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Le Drostdy, ancienne Magistrature
(Swellendam, Province du Cap-Occidental, Afrique du Sud)
Heure locale

 

Dimanche 1er décembre 2019

 

Essayez donc de visiter un musée sud-africain un dimanche matin et vous aurez le bonheur garanti. Personne, pas même un chat en ce dimanche au musée Drostdy de Swellendam. Juste ElMarie, guide de l'endroit, qui m'en dira davantage sur ce lieu historique. Ce drôle de nom (« Drostdy ») cache en réalité un ensemble de bâtiments chargés d'histoire. Pour cette fois, je me contenterai de visiter l'ancienne magistrature, construite par la Compagnie hollandaise des Indes orientales en 1747, édifice qui servit de résidence au magistrat de Swellendam. Pour vous, j'en parcourrai les différentes pièces meublées avec ici et là, des détails sut tel ou tel objet. Et demanderai au guide de nous parler de Swellendam et de son histoire dans la vidéo attachée à cet article.

 

1746 est l'année de la naissance du Drostdy, ou magistrature, une résidence conçue pour abriter le plus haut représentant de la Compagnie hollandaise des Indes orientales et les services administratifs associés. Avant cette date, c'est à dire avant 1743, toute la région était administrée par le magistrat de Stellenbosch. On comptait alors environ 400 fermes réparties sur un vaste territoire dépendant directement de la nouvelle colonie, où seuls quelques kraals (enclos destinés au bétail) rappelaient la présence de la tribu des Hessequa, des siècles durant. Depuis, le peuple Khoi-khoi s'était fondu dans l'économie rurale de l'occupant en devenant simples laboureurs. L'autorité européenne à cette époque-là reposait sur deux avant-postes, le premier à Ziekenhuijs (le long de la rivière Zonder) et le second à Riet Valleij sur la rivière Buffeljags. Ces camps avancés servaient de lieux de détente aux hommes de la Compagnie venus troquer le bétail des Khoi-khoi, mais aussi de points d'observation pour veiller à ce que des paysans entêtés n'en profitent pour se lancer dans un commerce illégal avec le peuple Khoi, sachant que, de toute façon, quelques caporaux ne suffiraient pas à faire entrer dans le rang des durs à cuire qui refuseraient de s'acquitter du droit d'occupation des terres. Et c'est plus ce risque de manque à gagner que l'éventuelle mise à mal de l'autorité qui poussera Gustaaf Van Imhoff à réagir. L'homme en question était alors Baron et gouverneur général de la Compagnie des Indes qui s'était installée ici en 1743. A l'issue d'un tour de propriétaire, le gouverneur demanda au conseil politique de mettre sur pied un système de surveillance des populations et de poser les jalons d'une autorité judiciaire, compétente depuis la rivière Breede et jusqu'à Mossel Bay. Cette même année, quatre conseillers seront nommés comme adjoints du gouverneur de Stellenbosch, pour aider celui-ci dans sa mission en lui adressant des compte-rendus trimestriels. Peu de temps après, un certain Johannes Theophilus Rhenius, viendra rejoindre le groupe en tant que gouverneur-adjoint et secrétaire mais cela ne fonctionnera pas et deux ans plus tard, Rhenius sera nommé gouverneur à part entière d'un nouveau district créé au Cap. Quant aux conseillers, ils passeront de quatre à six.

 

Vers la fin de 1746, le conseil politique accordera des terres du côté de la rivière Cornlands pour qu'y soient construits bâtiments et services dédiés au fonctionnement de la jeune colonie autant que de besoin. Et le Drostdy d'être bâti dans ce cadre. Puis, après la construction de la Magistrature, on construisit autour une prison, une maison pour le secrétaire, un moulin et quelques autres dépendances. Autant de constructions qui symbolisaient la présence coloniale hollandaise sur place et le noyau de ce qui allait plus tard devenir la ville de Swellendam. En 1747, le district fut baptisé du nom du gouverneur Swellengrebel et de son épouse, Helena ten Damme, ce qui donnera Swellendam. Et cette magistrature d'avoir officié pendant un siècle en connaissant toutefois les soubresauts momentanés d'une assemblée nationale rebelle qui voulait combattre le système de corruption mis en place par la Compagnie hollandaise. Cet épisode survint en 1795, année de l'invasion de la colonie par les Britanniques, lesquels matèrent les rebelles et occupèrent l'endroit jusqu'en 1803, date à laquelle une nouvelle république batave s'imposera à nouveau en reprenant les rênes. Les Britanniques reviendront toutefois à la charge à deux reprises, en 1806 (année où Louis-Bonaparte est proclamé roi de Hollande) et en 1814, officiellement pour protéger Le Cap d'une éventuelle invasion française. Et le Drostdy d'évoluer au fur et à mesure de tous ces évènements, année après année.

