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Plein sud au Cap des Aiguilles
(L'Agulhas, Province du Cap-occidental, Afrique du Sud)
Heure locale

 

Samedi 30 novembre 2019

 

Ce n'est pas le cap de Bonne espérance, mais le cap des Aiguilles qui est le plus au sud du continent africain. Pourquoi aiguilles (agulhas, en portugais) ? Tout simplement à cause de la coïncidence constatée en 1500 par les navigateurs portugais entre les aiguilles du nord magnétique et du nord géographique. Des marins, eux, prétendent que les aiguilles en question étaient ces rochers et récifs sortant de l'eau. Aiguilles ou pas, cette visite ne manquera pas de piquant, puisqu'après une cinquantaine de kilomètres de route récemment refaite, j'emprunte à nouveau une piste qui me mènera à dix kilomètres de ma destination finale. Le long de la route nationale, deux autruches affrontent un vent à décorner les bœufs. Bientôt, j'aperçois le phare, au loin, l'ange gardien des navires passant au large de ce littoral très découpé et bordé de dangereux récifs. Ces cailloux-là ont, parait-il, été à l'origine d'un nombre incroyable de naufrages.

 

Avant de me rendre au phare je m'arrête au bureau d'accueil du parc national Agulhas pour demander des information. Et l'agent du parc, hésitant sur le fait de pouvoir prendre des photos et des vidéos à l'intérieur d'un parc national, décide d'appeler une collègue qui s'entretiendra avec moi. Que d'histoires pour des prises de vues destinées à un site non commercial. Finalement, je fausserai compagnie à mon interlocutrice pour me rendre au phare, dont la construction sera envisagés dès 1837 par le colonal CC Michell, alors inspecteur général de la ville du Cap. Et de soumettre son projet d'installation de lanterne au gouverneur de la Colonie du Cap, Sir Benjamin d'Urban. Le colonel Michell recevra immédiatement l'autorisation de partir en inspection sur place et préparer un devis. Loin d'être pourtant imposante, cette construction ne sera achevée qu'en 1848 pour une mise en service le 1er mars 1849.

 

La plus haute tour de l'ouvrage mesure 27 mètres de haut et son rayon lumineux éclaire jusqu'à 31 miles nautiques. Le phare, qui a été classé monument national en 1973, sera construit par William Martin qui distinguera cette construction des autres en érigeant non pas une, mais trois tours, cela à cause du fait qu'à l'époque le colonel Michell s'était mis en tête que le phare du Cap des Aiguilles devait ressembler à celui d'Alexandrie (Egypte). Notre homme était en effet influencé par le style architectural renaissant égyptien, qui était alors en vogue.En observant bien l'ensemble, on remarque que si les deux tours plus petites sont bien placées de chaque côté, elles ne sont pas semblables même si elles possèdent toutes les deux une large base et une corniche. D'autres marques architecturales égyptiennes sont présentent comme par exemple la fausse entrée qui fait penser au temple d'Isis ainsi que des frises similaires existent sur les temples et les tombeaux d'Egypte. On utilisa la pierre locale pour ériger le phare pour limiter les couts de transport (cette pierre était excavée à cent mètres de là). Il faudra juste importer du teck de Birmanie pour fabriquer fenêtres, portes, escaliers et parquets. Second plus ancien phare du pays, le phare du Cap des Aiguilles faillera pourtant bien disparaître du paysage. En effet, une commission d'évaluation envoyée sur place en 1962 relèvera une importante érosion du calcaire et des suintements d'eau dans certaines pièces. Et le phare d'éviter in-extrémis sa démolition.

 

Je ne prendrai pas cette fois le temps de m'arrêter au petit village d'Agulhas, mais celui-ci a la particularité d'être le seul îlot de vie sud-africain à s'être développé autour d'un phare. C'est en 1920 que des fermiers y campèrent pour la première fois, ayant trouvé une source à proximité. Moins de dix ans plus tard, les premières maisons sortaient de terre et le premier village naissait en 1937. Un an plus tard, apparaissait l'Agulhas Hotel, puis l'église, plus tard en 1963.

Le phare, lui, éclairait enfin l'horizon pour la bonne sécurité des navires circulant au large : en 1849, la lanterne était équipée d'un lentille française de la maison Lepautre (Paris), sans mouvement rotatif, et alimentée par un système d'éclairage à pétrole. Une nouvelle lentille, rotative celle-là, et fonctionnant avec du mercure, est installée en 1910 (et fonctionne toujours), un système qui pèse près de huit tonnes (dont 750 kg de mercure) et qui était à l'origine basé sur le fonctionnement d'un mécanisme horloger. Cinq ans plus tard, une nouvelle lanterne voyait le jour, puis un nouveau brûleur, fonctionnant à la vapeur de pétrole et conçu par les Frères Chance, de nationalité anglaise (comment ne pas réussir dans la vie avec un nom pareil?) sera mis en place en juin 1921. L'électrification du phare, elle, interviendra en juin 1936. Quant aux derniers grands travaux d'entretien, ils eurent lieu en 1988 avec l’automatisation du système optique installé en 1910. Le petit musée du phare, dont le seul intérêt se trouve sur les nombreux panneaux d'information figurant sur les murs de l'unique pièce formant l'endroit, permet d'en apprendre davantage non seulement sur le phare du cap des Aiguilles, mais aussi sur d'autres ouvrages similaires installés le long de la côte sud-africaine. Quant aux vitrines d'objets, elles sont bonnes pour la réforme et nécessiteraient une refonte complète.

