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Malestroit
(Morbihan, France)
Heure locale


Mercredi 9 août 2017

 

De retour dans le Morbihan, je décide aujourd'hui de m'arrêter quelques heures à Malestroit, petite cité de caractère et ville d'histoire par excellence. Et même si on ne comptait en 2016 que 2500 Maltrais (ou Malestroyens) sur place, l'endroit est considéré comme la perle de l'Oust, tant par son histoire que par son dynamique commercial. Ville-étape du pèlerinage de Compostelle, ce village castral naquit en 987, du démembrement des paroisses de Pleucadeuc et Missiriac et à l'ombre d'une motte féodale, puis d'un château fort. Et le village de se développer à la fin du XII ème siècle, autour de l'église Saint-Gilles. L'endroit est à l'époque le siège d'une importante seigneurie appartenant à la famille de Malestroit.

 

L'eau est omniprésente à Malestroit : rivière bretonne et principal affluent de la Vilaine, l'Oust a un cours de 145 kilomètres, entièrement situé en Bretagne. Et fait partie intégrante du canal de Nantes à Brest, sur plus de 80 kilomètres. L'Oust offre de pittoresques paysages en traversant sa vallée, puis traverse l'Armorique appalachienne, arrosant au passage des villes patrimoniales comme par exemple Josselin ou...Malestroit. Le cours d'eau fit parler de lui pour la première fois au VI ème siècle dans l'oeuvre de Grégoire de Tours, Histoire ecclésiastique des Francs, récit relatant l'arrivée des envahisseurs remontant la Vilaine, puis l'Aoust, en détruisant les maisons du voisinage sur leur passage. La rivière donne depuis son nom à plusieurs communes. Prenant sa source à 225 mètres d'altitude dans les monts d'Arrée, celle-ci atteint le barrage de Bosméléac, puis traverse Rohan, avant d'atteindre Malestroit, puis d'accueillir le canal de Nantes à Brest dans la dernière partie de son parcours. Dès lors artificialisée et entrecoupée de 61 écluses, l'Oust a vu disparaître bien des méandres lors du tracé du canal. Ce fut pourtant dans la boucle d'un de ces méandres que naitra Malestroit, sous l'autorité de Juhaël, premier seigneur du lieu. Le château fort de l'endroit sera bâti sur un ilot d'un des deux bras de cette rivière qui contrôlait alors une voie de passage. Le XVI ème siècle verra la construction de deux écluses à sas, parmi les premières de France, afin de relier Malestroit à Redon. Et l'activité commerçante de prendre pleinement son essor et de permettre le développement de la cité aux Besants d'Or. Le canal de Nantes à Brest, l'écluse et le chemin de halage auront ainsi un rôle salvateur pour la petite ville. Sur l'ile Notre-Dame, se dresse encore aujourd'hui les moulins de la petite ville : un accord entre le prieur de la Magdeleine et le seigneur Payen II de Malestroit règlera les droits sur les moulins à eau, dès le XII ème siècle. En 1417, un aveu de Jeanne de Malestroit reconnaitra une rente pour six moulins neufs sur la rivière de l'Aoust. Puis, en 1471, les moulins de la chaussée de Malestroit, tant à blé, à draps qu'à tan, avec les pêcheries des ponts, relèveront du seigneur baron. L'endroit appartiendra plus tard, c'est à dire à partir de 1682, aux comtes de Lannion, puis à la duchesse de Montmorency-Luxembourg, puis enfin au marquis de Serent qui le lèguera à ses enfants. En 1891, il ne restera plus que deux moulins, à tan et à farine, propriétés de la famille Lanoé . La retenue de la minoterie Gueguen, elle, sera réalisée au moyen d'un déversoir à chevron de 66 mètres et de celui du petit bras de la Madeleine de près de 22 mètres (deuxième photo).


 

Malestroit va rester gravée dans l'histoire locale lorsque le 19 janvier 1343, les troupes d'Edouard III d'Angleterre et de Philippe VI de Valois y signeront une trêve pour mettre fin à la guerre de Cens Ans. Cette signature, qui aura lieu en la chapelle de la Madeleine, entrainera le départ du souverain anglais et de ses troupes de Bretagne. La trêve, initialement prévue jusqu'au 29 septembre, sera toutefois de courte durée puisque Edouard III ordonnera de préparer l'embarquement d'un corps d'armée à Portsmouth un mois après la signature, et Philippe VI de Valois fera exécuter sans jugement quatorze seigneurs bretons (dont Geoffroi de Malestroit) alors partisans de Jean de Montfort. Les hostilités reprendront près de deux ans plus tard, et ce, jusqu'en 1362. Un siècle plus tard, Jean IV Raguenel, alors baron de Malestroit, fera fortifier la ville, avec tours, pont-levis, redoutes et bastions (cinq d'entre eux seront érigés dès la fin du XVI ème). Les Anglais tiendront quant à eux garnison dans la cité durant le XVII ème siècle, et Malestroit subira plusieurs sièges durant la Ligue. Le site du château primitif, en ruine dès le XVII ème, verra l'installation d'un couvent d'augustins qui sera mis à bas lors de la Révolution française.