 

A l'issue de son premier siècle d'existence, cette magistrature Drostdy sera revendue et la grande maison restera une propriété privée jusqu'en 1939, année lors de laquelle le gouvernement d'union sud-africain rachètera l'endroit afin d'y installer un musée, celui que je visite aujourd'hui. Les portes furent ouvertes pour la première fois au public en 1943. Vingt ans plus, tard, le musée passera sous la tutelle administrative du Cap, avec mise en place de personnels spécialisés et réfection totale du lieu. L'aspect offert de nos jours par le bâtiment reflète ce à quoi il ressemblait jadis, c'est à dire à l'époque où le magistrat de Swellendam occupait les lieux. Le mobilier de style architectural du Cap date de fin 18è - début 19è siècle et seuls quelques objets d'époque ont été préservés, comme certains sceaux, ou encore l'impressionnant coffre-fort français acquis en 1805. La cuisine fait aussi partie des plus belles pièces et le jardin a été réensemencé avec des légumes et des herbes aromatiques d'antan.

Deux longs bâtiments annexes, voisins de cette maison de la Magistrature offrent aux visiteurs de découvrir une exposition sur l'esclavage, une autre sur la guerre des boers ainsi qu'une présentation de véhicules anciens. Je traverse bientôt la rue pour me rendre à la prison (ci-dessous en photo) et à l'Ambagswerf. La prison fut érigée après le Drostdy, puis agrandie plus tard. Des appartements (à l'endroit où se trouve aujourd'hui la boutique du musée) étaient réservés au sous-chef de la police et à son secrétaire. Dans la cour, j'aperçois les cellules.

L'Ambagswerf (qui décrit le quartier des artisans, en Afrikaans, sur la deuxième photo ci-dessous) fut construit vers 1970 à l'occasion de la tenue d'une exposition d'outils et d'équipements jadis utilisés par des artisans, à savoir le chaudronnier,le forgeron, le charron, le tonnelier et le tanneur. Même le moulin à eau sera reconstitué près de son emplacement d'origine. Dans une rue adjacente, se dresse toujours la maison de Mayville, mélange harmonieux de style cap-hollandais et géorgien. Les meubles de cette demeure reflètent parfaitement la vie quotidienne de la bourgeoisie de Swellendam à la fin du siècle dernier. A ne pas manquer dans cette maison: un jardin à l'anglaise agrémenté de jolies roses anciennes et autres fleurs.

 

Comme le souligne ElMarie dans la vidéo, c'est par hasard que les Hollandais sont arrivés en Afrique du Sud. A la suite d'un naufrage qui survint en 1647 et qui permit aux rescapés de s'installer au pied de la montagne du Cap (Table Mountain). La Hollande comprit aussitôt l'aubaine que pourrait constituer un tel emplacement utilisé comme point de ravitaillement pour les bateaux se rendant aux Indes. Cette escale fournira ainsi eau fraiche, viande, fruits et légumes frais aux équipages. Et Jan van Riebeek d'être chargé en 1651 d'établir au Cap de Bonne Espérance cette fameuse escale sud-africaine au profit de la Compagnie des Indes orientales. Les conditions de voyage étaient si dures que 130 passagers mourront en cours de croisière et les 98 survivants feront figure de pionniers et érigeront un fort dans ce qui deviendra le premier établissement néerlandais du Cap. A ce stade, le pouvoir central n'envisageait pas de s'implanter durablement en Afrique du Sud. Les premiers temps seront malgré tout difficiles et 19 personnes ne passeront pas l'hiver, mais la station, elle, sera tout de même opérationnelle en 1659. Deux ans avant cette date, plusieurs expéditions étaient déjà parties explorer l'intérieur du pays et Van Riebeek de recommander à ses supérieurs d'autoriser les Hollandais libres (de leurs obligations vis à vis de la Compagnie des Indes) à commercer et à s'installer comme fermiers. Ce fut chose faite en février 1657 avec la délivrance des premières autorisations à neuf salariés de ladite Compagnie pour s'établir sur les bords de la rivière Liesbeek. Et des esclaves d'arriver quelques mois plus tard de Batavia et de Madagascar comme renfort de main d'oeuvre.

