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Funchal
(2) Les hauts de Saint-Pierre (Ile de Madère, Portugal)
Heure locale


Vendredi 3 novembre 2017

 

Ma visite de Funchal me conduit aujourd'hui sur les hauteurs de Saint-Pierre (Sao Pedro). Ce quartier de la ville est davantage résidentiel et étire ses rues escarpées à flanc de coteau. La plus longue d'entre elles s'appelle d'ailleurs Calçada (ci-dessous) et rejoint l'ancien palais des comtes de Carvalhal (actuel musée municipal) au fort du Pic. Là aussi, l'endroit offre son lot de musées : celui de la photographie (musée Vicentes) est actuellement fermé pour être restauré. Il occupe le vieux studio où opérèrent quatre générations de photographes, les Gomes da Silva, à l'origine des daguerréotypes dès 1846. Cette famille ouvrira ainsi le premier studio photo public du Portugal dans la rue Carreira quelques années plus tard. Et prendra en 1860 un cliché de l'impératrice Elizabeth d'Autriche (alias Sissi) qui nomme aussitôt Vicente « photographe de Sa Majesté l'impératrice d'Autriche ». En 1901, ce sera Vicente Junior qui photographiera le roi Charles de Bragance et la reine Amélie sur le balcon du palais Saint-Laurent, recevant lui aussi le titre de « photographe de la Maison royale du Portugal ». La saga se poursuit avec le petit-neveu Vicente, puis l'arrière-petit-fils Vicente. Lorsque Jorge da Silva fermera définitivement boutique en 1972, il laissera derrière lui 400 000 clichés sur l'espace d'un siècle d'histoire. Le studio photos sera racheté par le gouvernement sept ans plus tard et compte à ce jour le double de cliché car il a depuis récupéré des photos d'amateurs et le fonds du studio Perestrello, qui jouait les paparazzi auprès de toutes les célébrités ayant fréquenté Madère. Sur place, les albums sont classés par thèmes : portraits, vues panoramiques, transports, monuments et jardins, scènes de la vie quotidienne...il me tarde que ce musée rouvre ses portes !


 

L'église Saint-Pierre, elle, en photo ci-dessous, est bel et bien ouverte et affiche son style baroque agrémenté d'azulejos et un décor en bois finement sculpté et doré à la feuille. Son plafond teinté de rose affiche à côté de la tiare pontificale les clés croisées de Saint Pierre symbolisant l'autorité de l'église. L'édifice, qui fut érigé à la fin du XVI ème siècle puis rénovée au XVIII ème, dissimule une nef splendide avec des autels baroques en bois doré, des statues, des stalles en acajou, et un plafond peint en trompe-l'oeil tandis que des azulejos bleus et blancs sont disposés en figures géométriques.


 

Ne faites pas cette promenade si vous n'aimez pas les côtes prononcées car la rue Calçada va vous paraître interminable tant elle grimpe. A deux pas de l'église, se dresse la maison-musée Frederico-de-Freitas (ci-dessous), grande maison rose qui appartint jadis aux comtes de Calçada. L'intérieur de cette vaste demeure offre au public d'admirer des milliers d'objets collectionnés par son dernier occupant, le Docteur Frederico de Freitas, ancien juriste madérien qui aimait tout particulièrement la sculpture religieuse, l'ivoire indo-portugais et les azulejos. L'endroit sera légué à la Région autonome de Madère en 1978, pour le plus grand plaisir des nombreux visiteurs qui s'y pressent désormais.

