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Funchal
(3) La vieille ville (Ile de Madère, Portugal)
Heure locale


Samedi 4 novembre 2017

 

Partons cette fois à la découverte de la vieille ville de Funchal et plongeons dans l'histoire : l'histoire humaine de cet archipel atlantique qu'est Madère, apparu il y a plusieurs millions d'années, ne débutera qu'au XV ème siècle lorsque le Portugal découvre l’île de Madère. L'endroit deviendra le premier territoire du futur empire colonial portugais, tandis qu'au fil du temps, des pans entiers de l'économie locale passeront sous le contrôle de courtiers britanniques. Cette économie connut plusieurs cycles : il y eut d'abord le cycle du blé, entre 1425 et 1470, avec la mise en culture progressive d'un territoire qui n'avait au départ rien d'hospitalier. Zarco, Teixeira et Perestrelo, les trois découvreurs de l'île, prendront en charge l'administration de l'archipel au nom du roi en créant trois capitaineries correspondant à trois régions. Nos trois capitaines distribueront ainsi les terres défrichées et les colons auront l'obligation de les cultiver dans un délai de cinq ans. Dès 1450, la valorisation de Madère commencera à porter ses fruits tandis que la cote connait un fort peuplement au sud de l'île. Et l'île d'exporter miel, sucre, vigne et bois. Le climat et la richesse des sols aidant, on récoltera alors deux fois plus de blé qu'en Europe occidentale pour chaque boisseau ensemencé. Le cycle du sucre (1470-1520) prendra bientôt le relais devant l'abandon du blé par la Couronne portugaise qui recherchait déjà des récoltes plus lucratives. L'infant Henri aurait ainsi fait venir quelques plants de canne à sucre depuis la Sicile en 1433. La plante s'acclimatera si bien à Madère que la production de sucre (l'or blanc de l'île) augmentera de 1430% entre 1475 et 1495, au point de mobiliser la majorité des terres arables du sud de l'île, provoquant ainsi une pénurie de blé et entrainant le peuple madérien en pleine croissance vers la première famine de son histoire. Disettes et révoltes se succéderont donc de 1520 à 1580, avant que Madère ne passe sous domination espagnole pour les soixante années suivantes. Le dernier cycle économique, celui du vin, apparaitra à partir de 1640, après que les Portugais, excédés par les nouveaux impôts, ne chassent une fois pour toutes la gouvernance espagnole, laissant place à la Restauration, synonyme d'indépendance nationale. L'exploitation de la vigne, elle, va battre son plein à Madère : les vins élevés sur le versant nord seront réservés à la consommation locale et ceux du versant sud seront destinés à l'exportation.Ce nouveau produit va rapidement s'imposer comme premier produit d'exportation à la fin du XVII ème siècle.


 

La vieille ville de Funchal, surnommé aussi Zona Velha est un quartier plein de charme où commença véritablement l'histoire de la ville. Et c'est depuis un lieu symbolique, celui du marché des laboureurs (en photo ci-dessus) que je vais débuter cette balade matinale qui durera trois bonnes heures. Le bâtiment en lui-même n'est pas très impressionnant bien qu'il constitue un parfait exemple du style monumental tout particulièrement apprécié par l'Estado Novo, le régime nationaliste de Salazar. A l'entrée, je remarque une grande fresque faite d'azulejos et quelques marchandes de fleurs en costume traditionnel. L'intérieur ressemble à un vrai panier garni, avec plein de saveurs, de couleurs et de bonne humeur, et tout cela à des prix ...imbattables. C'est l'architecte Edmundo Tavares qui aménagera l'endroit faisant de ce marché une ville miniature avec son entrée, son patio central, et son marché aux poissons. Le patio central rassemble les producteurs locaux avec leurs corbeilles chargées de fruits parmi lesquels mangoustans, annones, grenades et papayes. Le marché aux poissons est quant à lui placé à l'arrière du bâtiment et occupe une halle entière, décorée d'azulejos de la firme Battistini.

Non loin de là s'étire la Rua Dr Fernao de Ornelas, artère le plus commerçante de la ville, qui conduit jusqu'à la placette Largo do Phelps en photo ci-dessous (du nom de la famille de philanthropes d'origine britannique, à qui l'on doit la production de dentelle madérienne et sa diffusion en Angleterre grâce à Elizabeth Phelps!)