C'est que Malestroit sera l'une des neuf baronnies de Bretagne de 1451 à 1789. L'ancienne seigneurie passera successivement de la maison de Malestroit à celles de Châteaugiron, Reguenel, Rieux, Laval...et Sérent.

 

Depuis les bords de l'Oust, des rues anciennes se glissent intra-muros, entre les façades de pierre et les maisons à colombage. J'y trouverai de curieuses sculptures, témoignages de cette histoire tumultueuses et du florissant passé commercial qui animèrent cette cité millénaire, longtemps surnommée la ville aux besants d'or, et pour cause, le besant était cette monnaie d'or jadis frappée à Constantinople entre les XIIè et XIVè siècle...devenue entre temps la marque de richesse de Malestroit. Autre richesse de la ville, la dénommée Marie Lefranc qui y vécut de 1658 à...1781, devenant ainsi la doyenne de l'humanité à l'âge vénérable de 123 ans !

Ma promenade débute place du Bouffay (en photo ci-dessous) avec ses maisons des XVè et XVIè siècle, dont la maison des songes (et ses hauts-reliefs formés de personnages de fabliaux médiévaux). La même place accueillait également la maison du Pélican (au N°5), et l'auditoire, alors siège du tribunal de la ville. L'ile Notre Dame, aussi surnommé ilot de la Saudraye, ne pouvait manquer d'attirer l'attention des guerriers du Moyen-Âge par son isolement au milieu de cette rivière de l'Oust, et sa facilité de défense. D'où l'établissement sur place des premiers seigneurs de Malestroit dès le XI ème siècle, et la construction d'un château-fort dont on pouvait encore distinguer les vestiges en 1847. L'église Saint-Gilles, reconnaissable avec son bœuf sur sa façade (deuxième photo), fut quant à elle érigée sur l'emplacement d'une source sacrée. Une chapelle sera édifiée au-dessus de la fontaine primitive dès 1144, avant la construction au même endroit d'une église romane au XII-XIIIème siècle. On peut encore de nos jours apercevoir le croisillon sud du transept, le choeur et le carré du transept. Eglise à double pignons édifiée en plusieurs campagnes, ce lieu de culte sera agrandi au XV ème, puis au XVI ème siècle, suite à un incendie qui survint le 10 septembre 1592, jour de l'expulsion des ligueurs de Malestroit. Sur place, on peut admirer la statue dite « Notre-Dame de Pitié », qui daterait du XVI ème. Sculptée dans un monolithe de bois, elle sera exposée dans la chapelle du Monastère des Augustins (sur l'ile Notre-Dame) jusqu'à la Révolution française. Les Révolutionnaires la jetteront alors pour la brûler, mais la statue sera miraculeusement récupérée par un certain Pierre Evain, chapelier de son état, qui l'échangera à l'époque contre cinq cordes de bois. Et notre homme de cacher la précieuse statue avant de l'installer plus tard dans l'église communale. A ne pas manquer, le bœuf sculpté sur la façade sud de l'église, le portail sud, le vitrail de la chapelle sud-est, la chaire, le vitrail du choeur et, bien sûr, la statue « Notre-Dame de Pitié ». L'église Saint-Gilles offre également sur sa façade méridionale plusieurs chapiteaux simples ou jumelés, comme par exemple celui de la débauche (troisième photo) qui représente un homme, pâmé et dénudé, qui s'agrippe en jetant un dernier regard sur les plaisirs terrestres, tandis qu'une sirène funéraire (la Mort) l'entraine aux Enfers. Quant au Boeuf, il est l'attribut de Saint Luc mais on voit ici l'allusion à une légende relative à la construction de l'église car le bon compagnon, travaillant aussi à la maison de Dieu y est honoré.

 

Je m'arrête ensuite à la chapelle de la Madeleine (ci-dessous), sur la route de Ploermel : ancienne léproserie de la Magdeleine qui fut donnée par Payen Ier, alors seigneur de Malestroit, l'endroit devint en 1129 un prieuré de l'abbaye de Marmoutier. C'est ici que fut signée la trêve de Malestroit entre l'Angleterre et la France le 19 janvier 1343. Fin XV ème, deux nefs gothiques seront accolées à la chapelle d'origine de plan rectangulaire. Celle-ci conservera alors son clocher-mur, rare exemplaire de ce type existant encore en Bretagne. Et la chapelle de devenir église. Sur place on peut voir la reproduction d'un tableau d'Alexandre Bloch (deuxième photo) exposé au musée de Quimper, qui représente l'affrontement qui eut lieu le 4 janvier 1795, entre chouans et soldats du détachement du régiment de Guadeloupe du général républicain Canclaux. Désaffectée en 1870, la chapelle ne conserve désormais qu'une façade romane, surmontée d'un clocher-mur datant du XVII ème, et un mur du XV ème siècle. Le mur prolongeant la façade vers le sud est percé de deux fenêtres en tiers-point. Le clocher-mur, lui, est fortifié à deux baies et reste le plus ancien du département du Morbihan. Quant aux vitraux qui relatèrent jadis la légende de Sainte Madeleine, ils seront achetés par Emile Zola, puis revendus à un musée américain.