 

Après la visite du phare et de son musée, je pars à la recherche du monument symbolisant la rencontre des deux océans indien et atlantique. Un très joli ponton en bois permet de se rendre jusqu'au point le plus méridional de l'Afrique, matérialisé par un panneau (ci-dessus), mais il me faudra marcher un kilomètre pour atteindre le monument en question que le parc national Agulhas n'a pas cru bon de mettre en valeur à l'aide de panneaux routiers. Il semblerait que certains responsables de parcs nationaux dans ce pays soient mal conseillés dans la mise au point de l'ergonomie des parcours fléchés destinés aux visiteurs. Heureusement, le temps s'est remis au beau après le passage d'un grain à mon arrivée. Certains touristes ont emprunté leur véhicule pour se rendre au monument mais ils déchanteront lorsqu'ils atteindront le terrain accidenté rocailleux supposé servir de parc de stationnement. Je vous l'ai dit, ça sent l'improvisation à plein nez et c'est dommage !

Un panneau explicatif a tout de même été installé, qui donne des informations détaillées sur ce monument marquant Au point le plus méridional du continent africain, sur le sol, je découvrirai une grande carte en relief de l'Afrique (ci-dessous) sur laquelle les visiteurs peuvent marcher (personnellement, je m'abstiendrai de marcher sur tel ou tel pays africain, au nom du respect pour leurs peuples, mais bon, l'idée est là !). Cette représentation mesure 18 mètres de haut (du nord au sud) tandis que l'aiguille d'un compas est dirigée vers une balise. Je retiendrai surtout la queue parfois impressionnante faite par les visiteurs devant la stèle marquant la « supposée » rencontre à cet endroit des deux océans indien et atlantique (deuxième photo ci-dessous) pour se faire prendre en photo. Pourquoi supposée ? Parce que la répartition des courants océaniques à cet endroit n'est pas si simple, et que le fameux point où le courant des Aiguilles (courant marin de l'océan indien, s'écoulant le long de la côte Est d'Afrique du Sud) rejoint le courant de Benguela (rapide courant froid océanique coulant depuis l'Afrique du Sud, en passant par les côtes de Namibie et d'Angola) varie selon les saisons entre...le cap des Aiguilles et Cape Point. Ça fait une sacrée marge !


 

J'attendrai mon tour comme les autres pour faire mes prises de vue d'un endroit somme toute symbolique. Puis rebrousserai chemin en direction du phare. Soudain, alors que je marchais sur le ponton aménagé, j'aperçois une tortue (ci-dessous) trottant gaillardement dans la végétation. Il existe ici plusieurs espèces de ce reptile par ailleurs fort sympathique que je vous encourage à ne pas écraser sur les routes car certaines zones constituent un habitat pour cette espèce animale et certaines tortues traversent parfois la chaussée...à leur rythme. Evitez-les ! Là encore, un panneau détaillé explique quels sont ces animaux et des dessins permettent ensuite de les reconnaître aisément sur le terrain.

 

Je jette un dernier regard à ce phare en me disant que tant de naufrages s'étaient produits sur cette côte déchiquetée avant que l'homme ne se résolve à sécuriser l'endroit. Ainsi, le 18 février 1766, le « Meermin » un bateau de traite négrière hollandaise de 450 tonneaux connaitra t-il une révolte des 160 esclaves embarqués à Madagascar, en vue de prendre le contrôle du navire commandé par le jeune capitaine Gerrit Muller et son équipage de 62 hommes. Ayant finalement pris le contrôle de l'embarcation, les mutins seront en revanche incapable la piloter, celle-ci finissant par faire naufrage près du cap des Aiguilles. 112 esclaves seront rattrapés à l'issue de cette aventure et un procès aura bien lieu. A l'origine, le « Meermin » transportait des esclaves malgaches pour les acheminer au Cap. Outre le fait que la capitaine assurait sa première mission, celui-ci aurait sans doute trop fait confiance à Olaf Lej, son second, qui lui avait suggéré de faire monter les esclaves sur le pont, par petits groupes, pour leur faire respirer l'air du large. C'est à l'occasion d'une de ces sorties qu'un subrécargue imprudent fournira aux prisonniers des piques rouillés à nettoyer, armes potentielles dont il sera fait immédiatement usage contre l'équipage.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Phare du cap des Aiguilles, Lighthouse Street, à L'Agulhas. Tél : +27 28 435 6078. Entrée du phare (musée inclus) : 35 rands. Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00.
  • Parc national Agulhas, à L'Agulhas : un bureau d'information se trouve avant d'entrer sur le parking du phare. Il est ouvert de 7h30 à 18h00. Tél : +27 28 435 6078. Site internet : https://www.sanparks.org/parks/agulhas/

 

 

 

 

 

 










 



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