découvrir ainsi le Hoover Dam, qui est situé au nord, à la frontière avec le Nevada. L'ouvrage gigantesque mesure 240 mètres de haut et 410 mètres de long. Achevé en 1935, il est destiné à transformer l'or bleu du fleuve Colorado en électricité, offrant à la Californie plus de 40% de son énergie. Son immense retenue, le lac Mead, dispose d'une superficie de 640 km2 (c'est le plus gros réservoirs des Etats-Unis) et fournit 90% de l'eau potable de Las Vegas. Sur place, on informe les touristes du génie américain constitué par le fameux barrage, occultant la réalité des choses, à savoir la baisse grandissante du niveau du lac Mead sur les 885 kilomètres de ses rives. La profondeur du lac plus désormais que de 165 mètres (contres 211 mètres en 1998), soit 38% de la capacité totale. Le changement climatique n'arrange pas les choses, puisque la période d'enneigement à la source du fleuve se réduit de plus en plus, et que le débit du Colorado pourrait encore diminuer de 30% d'ici à 2026. La hausse des températures, elle, entrainerait des phénomènes d'évaporation encore plus intenses sur les lacs Mead et Powell, alors qu'on considère qu'à l'heure actuelle, 9% du débit annuel du grand fleuve se volatilise déjà de cette manière. Sachant qu'en 2050, le sud-ouest des Etats-Unis comptera 20 millions d'habitants de plus qu'aujourd'hui (soit un totale de 60 millions de personnes), on peut être inquiet.

 

Dès la seconde moitié du XIX ème siècle, alors qu'une vague de migrants prenait la route de l'Ouest du continent nord-américain, des voix s'élevaient déjà pour mettre en garde sur le manque d'eau à venir. Le géologue John Wesley Powell alertait sur la raréfaction de précieux liquide et les contentieux qui en découleraient. Ainsi, certains éleveurs de bétail devront-ils se battre parfois à mort pour l'eau du Colorado. Nous sommes alors à la fin du XIX ème siècle. La première moitié du siècle suivant vit l'érection de villes comme Phoenix, Denver ou Las Vegas, avec les énormes besoins en eau qui vont avec. On popera aussi le liquide pour arroser les oasis agricoles gagnés sur le désert en tirant d'immenses canaux destinés à irriguer les légumes d'hiver, mais aussi d'autres cultures encore plus voraces en eau. De nos jours, 80% des eaux du Colorado snot dérivés au profit de la seule agriculture. Le symbole le plus marquant de cette activité demeure l'Imperial Valley, alimentée par le canal All-American, long de 132 kilomètres (soit le plus long canal d'irrigation au monde), ouvrage qui fut construit dès 1930. Cette vallée est devenue la plus grande consommatrice d'eau du Colorado en Californie, avec ses 300 fermiers qui emploient 900 ouvriers pour cultiver 191000 hectares de terres, soit le tiers de la surface couverte par notre Beauce céréalière. Ainsi 20 millions de Californiens reçoivent-ils deux fois moins d'eau que ces seuls 300 agriculteurs !

Au cours des années 1930, les pionniers faisaient encore pousser plus de 75 variétés agricoles. Mais dans les années 1970, ils finirent par se tourner vers une poignée de juteuses filières largement subventionnées par l'Etat de Californie, comme l'alfalfa, une variété de luzerne, qui recouvre le quart de la superficie irriguée. Malheureusement, cette plante très vorace en eau, mobilise à elle seule 6,5 milliards de mètres cubes d'eau, soit cinquante fois plus que les tomates de la région. Quant aux fertilisants utilisés pour faire pousser la luzerne, ils n'arrangent rien à l'affaire, puisqu'ils empoisonne la mer de Salton aujourd'hui en voie de disparition. Au final, plus d'un tiers des herbacées (soit 600000 tonnes) de l'Imperial Valley sont exportées depuis Long Beach, le port de Los Angeles, pour alimenter le bétail chinois ou les bœufs de Kobé japonais. Un comble !

Pendant ce temps, les tribus des 29 nations indiennes dépendantes du bassin hydrographique du fleuve Colorado assistent, impuissantes, à ces nouveaux conflits. Pour chercher de l'eau, certains Indiens Navajos doivent maintenant parcourir des kilomètres de piste poussiéreuse pour rejoindre les quelques puits encore alimentés. Officiellement, sur la papier, ces tribus indiennes de l'Arizona jouissent pourtant de 51% des eaux du fleuve alloués depuis 1922 à cet Etat. Mais sur le terrain, les mêmes eaux sont détournées en faveur de réalisations menées en dehors de la réserve. Actuellement, sur le territoire navajo, presque 50000 personnes dépendent toujours de puits, souvent pollués, pour boire à leur soif, subvenir à leurs besoins domestiques, faire pousser leur maïs et abreuver chevaux et cheptel.

 

Il y a deux siècles, l'Ouest américain dans lequel sillonne le Colorado était verdoyant avec des prairies à perte de vue. L'élevage intensif et les centaines de millions de vaches qui ont piétiné les terres durant des années auront accéléré la désertification, démontrant une mauvaise gestion de la ressource. Les grandes villes pompent de plus en plus d'eau d'un fleuve déjà bien malmené par l'ouverture quotienne de ses vannes qui provoque l'érosion de ses rive, voire la disparition des dernières superbes petites plages si précieuses à l'industrie du tourisme. D'où l'importance du projet Fleuves Frontières initié par Franck Vogel, qui permet d'ouvrir les yeux sur cette triste réalité dans l'espoir de sauver ce qui peut encore l'être et transmettre aux futures générations l'or bleu dont nous avons hérité et qui est essentiel à la vie.

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Exposition « Le Colorado, le fleuve qui n'atteint plus la mer », jusqu'au 30 décembre 2016 au Pavillon de l'eau, 77 Avenue de Versailles à Paris (16è). Tèl : 01 42 24 54 02. Ouvert du lundi au vendredi de 10h00 à 18h00. Entrée libre. Site internet :http://www.eaudeparis.fr/ Pour vous y rendre : en métro, emprunter la ligne 10 et descendre à la station Mirabeau. En RER C, descendre à la station Javel.

  • Merci au service de Presse du Pavillon de l'eau pour sa précieuse aide

  • Vous pouvez utiliser votre tablette tactile ou votre smartphone pour visiter cette exposition, afin de profiter de photos supplémentaires et de commentaires enrichis par Franck Vogel : http://immersion.tools/

 




 

 



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