 

Le couvent des Augustins sera pour sa part fondé par les Augustins de Paris. Erigé jadis près d'une chapelle castrale fondée sous Jean IV de Malestroit, de 1412 à 1512, il ne reste de l'endroit qu'une tour carrée à trois étages. Les ermites de Saint Augustin prétendaient remonter jusqu'à l'évêque d'Hippone, qui aurait été leur fondateur. Leur vie retirée constituait l'essentiel de leur existence, au même titre que l'oraison et la célébration de l'office divin. D'abord divisés en plusieurs congrégations, ils se réuniront sous un même ordre, celui des Augustins, à l'initiative du pape Alexandre IV et en 1256. L'ile Notre-Dame, sur laquelle se dressait autrefois le château fort des seigneurs de Malestroit, verra l'érection du couvent des Augustins, après l'abandon et la ruine du castel. Et la congrégation de demander l'autorisation de s'établir près de la chapelle Notre-Dame, petit sanctuaire alors très fréquenté du public. La ville permit ainsi aux religieux de bâtir leur couvent, une maison à deux étages surmontée d'un grenier. Et la vie des moines de perdurer sans encombres jusqu'à la Révolution française, laquelle occasionnera la fermeture du couvent le 21 mars 1791 par le directoire du Morbihan, puis la vente des biens religieux, dont l'église, le couvent et le jardin du midi pour un montant de 3625 livres, le 25 juin de la même année. De nos jours, les sœurs Augustines ont remplacé les moines Augustins, ayant repris la maison des Frères Lamennais afin de servir Dieu dans la prière et dans les Pauvres. Elles arrivèrent à Malestroit le 25 octobre 1866 et durent d'abord faire face à une maison fort délabrée. Une partie des bâtiments ayant servi autrefois d'école, les sœurs eurent d'abord l'idée d'ouvrir un petit pensionnat avant d'aménager un lieu pour leur œuvre hospitalière. Peu à peu, des blessés seront accueillis, notamment lors de la guerre de 1870. Avec les lois de 1902, contre les Congrégations enseignantes, les Augustines se recentrent sur l'hôpital et transforment leur pensionnat en chambres pour malades. Et l'endroit de devenir une infirmerie militaire avec l'arrivée des soldats en 1915. Quatre ans plus tard, le projet d'une clinique chirurgicale verra le jour grâce au Docteur Daversin.

L'histoire plus récente de la ville souligne l'action de la communauté des Augustines qui jouera un rôle important durant la seconde guerre mondiale en accueillant et en cachant les blessés sous l'impulsion de Mère Yvonne Aimée de Jésus. Cette célèbre Yvonne Beauvais rejoindra la communauté en 1927, alors que la communauté croule sous la demande. Bon gré mal gré, l'ancien hospice fera place à un pavillon dès 1935, une partie étant destinée aux enfants malades, et l'autre, à une maison de retraite pour prêtres (l'actuelle maison de repos Sainte Thérèse). Et quelques années plus tard, les sœurs de se mettre à nouveau au service des blessés de guerre. Dans la paix retrouvée, Mère Yvonne Aimée (deuxième photo) sera élue Supérieur générale de la Fédération des Augustines en 1946, puis mourra le 3 février 1951, à l'âge de 49 ans. L'endroit est depuis devenu le groupe hospitalier Saint Augustin.


 

Aujourd'hui, la ville a à cœur d'être une terre d'accueil pour les artisans et les créateurs d'art, en participant notamment aux journées européennes des métiers d'art. Un festival des artisans est aussi organisé depuis deux ans par Malestroit. Autre lieu et ensemble architectural de poids, le Pass'Temps est concentré autour d'une belle cour intérieure sous verrière entièrement rénovée en 2010. L'endroit était autrefois occupé par la Maison Benoit, alors négociants en vins et spiritueux. Cette famille occupera ce grand bâtiment ancien datant du XVII ème, pendant des générations. L'endroit fait désormais fonction de centre culturel de la ville. A découvrir !

 

INFOS PRATIQUES :

  • Office du tourisme, Le Pass'Temps, 5-7 rue Sainte-Anne à Malestroit. Tél : 02 97 75 45 35. Site internet : http://www.tourisme.oust-broceliande.bzh
  • Maison de l'eau et de la pêche, L'écluse, à Malestroit. Ouverte de 14h00 à 19h00 , les week-end et jours fériés (de mai à octobre) et tous les jours aux mêmes horaires de la mi-juin à la mi-septembre. Tél : 02 97 75 26 50

  • Muriel Brizai, guide-conférencière, vous propose des visites guidées de Malestroit (durée:1h30), d'avril à septembre. Rendez-vous à 10h30 les mardis et samedis, au N°12 rue aux Anglais. Tél : 06 50 81 61 90 (réservations)

  • Lors de mon passage, j'ai rencontré Mr Marcel GIRON, habitant passionné par l'histoire de sa ville, et tapissier-décorateur de talent. A contacter si vous avez des fauteuils à rénover. 41, faubourg de la Madeleine, à Malestroit. Tél : 02 97 75 01 53.

 









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