 

Je rebrousse bientôt chemin pour rejoindre la Rua de Santa Maria, la plus ancienne rue de Funchal, tracée dès 1430 au tout début du peuplement de Madère et de cette zona velha (vieille ville). C'est à cet endroit que les premiers colons portugais bâtirent leurs maisons au XV ème siècle. Peu à peu, ce noyau historique de la ville deviendra un quartier de pêcheurs et on pouvait encore y observer au cours des années 1950des hommes en train de ravauder leurs filets tandis que les femmes brodaient sur le pas de leur porte alors que des gamins mendiaient quelques pennies aux passants britanniques. Comme d'autres quartiers anciens d'autres villes, l'endroit est devenu « bobo » et a vu disparaître de nombreuses échoppes. Et les habitants de réagir depuis 2010 afin de redonner un peu d'attrait à la célèbre rue Sainte Marie en faisant appel à des artistes-peintres : de nombreuses portes ont en effet été décorées avec des visions oniriques ou en trompe-l'oeil (ci-dessous). Opération réussie !


 

Après avoir parcouru (et admiré!) la longue Rua de Santa Maria, j'aboutis à Notre-Dame-de-Bon-Secours (ci-dessous), une église dont l'histoire est étroitement liée à saint Jacques, l'un des douze apôtres, tout spécialement vénéré ici à Funchal pour avoir mis fin à une épouvantable épidémie de peste qui décima la ville au début du XVI ème siècle. En 1521, Funchal vit une bonne partie de sa population fuir la ville à cause de la peste. Les autorités se réunirent pour tenter de trouver une solution à cette épidémie qui durait alors depuis plusieurs mois. Habituellement, Saint-Roch était invoqué par Funchal pour contrer l'épidémie mais celui-ci étant aux abonnés absents, on demanda à la population survivante de tirer au sort un saint plus « efficace ». Les habitants votèrent pour l'un des douze apôtres un certain 24 janvier 1523, les petits papiers furent déposés dans un sac ,et un enfant tira au sort...Saint Jacques ! Le vote avait eu lieu dans la cathédrale, laquelle possédait déjà un tableau du célèbre saint. Et les habitants de partir aussitôt en procession, le tableau du saint en tête, dans l'enthousiasme général. C'est ainsi qu'après l'épidémie (qui finit par s’arrêter) « Santiago » devint le patron de Funchal, qu'une procession a lieu pour le célébrer chaque 1er mai, et qu'une église (N.D de Bonsecours) sera érigée en son honneur. Cette église est la plus importante de la vieille ville et aussi la plus dorée, compte tenu de la riche décoration (dans le style mi-baroque et mi-rococo) qui lui a été offerte suite à sa restauration après le tremblement de terre de 1748.

 

Saint Jacques prête aussi son nom à un fort, tout proche : le fort Saint Jacques (ci-dessous en photo).A la suite du sac de Funchal entrepris par les corsaires français en 1572, la défense de la rade sera réorganisée. Jéronimo Jorge, »constructeur de fortifications», qui était venu s'installer à Madère, est chargé de l'ouvrage des murailles de la cité, œuvre qui sera achevée en 1637 par son fils Bartolomeu Joao, car notre homme décèdera en 1617 (trois ans après le début des travaux). Le premier plan de la forteresse date de 1654 et il semble que son auteur soit Bartolomeu Joao. Il s'agit d'une petite forteresse avec des terrasses disposées sur trois étages, terrasses toutes artillées. Ces terrasses à mi-hauteur étaient jumelées et donnaient accès à la terrasse inférieure par deux escaliers. Il n'en reste aujourd'hui plus qu'une de ce type, la seconde ayant été détruite lors de travaux d'agrandissement ultérieurs. Le fort Saint Jacques fermait ainsi les murailles de la ville au levant et comportait un escalier qui menait directement à la mer. Il ne reste désormais aucune des pièces d'artillerie présentes autrefois dans cette forteresse. Et le fort d'accueillir une vingtaine d'hommes au milieu du XVIII ème, tandis que de nouveaux travaux auront lieu au cours de ce même siècle, sous l'égide du gouverneur José Correia de Sa, qui fera l'acquisition de nouvelles armes à Londres. Ces travaux donnèrent au fort son apparence actuelle. Et une inscription datant de 1767 figure au-dessus de l'une des portes de cette place forte pour symboliser cette entreprise. Le XIX ème siècle sera quant à lui marqué par la présence massive d'Anglais sur l'île de Madère. Et la défense de Funchal de s'en trouver renforcée, avec l'envoi de 3500 soldats anglais commandés par le colonel Henry Clinton, lors des guerres napoléoniennes. Le fort abritera également des familles sans abri à la suite du glissement de terrain de Funchal en 1803, tandis que la maison du gouverneur du fort sera érigée dès le début du XIX ème. C'est dans cette maison que se tient actuellement une exposition permanente sur le patrimoine madérien. J'y trouverai plusieurs photos en noir et blanc relatant la vie à Funchal du temps de la Belle époque. Au tournant du siècle dernier, d'autres améliorations seront effectuées dans ce fort, peu avant la visite du roi du Portugal. Dom Carlos 1er déjeunera même sur place, et une tente militaire sera dressée pour l'occasion à l'intérieur de la forteresse, laquelle abritait alors une batterie d'artillerie mobile. C'est le 17 juillet 1992 que le fort Saint Jacques sera définitivement rattaché à la Région autonome de Madère. A cette époque, l'endroit servait encore de casernement pour la police de l'armée et pour un escadron des lanciers de Funchal.