Cette maison da Calçada date du XVII ème siècle et fut la propriété jusqu'en 1979 de la famille Ornelas de Vasconcelos Frazaos, dont les descendants furent les Vicomtes et Comtes da Calçada, au XIX ème siècle. L'édifice est doté d'un apparat certain sur le plan architectural, après avoir été agrandi puis remodelé au fil du temps. C'est vers 1941 que la demeure sera louée par Maitre Frederico de Freitas, avocat de marque, notaire madérien et figure importante localement. Notre homme débutera sa collection à partir des années 1930 et la vaste maison qui s'offrira bientôt à lui, lui permettra d'accroitre encore davantage ses trouvailles dans les domaines de la sculpture, de la peinture, du mobilier, de la céramique et de la gravure. Dès le hall d'entrée, le visiteur découvre trois des plus belles collections de Frederico de Freitas dont de remarquables figures de crèches portugaises des XVIII è et XIX è siècle. La salle suivante, la Salle Jaune, est essentiellement composée de meubles et de tableaux anglais (dont des aquarelles représentant des paysages et des coutumes de l'île de Madère). Les salons A, B et C qui suivent sont un véritable plaisir pour les yeux : le premier salon permet d'admirer un portrait à l'huile de la fille de Maitre Frederico de Freitas, Maria Manuela, peint en 1935. Le grand salon (deuxième photo ci-dessous) est l'ancienne salle de bal des Comtes da Calçada, un lieu formel réservé par notre amoureux des arts à la présentation des pièces les plus marquantes. Tout au fond, se dresse le troisième salon, de taille plus modeste, avec de superbes sculptures religieuses. Je me rends ensuite à la chambre à coucher qui est dotée d'un lit portugais néo-classique. En face, se trouve la salle des Saints, qui, comme son nom l'indique, rassemble des sculptures religieuses en pierre, en terre cuite et en bois, d'origines diverses et attribuées à la période des XVI et XIX ème siècle. Je franchis le couloir des ivoires (ne pas manquer d'admirer la vitrine d'objets sur sa droite, dont une statue de Sainte Anne et de la Vierge!) pour me rendre dans la salle de jeux, jadis lieu central de la maison et salle la plus fréquentée. On y installait des tables de jeux (d'où son nom).


 

De cette salle , on se rendait au jardin d'hiver (ci-dessous), rénové depuis avec une touche d'Art nouveau. Ce lieu donne accès à un escalier conduisant à un jardin donnant sur la rue. La petite salle voisine, jouxtant ce jardin d'hiver, rassemble quant à elle de magnifiques meubles en marqueterie, dont un secrétaire en pente français et deux commodes portugaises d'influence française. Le salon de thé voisin accueillait à tout instant les invités et ses nombreuses vitrines offrent de voir une collection de théières en céramique européenne et orientale, mais aussi boites à thé, samovars, bouilloires et autres objets en cuivre. A côté, se trouve la salle à manger, avec un buffet, des tables et des chaises anglaises du XIX ème siècle et un imposant coffre portugais du XVII ème. Sur les murs sont accrochées trois grandes aquarelles représentant des paysages de Madère, œuvres d'Henry Bowser Wimbush, aquarelliste londonien qui séjourna sur l'île en 1899. La salle des chopes, elle, correspond à l'ancien office où l'on prenait ses encas. L'endroit qui servait de pièce d'appoint à la cuisine abrite désormais plusieurs collections de chopes, collections commencées par Dona Marieta, épouse de Frederico de Freitas. Au fur et à mesure, d'autres objets (pichets et pots) vinrent compléter les premiers objets, jusqu'à offrir plus de 2000 pièces de collection. La cuisine voisine dispose quant à elle de sa cuisinière à bois, toujours en état de fonctionnement, ainsi que de sa table à pétrir d'origine. On remarquera au passage casseroles, bassines, chocolatières et bouilloires, pour la plupart en cuivre. Pour achever cette passionnante visite, rendons nous maintenant à la bibliothèque (deuxième photo) en empruntant le couloir du même nom qui mène à la sortie. Ce sont plus de 2400 ouvrages qui sont rangés sur les étagères, la plupart ayant trait au droit et à l'art. Cet espace était jadis réservé par Maitre Frederico de Freitas au recueillement, au travail et à la lecture. On y écoutait également de la musique et on y jouait aux cartes. On peut y trouver deux caricatures et un portrait de notre homme qui montrent l'appétence qu'avait notre collectionneur pour la production artistique plus récente.