 

La Compagnie hollandaise des Indes Orientales se développera ainsi jusqu'à ce que ses dernières années d'existence ne soient entachées par un déclin évident et une incapacité probante de ses dirigeants à régler les problèmes. Le Cap n'était pas à proprement parler protégé contre les invasions extérieures et constituait un poids financier conséquent pour les Hollandais. Et la Compagnie des Indes de taxer lourdement les échanges commerciaux au point d'appauvrir les habitants du Cap dans leur ensemble. Les fermiers établis plus loin, à savoir du côté de Graaff-Reinet ou de Swellendam étaient beaucoup plus libres pour exprimer leur mécontentement mais subissaient les foudres de la Compagnie pour leur manque de retour sur investissement sur ces terres éloignées aux confins de la colonie. Quant aux commissaires, ils s'arrêtaient bien souvent à Stellenbosch, évitant de pousser plus loin leurs investigations.

Début 1795, un groupe de fermiers frontaliers considéra que la situation devenait intolérable et nomma démocratiquement des représentants qui seraient désormais chargés de veiller sur leurs intérêts, à un moment où un nombre croissant de fermiers rebelles refusaient de respecter les règles imposées par la Compagnie des Indes et de s'acquitter de l'impôt. Les 17 et 18 juin de la même année, le district de Swellendam se joignit aux fermiers de Graaff-Reinet pour protester à leur tour contre la politique économique qui leur était imposée et le traitement infligé au peuple khoi-khoi. Près de 60 hommes armés, placés sous l'autorité de JP Delport, qui s'était autoproclamé commandant national, pénétrèrent dans la Magistrature, démirent le magistrat Faure de ses fonctions et le remplacèrent par un des leurs, Hermanus Steyn. Les rebelles créèrent une convention nationale révolutionnaire, celle-ci ne remettant pas en cause le drapeau hollandais ni la dépendance vis à vis de ce pays mais répudiant uniquement les diktats de la Compagnie des Indes. Un mois plus tard, les membres de cette même convention nationale informait ladite Compagnie de leur intention de gouverner eux-mêmes, considérant qu'ils avaient été assez longtemps sous le joug de l'esclavage pour désirer désormais vivre dans une république libre.

 

Trop occupées à affronter les forces britanniques dans False Bay, l'armée de la Compagnie fut dans l'incapacité d'envoyer des troupes pour mater la rébellion de Swellendam. Dès janvier 1795, le prince William V avait fui la Hollande pour se réfugier en Angleterre, et les révolutionnaires français avaient pris possession des Etats hollandais. Aussitôt, les Britanniques avaient envoyé une importante flotte au Cap, craignant que les Français n'envisagent de faire la même chose. Au vu de cette flotte arrivant dans False Bay en juin, un ordre de mobilisation générale avait été lancé à tous les habitants de la colonie hollandaise, ordre auquel les rebelles de Swellendam ne répondirent d'abord pas, avant de se raviser car ils considéraient que tomber sous le joug des Anglais pourrait être pire. 168 hommes accompagnèrent le commandant Delport au Cap, mis les combats tournèrent rapidement en faveur des Anglais. Les Hollandais signeront l'acte de capitulation le 16 septembre et il se trouva que l'occupant anglais fut disposé à répondre favorablement aux revendications des militants de Swellendam. Dès lors, les rebelles procèderont à la dissolution de leur assemblée, rendront son poste au magistrat Faure. Ainsi prenait fin la main-mise de la Compagnie hollandaise des Indes orientales un siècle et demi durant. Une nouvelle page de l'Histoire allait pu s'ouvrir, celle de la nation afrikaner.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Musée de Drostdy, 18 Swellengrebel Street, à Swellendam. Tél : +27 28 514 1138. Ouvert du lundi au vendredi de 9h00 à 16h45 et le week-end de 10h00 à 15h45. Entrée : 30 rands. Site internet : http://www.drostdymuseum.com
  • Merci à ElMarie, guide du musée, pour sa participation à la vidéo de cet article.


 



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