 

Sur le chemin du retour, je fais une halte au Musée de l'électricité, installé dans l'ancienne station électrique de la ville inaugurée le 19 juin 1897. L'eau a coulé sous les ponts depuis l'installation des premiers points d'éclairage de la ville en octobre 1846. Cette année-là, trois lampes fonctionnant à l'huile d'olive avaient été installées par la municipalité (il y en aura 31 l'année suivante et...70 en 1849) et ce mode d'éclairage allait fonctionner jusqu'en 1870. Après la Madeira Electric Lighting Company, la régie municipale d'électricité allait voir le jour dès la fin des années 1940 et fournir l'énergie électrique à la ville de Funchal. Elle sera remplacée en 1974 par la EEM (Empresa de Eletricidade da Madeira) qui produit, achemine et distribue le courant électrique dans tout l'archipel. L'exposition située à l'étage me permet de découvrir les différentes sources d'énergie électrique partout dans le monde. Au rez-de-chaussée sont exposés d'anciens groupes électrogènes tandis, qu'à deux pas de là, se trouve toujours l'ancienne salle de commande de la sous-station de 1952.

Un autre musée, plus ludique, puisqu'il s'agit de celui du jouet retient mon attention : 20000 pièces sont ici exposées pour le bonheur des petits et...des grands qui retrouvent leur âme d'enfant. Six salles sont actuellement ouvertes au public et une septième est en cours d’aménagement (qui sera consacrée aux trains miniatures). Je m'attarderai surtout sur la première salle qui expose des jouets madériens et portugais. J'y apprendrai que le jouet fut introduit dans ce pays par Agostinho Oliveira da Costa Carneiro en 1878. Une première fabrique de jouets portugaise verra le jour dès 1892 mais cette production locale sera bientôt confrontée à l'arrivée de nombreuses copies étrangères en bois et en argile. Production qui chutera drastiquement lors de la guerre civile et de la Seconde guerre mondiale, pour repartir de plus belle à partir des années 1950. Les autres salles permettent d'admirer successivement des voitures et camions miniatures, des avions, bateaux, trains et maquettes militaires (matériels et troupes), des reproductions de Star Wars et des super héros pour terminer avec des poupées.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Marché des Laboureurs, entre les rues Brigadeiro Oudinot, l'hôpital Velho et Latino Coelho, à Funchal. Tél : +351 291 214 080. Ouvert du lundi au jeudi de 8h00 à 19h00, le vendredi de 7h00 à 20h00 et le samedi de 7h00 à 14h00. Entrée libre.
  • Eglise Notre Dame de Bon Secours, Largo do Socorro, à Funchal. Tél:+351 291 220 550.

  • Fort Saint Jacques, Rua do Portao de Sao Tiago, à Funchal. Tél:+351 291 213 340. Ouvert du mardi au dimanche de 9h30 à 17h00. Brochure sur l'histoire du fort disponible en français, anglais et portugais. Entrée : 3€. Site internet : http://cultura.madeira-edu.pt/museus/Museus/FortalezadeS%C3%A3oTiago/tabid/185/language/pt-PT/Default.aspx

  • Musée de l'électricité, Rua da Casa da Luz 2, à Funchal. Tél:+351 291 211 480. Entrée: 2,70€. Accès WiFi gratuit sur place: EEM-GUEST (code: EEMlivre2017). Site internet :https://www.facebook.com/museucasadaluz/

  • Musée du Jouet, Rua Latino Coelho N°39, à Funchal. Tél : +351 291 640 640. Site internet : http://www.armazemdomercado.com/museu/










 



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