Une nouvelle aile, nettement contemporaine, abrite par ailleurs les azulejos patiemment collectionnés par Frederico de Freitas, autre passion de notre juriste. On peut y admirer de superbes carreaux ornés de tulipes, de jacinthes ou d'oeillets en provenance de Turquie, de Damas,, de Perse mais aussi des carreaux madériens fort intéressants. Les plus anciens remontent au XVI ème siècle et proviennent du Couvent de Sainte-Claire.


 

Plus beau couvent de Madère, le couvent de Sainte Claire fut fondé en 1492 par Joao Gonçalves da Camara, second Capitaine donataire de Funchal et fils de Joao Gonçalves Zarco, le découvreur de l'île de Madère en 1419. Ce couvent est situé à une encablure de la maison de Zarco, qui porte le nom de Musée des Croix. Edifié à côté de la chapelle « Nossa Senhora de Cima » (actuelle église Sainte Claire et autrefois panthéon de la famille Zarco!), sa construction débutera en 1492 et s'achèvera cinq années plus tard. L'endroit était alors conçu pour accueillir les Soeurs Clarisses (filles de familles nobles) et les premières d'entre elles, venues du Continent, donneront naissance à la première communauté madérienne de ce genre. Parmi elles, Isabel de Noronha et Constança de Noronha, petites-filles de Joao Gonçalves Zarco. A la fin du XVI ème, la communauté comptera 70 sœurs, puis 130 au siècle suivant. En 1566, des pirates français commandés par Bertrand de Montluc pilleront Funchal quatorze jours durant, et contraindront les sœurs à fuir le couvent pour se réfugier à Curral das Freiras, une propriété appartenant au couvent et qui avait été offerte par les familles aux religieuses pour l'approvisionnement de la communauté. Malheureusement, les sœurs ne pourront qu'emporter avec elles l'ostensoir garni de plusieurs pierres précieuses. Et, de retour au couvent, constater les immenses dégâts occasionnés par le passage de ces pirates. Autre déception : le 27 mars 1834, le gouvernement publiera un décret exigeant l'extinction des Ordres religieux. Les Ordres masculins devaient abandonner sur le champ leurs monastères tandis que les Ordres féminins pouvaient y demeurer. Il était par contre interdit aux Soeurs de recevoir de nouvelles novices et de prononcer des vœux religieux. A cette époque le couvent comptait soixante religieuses, et la dernière, Maria Amalia do Patroninio, de décéder en 1890, faisant dès lors du couvent une propriété de l'Etat portugais. Cependant, un certain nombre de femmes, dites « pupilles » furent protégées par les soeurs clarisses qui continuèrent à vivre dans une partie des bâtiments, jusqu'au décès de la dernière d'entre elles. L'Etat cédera ensuite le Couvent à l'Institut des Franciscaines Missionnaires de Marie en 1896. Celles-ci rouvriront l'église, puis les cloitres au culte et à l'accueil des fidèles, jusqu'en 1910, date de l'implantation de la République au Portugal et de l'expulsion des religieux qui suivit. Deux ans plus tard, deux décrets céderont le couvent Sainte Claire à la Mairie de Funchal. Puis, les Soeurs franciscaines revinrent sur place dès 1928 pour fonder une école secondaire destinée à former les religieuses pour les missions outre-mer, une école primaire et un jardin d'enfants. Le couvent sera enfin classé Monument national en 1943.


 

Quelques pièces remarquables sont à noter à l'intérieur de ce couvent : la chapelle Gonçalo de Amarante (ci-dessous) dont le sol est orné de carreaux de céramique de la fin du XVI ème siècle, dits « pisans » car inspirés de motifs italiens. La longue salle que je visite ensuite avec notre guide servait quant à elle de choeur inférieur (deuxième photo) aux soeurs clarisses. Celles-ci n'ayant pas le droit d'entrer en contact avec le monde extérieur, suivaient la messe à travers une grille (claustra) qui sépare la chapelle de l'église. La mère supérieure prenait place sur le siège surmonté d'une couronne tandis que les sœurs s'installaient sur les stalles ornées d'angelots. A l'étage, se trouve le choeur supérieur avec son plafond aux charpentes à entrelacs et ses carreaux de céramique (dont les plus anciens décorent le sol). Du cloitre, on passe devant la chapelle de la résurrection (troisième photo) dont le plafond en bois de Flandres est décoré de motifs végétaux. Les murs, eux, sont recouverts d'azulejos de style camélia, très en vogue au milieu du XVII ème siècle. L'église du couvent est elle aussi décorée de carreaux polychromes très élaborés et disposés en panneaux. Ce type d'azulejo est rarissime est est appelé Marvila (d'après le nom d'une église portugaise de Santarem qui en conserve des échantillons).


 

Je grimpe encore et encore et laisse le Musée de la Quinta des Croix sur ma gauche : celui-ci, actuellement fermé pour travaux (pas de date précise de réouverture) est lié à la famille des premiers capitaines donataires dont la famille Zarco. En temps normal, la demeure offre aux visiteurs un parfait catalogue de l'art de vivre dans les quintas (propriétés rurales d'antan) de Funchal au XIX ème siècle: peintures, meubles et moyens de transports de l'époque y sont exposés. Cerise sur le gâteau, un charmant jardin avec orchidées et essences exotiques se dresse à côté de la demeure!

Dernière étape de ma promenade et « point culminant » de cette visite : le Fort du Pic (ci-dessous en photo), lui aussi, fermé au public depuis deux ans. Cette forteresse est pourtant l'une des mieux conservées de toutes les constructions similaires du XVII ème au Portugal. Elle fut d'abord bâtie en bois, puis en pierre à partir de 1606, alors que Philippe II d'Espagne était roi du Portugal. Le fort avait pour fonction première d'accueillir une garnison de 300 soldats pour protéger Funchal des attaques des corsaires. La Marine nationale y installera une station de radio au milieu du XX ème siècle , compte tenu de l'altitude idéale (111 mètres) de l'endroit. Sur place, ne boudez pas votre plaisir et jouissez tout simplement de la vue imprenable sur les environs !


 

INFOS PRATIQUES :

  • Musée de la Photographie Vicentes, Rua da Carreira 43, à Funchal. Tél : +51 291 282 610. Au fond de la cour au 1er étage.
  • Eglise Saint-Pierre, rua San Pedro 3, à Funchal. Tél : +351 291 222 523. Ouverte du lundi au samedi de 9h00 à 12h00 et de 15h00 à 17h00. Le dimanche de 10h00 à 17h00. Entrée libre.

  • Maison-musée Frederico-de-Freitas, Calçada de Santa Clara 7, à Funchal. Tél : +351 291 202 570. Ouverte du mardi au samedi de 10h00 à 17h30. Entrée : 3€. Une visite qui vaut le détour pour la beauté de la demeure et la richesse des pièces de collection. Un grand merci à la directrice du musée et à son équipe pour l'accueil qui m'a été réservé et pour l'aide apportée. Site internet : http://casamuseuff.blogspot.pt/

  • Couvent Sainte Claire, Calçada de Santa Clara 15, à Funchal . Tél : +351 291 742 612. Ouvert du lundi au samedi de 10h00 à 12h00 et de 15h00 à 17h00. Visite guidée en français à 10h00 (2€) et brochure explicative en français (2€). Site internet :http://www.fmmportugal.com/

  • Musée de la Quinta des Croix, Calçada do Pico 1, à Funchal. Tél : +351 291 740 670. Ouvert de 10h00 à 12h30 et de 14h00 à 17h30. Musée actuellement fermé pour restauration.

  • Fort du Pic, en haut de la Calçada do Pico. Ne pas suivre la flèche indicative du fort (sur votre gauche) car elle vous conduit à l'entrée de la forteresse (porte jaune) et vous trouverez porte close. Poursuivez plus haut la rue qui grimpe puis prenez la prochaine rue sur votre gauche, marchez tout droit jusqu'à atteindre la forteresse.






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